Le procès de l’ex-wali de Tipaza s’est tenu dans d’excellentes conditions, où tous les droits ont été respectés...
Mercredi 28 juillet 2021, la vaste salle d'audience du rez-de-chaussée de la 1ère chambre correctionnelle de la cour d'Alger, sise l'Esplanade «Emiliano Zapata» du Ruisseau, était vraiment intéressante à suivre. Il s'agit de Mostefa Layadha, l'ex-wali de Tipaza, qui s'est bien défendu en jetant:«Monsieur le président, j'ai quitté BBA, en 1966, et je ne connais aucun investisseur de cette région jusqu'à ce que la direction de l'environnement de la wilaya de Tipaza, adresse un écrit aux autorités compétentes, en vue d'attirer l'attention seulement, sur les dangers nuisibles à l'environnement après la construction d'une usine de frigos! L'interrogatoire du prévenu a été un chef-d'oeuvre du genre car la composition pénale et le procureur général, étaient dans le coup. Il n'y avait pas de recherche de «poux» dans la tête du prévenu, pas d'idiotes brusqueries, de questions bêtes, et mieux, à n'importe quel moment des débats, jamais, Layadha, le prévenu qui était venu ce mercredi, reprendre sa liberté et surtout sa juste et méritée réhabilitation, n'a pas été empêché d'aller au bout de ses dires! «Il faut que tout le monde sache que ce monsieur, cet ex-wali n'est rien d'autre qu'un digne fils de l'Algérie profonde, qui a toujours été au seul service du citoyen!» a lancé, l'air fâché, mais décidé à tout entreprendre pour le bonheur de son client, Me Mouloud Aboubeker, le premier plaideur, qui a ajouté, avec un calme incroyable, le conseil. Ce ne sera pas le cas de Me Faouzi Hadjadj-El-Aouel, le «Doyen» des avocats venus de Tlemcen, non pas, faire du tourisme, mais pour tout essayer pour sauver le «soldat-Layadha», considéré par tous ceux qui l'ont connu et apprécié, comme un cadre hors du commun! Intervenant juste après son fils, Me Faouzi Hadjadj-El-Aouel, le vieux plaideur, s'est vu être violent, tant il n'a pas pu supporter l'injustice qui a frappé aveuglément l'ex-wali! Il s'est écrié, hors de lui: «L'article 33 est à rejeter car il n'y a pas de preuves! La secrétaire générale de la direction du tourisme n'a pas daigné se déplacer et témoigner. Elle a fait preuve d'une... Oh! Ce n'est même pas la peine de la qualifier!» Me Adil a entamé sa plaidoirie, en rappelant «qu'une voie de justice est une enceinte inviolable et le catalyseur du droit, que les citoyens ne peuvent être jugés sur de simples suppositions, mais sur des faits avérés et des preuves tangibles, éléments absents du dossier. Il a, par ailleurs, comparé l'action publique a une mécanique de précision qui doit parfaitement être huilée et où le manquement du moindre fait, mettrait l'engrenage en panne et ne saurait être juste! Il a précisé que par ces temps obscurs qui frappent l'Algérie, des hommes comme Layadi auraient fait face par leur compétence et qu'il n'y aurait certainement pas eu, de manque d'oxygène dans les hôpitaux. Il va finir en apothéose en narrant une belle anecdote vécue en France à l'occasion d'une rencontre entre des avocats. En effet, un confrère allemand, avait raconté à Me Adil, «que la 1ère boîte de précision, au Deutchland, reste la justice»! Ce rappel est dû au simple fait que «cette affaire n'a rien de pénal! Ce qui nous donne que toutes les poursuites contre cet honnête fonctionnaire sont un acte de non- droit!» Le mot injustice a été prononcé aux premières syllabes de l'intervention concise et parfaitement ajustée du rusé, mais discret, Me Mouloud Aboubaker qui a répété cent fois le mot «innocent», car selon l'avocat d'Alger, «Layadha est plus blanc que blanc! Il est en détention, depuis maintenant, un an! Après avoir rappelé que la «circulaire, ayant trait à l'octroi de lots de terrains, est claire», Me Aboubaker a mis en garde le trio de juges, sur une éventuelle erreur judiciaire! Le procureur général, ayant demandé l'aggravation de la peine, les avocats ont tous parlé de méconnaissance du dossier par le parquetier. Me Hassina Hamache, experte auprès des juridictions, venue assister aux joutes, a trouvé «les trois plaidoiries complémentaires et cela peut jouer en faveur de Layadha, dont la mine, faisait peine à voir!» La mise en examen du dossier a été fixée au mercredi 4 août 2021.
Cela fait plus de 60 ans que la France a commencé ses essais nucléaires en Algérie, pays d’Afrique du Nord, et comme beaucoup d’essais menés sur des sols étrangers, leur héritage continue d’agir comme un poison radioactif pour le peuple nord-africain et ses relations avec les anciens de la nation. souverain colonial.
La question est revenue sur le devant de la scène après que le président Emmanuel Macron a déclaré mardi en Polynésie française que Paris avait “une dette” envers le territoire du Pacifique Sud pour les essais atomiques qui s’y sont déroulés entre 1966 et 1996.
Les dommages que les méga-explosions ont causés aux personnes et à la nature dans les anciennes colonies restent une source de ressentiment profond, considéré comme la preuve d’attitudes coloniales discriminatoires et de mépris pour la vie locale.
« Les maladies liées à la radioactivité se transmettent en héritage, génération après génération », a déclaré Abderahmane Toumi, chef du groupe de soutien aux victimes algériennes El Gheith El Kadem.
“Tant que la région sera polluée, le danger persistera”, a-t-il déclaré, citant de graves effets sur la santé, des malformations congénitales et des cancers aux fausses couches et à la stérilité.
La France a effectué avec succès son premier essai de bombe atomique dans les profondeurs du Sahara algérien en 1960, ce qui en fait la quatrième puissance nucléaire mondiale après les États-Unis, l’Union soviétique et la Grande-Bretagne.
Aujourd’hui, alors que l’Algérie et la France luttent pour faire face à leur douloureuse histoire commune, l’identification et la décontamination des sites radioactifs restent l’un des principaux litiges.
Dans son rapport historique sur la domination coloniale française et la guerre d’Algérie de 1954-62, l’historien Benjamin Stora a recommandé la poursuite d’un travail conjoint qui examine « les emplacements des essais nucléaires en Algérie et leurs conséquences ».
Dans les années 1960, la France avait pour politique d’enterrer tous les déchets radioactifs provenant des essais de bombes algériens dans les sables du désert et, pendant des décennies, a refusé de révéler leur emplacement.
“Retombées radioactives”
L’ancien ministre algérien des Anciens Combattants Tayeb Zitouni a récemment accusé la France de refuser de publier des cartes topographiques qui identifieraient “les sites d’enfouissement de déchets polluants, radioactifs ou chimiques non découverts à ce jour”.
“La partie française n’a techniquement mené aucune initiative pour nettoyer les sites, et la France n’a entrepris aucun acte humanitaire pour indemniser les victimes”, a déclaré Zitouni.
Selon le ministère des Armées à Paris, l’Algérie et la France « traitent désormais l’ensemble du sujet au plus haut niveau de l’État ».
“La France a fourni aux autorités algériennes les cartes dont elle dispose”, a précisé le ministère.
Entre 1960 et 1966, la France a mené 17 essais nucléaires atmosphériques ou souterrains près de la ville de Reggane, à 1 200 kilomètres (750 miles) de la capitale Alger, et dans des tunnels de montagne sur un site alors appelé In Ekker.
Onze d’entre elles ont été menées après les accords d’Évian de 1962, qui ont accordé l’indépendance à l’Algérie mais comportaient un article autorisant la France à utiliser les sites jusqu’en 1967.
Un nuage radioactif provenant d’un test de 1962 a rendu malade au moins 30 000 Algériens, a estimé l’agence de presse officielle du pays APS en 2012.
Des documents français déclassifiés en 2013 ont révélé d’importantes retombées radioactives de l’Afrique de l’Ouest vers le sud de l’Europe.
L’Algérie a mis en place le mois dernier une agence nationale pour la réhabilitation des anciens sites d’essais nucléaires français.
En avril, le chef d’état-major de l’armée algérienne, le général Saïd Chengriha, a demandé à son homologue français de l’époque, le général François Lecointre, son soutien, y compris l’accès à toutes les cartes.
“Nous respectons nos morts”
Recevoir les cartes est “un droit que l’Etat algérien revendique avec force, sans oublier la question de l’indemnisation des victimes algériennes des essais”, a souligné un officier supérieur de l’armée, le général Bouzid Boufrioua, dans le magazine du ministère de la Défense El Djeich.
“La France doit assumer ses responsabilités historiques”, a-t-il soutenu.
Le président Abdelmadjid Tebboune a toutefois écarté toute demande d’indemnisation, déclarant à l’hebdomadaire Le Point que “nous respectons tellement nos morts qu’une compensation financière serait une dévalorisation. Nous ne sommes pas un peuple mendiant”.
La France a adopté une loi en 2010 qui prévoyait une procédure d’indemnisation pour « les personnes souffrant de maladies résultant de l’exposition aux rayonnements des essais nucléaires effectués dans le Sahara algérien et en Polynésie entre 1960 et 1998 ».
Mais sur 50 Algériens qui ont depuis lancé des revendications, un seul, un militaire d’Alger qui était stationné sur l’un des sites, “a pu obtenir une indemnisation”, affirme la Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires (ICAN).
Aucun résident de la région désertique reculée n’a été indemnisé, a-t-il déclaré.
Dans une étude publiée il y a un an, “La radioactivité sous le sable”, ICAN France a exhorté Paris à remettre à l’Algérie une liste complète des lieux de sépulture et à faciliter leur nettoyage.
Le traité de 2017 sur l’interdiction des armes nucléaires oblige les États à fournir une assistance adéquate aux personnes touchées par l’utilisation ou les essais d’armes nucléaires.
Il a été signé par 122 États membres de l’ONU – mais par aucune des puissances nucléaires. La France a fait valoir que le traité était “incompatible avec une approche réaliste et progressive du désarmement nucléaire”.
ICAN France dans son étude a fait valoir que « les gens attendent depuis plus de 50 ans. Il faut aller plus vite.
“Nous sommes toujours confrontés à un problème sanitaire et environnemental important qui doit être traité le plus rapidement possible.”
En offrant ses bons offices, la Suisse permet la tenue de négociations entre le Front de libération nationale algérien et la France. Ces négociations sonnent la fin de la guerre et mènent à l’indépendance algérienne.
La guerre d’Algérie (1954-1962) oppose la France au Front de libération nationale algérien (FLN) qui se bat pour son indépendance. En 1960, les premiers pourparlers entre le FLN et le gouvernement français se soldent par un échec. C’est par l’intermédiaire du diplomate suisse Olivier Long que le contact est rétabli en 1961.
La Suisse offre ses bons offices pour l’organisation de rencontres informelles qui, en mai 1961, débouchent sur des négociations officielles. Ces dernières ont lieu à Évian, en France, mais c’est de l’autre côté du lac, en Suisse, près de Genève, que la délégation algérienne prend ses quartiers. Les Suisses assurent la sécurité et le transport des délégués algériens. La rencontre ne permet pas aux deux parties de conclure un accord.
En mars 1962, la Suisse accueille à nouveau la délégation algérienne pour des négociations finales à Évian. Les discussions sont fructueuses, les accords d'Évian sont signés. Cela marque la fin de sept ans de guerre et l’ouverture de la voie à l'indépendance algérienne.
Près de soixante ans après l’indépendance, quatre ouvrages retracent la trajectoire des vaincus de la guerre d’Algérie. Aujourd’hui encore, leur histoire modèle le présent.
On est toujours loin d’en avoir fini avec la guerre d’Algérie, près de soixante ans après l’indépendance. L’intérêt porté en avril dernier, des deux côtés de la Méditerranée, à l’ouverture d’archives françaises, en l’occurrence celles concernant les disparus au cours des hostilités, l’a prouvé une fois de plus. Même s’il ne s’agissait encore que d’un petit pas sur le chemin de la transparence concernant la période 1954-1962…
Côté français, il reste en effet beaucoup à faire pour rendre disponible tous les documents utiles aux historiens. Et côté algérien, la situation est bien pire : la plupart des archives demeurent inaccessibles et le travail des spécialistes qui refusent de s’en tenir à la seule histoire « officielle » de la guerre d’indépendance n’est guère encouragé – c’est une litote.
Ne reste donc, à l’évidence en Algérie et à un moindre degré en France, que les ouvrages des chercheurs ou chroniqueurs soucieux de traquer avec acharnement la vérité historique pour découvrir de nouveaux épisodes ou des versants méconnus de la guerre d’Algérie.
Quelques-uns d’entre eux, sortis récemment, éclairent d’un jour nouveau tout un aspect du conflit, avant, pendant et après les hostilités proprement dites. Ils évoquent le parcours de ceux qui, parmi les Algériens, n’ont pas accepté sans réserve ou pas accepté du tout le leadership du FLN pendant la guerre. Une histoire des perdants, donc.
Ce mouvement s’appelait alors le MTLD (Mouvement pour le triomphe de libertés démocratiques), vitrine politique du PPA (Parti du peuple algérien), lequel, interdit et donc clandestin, avait succédé à l’Étoile Nord-Africaine après sa propre interdiction par la France du Front Populaire. À nouveau interdit dès la fin 1954 par les autorités coloniales, qui lui attribuent alors la responsabilité des attentats du 1er novembre, le MTLD réapparaîtra sous le nom de MNA pendant toute la durée de la guerre puis après 1962 sous son ancienne appellation de PPA.
Même s’il avait formé tous ceux qui ont décidé d’agir en 1954, ce n’est pas le MTLD mais les animateurs de sa branche activiste entrés en dissidence, principaux fondateurs du FLN, qui se sont lancés les premiers armes à la main dans la guerre contre le colonisateur. Le MNA aura beau créer à son tour des maquis, revendiquer sa part dans le combat indépendantiste, il sera assez vite marginalisé, au prix de luttes fratricides sanglantes (au moins 4 000 morts), par un FLN à la volonté hégémonique.
Malgré la volonté du pouvoir algérien de placer le MNA dans le camp des traîtres et de l’effacer des livres d’histoire après 1962, le parcours du mouvement messaliste et les épisodes de la véritable guerre civile qui a opposé le MNA et le FLN au temps des hostilités étaient déjà assez connus. Notamment grâce aux travaux de l’historien algérien Mohammed Harbi et du Français Benjamin Stora – dont on vient de rééditer six livres majeurs dans la collection Bouquins chez Robert Laffont sous le titre Une Mémoire algérienne(1088 p., 32 euros).
L’ouvrage de Nedjib Sidi Moussa est cependant sans doute le premier à tenter de retracer aussi précisément non seulement l’histoire des militants nationalistes qui sont restés fidèles envers et contre tout à Messali mais aussi l’évolution du programme et de l’idéologie de leur parti. Aussi bien juste avant la guerre, lors de la scission du MTLD, que pendant celle-ci, et même après puisque, malgré l’exil de ses dirigeants, le PPA se voudra désormais un des fers de lance du combat pour la démocratie et ne disparaîtra donc pas totalement du paysage politique algérien.
SI LE FLN A RÉUSSI À DEVENIR HÉGÉMONIQUE, LE NATIONALISME ALGÉRIEN FUT TOUJOURS PLURALISTE.
L’intérêt de l’ouvrage est de nous faire découvrir quantité d’archives inédites, à commencer par le journal inachevé de Moulay Merbah, qui restera jusqu’au bout l’un des principaux lieutenants de Messali, et d’innombrables compte-rendu des réunions, souvent agitées, des dirigeants messalistes. Mais également de montrer que le nationalisme algérien, même si le FLN a réussi à devenir hégémonique, fut toujours pluraliste. Ce qui n’est pas rien à l’heure où le régime algérien directement issu de la victoire de 1962 et de l’accaparement de cette victoire par les seuls « militaires » au détriment des « politiques » du FLN est fortement contesté et va certainement le rester quel que soit le sort final du Hirak.
La division des communistes
Autre perdant de la guerre, puisqu’il lui a fallu abandonner son autonomie pour rejoindre finalement le FLN, le Parti communiste algérien méritait également, tout comme sa « maison mère », le Parti communiste français, une tentative de reconstitution très documentée de ses actions et de ses positions très controversées avant et pendant la guerre d’indépendance.
Avec son monumental ouvrage Les communistes et l’Algérie – 1920-1962 (La Découverte, 664 p., 28 euros), Alain Ruscio a mené cette entreprise avec minutie et une grande objectivité. Il fait apparaître comment communistes algériens et PCF ne pouvaient que diverger dans leurs trajectoires à partir du moment où le PCA a cessé d’être dominé par les « Européens » au profit des militants « indigènes », qui n’avaient aucune raison de rester prudents face à la perspective de l’indépendance.
Il explique fort bien, ce qui va de pair, comment ne pouvaient aussi que diverger, depuis le tout début du combat pour l’indépendance, à partir des années 1920, les aspirations des nationalistes et celles des communistes, ces derniers plaçant au dessus de tout le combat internationaliste et la révolution mondiale.
Perdants encore, d’une tout autre façon, les juifs d’Algérie, qui peuplaient le territoire depuis des siècles, bien avant la colonisation, et dont Jacques Attali retrace le destin dans l’Algérie coloniale puis, brièvement, pendant la guerre dans son livre L’Année des dupes : Alger, 1943 (Fayard, 352 p., 20,90 euros).
Bien que traités jusqu’au décret Crémieux de 1870 comme des non-citoyens à l’instar des musulmans algériens, ce qui se reproduira pendant la honteuse parenthèse de Vichy, ils ne se résoudront jamais, refusant les approches des indépendantistes, à rejoindre, sauf rares exceptions, le combat nationaliste. Ce qui les conduira à devoir partager le sort des pieds noirs « européens » fuyant massivement vers la métropole en 1962.
Réconcilier les mémoires entre Alger et Paris sur la période de la guerre d’Algérie. Le défi est de taille. Emmanuel Macron, premier chef d’Etat français né après l’indépendance de l’Algérie, semble décidé à tendre la main. Mais quasiment soixante ans après la fin de la guerre, le point de vue algérien sur le sujet reste encore très éloigné du point de vue français. La question est sensible et très instrumentalisée politiquement.
Le Raïs voudrait mettre fin au règne des Narcisses qui ont terni l’image du pays des délices. Au fond de lui-même, il les prend pour les incarnations d’Iblis d’où son refus de les comprendre et son désir de les confondre. Kaïs Saïed n’a pas remis l’Etat en cause mais seulement démis du pouvoir ceux qui l’ont mis dans un mauvais état: celui d’un ordre apparent qui simule et dissimule un désordre réel.
Première interrogation
Que reproche le premier des tunisiens aux derniers des tunisiens ?
De ne pas avoir la fibre patriotique, d’être fébrilement narcissiques. Leur erreur est une faute, leur bonheur porte malheur, non parce qu’ils s’aiment plus que de raison, alors qu’ils n’ont aucune raison de s’aimer, non, mais parce qu’ils passent leur temps à s’admirer.
Miroir, mon beau miroir, c’est moi que je cherche quand je gratte le fond des tiroirs, moi, tout moi mais rien que moi.
Kaïs en est persuadé : il n’y a pas plus laid que le reflet. Tous les loups ou les voyous tunisiens en ont fait leur métier. Nuire pour luire et luire pour ravir les cœurs et gravir les marches du pouvoir, du sexe et de l’argent.
Ils sont tous devenus apôtres : leurs têtes passent avant toutes les autres. N’importe que ce qui rapporte, non pas l’essentiel mais les légendes personnelles. Celle de Narcisse n’a donc rien d’exceptionnel!
Voilà ce que leur reproche le Cid : de se nourrir, de se vêtir, de s’enrichir aux dépens de leur propre pays, de le trahir au lieu de le servir. Vol de jour et de nuit.
Deuxième interrogation
Combien de temps va-t-il falloir geler les institutions pour éradiquer le virus qui prive depuis fort longtemps Tunis de son tonus ?
Le vice est partout et à part Dieu, nul ne pourrait y mettre fin du jour au lendemain. Et pourtant c’est cet élan divin qui semble animer notre leader qui ne voudrait pas voir son peuple se laisser faire. Il joue les garde-fous pour que les jeunes tunisiens ne soient plus pris entre deux feux : le feu de l’exil, la nouba et le feu de l’asile : la Manouba.
Kaïs el Raïs sait plus que n’importe qui qu’il ne peut exercer ce pouvoir mal fichu qu’au péril de sa vie. Il ne cèdera ni aux dérangés qui l’entourent de toute part ni aux étrangers qui ne distinguent toujours pas le cochon du lard… en feignant d’oublier que la politique est avant tout un Art, l’art de se gouverner avant de gouverner les autres.
L’homme de Carthage ne voudrait surtout pas redorer l’image de son pays comme l’ont fait ses voisins marocains, mais montrer son visage, son vrai visage qui n’adore et ne peut adorer que le vrai.
Et qu’est-ce que le vrai pour un vrai tunisien ?
C’est la mesure du Bien, le bien comme unité de mesure : Kaïs el Khir qui n’est rien d‘autre que le souci des autres. C’est facile à comprendre mais difficile à faire comprendre : un hôpital qui soigne, une école qui instruit, une entreprise qui offre une prise sur le réel au lieu de promettre un paradis artificiel.
Ça prendra le temps que ça prendra, le Raïs ira au bout et ne se rendra pas.
Troisième interrogation
Si l’appât du gain gangrène tous les bien-lotis, où va-t-il trouver les hommes qui veulent bien voler au secours des mal-lotis ? (les mal-nourris, les mal-logés, les mal-instruits, les mal-soignés, les mal-informés… la liste des maux est longue)
Mais Kaïs Saïed est persuadé que son pays dispose des hommes qu’il faut, mais que son pays ne fait pas ce qu’il faut pour les chercher, trouver et éprouver.
Des hommes de bonne volonté qui n’ont d’autre parti que leur patrie… qu’ils aiment, admirent et adorent avant eux-mêmes et après Dieu. Ya Ilahi laka al hamd.
Les partis islamistes algériens, proches des Frères musulmans, ont, sans surprise, condamné ce qu’ils qualifient de « coup d’État ».
Les soubresauts de la Tunisie ne cessent d’avoir des échos dans l’Algérie voisine et les récents développements au sein de la deuxième république post-révolution du Jasmin ne font pas exception. L’initiative du président Kaïs Saïed d’appliquer l’article 80 de la Constitution, s’imposant comme unique tête de l’exécutif, gelant le Parlement et démettant son chef de gouvernement, tout en neutralisant la majorité parlementaire d’Ennahdha, ce 25 juillet, a été abondamment commentée en Algérie, aussi bien dans les médias que dans les réseaux sociaux ou au sein d’une partie de la classe politique. Comme attendu, ce sont les deux branches algériennes des Frères musulmans (FM) qui ont le plus vivement critiqué le président tunisien. Geste de solidarité assumé avec leurs coreligionnaires tunisiens d’Ennahdha, comme ils l’ont fait lors du coup de force du maréchal Sissi contre les Frères musulmans, en Égypte, l’été 2013, ou lors du putsch raté, en Turquie, contre Recep Tayyip Erdogan, en 2016. À noter le silence des autres partis, notamment dits laïques ou progressistes, ou des partis proches du pouvoir.
Les Frères musulmans algériens crient au « coup d’État »
Avant même que son parti ne prenne une position officielle, le président du Mouvement pour la société de la paix (MSP, tendance FM), Abderrazak Makri, s’est fendu d’une déclaration sur sa page Facebook : « Kaïs Saïed entraîne la Tunisie et toute la région dans une grande fitna [instabilité] en renversant la Constitution et la démocratie tunisiennes. » « Les puissances internationales et les dirigeants arabes qui l’ont planifiée et soutenue ainsi que les extrémistes laïques en Tunisie préfèrent le chaos à la démocratie, ceux-là sont tous au service du projet sioniste et colonial », ajoute le leader islamiste quelques heures après les annonces de Kaïs Saïed.
Cette diatribe a été suivie du communiqué officiel du bureau exécutif du MSP, qui a dénoncé « un coup d’État contre la Constitution tunisienne et la volonté du peuple tunisien », tout en appelant les autorités algériennes à « soutenir les institutions légales en Tunisie, à condamner le coup d’État, à considérer les décisions unilatérales et anticonstitutionnelles [de Saïed] comme étant un danger pour la Tunisie et pour son voisinage ».
Le même ton est de mise du côté de l’autre aile des Frères musulmans en Algérie, le Front de la justice et du développement (FJD, ou El Adala) : « Tous les éléments constitutifs d’un coup d’État sont réunis. Le président tunisien n’a pas le droit de geler ni de dissoudre le Parlement, de lever l’immunité des députés ou de dissoudre le gouvernement. L’armée n’a pas le droit de fermer les institutions devant des élus légitimes. »
Car El Adala, comme l’assume son leader Abdallah Djaballah, considère que ce sont les généraux de l’armée tunisienne qui sont réellement derrière le « coup » de Kaïs Saïed, une manière – quelque peu forcée – de plaquer sur la Tunisie le schéma du coup de force d'Abdel Fattah al-Sissi en Égypte contre le défunt président Mohamed Morsi et les Frères musulmans.
« Au lieu de s’attacher aux acquis démocratiques, le despotisme a gagné [le président tunisien], ce qui a attiré l’armée vers lui, le convainquant d’abandonner sa neutralité et de devenir l’outil [de l’armée] pour réaliser un coup d’État », écrit Abdallah Djaballah sur les réseaux sociaux. Et, dans une déclaration à un média algérien, le président d’El Adala n’hésite pas à cibler le soutien à Kaïs Saïed « de la part des pays qui ont normalisé [avec Israël], particulièrement les Émirats arabes unis ». « Émirats arabes unis dont l’un des plus actifs porte-parole sur Twitter, le chef adjoint de la police de Dubaï [Dhahi Khalfan Tamim] a tweeté le 22 juillet, trois jours avant le coup d’État de Saïed : "Bonne nouvelle, un nouveau coup, très fort, va bientôt frapper les Frères musulmans" », confie un cadre d’un parti islamiste algérien pour incriminer cet émirat très hostile à la confrérie.
Pour en revenir à Abdallah Djaballah, il a fustigé des « juristes et des personnalités du hirak qui ont soutenu le président tunisien », considérant qu’il s’agit d’une « guerre du courant laïque contre l’islam » afin de « protéger les intérêts illégaux de l’Occident dans [leurs] contrées ». Ce tir ciblé du leader islamiste rappelle les débats houleux en Algérie dès qu’il s’agit de l’équation islamisme politique et conquête du pouvoir.
Les premières victoires électorales du parti islamiste tunisien post-2011 avaient poussé des Algériens, en un effet de miroir historique, à réanalyser les scénarios d’une prise du pouvoir par le Front islamique du salut (FIS, parti dissous) après les premières législatives pluralistes algériennes de 1992.
Cette méfiance de l’islamisme politique se reflète très clairement dans certains éditoriaux de la presse algéroise en ce mardi 27 juillet, et même chez des intellectuels comme l’écrivain Amin Zaoui. Ce dernier poste sur sa page Facebook : « Je suis du côté de la Tunisie de la modernité, de l’égalité homme-femme, de la justice, de la diversité et de l’ouverture… Défendre l’avenir de la Tunisie menacée passe avant le ramassis d’institutions préfabriquées et budgétivores. »
L’écrivain, très critique envers les conservateurs et les islamistes, ne dit pas autre chose que l’éditorialiste d’El Watan qui titre « Sauver la Tunisie d’abord »: « La jeune démocratie tunisienne souffrira peut-être d’une crise constitutionnelle et le chemin sur lequel s’engage le pays est incertain, mais l’indéniable légalisme du constitutionnaliste Saïed et l’adhésion populaire à sa démarche, surtout, désarment ses adversaires d’Ennahdha et leurs alliés. » Optimiste, le grand quotidien assène : « Ces Tunisiens qui ont ébloui le monde par leur révolution en 2011 contre le régime autoritaire et corrompu de Ben Ali, et résisté par la suite face au projet islamiste, sont certes fatigués par les coups successifs de la contre-révolution soutenue par le capitalisme mondial et l’internationale des Frères musulmans, mais ces Tunisiens sont capables du meilleur face aux défis actuels. »
Dans la même famille idéologique qu’El Watan, Le Soir d’Algérie y va aussi de son soutien au président tunisien : « Sur ordre de Kaïs Saïed, l’armée tunisienne a bouclé le Parlement. C’est antidémocratique, diront certains, écrit l’éditorialiste Maâmar Farah. Pour nous, il s’agit d’un acte salvateur qui protège la Tunisie contre les démons de la déstabilisation. À cause d’un parlementarisme mal adapté à nos pays, notre voisin a failli s’effondrer, d’autant plus que les Frères musulmans au pouvoir n’ont pas joué le jeu de la démocratie. »
« Ghannouchi a livré la Tunisie à la Turquie »
Plus radicale, la journaliste et directrice du quotidien El Fadjr, Hadda Hazem, ne mâche pas ses mots contre les kh’wandjiya (les « frérots »), pour reprendre ses termes, ciblant les Frères musulmans et leurs branches politiques à travers le monde arabe et en Turquie. « Le président tunisien n’est plus, après les décisions prises, une poupée entre les mains de Rached Ghannouchi [leader historique d’Ennahdha] pour gouverner la Tunisie à sa guise, comme ce fut le cas avec l’ex-président Moncef Marzouki », écrit-elle dans son éditorial. « Le président tunisien ne fait que répondre aux revendications du peuple tunisien qui a fait dégager la corruption de Ben Ali par la porte qui est revenue par la fenêtre sous la tunique de Ghannouchi et de ses hommes, Ghannouchi qui a livré la Tunisie, sa sécurité et ses secrets à la Turquie pour s’en disposer comme cela lui plaît », poursuit Hadda Hazem.
Pour sa part, l’éditorialiste de Liberté aborde un autre angle : « L’incapacité des dirigeants à contenir leurs conflits à l’intérieur des institutions est le signe de la faiblesse des forces politiques nationales. Mais aussi et surtout le fait d’influences d’acteurs extérieurs. La Tunisie est aussi le terrain où se jouent des rivalités régionales. Il faut dire que nombre de régimes du Proche et du Moyen-Orient voyaient d’un mauvais œil la réussite de la révolution du Jasmin, abandonnée économiquement. Ils se sont, en revanche, ingéniés à nourrir les tensions entre courants politiques locaux. »
Du côté officiel, rien ne filtre sur l’analyse faite par les autorités algériennes de la nouvelle situation en Tunisie. On saura néanmoins que Kaïs Saïed a appelé, lundi 26 juillet, son homologue algérien pour évoquer « les développements de la situation en Tunisie » et que le chef de la diplomatie algérienne, Ramtane Lamamra, a visité Tunis ce mardi pour rencontrer le président tunisien. Mais, pour le moment, Alger s’abstient de commenter officiellement l’évolution des événements chez le voisin.
Publié aux Editions «Dar El Qobia», ce récit de 231 pages relate la vie dans ce quartier et son histoire, telles que perçues par ses habitants et tente d'expliquer aux plus jeunes la valeur et l'amour portés à Bab El Oued même après avoir perdu son lustre...
L'histoire de l'un des quartiers emblématiques d'Alger, Bab El Oued, sa création, le mode de vie qui y régnait de la période coloniale aux années 1980, ses stades, plages et salles de cinéma constituent le dernier récit de Mahdi Boukhalfa publié récemment sous le titre «La Cantera, il était une fois Bab El Oued». Publié aux Editions «Dar El Qobia», ce récit de 231 page relate la vie dans ce quartier et son histoire, telles que perçues par ses habitants et tente d'expliquer aux plus jeunes la valeur et l'amour portés à Bab El Oued même après avoir perdu son lustre.
L'auteur revient sur la création de ce quartier, aux premières années de la colonisation française, par des Espagnols, des Maltais, ou encore des Italiens qui s'étaient installés dans des baraquements au pied d'une carrière, qui deviendra vers 1900 la «carrière Jaubert», et qui ont fondé la Cantera, carrière en espagnol. Il revient sur sa jeunesse dans le quartier et sa scolarisation au lycée Emir Abdelkader qui a vu passer sur ses bancs d'illustres personnalités de divers horizons, à l'image de l'écrivain et anthropologue Mouloud Mammeri, l'écrivain Albert Camus, Dalil Boubakeur le recteur de la mosquée de Paris, ou encore le comédien Roger Hanin.
Le Bab El Oued des années 1970 occupe une place importante dans cet ouvrage qui raconte les files d'attente interminables devant les nombreuses salles de cinéma du quartier comme le Lynx, le Plaza ou le Marignan, les innombrables cafés-bars et les vitrines des nombreux libraires et disquaires. L'auteur raconte également un quartier populaire où les places publiques sont très prisées, et jouent un rôle important dans ce microcosme de la société où la passion pour le football et les grands clubs algérois côtoie l'amour de la mer et de la pêche.
La vie à Bab El Oued est également rythmée par les rencontres de football entre les deux grands clubs de la capitale, MCA et USMA, des derbys que l'auteur restitue dans le moindre détail depuis l'ambiance festive d'avant match jusque dans les tribunes à Bologhine et plus tard au stade du 5 Juillet.
L'auteur témoigne également des événements du 5 octobre 1988 dans ce quartier et la «fusillade du 10 octobre de la même année qui a fait des dizaines de morts et de blessés (...), une date restée comme un trou béant dans la mémoire du quartier». Autre épisode dramatique de l'histoire de ce quartier, les inondations de novembre 2001 qui ont fait des centaines de morts et de disparus et qui ont définitivement changé l'aspect du quartier et fragilisé de nombreuses bâtisses, est également relaté par l'auteur. Mahdi Boukhalfa évoque, par ailleurs, un «univers urbain particulier» qui a subi de nombreux changements, souvent brusques, comme l'aménagement de la plage Rmila, l'abandon des salles de cinéma, ou encore récemment «la destruction et la disparition sans gloire du marché des Trois Horloges». Né à Alger en 1955, Mahdi Boukhalfa est sociologue de formation et journaliste de profession qui a entamé sa carrière en 1983 à l'agence de presse Algérie presse service. Il signe en 2019 son premier ouvrage «Mama Binette, naufragée en Barbarie» qui sera suivi de «La révolution du 22 février» et «La marche d'un peuple, les raisons de la colère» sorti fin 2020 et de «Pavillon Covid-19, sept jours en enfer» un récit publié en début d'année.
j’ai la tête qui éclate… je voudrais seulement dormir pour ne plus m’entendre gémir comme une bête qu’on emmène à l’abattoir sous prétexte qu’on n’a plus les moyens de la vacciner contre le désespoir !
Je suis contrainte et forcée de décevoir tous ceux qui parlent de coup d’état en désignant la Tunisie du doigt, ses déboires et ses retournements de l’histoire… j’aurais plutôt tendance à croire que sa Révolution du Jasmin n’a été qu’une feinte pour couvrir les désespoirs et les craintes d’un peuple qu’on a toujours privé du droit de porter plainte.
Non, ce n’est pas un coup d’état mais un coup d’éclat.
Coup d’éclat… d’une tête qui éclate comme un ballon parce qu’on a trop soufflé dedans… Trop c’est trop ! Éclat d’abus qui fait le même bruit qu’un éclat d’obus ! Au point que plus personne n’arrive à recoller les morceaux ! Les morceaux d’un Etat qui n’a pas fini d’essuyer des revers. Revers d’une médaille obtenue après une course à l’envers.
Pour jouer cartes sur table et vous rendre ce mal supportable, j’ai songé à une fable pour vous attester que les hommes ne sont peut être pas les mêmes, mais leurs vices sont toujours les mêmes, invariables !
Il était une fois un porc enfermé dans une cage au parc zoologique du Belvédère, qui attirait un peu trop les commères.
Ce qu’il y a de plus spectaculaire chez ce porc, c’est que non seulement il vit dans la merde mais semble apprécier la merde dans laquelle il vit.
Parmi les visiteurs, rares sont ceux qui osent lui jeter la pierre et lui reprocher son goût de merde… Et parce que chacun estime que chacun a besoin de sa dose, aucun n’a cru bon d’anticiper cette overdose qui empêche aujourd’hui le pays de voir l’avenir en rose…
Mais Dieu merci, la Tunisie ne manque ni de génies ni de grands esprits pour apprendre au cochon de ne pas pousser le bouchon plus loin!
Le premier visiteur est un juriste qui a été froissé devant ce spectacle affligeant avant de s’adresser au porc en lui disant : Je vous demande de vous arrêter…puis il harangua tous les passants en leur disant qu’ils peuvent tous être accusés de non assistance à personne en danger, et qu’ils doivent tout faire pour l’empêcher de se salir ainsi et tout salir autour de lui. Question de salubrité publique… de vérité sanitaire !
Le deuxième visiteur est un républicain c'est-à-dire : quelqu’un qui sait ce que c’est qu’être à la page, surtout lorsque c’est lui qui la noircit…il dit : laissez le vivre, laissez le suivre ce qui lui fait envie… c’est son choix ! Il est libre d’aimer ce qu’il aime, pour vous c’est du fiel, pour lui, c’est du miel. N’est-ce pas le plus essentiel ?
Le troisième visiteur est un communiste… il a vu rouge en observant le cochon qui patauge… selon lui, il n’y a qu’une issue à ce genre de surprise party : le débarrasser de sa merde ou le forcer à s’en passer. Au karcher pour que son incurie ne nous coûte pas plus cher !
Le quatrième visiteur est un intégriste. Pour lui il n’y a pas quatre chemins, il n’y en a qu’un : le sien qui dit qu’il faut abattre l’animal odieux. L’égorger au lieu de l’héberger ! si vous ne le faîtes pas pour vous, faites le pour Dieu.
Conclusion
Je ne sais pas si j’ai trouvé le bon moyen de transport avec cette fable dont la morale consiste à dire que les tunisiens ne doivent surtout pas oublier que le porc est un leurre et non l’un des leurs.
Cet ouvrage publié aux éditions Chihab est une enquête “à l’encontre de bien des relectures biaisées” de l’Histoire, sur la base d’archives et de témoignages, des pièces du procès El-Okbi et le compte rendu quotidien qu’en fit le jeune Albert Camus dans “Alger Républicain”.
Ce 2 août 1936 à Alger, l’avenir de tout un pays allait se jouer. Au Stade municipal, à Belcourt, le Congrès musulman algérien organise un meeting qui rassemble quelque quinze mille personnes. Le même jour, Messali Hadj, venu par surprise de Paris où il dirige l’Étoile nord-africaine, dénonce la perspective de “rattachement à la France”, prônée par le Congrès. Au même moment, dans la basse Casbah, le muphti d’Alger est poignardé. Ces trois événements, dont l’action se déroule dans la même ville et quasi simultanément sont le point de départ de l’auteur Christian Phéline, pour une rétrospective sur les enjeux politiques et le contexte social de l’Algérie des années 1930.
Entre les assimilationnistes, les indépendantistes et l’administration coloniale, cette journée présage de tous les bouleversements à venir, à commencer par les manipulations de l’administration coloniale. Cette dernière s’empresse d’imputer l’assassinat du muphti Bendali Amor Mahmoud ben Hadj au cheikh El-Okbi, figure algéroise du réformisme musulman. Ces trois événements, décisifs pour l’avenir de la nation, auront des conséquences sur le combat ultérieur pour l’indépendance. La Terre, l’étoile, le couteau, Alger, le 2 août 1936 (éditions Chihab) est une enquête “à l’encontre de bien des relectures biaisées” sur la base d’archives et de témoignages, des pièces du procès El-Okbi et le compte rendu quotidien qu’en fit le jeune Albert Camus dans Alger Républicain. Il réunit, par ailleurs, des éléments neufs “qui pourraient lever le mystère du dossier criminel” dans l’affaire du muphti d’Alger. À la manière d’un historien, Phéline reconstitue les trois événements-clés de ce 2 août, grâce à une riche documentation puisée dans les journaux, articles et ouvrages.
Le meeting du Congrès musulman, organisé tôt dans la matinée au Stade municipal, est le point de départ de ce travail de mémoire. Les membres de la délégation du Congrès musulman, à sa tête Mohammed Benjelloul, arrivent tout droit de France après leur rencontre avec Léon Blum. Le matin même, un certain Messali Hadj débarque au Stade municipal après “quelques rudes pourparlers avec les organisateurs, le temps d’adresser un bref salut au public”. Ce que les organisateurs ignorent, c’est que Messali improvisera un discours qui ira à l’encontre de leurs tendances assimilationnistes, en proclamant haut et fort : “Cette terre n’est pas à vendre.” Avant la tenue du meeting, le dirigeant de l’Étoile nord-africaine avait tenté de convaincre le Congrès d’abandonner la perspective du “rattachement de l’Algérie à la France”, en vain. Phéline note que ce qui confère à ce moment un caractère fondateur pour le combat national est que “pour la première fois, le mot d’ordre de la souveraineté s’y trouve entendu dans un rassemblement propre aux musulmans et d’une ampleur de masse sans précédent en opposition explicite avec la perspective jusque-là dominante d’une conquête des droits recherchée dans les limites de la Cité française”. Le troisième événement, l’assassinat de Bendali Amor Mahmoud ben Hadj, à qui l’administration coloniale a confié l’intérim de la grande mosquée de rite malékite, lève le voile sur les pratiques coloniales et la manipulation politico-judiciaire qu’elles feront de l’affaire.
Les suspects sont tout trouvés : cheikh El-Okbi, supposé commanditaire de l’assassinat, et les exécutants, Oussaïden Belkacem Ben Saïd, Mohara Ali Ben Saïd et Mohamed Ben Ali. Phéline écrit à ce sujet : “Aveux obtenus sous la pression physique, témoignages des plus fragiles, absence de toute preuve matérielle, le scénario bâti par l’accusation s’effondrera et le procès se retournera en dénonciation publique des méthodes d’enquête de la Sûreté...” S’il est bien une confirmation du rôle qu’a joué l’administration coloniale, c’est celle d’être un outil de “profilage”, fichage des individus, infiltrations des organisations, suivi des moindres réunions publiques, contrôle des journaux… Dans cet ouvrage richement documenté et analysé, Christian Phéline revisite un pan-clé de notre Histoire. Les luttes fratricides et contre l’ennemi, les divisions au sein même des partis, la manipulation coloniale et ses lourdes conséquences, et des secrets qui restent à ce jour à dévoiler.
Yasmine Azzouz “La Terre, l’Étoile, le Couteau. Alger, le 2 août 1936” de Christian Phéline, éditions Chihab. 287 pages, 1 350 DA. 2021.
Plus de soixante ans après la mort de Cheikh H’ssissen, il serait opportun et juste de lui donner sa place, notamment en intégrant son portrait dans le groupe des Grands du chaâbi. En outre, il est souhaitable qu’un organisme public compétent se décide à procéder à l’enregistrement intégral de ses concerts sur CD sous la forme d’un coffret.”
De tous temps, le mois sacré de Ramadhan a constitué dans notre pays une opportunité de regain d’activité artistique pour les centres culturels nationaux ainsi que pour les chaînes de télévision et les radios nationales, qu’elles soient publiques ou privées. Et leurs différentes structures s’emploient à concocter des programmes de nature à meubler agréablement les longues journées, et surtout les soirées familiales. Celui qui vient de s’écouler n’a pas dérogé à la règle.
Bien mieux, on peut dire que les différentes stations ont rivalisé d’efforts pour déterrer des archives quelques vidéos et enregistrements sonores précieux, parfois inédits, et pour présenter dans leurs émissions dédiées à la musique des séquences de grande facture malgré leur vétusté, faisant le bonheur des vieux mélomanes comme moi, férus de musique traditionnelle algérienne dans ses nombreux genres. Et, la nostalgie aidant, nous nous sommes délectés à écouter et à admirer à l’écran des auteurs-interprètes et des musiciens qui semblaient complètement oubliés.
Pourtant, j’ai remarqué une lacune de taille que je me fais un devoir de signaler. A ma connaissance et sauf erreur de ma part – car on ne peut pas être branché partout et tout le temps – il n’y a pas eu la moindre allusion à Cheikh H’ssissen, notamment dans les émissions télévisées spécialisées en la matière, comme “El Qahoua ou latey”, “Nous ne vous oublions pas” ou bien les émissions musicales radios de El Bahdja ou de la chaîne III, accompagnant le Ftour. J’en déduis qu’il est mal connu.
Aussi, en simple mélomane et admirateur, sans aucune prétention d’expert ni de chercheur, je me permets de contribuer à combler cette lacune et d’évoquer le souvenir de cette figure marquante de la musique chaâbi. Au demeurant, le témoignage que je souhaite apporter aujourd’hui n’est, à mon sens, qu’un exercice naturel auquel chacun des derniers témoins d’une grande époque – ils sont de moins en moins nombreux – doit se livrer si nous ne voulons pas que des pans entiers de notre histoire contemporaine, autant politique que culturelle, disparaissent de la mémoire collective, des pages souvent riches et glorieuses, même si elles ont été entachées de larmes et de sang.
De son vrai nom Ahcène Larbi, cet artiste hors pair, né au cœur de La Casbah d’Alger et décédé en exil à Tunis en septembre 1958, à l’âge de 29 ans, est passé dans le monde musical comme une comète, tout en y laissant des traces indélébiles. Le poète contemporain algérien Mohammed El-Habib Hachelaf le décrivait ainsi en un seul vers, dans un hommage posthume à la radio nationale en mai 1969, associant les deux fidèles amis que furent le grand chanteur et le Dr Nadir Keramane : “Ouin Cheikh H’ssissen, Essghir fessen, Ouel kbir fel fen ?” (Où est Cheikh H’ssissen, jeune par l’âge et grand par l’art ?) Dans l’ouvrage complet et bien renseigné qu’il lui a consacré “Cheikh H’ssissen : le chaâbi, la Révolution, un parcours...”, le musicologue Abdelkader Bendamèche qui fut, avec Lounis Aït-Aoudia, président de l’Association des amis de la Rampe Louni-Arezki, l’artisan et l’acteur principal du retour des cendres de notre immense interprète-compositeur-poète dans son pays natal en 2012, retrace en détail sa vie, bien courte mais combien riche, de militant actif de la cause nationale et de brillant artiste depuis La Casbah jusqu’au cimetière d’El-Kettar.
Il repose désormais dans la tombe de sa mère ; sa mère chérie à laquelle il avait dédié, lors de son exil parisien, un merveilleux istikhbar, assurément prémonitoire, improvisé en ouverture à l’une des plus belles versions de la qaçida “El-Baz ghabli fessyada” de Mohammed Bensmaïl, chantée en solo dans son studio accompagné uniquement de son mandole : “Ya yemma idhâ ghadhtek moutî arouahi liyya ledfina Farchilî qabrî bel-ouerd ou zidi el-yasmine Ebki ou zidi ebki Ou qouli ya el-kbida el-hnina” (Ô mère, si ma mort te fait de la peine, Viens à mon enterrement, Recouvre ma tombe de roses et ajoute du jasmin Pleure et pleure encore et dis ô mon bien-aimé).
Ce témoignage concerne plus particulièrement le séjour d’environ une année à Paris, entre avril 1957 et mars 1958, au cours duquel j’ai eu l’honneur et le bonheur de le connaître, aux côtés de mon grand frère Nadir, alors étudiant en médecine. Il venait de répondre, avec bon nombre de ses amis artistes, musiciens, comédiens, à l’appel du FLN pour rejoindre les forces luttant pour la libération du peuple algérien et constituer la première troupe nationale artistique, en exil, sous la direction de Mustapha Kateb. Parmi eux, je citerai, en premier lieu, son ami d’enfance de La Casbah et compagnon de toujours dont il était inséparable, Alilou Debbah, l’inimitable percussionniste (Drabki), qui a préféré l’Algérie au plus grand orchestre égyptien accompagnant Mohammed Abdelwahab et autres vedettes arabes, dont il avait décliné les nombreuses et alléchantes sollicitations.
Il y avait aussi les grands comédiens Abdelhalim Raïs, Hadj Omar, le demi-frère du chanteur-compositeur-chef d’orchestre Amraoui Missoum, Sid-Ali Kouiret, Yahia Benmabrouk devenu plus tard “l’apprenti” de l’Inspecteur Tahar, ainsi que le violoniste Sid-Ali Temam, le Ûdiste Tahar Ben Ahmed et le guitariste Noureddine Bouhired.
Cheikh H’ssissen est resté fidèle aux Qacid du Melhoun (chansons à texte du Maghreb), à un moment où les chanteurs chaâbi de sa génération interprétaient volontiers des chansonnettes courtes et rythmées (et la discographie de la période peut en témoigner), composées par les auteurs de l’époque – dont le plus connu et le plus prolifique était Mahboub Bati – lesquels agissaient ainsi et le disaient clairement, afin de détourner les jeunes Algériens des chansons moyen-orientales et occidentales, réputées moins longues et moins ennuyeuses. Il est vrai que, sur le plan commercial, ces chansonnettes pouvaient plus aisément être insérées dans les disques 45 T voire 78 T, en vogue dans les années 50.
Pourtant, H’ssissen n’a pas suivi la mode et, pour lancer ses premiers disques en 45 T puis en 33 T, il déterra quelques chefs d’œuvre inédits de grands poètes du Melhoun maghrébin notamment : “Youm El-Djama rah tirî” et “Essemqala” de Larbi Meknassi ; “Ellahi yaltha be-hammou” de Lakhdar Benkhlouf ; “El-Baz ou el-Ghrab” d’Ahmed El Ghrabli, qui lui avaient été légués par ses maîtres et qu’il transcrivait en caractères latins dans le registre qu’il appelait son kourras (cahier). Il continua dans la même voie jusqu’à sa mort en ne cédant jamais à la facilité : ainsi, à l’image des grands maîtres, il n’avait jamais un papier sous les yeux dans ses apparitions publiques. Les morceaux qu’il interprétait provenaient toujours du riche répertoire du Melhoun maghrébin comme par exemple : “Enta Fecherq ouana Gherbi” de Lakhdar Benkhlouf, “El fraq” de Mohamed Bensmaïl, “Saqi baqi” de Mohamed Benslimane, “El-Meknassia” et “Tawassoul” de Sidi Kaddour, “El Alami, Er-Rebi‘iyya” de Mohamed Ben Debbah, “Ya Dhif Allah” d’El-Djilali Metired, etc. A ma connaissance, les deux seules exceptions furent “Chehilet la‘yani” de Abdelhakim Guerroumi sur sa propre mélodie dans le mode zidane – que j’ai entendue par sa bouche, pour la première fois début 1958 à Paris, au moment même où Mohamed Zerbout l’entonnait à Alger – ainsi que l’émouvant hymne à la Révolution “Ya zahrat elbouldane” qu’il avait aussi composé à la gloire de l’ALN dès le début de la guerre.
Ce faisant, il était resté dans la tradition des chouyoukh du chaâbi les plus célèbres qu’il admirait, dont il s’était inspiré sans jamais chercher à les imiter : Cheikh El-Anka, dont il a retenu la parfaite maîtrise de l’instrument phare du chaâbi, le mandole, ainsi que la récitation de mémoire, la rigueur dans l’interprétation et la précision du rythme ; Cheikh Khelifa Belkacem qui, avec son organe vocal généreux, excellait dans ses istikhbars aux accents déchirants ; Cheikh M’rizek avec la verve, la gaîté et la bonhomie qui l’accompagnaient, dans ses activités publiques en particulier.
La plus belle pièce de l’œuvre de Cheikh H’ssissen – malheureusement très peu connue dans son intégralité à ce jour – est, sans aucun doute, celle qu’il interpréta lors du concert mémorable à plus d’un titre, qu’il avait donné le 26 janvier 1958, au 115, boulevard Saint-Michel, à Paris, siège de l’Association des étudiants musulmans nord-africains (Aemna). Dans sa simplicité, la rencontre symbolisait l’unité du combat révolutionnaire dans ses différentes composantes : la dimension militante représentée par la Fédération de France du FLN, l’engagement de la communauté universitaire, l’implication totale de la famille culturelle et artistique et la solidarité maghrébine.
Aemna Paris, 26 janvier 1958. On reconnaît, à la gauche du Cheikh, Nadir Keramane et, à sa droite, respectivement Sid Ali Temam, Alilou Debbah et Chérif Boumaza. Portrait officiel de Cheikh H’ssissen - Paris, 1958.
Ce vaste espace, situé au rez-de-chaussée de l’immeuble, tenait lieu également de point de rencontre des étudiants du Maghreb et de restaurant universitaire où l’on mangeait les plats du terroir, notamment le couscous le vendredi, la chorba et le bourek algériens, la brik tunisienne ou la harira marocaine durant le mois de Ramadhan. Il était bondé en cet après-midi du dimanche – de nombreux camarades français s’étaient joints à nous –, et richement décoré pour la circonstance de drapeaux algériens, marocains et tunisiens. Présenté par Sid Ali Kara, vice-président de l’Aemna, comme “le chantre de l’Algérie avec ses traditions et ses richesses populaires”, en présence de Mahfoud Aoufi, président de la section de Paris de l’Ugema – ancien secrétaire général du ministère des Finances puis Gouverneur de la Banque centrale d’Algérie –, Omar Benjelloun, président de l’Union nationale des étudiants marocains (Unem) et Chadli Bouzakoura, vice-président de l’Association des étudiants tunisiens (Uget), notre rossignol n’a pas déçu une assistance envoûtée par une musique algérienne encore méconnue au sein de la communauté universitaire maghrébine. C’est qu’il se sentait parfaitement à l’aise dans cette ambiance authentique et passait allègrement d’un auteur algérien à un autre marocain, parfois sans transition apparente, au point d’y ajouter des vers en chleuh-tamazight, comme son fameux vers : “Qali fani bel haoua men qalbek mesqoum Ma takelchi ellayali, qoultlou sellemt, Faghroum”, dans la Qaçida, “youm el-djemaa rah tirîi”, que nous avions découverte dans son premier disque 45 T.
Le répertoire de la soirée avait été judicieusement choisi, parmi les plus belles pièces du genre, en surfant sur les thèmes de l’amour (Chehilat la‘yani), la Révolution (Ya zahrat elbouldane), la nostalgie et l’exil (Mata nestarihou min ouach el-habayeb), la solidarité maghrébine (Inna ya malik el-gharb ya elwali Moulay Idriss), introduites par des nesrafât et neqlabât, interprétées sur les modes variés (alternant mouwal, zidane, sika, raml-maya), avec des temps forts réservés aux cycles de danse, nommés khlassât. Durant une courte pause, Yahia Benmabrouk avait improvisé un spectacle de mime, très apprécié par l’assistance. De son côté, Hadj Omar avait apporté sa contribution vers la fin du concert, en interprétant le fameux Neqlab, tout à fait adapté pour la circonstance, “Ya qalbi Khalli El Hal Issir ‘Ala Halou, Asbar ‘Ala El Mhayen hatta Iferredj Allah” dans le mode Raml Maya Pour les mélomanes et même les moins initiés, ce fut un véritable régal !
Un autre concert privé, en hommage aux dirigeants de l’Aemna, a eu lieu le lendemain, en soirée, au même endroit. Il a été suivi quelques heures après par une descente de la police française venue perquisitionner, suite à la décision du Gouvernement français décrétant la dissolution de l’Ugema, précisément le 28 janvier 1958. Est-ce une coïncidence ? Il n’y a pas de doute que l’apparition des drapeaux algériens, le dimanche précédent, au siège de l’Ugema et au cœur de la capitale française à l’occasion de ce concert, a dû sonner aux oreilles des autorités françaises comme une provocation de la part de l’Association des étudiants algériens, surveillée de plus près depuis son 3e Congrès de décembre 1957 dans la région parisienne, au cours duquel elle avait décidé d’apporter un soutien sans faille au FLN, dans la lutte pour l’indépendance de l’Algérie.
A partir de cette date, nous avions eu droit, durant nos repas quotidiens, à l’écoute de fragments de ce concert, ce qui a contribué grandement à l’éducation musicale de bon nombre de Maghrébins vivant à l’étranger depuis des années et peu habitués aux subtilités et à la diversité du genre chaabi. Et lorsque l’on se retrouvait, entre nous, nous avions pris l’habitude de fredonner ensemble les belles poésies du Melhoun, que H’ssissen nous avait fait découvrir et, pour certains d’entre nous, les réécouter à loisir sans s’en lasser. Bien que harcelé et malmené en raison de ses activités patriotiques et des conditions d’urgence dans lesquelles il avait quitté Alger en abandonnant sa jeune famille, Cheikh H’ssissen conservait sa bonne humeur et sa verve.
A Paris, il travaillait au sein de l’orchestre de son ami Amraoui Missoum, en compagnie notamment d’Abdelhamid Ababsa – avec lequel il aimait entonner les poésies bédouines du genre Ayeye. Je signale également que la chaîne culturelle de Radio France lui doit des enregistrements en tamazight, sa langue maternelle dans laquelle il avait composé quelques chefs d’œuvre du genre comme : “Atir el-qafs”, “refdegh tavalizt”, “Asteghfou akhzou echitane”, “Ayouliw izegren lebhar, “Netsamen fenvi”, “tamourth nledzair, etc… Outre ses prouesses artistiques, le Cheikh faisait montre de grandes qualités humaines, parmi lesquelles il faut souligner sa modestie et son extrême générosité. Inutile de dire que ses concerts aux étudiants étaient toujours bénévoles. Et lorsqu’il se produisait dans les cafés fréquentés par la communauté des travailleurs et commerçants algériens pour subvenir à ses besoins, il partageait équitablement avec ses musiciens le produit de la recette, ce qui était unique selon Alilou qui avait connu tant de chouyoukh. “Moi je suis cheikh et toi tu es cheikh”, avait-t-il répliqué à ce dernier pour le convaincre d’accepter ce mode de partage.
Durant tout son séjour à Paris et jusqu’à son départ pour Tunis fin mars 1958, le maître avait coutume de réunir quelques amis et étudiants maghrébins, chez lui ou chez l’un d’entre eux, pour de petits concerts privés, la plupart enregistrés sur des magnétophones de fortune, notamment un vieux Grunding appartenant à mon frère Nadir. Ce dernier m’a légué ces enregistrements sur bandes magnétiques que j’ai sauvegardés précieusement.
Après l’indépendance, je les ai remis d’abord à Rayanne, l’un des premiers archivistes de la RTA sur recommandation de son directeur général, puis au fils aîné de l’artiste, Mustapha, avec son portrait ainsi qu’à mon ami Amar Azzouz, ensuite au musicologue Nacereddine Baghdadi, responsable du service des archives à la Radio nationale ENRS qui m’a dit les avoir transcrits intégralement, enfin, par l’entremise de Abdelkader Bendamèche, à certains instituts nationaux de musique qui auraient promis de les éditer et de les diffuser, sous la forme d’un coffret complet. Plus de soixante ans après la mort de Cheikh H’ssissen, il serait opportun et juste de lui donner sa place, notamment en intégrant son portrait dans le groupe des Grands du chaâbi.
En outre, il est souhaitable qu’un organisme public compétent se décide à procéder à l’enregistrement intégral de ses concerts sur CD sous la forme d’un coffret (en particulier ceux à valeur historique du siège de l’Ugema au 115, boulevard Saint-Michel à Paris) et qu’une diffusion large et régulière soit assurée dans les médias nationaux, aux côtés de ses confrères, afin de mieux faire connaître son œuvre. Une telle réalisation rendrait un hommage mérité, à la dimension et au génie de ce fils de l’Algérie qui a consacré sa vie à la libération de notre pays et à l’immortalisation du patrimoine culturel et artistique national que constitue le chaâbi à travers le monde, particulièrement au sein de la troupe nationale du FLN, dont il était l’un des plus brillants représentants.
H'sissen, de son vrai nom Ahcène Larbi Benameur, est un auteur-compositeur et interprète algérien de chaâbi né le 8 décembre 1929 au 15 rue Monthabor à la Casbah d'Alger, et mort le 29 septembre 1959 à Tunis à l'âge de 30 ans
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