La journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc a lieu le 19 mars. Six questions pour comprendre le sens de cette commémoration et les débats qu'elle suscite.
La loi du 6 décembre 2012 a institué le 19 mars journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc.
Que commémore-t-on le 19 mars ?
La journée nationale est fixée au 19 mars, jour anniversaire du cessez-le-feu en Algérie. Cette journée permet de commémorer les accord d'Évian du 18 mars 1962, de rassembler et rendre hommage à toutes les victimes civiles ou militaires qui sont tombées durant la guerre d'Algérie et les combats au Maroc et en Tunisie. Plusieurs cérémonies commémoratives sont organisées dans toute la France. Ces cérémonies sont adaptées en fonction du contexte sanitaire.
Cette journée n'est ni fériée, ni chômée.
Comment la loi du 6 décembre 2012 a-t-elle été adoptée ?
La loi est issue d'une proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale en 2002. Elle n'a été débattue au Sénat qu'en 2012.
La loi vise à reconnaître à la guerre d’Algérie son caractère central dans la construction de l’identité française moderne et assurer une transmission apaisée de sa mémoire aux générations futures.
Que sont les accords d'Évian du 18 mars 1962 ?
Des négociations visant à rétablir la paix en Algérie commencent, le 20 mai 1961, à Évian, entre la France et les plénipotentiaires du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA).
S’ensuit un processus long et difficile de négociations pour sortir d'une guerre de décolonisation. Les discussions sont accélérées par l'aggravation du conflit et la vague d'attentats perpétrés par l'organisation de l'armée secrète (OAS).
Le 18 mars 1962, à l'Hôtel du Parc d'Évian, des accords sont signés par Louis Joxe, ministre français chargé des questions algériennes, et Krim Belkacem, chef de la délégation algérienne représentant du GPRA.
Le soir, le général De Gaulle annonce la signature des accords d’Évian qui se traduisent dès le lendemain 19 mars à midi par un cessez-le-feu applicable sur tout le territoire algérien.
Quel est l'apport de la loi de 1999 pour le souvenir de la guerre d'Algérie ?
La Guerre d’Algérie (1954-1962), était, avant même les accords d’Évian, une "guerre sans nom", sans véritable existence légale.
Les gouvernements qui se succèdent la désignent sous les vocables "événements", "opérations de maintien de l'ordre". Un silence officiel est de rigueur sur les événements les plus troubles comme la répression de la manifestation du 17 octobre 1961 ou la question de la torture.
En juin puis octobre 1999, l’Assemblée nationale puis le Sénat votent à l’unanimité la loi de reconnaissance officielle de la Guerre d’Algérie(nouvelle fenêtre). La loi substitue à l'expression "aux opérations effectuées en Afrique du Nord" l'expression "à la guerre d'Algérie ou aux combats en Tunisie et au Maroc". Cette loi dite mémorielle ouvre la voie à une reconnaissance officielle du préjudice subi par l’ensemble des victimes du conflit.
Quels sont les débats sur la date de la commémoration ?
Le 18 mars 2016, des personnalités politiques ont publié une tribune dans Le Figaro pour protester contre la participation de François Hollande, président de la République, à la commémoration du 19 mars 2016.
La date de l’hommage national aux morts en Algérie continue de faire débat, notamment entre représentants des rapatriés et harkis d’une part et associations d’anciens combattants d’autre part. Certaines associations d'anciens combattants lui préfèrent le 5 décembre. Le 5 décembre est la date de l’hommage aux morts de la guerre d’Algérie. Cette date a été fixée lors de l’inauguration en 2003 par le président Jacques Chirac du monument national érigé quai Branly à Paris à la mémoire de tous les soldats morts en Afrique française du nord (AFN) de 1952 à 1962.
À l’occasion du cinquantième anniversaire en mars 2012, le secrétaire d’État aux anciens combattants, Marc Laffineur, annonçait que l’État n’organiserait “aucune commémoration nationale” du cessez-le-feu du 19 mars 1962 entre la France et le FLN algérien, au lendemain de la signature des Accords d’Évian. Le secrétaire d’État soulignait que “si le 19 mars évoque la joie du retour des militaires français dans leur famille, il marque également l’amorce d’un drame pour les rapatriés, contraints au déracinement, et le début d’une tragédie pour les harkis, massacrés dans les semaines qui suivirent, au mépris des accords d’Évian”.
Quelle mémoire de la guerre d'Algérie ?
En janvier 2020, le chef de l'État Emmanuel Macron a estimé que la France devait revisiter la mémoire de la guerre d'Algérie afin de mettre un terme au "conflit mémoriel". Il a notamment honoré les harkis et reconnu que Maurice Audin, mathématicien pro-indépendance disparu en 1957, était bien "mort sous la torture du fait du système institué alors en Algérie par la France".
En 2021, il a reçu le rapport rédigé par l'historien Benjamin Stora sur "Les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d'Algérie" . Comme proposé par le rapport, le président de la République a reconnu, le 2 mars 2021, la responsabilité de la France dans la mort de l'avocat Ali Boumendjel(nouvelle fenêtre). Au coeur de la Bataille d’Alger, il a été "arrêté par l’armée française, placé au secret, torturé, puis assassiné le 23 mars 1957". Le président de la République s'est également engagé pour l'ouverture prochaine des archives.
https://www.vie-publique.fr/questions-reponses/273915-guerre-dalgerie-quelle-celebration-du-19-mars-1962
Rapport Stora sur la guerre d’Algérie : comment réconcilier des mémoires divergentes ?
Presque soixante ans après la fin de la guerre d’Algérie, comment réconcilier des mémoires divergentes entre France et Algérie ? Tel est l'objectif du rapport de Benjamin Stora qui propose d'ouvrir des passerelles sur des sujets sensibles tout en favorisant la recherche, la connaissance et la transmission communes.
En France, plus de sept millions de personnes ont un lien avec l’Algérie, sa colonisation et la guerre d’indépendance. © Oleksandr -
À l’approche du soixantième anniversaire de l’indépendance de l’Algérie (5 juillet 1962), les présidents français et algérien ont désigné chacun un expert, Abdelmadjid Chikhi (ancien combattant de la guerre d’indépendance, historien, directeur des archives nationales algériennes) pour l'Algérie, Benjamin Stora (historien, spécialiste de l'histoire contemporaine de l'Algérie) pour la France. Il s'agissait de travailler sur les questions mémorielles entre les deux pays et de rechercher les pistes pour une réconciliation face à une histoire partagée, souvent douloureuse et conflictuelle.
Le 20 janvier 2021, Benjamin Stora a remis au président de la République son rapport sur les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d'Algérie. Dans sa lettre de mission, le président de la République indiquait : "Je souhaite m’inscrire dans une volonté nouvelle de réconciliation des peuples français et algériens. Le sujet de la colonisation et de la guerre d’Algérie a trop longtemps entravé la construction entre nos deux pays d’un destin commun en Méditerranée."
Des sujets en commun
En France, plus de sept millions de personnes (pieds-noirs, immigrés, appelés du contingent, militants contre la guerre, partisans de l’Algérie française, enfants et familles de tous ces groupes) ont un lien avec l’Algérie, sa colonisation et la guerre. À l’affrontement entre indépendantistes et État français, s’ajoutent d'autres conflits entre Français et entre Algériens.
L’historiographie montre combien l’histoire de cette période évolue et diffère selon les intérêts, les imaginaires, les évolutions idéologiques, le vécu personnel, sans compter l’amnésie, le refoulement et la légende nationale. Pour Benjamin Stora, il ne s’agit pas d’écrire une histoire commune. Il s'agit plutôt "d’ouvrir des possibilités de passerelles sur des sujets toujours sensibles mais permettant d’avancer, de faire des pas ensemble" en abordant certains sujets comme :
- le partage des archives ;
- l’enrichissement du guide des disparus (ensemble des archives relatives aux disparus de la guerre d’Algérie) par les chercheurs français et algériens ;
- la circulation des images, des représentations, des production visuelles communes ;
- les essais nucléaires français réalisés au Sahara entre 1960 et 1966 ;
- les cimetières européens et juifs d’Algérie ;
- les rééditions et traduction d’ouvrages.
https://www.vie-publique.fr/en-bref/278195-colonisation-et-guerre-dalgerie-reconcilier-des-memoires-divergentes
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