Début mars, le chef de l’Etat a reconnu la responsabilité de la France dans l’assassinat de l’avocat nationaliste Ali Boumendjel et décidé de faciliter l’accès aux archives classifiées. Deux mesures préconisées par le rapport de Benjamin Stora. L’Elysée assure que toutes les propositions de l’historien seront étudiées.
Lors de la remise du rapport de Benjamin Stora sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie à Emmanuel Macron, le 20 janvier 2021. (CHRISTIAN HARTMANN / AFP)
Pour le 59e anniversaire du cessez-le-feu de la guerre d’Algérie, acté par les accords d’Evian, ce vendredi 19 mars, Emmanuel Macron ne fera pas de répétition générale de la commémoration qu’il souhaite présider en personne l’an prochain. Comme chaque année, dans toute la France, des cérémonies seront organisées localement pour cette « journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc », instituée par la loi du 6 décembre 2012.
Même si cette date divise encore, notamment à droite (la date du 19 mars 1962 marque la volonté de la France et de l’Algérie de mettre fin à la guerre commencée en 1954, mais elle n’a pas sonné la fin des violences notamment contre les pieds-noirs et les supplétifs algériens), Emmanuel Macron veut faire du 60e anniversaire du cessez-le-feu, à quelques semaines du premier tour de la présidentielle, le point d’orgue d’une série de journées mémorielles après celles, cette année, du 25 septembre en hommage aux harkis, et du 17 octobre en souvenir de la répression meurtrière de la manifestation d’Algériens à Paris en 1961. « Ce qui est important pour le président est de concevoir une séquence cohérente en construisant des équilibres pour que les différents représentants des groupes de mémoire soient bien commémorés », affirme-t-on à l’Elysée.
Aucune proposition du rapport Stora écartée
Il est encore trop tôt pour entrevoir les formes que pourraient prendre ces journées, mais Emmanuel Macron entend montrer qu’il agit sur « le chemin de la reconnaissance de toutes les mémoires et de l’apaisement ». C’est ainsi que début mars, coup sur coup, suivant deux des recommandations du rapport de l’historien Benjamin Stora sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie remis en janvier, le chef de l’Etat a décidé de reconnaître la responsabilité de la France dans l’assassinat de l’avocat nationaliste Ali Boumendjel et de faciliter l’accès aux archives classifiées de plus de cinquante ans, dont celles concernant la guerre d’Algérie.
Le président poursuit sa politique des « petits pas » sur la réconciliation mémorielle. D’autres initiatives devraient suivre dans les prochains mois, avec une communication au compte-gouttes qui témoigne de la sensibilité encore vive de ce sujet. A priori, aucune des vingtaines de propositions faites par Benjamin Stora ne sera écartée, et une bonne partie pourra à court ou moyen terme être appliquée. D’autres pourraient même être ajoutées. « Il est possible que certaines des préconisations qui prennent du temps, qui dépendent d’un travail interministériel – sur les programmes scolaires, par exemple – ou d’un travail bilatéral avec l’Algérie, ne portent pas leurs fruits rapidement. L’important est de les lancer », nous assure-t-on à l’Elysée.
Une commission dans « l’opérationnel »
Début mars, Cécile Renault, directrice de projet, a ainsi été chargée par l’Elysée de mettre en œuvre les préconisations de Benjamin Stora. Elle sera l’interlocutrice privilégiée de l’historien pour discuter des actions concrètes à réaliser pour « faire vivre les mémoires » de la guerre d’Algérie et de la colonisation. La constitution d’une commission, composée d’une dizaine de personnes et présidée par Benjamin Stora, est en discussion. Pour l’Elysée, elle n’aura pas comme objectif de refaire l’examen des propositions du rapport, mais d’être dans « l’opérationnel ». « Elle pourrait par exemple être chargée du dossier des disparus, recueillir des témoignages. Mais rien n’est encore décidé quant à son périmètre d’action », souligne-t-on encore.
Face à l’incompréhension et à certaines critiques exprimées de l’autre côté de la Méditerranée, en raison notamment de l’absence d’excuses officielles de l’Etat français sur la question des « crimes coloniaux », l’Elysée se veut optimiste et se félicite des messages d’encouragement envoyés par certains intellectuels algériens : « Les choses bougent en Algérie. Le dialogue, qui a toujours existé, continue. » Quant à l’absence de réciprocité encore visible côté algérien, l’Elysée assume : « Notre démarche s’adresse avant tout à la société française. On est sur un travail de fond et beaucoup de choses restent à faire en France. »
19 mars 2021
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