https://briff.be/programmes/des-hommes-2/
Présenté en ouverture du Brussels International Film Festival, l'ambitieux nouveau film de Lucas Belvaux évoque, avec quelques maladresses, le conflit qui opposa l'Algérie et la France.
La guerre d'Algérie a toujours été un sujet difficile pour le cinéma français, un conflit honteux plus souvent évoqué qu'abordé directement dans les salles obscures. À sa manière, "Des hommes" de Lucas Belvaux n'échappe pas à cette tendance : c'est par le biais des souvenirs que le film s'y attaque, ceux de deux personnages marqués au fer rouge par leur service dans l'armée. L'un, Rabut (Jean-Pierre Darroussin), est parvenu à mener une vie relativement normale avec ses démons, tandis que l'autre, son cousin Bernard (Gérard Depardieu), a été dévoré par ceux-ci. Surnommé Feu-de-bois par les villageois, cet alcoolique notoire et raciste invétéré porte ses 28 mois en Algérie comme une blessure béante.
Lorsque par un bel après-midi, il sort de son ermitage pour l'anniversaire de sa sœur (Catherine Frot), seule personne qui trouve encore grâce à ses yeux, c'est tout un monde de douloureux souvenirs qu'il ranime et dans lequel "Des Hommes" nous plonge. Ricochant sans cesse entre les époques, le film passe du présent au passé, avec l'aide de deux jeunes acteurs assez convaincants, Edouard Supplice et Yoann Zimmer, qui incarnent les rôles de Daroussin et Depardieu. Leur voix à tout les quatre se mélangent et s'enchaînent, donnant lieu à un récit polyphonique porté par les regrets et l'amertume.
Comme de nombreux éléments du long-métrage, cette structure ambitieuse vient du roman de Laurent Mauvignier, dont le film est l'adaptation. L'ombre du livre est perceptible partout : dans sa construction bien sûr, mais aussi, et surtout, dans ses dialogues et sa narration. Les paroles échangées entre les personnages sont souvent empreintes d'une qualité d'écriture qui fonctionne peut-être sur le papier, mais manque de naturel dans la bouche des acteurs. La narration en voix-off quant à elle est omniprésente, et s'impose très rapidement comme une part essentielle du film. Mêlant les pensées, les lettres et les réflexions des deux personnages principaux, elle nous laisse entrevoir l'impact dévastateur qu'a eu la guerre d'Algérie sur eux : la culpabilité, le regret, le dégoût de l'humanité. Le propos est parfois dérangeant, certainement ambigu, mais toujours passionnant.
Il serait sans doute exagéré d'affirmer que "Des hommes" ne serait rien sans son texte, mais l'intérêt du film réside davantage dans les terribles réflexions de ses personnages que dans ses images, aussi soignées soient-elles. Ce qui ne signifie pas qu'elles ne véhiculent rien : dans sa mise en scène, Lucas Belvaux se révèle plutôt adroit pour aborder les horreurs auxquelles ses personnages ont été mêlés, trouvant la juste distance avec sa caméra. La violence fait occasionnellement irruption à l'écran, et nous saisit, mais le plus souvent, reste hors-champ, suggérée sans être montrée. Comme le répète plusieurs fois le personnage de Depardieu, il y a des choses qui ne doivent pas être racontée – un principe qui peut s'appliquer à ce qui s'est passé Algérie comme à bien d'autres guerres.
À sa manière, parfois maladroite, parfois bavarde, "Des hommes" propose un point de vue intriguant sur ce conflit. Pas tant dans la façon de le représenter, mais plus par son approche, qui saisit avec lucidité les effets dévastateurs que la guerre peut avoir sur ceux qui y ont pris part.
https://www.rtbf.be/culture/cinema/belge/detail_briff-des-hommes-une-douloureuse-evocation-de-la-guerre-d-algerie?id=10573788
Les commentaires récents