Intinéraire d'un soldat de l'Aln. Mémoires de Mokhtar Mokhtefi. Editions Barzakh, Alger 2016, 342 pages, 900 dinars (Pour se souvenir. Déjà publiée le8 décembre 2016 in Mediatic)
Voilà donc un livre qui ne va beaucoup plaire aux anciens des Transmissions (et du Malg). Un livre écrit (en tout cas proposé à un éditeur algérien, quelque temps à peine avant le décès de l'auteur) par un combattant de la première heure.
Bachelier, il rejoint le maquis en passant au Maroc. Tout un parcours dans les Transmissions de l'Aln ; d'abord au Maroc pour une formation accélérée, en compagnie d'autres jeunes de son âge, dans la plus grande mais aussi la plus oppressante des clandestinités. Guerre révolutionnaire oblige ! Encore fallait-il qu'elle soit très bien expliquée aux jeunes recrues, ce qui a entraîné bien des désillusions, bien des colères retenues et bien des inimitiés... On le sent bien à la lecture de bien des passages du livre qui raconte beaucoup plus le parcours (presque trop) personnel de l'auteur que l'Histoire collective d'un pan important de la guerre de libération. D'où un ouvrage très riche en anecdotes... avec une restitution assez réaliste de scènes vécues au village natal, à lécole, puis au lycée et lors de la formation (au Maroc), puis au maquis (une véritable grande aventure que celle des Transmissions, qui a, peut-être, avec la formation de 959 techniciens, changé le cours des choses car cela a permis de tisser une Toile communicationnelle concurrençant et parfois dominant le réseau colonial d'informations). Puis en Tunisie. Avec, aussi, la description des relations interpersonnelles (des «portraits psychologiques» assez rapides ) avec un grand nombre de personnes, dont certaines étaient et/ou sont devenues, par la suite des «personnalités»... avec, souvent, des heurts, des incompréhensions et des jugements, à mon sens assez superficiels et subjectifs (exemple : à l'endroit de Ferhat Abbas). Ainsi, quelques «révélations» : Kaid Ahmed retiré par l'Etat-major est remplacé par Amar Benmostefa Benaouda dans la délégation menant les négociations d'Evian (un choix de Boussouf nous précise l'auteur !)/ La rencontre avec le sous-lieutenat Abdelghani (Benahmed Mohamed)... «le premier combattant de l'Aln que je vois en cravate»/ L'épisode Ali Mellah et le pourquoi des choses...
L'Auteur : Né à Berrouaghia, il rejoint l'Aln (Wilaya 5) en 1957. A lIndépendance, il poursuit ses études universitaires en sociologie et en économie à Alger et à Paris. Il occupe plusieurs postes en Algérie puis rejoint la France où il publie des albums, sur l'Afrique du Nord et le monde arabe, destinés aux jeunes. En 1994, il s'installe à New York avec son épouse, Elaine Klein, une journaliste américaine qui a très longtemps travaillé en Algérie après avoir milité pour l'Indépendance du pays. Début 2015, il confie son manuscrit à l'éditeur. Il décède le 4 avril de la même année.
Extraits : « Il existe un tel climat de crainte et de méfiance dans le corps des transmissions qu'on peut s'attendre à tout : de la médisance jusqu'à la délation... Ce comportement est dû à un choc commun : l'événement qui s'est passé pendant le premier stage des opérateurs, en août 1956, lorsqu'ils ont été forcés de participer de manière collective à l'exécution par strangulation de deux jeunes patriotes ayant essayé de déserter. Non seulement cet événement a traumatisé ceux présents mais il a contaminé les rapports entre les membres de ce corps de l'armée pour la durée» (p 303), «Malgré ses déconvenues, Boussouf reste l'homme dont le bilan est exceptionnel.. Par contre, comment passer sous silence le climat de suspicion qu'il entretenait, son emploi de la force et son goût du complot ? C'était un homme qui n'hésitait pas à aller jusqu'au bout de ses convictions et de ses projets, même les plus terrifiants, dont l'assassinat, en particulier, de Abane Ramdane. Après 60 ans de l'histoire du pays, il est temps de regarder les hommes en face.» (p 333)
Avis : Trop long, trop de détails, peu d'analyses, mais un livre écrit à la première personne - qui tient en haleine, et passionnant surtout pour tous ceux qui veulent connaître l'Histoire racontée dans ses «détails» par un combattant qui n'a pas sa langue «dans sa poche». Un journaliste l'a écrit avant moi (M.C Lachichi, Liberté ) : « Des passages croustillants que, probablement, certains voudront mettre en doute. Mais en vain !», c'est déjà écrit.
Citations : «La Révolution utilise toutes les compétences, comme un torrent, elle charrie tout sur son passage» (p 205), «L'ignorance au bout du fusil nous réserve des lendemains amers» ( p 336)
http://www.lequotidien-oran.com/?news=5281736
par Belkacem Ahcene-Djaballahoir :
Voir aussi
Les commentaires récents