Plusieurs associations françaises, syndicats et partis politiques ont demandé samedi, à quelques jours de la commémoration du massacre des Algériens du 17 octobre 1961 à Paris, au président Emmanuel Macron de reconnaître la responsabilité de l’État français dans ce massacre et sa condamnation.
“Le 17 octobre 1961, des dizaines de milliers d’Algériens manifestaient pacifiquement à Paris contre le couvre-feu discriminatoire qui leur avait été imposé par le gouvernement de l’époque dont le Premier ministre, Michel Debré, était hostile à l’indépendance de l’Algérie, et le préfet de police Maurice Papon sous ses ordres.
“Ils défendaient leur droit à l’égalité, leur droit à l’indépendance et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes”, ont-ils rappelé dans une pétition rendue publique samedi, ajoutant que ce jour-là, et les jours qui suivirent, “des milliers de ces manifestants furent arrêtés, emprisonnés, torturés – notamment par la force de police auxiliaire – ou, pour nombre d’entre eux, refoulés en Algérie. Des centaines perdirent la vie, victimes d’une violence et d’une brutalité extrêmes des forces de police”.
Pour ces associations, dont l’Association Maurice-Audin, et partis politiques, dont le Parti communiste français (PCF) et Europe Ecologie les Verts (EELV), “57 ans après, la vérité est partiellement en marche”, déplorant que la France n’ait toujours pas reconnu “sa responsabilité dans les guerres coloniales qu’elle a menées, – en particulier la Guerre d’Algérie – non plus que dans le cortège de drames et d’horreurs qu’elles ont entraînés, comme ce crime d’État que constitue le 17 octobre 1961″.
“Nous demandons une parole claire aux autorités de la République, au moment où certains osent encore aujourd’hui continuer à parler des bienfaits de la colonisation, à célébrer le putsch des généraux à Alger contre la République, à +honorer+ les criminels de l’OAS”, ont-ils déclaré, exigeant également la reconnaissance par l’État français de sa responsabilité dans l’internement “arbitraire”, pendant la guerre d’Algérie, d’Algériens dans des camps, la liberté d’accès aux archives pour tous, historiens et citoyens, et l’encouragement de la recherche historique sur ces questions dans un cadre franco-algérien, international et indépendant.
À cet effet, ils demandent la création d’un lieu de mémoire “voué à cet événement”, demandée dans la résolution votée par le Sénat en octobre 2012, soit rapidement mise en œuvre par les autorités de l’État, de la Ville de Paris et la Région Ile-de-France et la vérité sur l’organisation criminelle de l’OAS que “certains, comme au sein de la droite et extrême droite politique veulent réhabiliter”.
“Que le président de la République, au nom de la France, confirme, par un geste symbolique, la reconnaissance et la condamnation de ce crime d’État. Comme il vient de le faire pour l’assassinat de Maurice Audin par l’armée française et pour l’existence d’un système de torture généralisé”, ont-ils écrit.
Ils ont souligné que “ce n’est qu’à ce prix que pourra disparaître la séquelle la plus grave de la guerre d’Algérie, à savoir le racisme, l’islamophobie dont sont victimes aujourd’hui nombre de citoyennes et citoyens, ressortissants d’origine maghrébine ou des anciennes colonies, y compris sous la forme de violences policières récurrentes, parfois meurtrières”.
APS https://www.huffpostmaghreb.com/entry/appels-en-france-a-condamner-officiellement-le-massacre-du-17-octobre-1961_mg_5bc20a8fe4b0bd9ed55a9683
Une répression planifiée selon des notes du porte-parole de De Gaulle
On en sait un peu plus sur la répression des Algériens le 17 octobre 1961 à Paris. Des notes de Louis Terrenoire, ministre français de l'Information et porte-parole du général de Gaulle entre 1960 et 1962, ont été publiées par sa fille Marie-Odile Terrenoire dans un ouvrage intitulé "Voyage intime au milieu de mémoires à vif". Selon Gilles Manceron, historien français spécialiste du colonialisme dans un texte publié sur MediaPart, ces témoignages montrent comment Michel Debré, alors Premier ministre hostile à la paix avec le Front de Libération nationale (FLN) et partisan de "l'Algérie française", planifiait ce massacre depuis plusieurs mois pour "lancer une guerre à outrance contre la fédération de France du FLN".
Gilles Manceron, citant l'historien Pierre Vidal-Naquet, estimait dans son blog que la répression des Algériens le 17 octobre 1961 à Paris est l'une "des énigmes les plus étranges que pose à l’historien et à l’honnête homme la guerre d’Algérie". Il a rappelé avoir avancé en 2011 que "la solution à cette énigme résidait dans le désaccord du Premier ministre, Michel Debré, avec la politique algérienne du général de Gaulle".
"Debré n’avait plus aucune prise sur le dossier algérien mais conservait la responsabilité du maintien de l’ordre en France, et, quand, en août 1961, suite aux concessions du président sur la question du Sahara, un accord avec le FLN devenait rapidement possible, il s’est agi pour lui de lancer, a contrario de la politique de sortie du conflit choisie par le Général, une guerre à outrance contre la fédération de France du FLN", explique-t-il, estimant que les témoignages du porte-parole de De Gaulle constituent "un ensemble d’indices conduisaient à cette explication".
Michel Debré, qui avait soutenu l’arrivée au pouvoir du Général en 1958 en pensant qu’il défendrait l’Algérie française, n’était finalement pas favorable à sa politique algérienne. De multiples divergences survenues depuis 1959 à propos de cette question ont conduit les deux responsables français vers un net désaccord, après la décision de De Gaulle d’accepter, en août 1961, la souveraineté algérienne sur le Sahara.
Debré s'est vu retiré en février 1960 la responsabilité du dossier algérien mais a réussi garder sous sa responsabilité le maintien de l’ordre en France. A partir de 1960, il a organisé plusieurs conseils avec les autorités policières pour mettre en oeuvre des dispositifs en s’appuyant sur le préfet de police, Maurice Papon.
Le 18 août 1961, Debré a présenté une démission refusée par le président français, "qui lui cède tout de même plusieurs concessions", rappelle Manceron. Il s'agissait de demandes de remplacer Pierre Chatenet, ministre de l’Intérieur qui désapprouvait les méthodes du préfet de police Papon, par Roger Frey, ancien responsable du RPF, proche de Jacques Soustelle, défenseur de "l'Algérie française".
Debré a également exigé l'éviction du ministre de la Justice Edmond Michelet, qui "rejetait l’idée d’intégration de l’Algérie à la France et affirmait l’existence de deux peuples, français et algérien", et "fondamentalement hostile à l’usage de la torture et refusait la répression injuste des Algériens favorables à l’indépendance".
Le départ d’Edmond Michelet, le 23 août 1961, a ouvert la voie à Maurice Papon, qui a pu organiser la guerre contre la fédération de France du FLN. Le 5 septembre, il a adressé une directive demandant de "reprendre fermement l’offensive dans tous les secteurs" contre la fédération de France du FLN, en raflant les Algériens "indésirables" et en organisant des expulsions massives vers l’Algérie.
Quelques semaines plus tard, un conseil interministériel réuni par Michel Debré émettait un ordre du jour à tous ses services instaurant un "couvre-feu" et une "interdiction" de circuler après 20h pour les "Français musulmans algériens". "Et quand les Algériens, hommes, femmes et adolescents, sont néanmoins sortis simplement, désarmés dans les rues de Paris, le 17 octobre, à l’appel de la fédération de France du FLN, ils ont été réprimés avec une violence inouïe", rappelle l'historien.
Gilles Manceron fait ainsi remarquer que si "le général de Gaulle et les hommes politiques qui le soutenaient, comme Edmond Michelet, Louis Terrenoire, Louis Joxe et d’autres, ont une responsabilité dans ce drame, ce ne peut être que dans le silence qui a recouvert un massacre que d’autres avaient voulu et organisé".
"Dans ce crime d’Etat, il faut probablement distinguer entre ses auteurs et ceux qui en ont été, d’une manière ou d’une autre, les complices par leur silence, qu’ils soient au gouvernement de la France ou dans les principales forces politiques d’opposition du pays qui, à des degrés divers, n’ont rien fait, ou presque rien fait, pour dire et dénoncer le massacre", conclut-il.
https://www.huffpostmaghreb.com/2017/10/17/repression-planifiee-1961_n_18292658.html
La France n’a toujours pas reconnu sa responsabilité dans les massacres du 17 octobre 1961, pas plus qu’elle ne l’a fait pour les guerres coloniales et les multiples crimes qu’elles ont générés.
Ce 17 octobre 1961, c’est bien d’un crime d’Etat dont s’est rendue coupable la France à travers ses responsables politiques de l’époque. On connaît le rôle qu’y a tenu le Préfet de police Maurice Papon. On sait peut-être un peu moins que son supérieur d’alors, Michel Debré, alors Premier ministre, a tout fait pour enrayer la recherche d’une solution négociée, que privilégiait le Général de Gaulle. Debré voulait que l’Algérie restât française, et c’est son aveuglement qui a mené aux massacres de centaines de manifestants algériens à Paris et dans sa banlieue. Dans un livre à paraître, Voyage intime au milieu des mémoires à vif, le 17 octobre 1961, Marie-Odile Terrenoire la fille de l’ancien porte-parole de De Gaulle, Louis Terrenoire, s’appuie sur les carnets de son père pour démontrer que, comme le souligne Gilles Manceron, « c’est bien le Premier ministre qui, pour tenter d’empêcher une issue rapide des négociations, et essayer de provoquer une partition de l’Algérie, a décidé (…) de déclencher une guerre à outrance contre le FLN et les Algériens de France ».
Le 17 octobre 2012, le Président François Hollande a reconnu officiellement que « des Algériens qui manifestaient pour le droit à l’indépendance ont été tués lors d’une sanglante répression. La République reconnaît avec lucidité ces faits. »
Aujourd’hui, il est urgent d’aller plus loin.
Le 17 octobre 2018 nous serons sur le Pont Saint-Michel à Paris en compagnie de très nombreuses associations, pour demander aux plus hautes autorités de l’Etat de reconnaître explicitement et complètement la terrible répression de 1961 et tous les crimes commis pendant la période de la colonisation.
Les lieux de rendez-vous à Paris et banlieue
Pont Saint-Michel à Paris, à 18h
Pont de Bezons à Colombes 12h30
Pont de Bezons à Bezons, 18h30
Pont d’Argenteuil, 19h
Pont de Clichy à Asnières, 14/15h
Pont de Clichy à Clichy-la-Garenne, 19h
Place du 17 octobre à Gennevilliers, 18h
Place des Droits de l’Homme à Nanterre, 18h30.
Autres rassemblements en régions
Grenoble - Place Edmond Arnaud, Quartier Très-Cloîtres, à 18h, suivi d’une marche vers la Passerelle Saint-Laurent d’où sera jetée une fleur dans l’Isère
Béziers - rassemblement sur le Pont-Vieux à 15h
jeudi 11 octobre 2018, par
http://www.4acg.org/Apres-Maurice-Audin-et-la-torture-la-France-va-t-elle-enfin-reconnaitre-les
Ici on noie les Algériens :
Il y a des yeux
Qui ne pleurent pas
Et des regards
Qui ne trompent pas
Il y a des histoires
Qui ne se racontent pas
Et des mémoires
Qui n’oublient pas
Il y a des mots
Qui ne parlent pas
Et des maux
Qui ne se taisent pas
Et puis il y a moi
Qui ne comprends pas
Anissa Mohammedi.
Extrait de La voix du silence
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