vers 1900 -
KOUDIAT ZAROUR. — MINES DE SARCOPHAGES.—
RIEN DE TEL EN EUROPE.
Les sommets attirent. Je monte, et bientôt,
parmi les buissons, m'apparaissent des murs, des
piliers, des rotondes. Les pierres en sont énormes
et parfaitement ajustées. Tout autour, des écroulements
entre lesquels se distinguent les traces
d'un plan régulier. Les savants y voient une
église, une basilique byzantine. Ils en montrent
les parois, la nef, les bas-côtés, l'abside. Elle trônait
sur la montagne appelée par les indigènes
« Zarour (colline des Azéroliers), » comme règne
aujourd'hui Notre-Dame d'Afrique sur les flancs
du Bouzaréah dont l'oeil saisit d'ici la croupe
vaporeuse au fond de l'extrême horizon.
A quelques pas de là, du côté de la mer, je me
trouve au milieu de dalles innombrables,'brisées
pour la plupart, et confusément entassées, les
unes à plat, les autres debout, penchées, s'acco—
tant, s'areboutant, se superposant. On dirait un
dépôt de seuils, de linteaux, de montants, d'escaliers
hors d'usage. Je ne savais qu'imaginer, je
me perdais en conjectures, lorsque soudain, ô
lumière ! un grès, deux grès creusés en forme
d'abreuvoir.
Plus de doute, ce sont des tombes, des sarcophages.
J'ai découvert la nécropole. Mais quelle
quantité, grand Dieu ! J'avance, je cours : des
tombeaux, encore des tombeaux, toujours des
tombeaux. Ils couvrent plusieurs hectares ; et du
côté de la mer, à l'extrême bord des falaises, faute
de sol où s'enfouir, ils sont creusés dans le roc.
En se penchant sur l'abîme, on en voit de suspendus,
de tombés, on en voit dans la mer même. Il
y en a de carrés, de cintrés, de petits pour les
enfants, de jumeaux pour les époux, avec couvercles
plats ou bombés en dos d'âne.
Allez en Italie, en Grèce, vous trouverez là
certainement ce qu'on peut désirer de plus admirable
en fait de ruines : l'Acropole, le Panthéon,
l'arc de Titus, les temples de Pestum; nulle part
vous ne rencontrerez rien qui ressemble à ce
champ des morts de Tipasa, à ces milliers de tombes
violées, brisées, jonchant le sol, mais entre
lesquelles, sous lesquelles, on en devine plus
encore d'intactes et dont le secret, gardé depuis
quinze à dix-huit cents ans, promet aux chercheurs
futurs bien des surprises, des trésors.
On ne saurait en effet préjuger des fouilles de
l'avenir d'après celles qui se font de temps en
temps aujourd'hui. Les moyens sont bornés, on ne
peut aller bien profond, et les couches superficielles
ont évidemment servi, pendant des siècles,
de carrière et de mine aux indigènes. Nombre de
cercueils étaient doublés de plomb, contenaient
des bijoux, sans compter les menues monnaies,
les vases et les squelettes, car si l'hôte grossier
de notre âme immortelle ne se peut longtemps conserver
en vie, mort et suffisamment clos il brave
presque l'éternité.
La chapelle d'Alexandre
Ste. Salsa
Nécropole Sainte Salsa.
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