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LE CYCLAMEN.— FLORES D'AUTOMNE,D'HIVER ET
DE PRINTEMPS. — L'ECBALION.
Comme contraste à ces tableaux funèbres, une
plante mignonne, charmante, appelée vulgairement
violette d'Afrique, le cyclamen, fleurit au
pied de la basilique, caresse de ses pétales roses et
de ses larges feuilles marbrées la pierre nue des
sarcophages. Là ne se borne pas, il s'en faut, la
flore locale. Un savant naturaliste algérien, le
professeur Durando, qui fait bénévolement tous
les dimanches, par les sentiers si verts, si fleuris
de notre Sahel, un cours public et gratuit de botanique
rurale, et qui plusieurs fois proposa pour
but à son herborisation la campagne de Tipasa,
m'en avait bien voulu recommander quelques
sujets. Citons la scille automnale, bleuâtre; la
scille parviflore, violette; la scille maritime, ou
ognon de chacal ; le narcisse tardif, blanc ; le narcissus
oxypetalus, narcisse à pétales aigus ; le leucoium
automnale, nivéole d'automne ; la merendera
filifolia, colchique à feuilles filiformes ; le
spiranthes automnalis, orchidée odorante à feuilles
en spirale; le smilax mauritanica, salsepareille
d'Afrique ; le bellis sylvestris, pâquerette des bois ;
l'inula viscosa, l'inula graveolens, aux fleurs jaunes
; la globularia alypum, globulaire Turbitt; etc.
Je n'ai pu rencontrer que les narcisses et les scilles,
la saison n'étant pas encore venue pour les autres,
plus tardives, sans doute, à Tipasa qu'aux environs
d'Alger où les rosées de septembre suffisent
d'ordinaire pour les faire éclore.
Les étrangers qui n'apparaissent guère ici que
vers la fin de novembre, trouveront donc la flore
automnale de Tipasa toute parée pour les recevoir.
Celles d'hiver et de printemps ne leur feront pas un
moins bon accueil. Elles mettront à leur disposition,
entre autres charmants bouquets: la ruta bracteosa,
rue à bractées, qui diffère de la rue des jardins
par les larges bractées de ses fleurs bleues , la
conyza sordida, immortelle d'un jaune sale, très
commune sur les murailles; le cyperus mucronatus,
ou Galilea mucronata qui, comme le chien-dent
et le carex arenaria, laiche des sables, fixe la
poudre des dunes. Enfin, la momordica elaterium
de Linné, ou ecbalion de Richard, vulgairement
nommée concombre d'âne, offrira gratuitement
aux amateurs de récréations hydrauliques les rincées,
les taches, que l'on va chercher si loin et
payer si cher près de Gènes, à la villa Pallavicini.
L'eau contenue dans le fruit mûr de l'ecbalion punit,
en l'aspergeant, l'innocent qui veut le cueillir.
La flore ligneuse n'a guère, à Tipasa, d'autres
représentants indigènes que l'olivier, le chêne
vert, le térébinthe et le pin. Grâce à l'industrie
des colons, quelques sujets exotiques commencent
à s'y mêler. On découvre, dans les
jardins, le poivrier du Japon, l'eucalyptus, le palmier
dattier, le platane et jusqu'à l'araucarie,
genre de conifères actuellement très goûté, mais,
suivant moi, plus curieux que beau, avec les
branches linéaires et symétriques qui lui donnent
l'aspect d'une proposition d'Euclyde. Quelques
arbres fruitiers aussi bordent les plates-bandes de
l'ancien musée, et notamment une douzaine de poiriers
Duchesse dont les produits ne le cèdent en rien
aux plus gros, aux plus savoureux de leurs congénères
de France. Malheureusement, certains spéculateurs
ont peu changé depuis le temps des
Hespérides, et les murs, sinon les dragons, sont
encore aujourd'hui nécessaires à la sécurité des
jardins. « Les excellentes poires ! Le précieux
trésor pour nos desserts d'automne ! On les récoltera
demain. » Le lendemain, plus de poires; les
maraudeurs avaient tout pris.
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