Etat des lieux
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LA MISE EN OEUVRE. - Les secours demandés arrivèrent. Les défrichements se poursuivirent, en partie assurés par la main-d’œuvre militaire, notamment par les détenus. L’arrachage des palmiers nains présentait la difficulté majeure. Il fallait 500 journées de 8 heures, soit 4000 heures de travail pour un seul hectare.
Les semailles eurent lieu. 2000 oliviers furent greffés. On poursuivit les travaux d’assainissement entrepris. "Les ravins de l’abattoir et des fermes Sauveton furent débroussaillés et de manière à assurer l’écoulement des eaux. Un large fossé fut creusé à la limite et en amont de la forêt de Sidi-Slimane pour déverser les eaux qui, l’inondaient dans l’oued Meurad et dans l’oued Bou-Ardoun. Une grande tranchée fut ensuite ouverte, qui devait être la route de Tipasa. »( M de Malglaive).
Dès février, le directeur proposa à l’administration la construction d’un moulin à grain fonctionnant sur une dérivation de l’oued Meurad. Ce moulin sera établi dès l’été. Il évitera le double transport, long et onéreux du blé ou de la farine vers Miliana ou Blida.
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LA QUESTION DE L’EAU. - La question de l’eau devenait critique. D’après les termes d’un rapport daté d’octobre 1850, "la population de Marengo va puiser l’eau à deux sources, qui sont situées à 400 mètres environ du village dans le lit de l’oued Meurad". L’une (près du tennis actuel) a un débit au 15 octobre d’une vingtaine d’hectolitres par heure ce qui est considéré par le rapporteur comme très satisfaisant - il est vrai qu’on ne compte que 80 litres par jour et par famille -. "Le produit de l’autre source est moins abondant et n’a pas encore été évalué. Ces deux sources sont placées à 17 mètres environ au-dessous du niveau du sol du village et ne peuvent par conséquent être utilisées pour l’alimentation des fontaines, lavoirs et abreuvoirs qu’on voudrait pouvoir y établir. Cette circonstance s’oppose aussi à ce que l’excédent de leur produit sur la consommation puisse être utilisé pour les irrigations. Par suite de cet état de choses les colons ont été amenés à creuser des puits pour les besoins de leurs jardins qui sont situés entre l’oued Meurad et l’oued Bou-Hardoun, plus de 90 existaient au 15 octobre et la plupart donnaient encore de l’eau a cette époque bien que leur profondeur fût peu considérable. Elle varie de 2 à 11 mètres. »
Le rapport relate qu’une prise d’eau avait été faite au printemps dans l’oued Meurad à deux kilomètres en amont de Marengo, mais qu’au milieu de juillet, l’eau avait disparu (les vestiges de cette prise étaient encore visibles). Il notait qu’à la sortie des montagnes, à 7 km au sud de Marengo, l’oued donnait, début octobre 16 litres par seconde ( 576 hl/h - 1382 mètres-cubes par jour). Il concluait que si l’on établissait un barrage en cet endroit, "cette rivière permettrait, les besoins de la population satisfaits, d’irriguer encore au minimum 15 hectares ».
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LA VISITE DU PRÉFET. - Le journal "Akhbar » du 25 juin 1850 publie la relation d’un voyage du Préfet à Marengo. "M. le Préfet est allé coucher à Marengo.. La remarquable intelligence avec laquelle les travaux de la colonie de Marengo sont dirigés par M. le Capitaine de Malglaive, n’ont pas manqué de fixer l’attention de M. le Préfet, et malgré le peu de temps qu’il a pu consacrer à cette localité, il a voulu tout voir, tout explorer et suivre pour ainsi dire pas à pas les remarquables résultats obtenus par une colonie qu’il avait vue naissante il y a quelques mois. Marengo n’est déjà plus un village, c’est une ville très avancée, car on y trouve déjà installées et fonctionnant avec activité des industries, des ateliers d’art, que l’on chercherait vainement dans des villes dont la fondation remonte à une époque beaucoup plus reculée".
Nous laisserons à l’auteur de ces lignes la responsabilité de cette appréciation qui ne cadre pas avec les rapports du chef de la colonie. Rappelons que ce journal est « gouvernemental". L’article poursuit, concernent les (futurs) villages de Bourkika et Ameur-el-Aîn : "Sur la route de Marengo à l’Affroun se trouvent échelonnés deux villages qui, quoique entièrement construits et dotés de magnifiques territoires, restent cependant inhabités l’administration militaire n’ayant encore pu, dit-on, faute de crédits, y installer une population ».
On remarquera au passage les "magnifiques territoires", marais et palmier nain.
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LES COMMISSIONS CONSULTATIVES. C’est par instruction du 9 juillet 1850 que la composition des commissions consultatives est fixée.
Chacune comprendra :s
le directeur, remplissant l’office de Maire, Président,
- le ministre du culte,
un médecin civil ou militaire,
l’instituteur, secrétaire,
trois colons élus par leurs camarades.
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LES ABANDONS. - Certains colons, découragés, 28 en janvier, 26 en février, un dixième de 1a population, abandonnent le village, dont l’effectif tombe à 469. Le mois de juillet marqua, avec la chaleur, le retour du paludisme et l’apparition de cas d’ophtalmie purulente, causant parfois une cécité temporaire. L’ophtalmie sévissait en Algérie à l’état endémique, ainsi que le trachome, tribut payé à la malpropreté et aux mouches.
Néanmoins, il y eut moins de décès en 1850 : 37 pour l’année entière. Ce qui reste quand même, avec 80 pour mille, un taux de mortalité élevé (environ 24/1000 dans 1a métropole à la même époque).
Pour combler les vides, on fit appel, en vertu de la loi du 20 juillet 1850, à des soldats ayant déjà servi en Algérie ou à des cultivateurs mariés. Un contingent de colons arrivera en décembre. En tenant compte des naissances, le village comptera 555 personnes en cette fin d’année 1850. Sur un territoire de 1180 ha, 942 sont défrichés, 300 ensemencés en céréales, 16 plantés en vigne. Si les céréales ont une priorité dans les superficies ensemencées, c’est qu’elles sont utiles pour l’alimentation humaine, colons et soldats, mais aussi pour le bétail et les chevaux de l’armée : orge, avoine, paille.
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LE TRAVAIL INDIVIDUEL. - Jusque là, les colons, en partie par la force des choses, avaient été soumis à un travail communautaire un peu semblable à celui qui avait été pratiqué dans les colonies militaires, où il avait été rapidement abandonné. Les colons préféraient la propriété privée, où chacun recueille les fruits de son travail, d’autant que la date de la remise des titres de propriété s’en trouvait reculée. Ils adressèrent au Gouverneur général une pétition, demandant de sortir du régime communautaire et de recevoir individuellement les dotations promises. Le Gouverneur général, accéda à leur désir.
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