La vie continue, un été torride et l’invasion des sauterelles
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L’année 1851 s’ouvrit donc sur un autre horizon. L’espoir d’un profit personnel aiguillonna le zèle des colons.
Le 11 février de cette année, le Président de la République Louis-Napoléon Bonaparte signait le décret attribuant à 1a colonie (placée sur l’oued Bourkika !) le nom du général Marengo.
Le 14 juin 1800, Bonaparte, alors Premier Consul, battait les Autrichiens à Marengo (Piémont italien). Au cours de la bataille, un jeune officier, Capone se distingua et Bonaparte l’autorisa de porter le nom de Marengo, en récompense de sa conduite. Adjoint au Directeur de l’intérieur Walvin, il fut chargé par Bugeaud de l’établissement des villages de colonisation du Sahel et de la Mitidja, en 1842-43, comme Ouled-Fayet, Saint-Ferdinand, Mahelma.
Un jardin d’Alger portait également son nom : c’est lui qui, « aidé de condamnés militaire avait défriché, planté, semé un terrain inculte qui se trouvait à la porte de Bab-el—Oued et en très peu de temps et avec très peu d’argent, avait réussi à faire un magnifique jardin" (Akhar, 3 Nov. 1850) .
D’après un rapport daté du 2 février 1851, parmi les 91 concessionnaire de la catégorie A, 41 -avaient un attelage de labour complet, 11 à 4 bœufs, 34 à 2 bœufs, 45 possédaient du grain pour ensemencer et vivre jusqu’à la récolte ; 46 n’ayant de grain que pour ensemencer ; 55 dont la réussite serait à peu près certaine, 36 considérés comme ayant peu d’espoir de s’en sortir.
Pour les 82 de la catégorie B (concessions reprises), 49 avaient des attelages complets (9 à 4 bœufs, 40 à 2 bœufs), 49 du grain en quantité suffisante, 33 seulement pour ensemencer, 56 sur le chemin de la réussite et 26 ayant peu d’espoir. Cet état fait ressortir que les concessionnaires en passe de réussir représentent 60 % du total dans la première catégorie (non agriculteurs), 68% dans la deuxième.
Fin mars, de Malglaive constate que "les habitants prennent tout à fait le caractère de nos populations agricoles de France. Les écoles sont aussi assidument fréquentées qu’il est possible de le désirer ; l’école du soir surtout est suivie par plus de 50 enfants et quelques jeunes gens dont plusieurs ont jusqu’à 18 ans. L’école des filles est aussi en bonne voie ; un ouvroir qui y est annexé sert à enseigner aux jeunes filles les travaux d’aiguille. Des rapports s’établissent peu à peu entre les colons et la population indigène ; les Arabes nous fournissent de l’orge, du lait, des œufs et ils prennent chez nous du pain, du blé, des objet, de ferblanterie ; il est aussi à remarquer qu’un grand nombre des Arabes du voisinage viennent travailler avec nos colons ; enfin, quelques-uns viennent fréquemment se faire panser à l’infirmerie ; deux y sont restés pendant ce trimestre jusqu’à leur guérison."
Mais les colons n’étaient pas au bout de leurs peines. L’été était revenu, un terrible été particulièrement torride. En plus, les récoltes déjà maigres, subirent les déprédations des sauterelles, la première invasion depuis qu’ils étaient établis. Ils assistèrent impuissants à la destruction d’une notable partie de leurs cultures. Le découragement fut extréme chez les habitants, dont plusieurs encore abandonnèrent.
Le 7 août de cette année, le capitaine de Malglaive reçoit un blâme ; (ce n’est pas le premier) du Général commandant la Division d’Alger :"J’adresse un blâme à Monsieur le Capitaine de Malglaive pour avoir fait entreprendre le carrelage sans autorisation et avoir ainsi placé l’administration devant la réalité du fait accompli." Sur une dépense prévue de 8.800 francs pour carreler les maisons, un crédit de 5.600 francs est accordé. Qu’à cela ne tienne : de Malglaive avance la différence. Et le Gouverneur général de renchérir : "Vous voudrez bien le faire prévenir que, dorénavant, toutes dépenses non autorisées préalablement par moi, qu’il croirait devoir faire, resteront à sa charge".
Il faut noter un fait important, signalé dans le rapport de mars : les relations qui s’établissent entre les colons et la population indigène qui va être de plus en plus employée aux travaux agricoles. D’autre part, dans un état de plus grande sécurité, la colonisation libre s’étend. Dans les environs du centre, en dehors du périmètre officiel, des fermes vont s’établir les années à venir, sur des terres achetées aux indigènes, ou cédées par les Domaines.
Le 1er septembre, un ouragan d’une extrême violence va causer d’importants dégâts à Marengo et dans la campagne environnante : hangars renversés, pans du murs écroulés, clôtures emportées. De la salle des malades, à l‘infirmerie, restent seuls debout deux murs soutenant un reste do toiture ; cloisons et pignons sont projetés à plus d’un mètre, huit lits sont brisés. Le jardin de l’infirmerie, les pépinières sont très éprouvés par les ravages des eaux. Les plus grands arbres de la forêt sont brisés ; les rampes et les chemins dégradés, les chantiers noyés. Il faudra beaucoup de temps et d’argent pour remettre les choses en état.
Ces foucades du temps n’ont pas tempéré, l’optimisme du capitaine de Malglaive qui écrit dans son rapport du 2 décembre : "La situation matérielle est du plus prospère si des secousses ne viennent pas détruire ce qui existe et porter la perturbation dans les esprits. La situation morale est aussi satisfaisante, mais c’est seulement maintenant que laction de l’autorité peut se faire sentir sans luttes et avec efficacité. Le général a pu en juger dans sa dernière tournée, il est à craindre qu’une nouvelle administration en excitant de nouvelles espérances ne viennent compromettre cet heureux résultat« . Ce dernier paragraphe semble prémonitoire…
Deux décembre 1851 : le même jour, L. N. Bonaparte déclenche son coup d’Etat, et l’armée d’Afrique se méfie de ses idées concernant ce pays. C’est peut être ’par réaction ou en souvenir du mythe napoléonien que les électeurs des colonies de 1848 voteront oui ou s’abstiendront au plébiscite des 21-22 décembre.
L’Algérie recevra 9.530 déportés, opposants au coup d’Etat.
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