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Au moment de la conquête coloniale française, le région de Tipaza se trouvait sous le contrôle des tribus des Hadjoutes et des tribus du Chenoua. Les tribus du Chenoua habitaient le massif tout proche dont ils portent le nom tandis que les Hadjoutes contrôlaient l'extrémité de la Mitidja.
Aprèe la prise d'Alger, les troupes françaises ont effectué des persées à travers la Mitidja, mais elles se sont heurtées à une forte résistance de la part de ces tribus. C'est ainsi que le lieutenant-général Voirol voulut en vain s'assurer du contrôle de toute la Mitidja pour en permettre la colonisation entre 1833 et 1834. Par la suite son successeur Drouet d'Erlon établit près de Boufarik un camp retranché qui devait servir de base d'opération contre les Hadjoutes.
En janvier 1835, le général Rapatel fut chargé d'une expédition punitive contre les Hadjoutes. Cet événement marqua le début d'une guerre de près de dix ans ou, selon les termes de l'historien Ch-A. Julien ''les Français eurent rarement l'avantage''.
Lors de la rupture du traité de la Tafna en 1839, l'Emir Abdelkader reçut l'aide de toutes les tribus de la Mitidja qui firent refluer vers Alger tous les colons. De même, l'offensive du maréchal Valée contre Cherchell en 1840 finit par un échec.
Aussi ce fut par la technique de la terre brulée que le maréchal Bugeaud lança ses troupes contre tous ceux qui apportaient leur aide à l'Emir. La correspondance de St. Arnaud a laissé le témoignage de ces dévastations méthodiques dont fut l'objet la région de Tipaza et Cherchell en 1842.
C'est sur cette base que commença la colonisation de la région. Selon les premiers témoignages français, les ingénieurs des ponts et chaussées avaient pensé établir un relai à Tipaza pour la route côtière Tipaza-Cherchell. Par ailleurs, des colons de Blida avaient sollicité en 1846 une concession pour établir un village de pêcheurs.
Sous le gouvernement de Randon furent prises les mesures permettant la colonisation de la Mitidja et du Sahel d'Alger. Ces mesures ont été célèbres sous la politique de cantonnement : expulsions sommaires, expropriations, tels furent les procédés qui permirent la création des fameuses ''colonies agricoles'' peuplées d'ouvriers français indésirables sous la seconde République et surtout durant le second Empire sur le territoire français.
Pour Tipaza, une commission retint le site comme propre à un débouché maritime de la Mitidja occidentale. Un projet de création d'un village de 30 feux, disposant de 150 hectares, fut étudié. Une enquête sur place fixa à 165 hectares le périmètre définitif destiné à 16 familles de pêcheurs et 16 familles d'agriculteurs, le coût de l'installation s'élevant à 45 000 francs. Puis le projet fut renvoyé pour étude approfondie. Quelques mois plus tard, en 1849 deux parisiens sollicitaient une concession de 600 hectares à Tipaza. Ils avaient un capital de 80 000 francs et s'engageaient à construire et peupler en quatre ans deux villages de 10 familles chacun. Cette proposition comme d'ailleurs le premier projet, ne fut pas suivie d'effet. En 1850-51 on voulut faire de Tipaza le ''port de Marengo''. Des déportés politiques victimes du coup d'Etat du 2 décembre 1851 furent employés pour commencer les travaux.
Le 25 mars 1853, le gouvernement-général Randon instituait une nouvelle commission chargée de mettre au point le plan de colonisation de Tipaza. Ce fut alors un entrepreneur de construction parisien, Demonchy, qui obtint en 1854 une concession de 2672 hectares, à charge pour lui de construire un village de 50 maisons. Plus du tiers des terrains qui lui étaient accordés étaient occupé par 96 familles algériennes qui ont été déplacées parmi lesquelles on peut citer les familles Abdelhak, Aguenarous, Benchamma, Benkheira, Bouras, Esserhane, Hocine, Hachad, Kerboub, Mesbah, Mrabet, Nedjar, Zdiahmed, Zeffaneh, etc...
Ce type d'occupation de la terre était propre à la colonisation capitaliste. Comptant parmi les 100 propriétaires les plus connus de Paris, Demonchy était très introduit auprès du gouvernement. C'est ce qui explique que l'empereur Napoléon III signa le décret de création du village de Tipaza, alors que le général Canon dénonçait en Demonchy un spéculateur.
Après des débuts difficile, notamment à cause du problème d'adduction d'eau, les témoignages sur le village en 1871 ne sont guère encourageants pour l'installation cloniale.
''Tipasa n'a pas réussi. Le nombre de colons diminue. Les maisons, au lieu de s'agrandir, au lieu de s'entourer de constructions nouvelles, sont désertes et s'en vont pierre par pierre rejoindre dans les broussailles, les ruines de leurs ainées. Pourquoi ? La route de Marengo s'est faite attendre 15 ans, celle du littoral, la plus indispensable, n'est encore que terrassée. D'école, d'église, pas l'ombre. L'eau?... Voici quelles ont aujourd'hui les ressources de Tipaza : des citernes hors d'usage, des puis saumâtres, une fontaine intermittente. On a eu de la chance de trouver, aux portes même du village un vieil aqueduc romain. De ces parois suintaient çà et là quelques filets d'eau limpide... Le port n'est qu'une crique avec, au milieu des flots, le tombeau punique. Au bord de la petite plage, deux cabines de bains. La flotte : cinq à six barques de pêcheurs...''
Le 27 mars 1886 fut constituée la commune de Tipaza qui comprenait alors 1269 algériens, 230 français et 156 étrangers. L'activité principale était alors axée sur l'agriculture et accessoirement la pêche.
En 1907, le vignoble qui s'ètendait sur les collines de Tipaza produisait 62 600 hectolitres de vin, exporté directement, d'abord par un procédé assez original qui consistait à faire rouler les tonneaux et les pousser vers le large ou les caboteurs les repêchaient à l'aide de treuils. Par la suite, la construction des jetées du port permit le chargement à quai.
Mais la particularitè de ce village a été progressivement marqué par les recherches entreprises sur le site archéologique. Le premier musée de Tipaza se trouvait dans l'ancienne propriété Angelvy-Trémaux ou avaient été regroupés à proximité de sa villa, sarcophages, colonnes, chapiteaux, stèles etc...Il s'agissait plutôt d'un musée privé. Toutefois plusieurs objets archéologiques prenaient le chemin du Musée National des Antiquités d'Alger, et certains celui du Musée du Louvre à Paris en attendant la construction en 1954, du Musée de Tipaza.
Sur le plan scientifique, les travaux de recherches archéologique ont porté sur différents monuments de cette cité dont la bibliographe est très abondante. Fouillé depuis la seconde moitié du XIXe siècle, le site archéologique fournit encore des documents qui éclairent progressivement son histoire. On dit même que le nom Tipasa est resté le même depuis plus de deux milles ans et que Ben l'écrit fautivement Tipaza. :)).
Depuis l'indépendance, la région de Tipaza a connu un essor considérable sur le plan administratif (chef-lieu de wilaya), touristique et culturel. Deux complexes touristiques ont été construit à l'Est et à l'Ouest de la ville, et notamment de nombreuses constructions ont été aménagées sur les collines du Sud. Une grande mosquée a été édifiée sur la place du village en 1980-81. Grâce à l'aménagement du réseau routier en partie pour le moment, Tipaza n'est plus qu'à une heure d'Alger en voiture. De nombreux touristes s'y rendent et le nombre de visiteurs nationaux ne cesse d'augmenter d'année en année.
Le classement de la zone archéologique de Tipaza, en accord avec les autorités locales, donne à présent à Tipaza une physionomie particulière, appréciée de tous les visiteurs.
En 1984, le parc archéologique propriété de l'Etat algérien, s'étendait sur près de 70 hectares repartis sur deux collines. Par une politique d'extention des zones protégées le site de Tipaza est passé de 45 hectares en 1962 à 70 hectares. La propriété des héritiers Angelvy-Trémaux a été rattaché au patrimoine national, de même que l'ancien hôtel du Rivage, aménagé en centre de recherche archéologique. Les réserves du Musée ont été agrandies par l'acquisition d'un ancien foyer communal. Ce vaste espace considéré comme parc national se complète avec le parc marin protégé également par une récente législation contre toute pollution d'origine industrielle. C'est là une véritable zone verte et une réserve appréciable pour les chercheurs des générations présentes et futures. Par son importance ce site a été inscrit sur la liste du patrimoine mondial.
Depuis 1984, Tipaza est devenue le chef-lieu d'une nouvelle wilaya.
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Le site de Tipaza a été à l'origine de nombreuses oeuvres dans les domaines littéraire et pictural. Qu'il suffise d'évoquer les romans de Louis Bertrand ou d'Albert Camus, et les nombreuses images dépeintes dans les oeuvres et encore présentes dans la nature exceptionnelle de cette région.
Chez les peintres, Tipaza est devenue une tradition. Marzoki, Deshayes, Dinet, Marquet, Noiré et Rochegrosse ont laissé des tableaux remarquables sur '' les ruines romantiques, blotties sous les pins et les oliviers, ou dressées vers le ciel sur les falaises, les vestiges antiques de Tipaza racontent avec une persuasive douceur le mûrissement réussi d'une civilisation issue d'influences diverses, sur ces rives fortunées...'' (S.Lancel).
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Tipasa m’apparaît comme ces personnages qu’on décrit pour signifier indirectement un point de vue sur le monde. Comme eux, elle témoigne, et virilement. Elle est aujourd’hui mon personnage et il me semble qu’à le caresser et le décrire, mon ivresse n’aura pas de fin.
(Camus A. (1965): Noces in Essais, Gallimard, Bibliothèque de
la Pléiade, respectivement, 1816, 1349 et 58-59).
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Dans Noces qui date de 1939, c’est-à-dire du temps de l’innocence et de la jeunesse de l’auteur, succèdent les années noires avec leur cortège de malheurs et leur chape de plomb. Il suffit, cependant, d’un retour au pays natal et d’un nouveau pèlerinage à Tipasa pour que l’auteur retrouve la paix de l’âme et la sérénité qui lui ont fait défaut pendant si longtemps.
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Du côté des ruines, lit-on dans Retour à Tipasa, ''aussi loin que la vue pouvait porter, on ne voyait que des pierres grêlées et des absinthes, des arbres et des colonnes parfaites dans la transparence de l’air cristallin. Il me semblait, poursuit Camus, que la matinée se fût fixée, le soleil arrêté pour un instant incalculable. Dans cette lumière et ce silence, des années de fureur et de nuit fondaient lentement. J’écoutais en moi un bruit presque oublié, comme si mon cœur, arrêté depuis longtemps se remettait doucement à battre”
(Camus A.: L’Été in les Essais, op. cit., 873).
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Dans ses essais solaires, qui sont aussi des essais sur les ruines, dans Noces à Tipasa en particulier, Camus célèbre un jour de noces avec le monde. La ville antique conspire à me donner, dit-il, l’orgueil de vivre. Que ces débris historiques soient ici un symbole pour nous communiquer une joie de vivre malgré la mort – ou à cause de la mort qui menace notre vie.
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Tipaza, on en guérit jamais !
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