.
Les différentes tentatives de la décolonisation de l'Algérie depuis 1830 et jusqu'en 1962 se sont déroulées comme suit.
Certes, et depuis le premier jour de l'occupation de l'Algérie en 1830,
jamais la France n'a connu de répit. Les soulèvements en tous genres
entrepris à la suite de l'abdication éclair de la Régence ottomane
d'Alger se sont succédé sans interruption, depuis celle entreprise dès
le début par la zaouïa El-Kadiria-Derkaouia des Mahieddine de Mascara
(la plus puissante confrérie de l'Oranie) sous la houlette de l'Emir
Abdel Kader.
I) la révolte des zoui
Malgré la rigueur du colonialisme et son arsenal d'arbitraires, les
Algériens ne se sont jamais soumis. Nous n'évoquerons pas les révoltes
d'individus qui ont été soit éliminés physiquement, soit envoyés aux
bagnes à Berrouaghia par exemple ou déportés dans les lointaines
contrées à Cayenne, en Nouvelle-Calédonie, ou à Brazzaville. Nous
n'évoquerons pas non plus les soulèvements de dechras, de douars ou de
certaines villes matés dans le sang. Nous n'évoquerons que les
soulèvements de tribus qui se sont étendus à plusieurs régions, menés
par les cheikhs des zoui. Celles-ci ont été les premières à se soulever
contre l'occupant dès qu'il a foulé le sol. La démarche guerrière est
rapide, elle est provoquée par la mobilisation et la galvanisation des
citoyens. Les prêches avaient lieu au niveau des mosquées et des zoui.
Ils sont d'ordre essentiellement religieux :
- C'est l'évocation de la guerre sainte au nom de Dieu (« El djihad fi sabil Allah ») pour la préservation de l'islam;
- et pour le rejet des kouffar hors du pays.
Malheureusement, la disproportion lors de l'affrontement en armes et
en nombre entre les corps belligérants en présence était si importante
que, malgré leur détermination, les révoltés se faisaient écraser.
Jusque-là, toutes les insurrections menées pour déloger la France ont
été vaines. Elles ont coûté la vie à de nombreux Algériens inutilement.
Ces révoltes sont d'ordre nationaliste, mais ce sentiment n'est pas
encore perçu dans sa conception moderne du terme. Ce sont des martyrs
au nom de l'Islam et du pays.
Dans cette classification
réductrice, la liste des insurrections est si grande qu'on est obligé
de ne citer que les plus importantes :
- En 1860, sous
Napoléon III, à l'Est, le territoire du Hodna se soulève à l'appel de
Ben Boukhentache avec 2.000 fusils. Un corps expéditionnaire dirigé sur
place met fin à la révolte.
- En 1864, le bachaga Si Slimane
Benhamza appelle à la guerre sainte et réussit à soulever le Sud
algérois et l'Oranie, qui ont répondu spontanément à son appel. Après
avoir maté la révolte, la politique de la terre brûlée a été pratiquée
contre les personnes et leurs biens. Les gens du Hodna, indignés par
ces comportements inhumains et animés d'un esprit de solidarité, vont
se révolter pour la 2e fois.
- En 1871, toute la Kabylie se
joint à l'appel du bachaga Mokrani et cheikh Benhaddad (170.000 hommes
sont sur le pied de guerre). La résistance est forte et malgré l'envoi
de plusieurs corps expéditionnaires, la guerre dure plus d'un an,
1871-début 1872.
- En 1875, les Zibans, au pied de l'Aurès, se révoltent.
- En 1879, c'est-à-dire quelques années plus tard, ce sont les Aurès
qui se soulèvent à l'appel de Mohamed Ameziane. Le manque de provisions
oblige le chef à se réfugier en Tunisie.
- En 1881, le
marabout Bouamama des Ouled Sidi Cheikh prend les armes et entraîne
derrière lui tout le Sud oranais. La révolte s'étend aux régions de
Tiaret, Frenda, Saïda et Aflou.
- En 1890, Fatéma N'soumeur soulève une partie de la Kabylie.
- En 1901, une révolte est déclarée près de Miliana, que l'on va
surnommer « les Troubles de Marguerite ». Elle sera anéantie sans
pitié.
II) L'exil vers les pays arabes
A partir de ce moment, l'inégalité des armes est devenue tellement
patente que le sort était connu d'avance. Il n'était plus question de
faire affronter une tribu contre une armée bien rodée.
Ces
débâcles ont coûté la vie, rappelons-le, à des milliers de victimes,
sans pour autant obtenir quelques droits et encore moins décoloniser le
pays. Les Algériens ont compris qu'il fallait changer de tactique.
En 1910, une loi scélérate décrète la mobilisation militaire pour les
jeunes indigènes, en infraction au traité de reddition de l'Emir Abdel
Kader signé avec le général Bugeaud, qui stipulait la non-incorporation
des musulmans dans l'armée française. A cette époque, l'Allemagne
faisait trembler la France. Celle-ci a eu peur, étant occupée à
guerroyer avec son éternel rival, de se laisser déborder sur ses flancs
par une révolte des Algériens. Il faut dire qu'elle avait besoin
également de chair à canon pour faire face à la guerre devenue
inéluctable et imminente.
A Tlemcen comme au niveau des
Aurès, ainsi qu'à travers toute l'Algérie, la population refuse et
gronde en réponse à cette ignominie. Les chefs religieux à Tlemcen,
Cheikh Ben Yellès, chef de la zaouïa Ars Eddidou et le muphti de la
Grande Mosquée, Chalabi, condamnent cette décision. Ils font des
prêches incendiaires et déclarent que la tenue militaire française est
apostasie.
L'administration coloniale réagit. Le Cheikh Ben
Yellès sera exilé en Syrie. Il sera suivi d'une grande partie de la
population : c'est « âam el-hadjra ».
C'est ce qui explique
la présence d'une importante communauté algérienne, et tlemcénienne en
particulier, au niveau de ce pays frère. Cheikh Ben Yellès n'a fait
qu'emprunter le chemin initié par l'Emir Abdel Kader. L'exil est devenu
une autre forme d'expression de mécontentement.
III) L'Emir Khaled
Le virage pour une revendication pacifique est initié par l'Emir
Khaled, petit-fils de l'Emir Abdel Kader. Il fonde en 1911 un mouvement
revendicatif, pacifique, les «Jeunes Algériens», regroupant les élites
et la bourgeoisie algériennes. Il réclamait les mêmes droits et les
mêmes devoirs que les Français. Le nihilisme de la personnalité
algérienne était trop criard et la France a vite fait connaître sa
réponse. Chagriné par la sourde oreille de la métropole, il rompt avec
le mouvement des Jeunes Algériens. Il se reprend et crée en 1919 un
nouveau mouvement qui revendique la revalorisation de la personnalité
algérienne. Il l'appellera la « Fraternité Algérienne ». Ce programme
aux aspects pluriels reposera essentiellement sur le culturel et le
politique :
- Enseignement de la langue arabe considérée
comme étrangère dans son propre pays. Elle est enseignée
clandestinement dans des caves, dans des arrière-boutiques...
Pour la petite histoire, en 1921, une médersa libre nommée Echabiba
est créée à Tlemcen. Cette école est surveillée de près par la police.
Dès son ouverture, elle reçoit l'hôte le plus illustre d'Algérie,
l'Emir Khaled. Il y est accueilli triomphalement. Mlle Tizaoui prononce
à son intention un discours de bienvenue préparé par son professeur
Mohamed Merzouk. Il l'écoute attentivement. Il est charmé par la
vivacité de cette petite fille, par la qualité du texte, par le ton
pathétique de sa voix vibrante d'émotion en cette circonstance
solennelle. Très touché, il n'a pu retenir les larmes qui coulaient de
ses yeux.
Il se rattrape, patriotisme oblige, pour rappeler à
l'intention de cette représentante de l'établissement ainsi qu'à
l'ensemble de l'auditoire, « à la France qui affirme que la langue
arabe est définitivement morte dans ce pays, moi je lui réponds que la
langue arabe est toujours présente ». En signe d'encouragement, il lui
remet une pièce en argent. Cette école sera obligée de fermer ses
portes en 1923.
- Enseignement de l'histoire de l'Algérie, occultée des cours dès le début de la colonisation.
- Enseignement de la civilisation arabo-musulmane.
- Mettre un terme à l'humiliation et aux offenses menées contre les ouléma, les enseignants.
- Mettre un terme aux démolitions des médersas et des mosquées.
- Cesser d'entreprendre la christianisation de l'Algérie sous prétexte que dans le passé elle était chrétienne.
- Participation aux élections nationales et locales, en choisissant
des candidats représentatifs du peuple algérien et empêcher ainsi des
candidats sélectionnés par la France à la solde de l'administration.
Les premières élections auront lieu en 1925.
- Lutte contre l'indigénat.
L'Emir Khaled a écrit en 1919 à Wilson, président de l'Amérique du
Nord, pour l'informer de l'état d'indigence dans lequel se débat le
peuple algérien.
A partir de 1922, ce mouvement nationaliste
connaîtra un grand succès et s'étendra sur une grande partie du
territoire. Parce qu'il n'a jamais cessé d'activer malgré les mises en
garde, il se fera expulser par deux fois en Egypte. Il y mourut en
1936, lors de son dernier exil. L'Emir Khaled n'a jamais créé de parti.
IV) Les «nadis»
Un autre mouvement de prise de conscience anticoloniale va apparaître
spontanément, sur l'initiative de certaines élites, sans connotation
politique officielle pour pouvoir bénéficier de l'agrément. Il s'agit
des «nadis», ou cercles. Ce sont des projets d'un groupe d'individus
qui veulent venir en aide à la population maintenue dans l'ignorance et
la misère afin de les éclairer. A partir de ces clubs, les initiateurs
pariaient pour une meilleure sensibilisation à travers la lecture, des
conférences, les théâtres. Il a fallu plusieurs années pour voir leur
création se multiplier à travers le territoire.
«Nadi
Echabiba», créé en 1904 à Tlemcen par les Kouloughli essentiellement,
dit-on, plus émancipés, plus évolués. Il n'est agréé qu'en 1910. En
1919, il reçoit la visite de l'Emir Khaled.
«Nadi Islami»,
créé en 1920 à Tlemcen, en réponse au cercle sus-cité, dont la plupart
des membres se recrutaient parmi les H'dar de la cité. Partisans du
mouvement de «Fraternité Algérienne», ils vont soutenir la thèse de
l'Emir Khaled.
«Nadi Es-Saada», créé en 1925 à Tlemcen, au
niveau d'El-Kissaria (rue de Mascara), puis s'est déplacé en 1930 au
niveau de l'actuel boulevard Colonel Lotfi, en face du collège d'Ibn
Khaldoun, (ex-collège de Slane). Une grande partie des militants des
deux nadis Echabiba et Islami vont fusionner, partant du constat que
l'union fait la force, enterrant ainsi leurs querelles vieilles de
plusieurs siècles. Le patriotisme a joué un très grand rôle dans la
réconciliation des deux communautés tlemcéniennes. Cette réunification
va galvaniser leur sentiment anticolonial, comme en témoigne la prise
en charge exceptionnelle du congrès des Scouts musulmans algériens qui
s'est déroulé en 1944 au niveau du plateau de Lalla Setti, à Tlemcen.
«Nadi Radjah» sera le quatrième cercle à voir le jour en 1936 au niveau
de la cité. D'obédience nationaliste, plus engagé, il est situé au
niveau de la rue des Remparts, rue parallèle à Bab El-Djiad (ou rue de
Sidi Belabbès), à côté de l'actuelle demeure du cheikh Boufeldja.
Figuraient des noms de nationalistes vétérans comme Bentchouk Ghouti,
Boumediène Maarouf, Guenanèche Mohamed, Berrezoug Mustapha, fidèles de
Messali Hadj.
«Nadi Ettaraqi» (ou cercle du Progrès), a vu
son apparition à Alger. Des témoignages contradictoires ne précisent
pas si c'est celui de Tlemcen ou celui d'Alger qui est antérieur. Ce
sont essentiellement les Ouléma en 1931 qui vont bénéficier du local.
D'autres cercles vont voir le jour à Sidi Bel-Abbès, Mostaganem,
Constantine.
L'Emir Khaled va encourager tous les nadis qui
vont se créer. Ils lui serviront de locaux d'accueil et de propagation
de ses idées. Ces cercles s'inscrivent dans le même processus de
revendication de l'identité algérienne, à l'instar des zoui et des
mouvements de l'Emir Khaled.
V) Messali Hadj, le précurseur du nationalisme
et de l'indépendance
Avant, et partout dans le monde musulman, les rois n'avaient pas une
armée de taille pour résister à l'avancée de la colonisation programmée
par l'Occident. Cette attaque sans déclaration de guerre va mettre à nu
les insuffisances du monde arabe. L'Europe s'est lancée à partir du
XVIIIe siècle dans la course vers l'équipement mécanique et
technologique prometteur. A ce titre, elle avait besoin de terre et de
matières premières pour réaliser ce rêve. Cela ne pouvait se réaliser
que par l'assimilation par la force des richesses humaines et
matérielles d'outre-mer. Les sultans, surpris, devaient, pour affronter
l'ennemi, renforcer leurs moyens de défense en faisant appel aux tribus
éparses. Le commandement arabe récemment unifié explique en partie la
faiblesse des pays du Sud par rapport aux envahisseurs étrangers. La
résistance était entamée au nom d'Allah pour tenter de stopper
l'invasion.
L'Algérie vivait le même dilemme. L'Algérie
multitribale n'a jamais créé une nation. Le pays a été politiquement
une contrée à caractère centrifuge, il n'a pu se structurer en un Etat
centripète. Son point faible, et depuis les temps les plus reculés, se
trouve dans la dispersion de ses forces. Chacune des tribus vivait en
autarcie. Les tribus ont toujours contesté le pouvoir central, souvent
despote lorsqu'il existait, en se rebellant continuellement. A chaque
fois, l'armée devait intervenir pour renouveler l'allégeance et
renforcer l'autorité du pouvoir.
Notre histoire est truffée
de passages à vide qui ont permis aux conquérants de fendiller les
autodéfenses éparses. L'autorité centrale a refusé les mutations
politiques qui se déroulaient au niveau de la berge nord de la
Méditerranée et qui ont abouti à l'édification d'un Etat moderne. A
défaut, la religion a été maintenue comme une source d'autorité et de
législation. La France, grâce à une représentation populaire équitable
et des contre-pouvoirs, a réussi à la mise en place d'une cohésion
nationale. Ainsi, ce pays, à l'instar d'autres pays occidentaux, a pu
connecter en royaume-noyau, petit à petit, au cours des siècles, les
provinces sous une seule souveraineté et constituer une nation avec un
gouvernement, un drapeau, une hymne national, une armée, des frontières
stables...
D'ailleurs, l'Emir Abdel Kader, après la débâcle
des Turcs, n'a pas trouvé un Etat structuré qui l'aurait reconnu et qui
aurait accepté de le diriger. Il devait à la fois combattre les
agresseurs et négocier avec les tribus pour les convaincre de lui
prêter main-forte. Il a passé autant de temps à persuader qu'à
batailler. Il y a des tribus qui l'ont suivi spontanément, d'autres ont
été réticentes, parfois elles l'ont combattu. Ce qui l'a usé et
affaibli. Il était obligé d'initier la phase primaire d'une nation,
c'est-à-dire reconstituer le puzzle territorial. De l'autre côté,
l'ennemi impitoyable avançait implacablement tout en jouant sur les
conflits internes. La guerre est menée par la Grande Armée, celle de
Napoléon Bonaparte qui a combattu l'ensemble de l'Europe, alors qu'elle
attaque une cohorte de tribus à peine unifiées. C'est en réalité
l'affrontement entre deux systèmes de pouvoirs, l'un moderne, l'autre
arriéré.
Il est presque sûr et certain que les tribus du
temps de la colonisation ne se seraient jamais entendues pour créer un
front commun de guerre contre la France. Pas plus que les zoui,
celles-ci auraientelles pu surpasser leurs querelles de leadership et
de clocher pour fédérer entre elles et aboutir à une confrérie unifiée
avec un objectif commun, expulser de la terre d'Islam les kouffar ? Il
y a là beaucoup de doute.
Ces deux clans, partageant
désormais le même ciel que les colonisateurs, constituaient, par
l'abject jeu de la manipulation, des proies faciles à même d'entraver
toute tentative d'entente. Le salut viendra de l'Occident.
C'est par l'adoption de nouveaux concepts conçus par la modernisation
de la vie politique en Europe que les leaders révolutionnaires
algériens vont entamer leurs revendications. En effet, parmi les
formules nouvelles de démocratisation en cours en Occident,
l'expression populaire occupe une place prépondérante. Elle se traduit,
entre autres, par la mise en pratique d'un parti politique. C'est un
moyen d'expression et d'opposition, connu jusque-là uniquement dans les
pays occidentaux. Le concept du nationalisme va apparaître en Algérie
avec la création du premier parti politique nationaliste. C'est la
première fois dans l'histoire de notre pays qu'un parti politique
algérien voit le jour et avec lui la révélation du sentiment
nationaliste.
Le premier parti politique qui verra le jour en
Algérie aura lieu en 1926. Il sera créé par Messali Hadj. C'est à
partir de cette date et par le biais de la mise en place du parti que,
lentement, le peuple algérien s'enrichira par un transfert de
vocabulaire, en prenant connaissance des locutions-corollaires:
indépendance, souveraineté, citoyenneté, droit, élections, journaux...
A ce titre, Messali Hadj va accentuer d'un cran la requête pour la
décolonisation par rapport aux tribus, aux zoui, aux nadis. Le noyau
contestataire est dans sa phase théorique du combat moderne qui doit
l'emmener à la constitution d'une nation et donc de l'Etat moderne.
Un parti aurait-il suffi à unifier l'ensemble des Algériens pour redécouvrir la dignité spoliée ? Non !
Il y a plusieurs partis qui ont vu le jour. Mais il n'ont pas eu l'effet escompté et pour plusieurs raisons :
- Même s'ils ont été des partis d'envergure plus ou moins nationale,
c'est toujours à l'élite intellectuelle et à la bourgeoisie qu'ils ont
fait appel. Ces franges de la société, représentaient un très faible
pourcentage de la population. De ce fait, ses militants sont condamnés
à une vision plus théorique : ils étaient donc peu enclins à
entreprendre l'action violente.
- Les partis politiques
(Parti Communiste ou l'UDMA de Ferhat Abbès) ou islamique (Djamiat
El-Oulama de Ibn Badis) ont eu un parcours tortueux. Leur vision
originelle a évolué en tendances sinueuses, tantôt assimilationniste,
tantôt fédéraliste, quelquefois menaçante...
- De plus, leur ascendant sur la population n'a pas été assez prégnant.
- D'autant plus que ces partis passaient leur temps, par idéologie
interposée, à se quereller entre eux. Ils n'auront jamais pu s'entendre
pour créer un front commun.
La force de Messali Hadj tient à
la fois de ses qualités intrinsèques et de son programme d'action
politique. La création de son parti est basée sur une vision juste de
la tragédie que vit le peuple, de ses revendications légitimes, de sa
lutte linéaire, et d'avoir fait appel à la frange la plus jeune et la
plus marginalisée de la société : les démunis, les ouvriers, les
laissés-pour-compte. Ce sont eux qui seront le fer de lance du combat
armé. Ce sera un parti d'envergure nationale qui traduisait
l'aspiration populaire. L'Etoile Nord-Africaine se distingue par un
caractère prolétarien et révolutionnaire, par un goût marqué pour
l'action directe dès le début.
C'est la première fois que la
préparation à la démarche guerrière va prendre tout son temps, le temps
qu'il faudra, sans relâche. Il n'affrontera pas l'ennemi de prime abord
par une lutte armée vouée illico à l'échec. Dans un premier temps,
c'est-à-dire à partir de 1926, il entreprend, avec la propagation des
idées du programme de l'Etoile Nord-Africaine, une longue étape de
sensibilisation au nationalisme, à l'indépendance. Dans un deuxième
temps, c'est-à-dire à partir de 1948, avec la création de
l'Organisation Secrète (OS), il s'engage dans la lutte armée en créant
une section paramilitaire chargée de collecter des armes, de repérer
les cachettes au niveau des maquis, d'initier des cours théoriques et
des entraînements physiques destinés à la préparation de la guérilla.
Ce travail sera long, difficile et périlleux. Il lui aura fallu plus de
trente ans d'abnégation pour faire mûrir et fructifier ses idées. Ces
positions lui vaudront d'être malmené des décennies durant pour
«atteinte à la sécurité de l'Etat français».
Lorsque le
combat armé aura lieu à l'échelle nationale, l'ennemi ne pourra plus,
selon les exemples des révoltes antérieures, cerner les combattants et
les anéantir.
Les mérites de Messali Hadj sont :
- D'avoir créé un parti qui répondait aux aspirations des masses.
C'était le moyen unique de conquête de tous les coeurs des Algériens à
même de pouvoir soulever à l'unisson tous les coins de ce grand pays.
- La spontanéité d'adhésion de la jeunesse.
- D'avoir ouvert les adhésions aux ouvriers et à la classe prolétaire
qui ont eu lieu d'ailleurs de manière spontanée. Ils seront les
premières victimes de la répression, personne ne sera épargné par la
suite. La châtiment ne fera plus de quartier.
- D'avoir pris
le temps de faire adhérer tout le monde au combat libérateur en
scindant les deux étapes celle de la sensibilisation et celle de la
guerre.
- De ne pas avoir abandonné la lutte malgré ses
nombreuses incarcérations, les brimades qu'il a encourues, les tortures
subies et la condamnation derechef aux travaux forcés.
-
C'est pour la première fois aussi que l'appel à la guerre en terre
musulmane ne se fera plus au nom de la religion uniquement, mais au nom
du nationalisme, de l'indépendance... La lutte sera menée par un esprit
de sacrifice au nom du nationalisme et au nom de la religion. A la
guerre sainte va s'ajouter une guerre laïque.
Le fruit mûr
sera récolté par le Front de Libération Nationale, qui aura le mérite
de regrouper tous les partis en un seul front, pour mener ensemble un
combat unique, la seule formule efficace pour venir à bout de l'hydre.
Cette lutte sera poursuivie jusqu'à l'obtention de l'indépendance
totale, ce jour du 5 Juillet 1962, après 132 ans de colonialisme.
Il faut rendre hommage à tous les sacrifices consentis par les
Algériens, à tous nos martyrs, à tous nos déportés, à tous nos spoliés,
à tous les prisonniers, à tous les membres des zoui, des tribus, des
nadis, des partis qui, depuis l'aube coloniale, ont donné le meilleur
d'eux-mêmes pour que vive l'Algérie éternelle, indépendante.
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ar Baghli Abdelouahab
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