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...s’en prend aux institutions littéraires françaises pour avoir disqualifié son dernier roman à succès
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L'écrivain Yasmina Khadra s'en est pris, hier, à des institutions littéraires parisiennes les accusant d'avoir écarté son dernier roman, Ce que le jour doit à la nuit, des listes des principaux prix littéraires.
"Toutes ces institutions littéraires se sont liguées contre moi. ça n'a pas de sens ces aberrations parisianiste", s'est exclamé le romancier algérien, dans un entretien paru dans le quotidien français, Le Parisien.
"Les gens pensent que ça a été facile pour moi de devenir écrivain. ils n'ont rien vu de mon parcours", a déploré Khadra, qui dirige le Centre culturel algérien à Paris, en allusion à ces institutions, faisant savoir qu'il a été soldat à 9 ans et avoir évolué "dans un pays où l'on parle de livres mais jamais d'écrivains et dans une institution qui est aux antipodes de cette vocation".
"J'écrivais dans une langue qui n'est pas la mienne, avec ma singularité de bédouin. C'est la poésie de mes ancêtres qui lui donne cette teinte que certains me reprochent", explique-t-il, avant de fustiger ceux "qui ne savent pas que la langue française peut tout dire, parler d'infinitude".
"Ce livre, je le porte en moi depuis 1982", a confié le romancier algérien reconnu dans le monde entier, en parlant de son dernier roman "disqualifié" des listes des sélections, mais qui figure depuis 8 semaines dans les meilleures ventes de la rentée littéraire française.
Dans Ce que le jour doit à la nuit, (paru le 25 août chez Julliard), Khadra peint, "des années 1930 à nos jours, la trajectoire de Jonas, fils de paysan élevé par son oncle dans les beaux quartiers d'Algérie, puis habité par un amour impossible", résume Le Parisien, ajoutant que c'est aussi une Algérie déchirée entre ses communautés" de l'époque.
"Ce n'est pas seulement une histoire de l'Algérie coloniale, c'est aussi une réplique aux travaux de mon idole Albert Camus (qui) n'a jamais traité que de son Algérie à lui, son jouet enfant, de petit pied noir. Il (Camus) n'est jamais allé de l'autre côté. C'est ce côté-là que j'ai raconté, celui des pieds -noirs, des racistes, des gens bien, l'Algérie dans sa globalité".
"Je ne pense pas écrire un livre meilleur que celui-là", dit l'auteur de son dernier livre. Yasmina Khadra, dont l'œuvre est traduite dans de nombreuses langues, a obtenu ces dernières années plusieurs distinctions en France et à l'étranger. Son précédent roman, L'attentat, a reçu le Prix des libraires en France, en 2006.
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20-10-2008
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Le coup de gueule de Yasmina Khadra
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JAMAIS il n’aurait pensé qu’un jour l’ennemi aurait été aussi
invisible. Au moins, dit-il, quand il risquait sa peau face aux
intégristes, slalomant entre les horreurs de la guerre, ramassant ses
compagnons « à la petite cuiller », l’ex-officier supérieur de l’armée
algérienne Mohammed Moulessehoul ne pouvait s’en prendre qu’à la
logique de la guerre.
Il se sent pire que menacé de mort. « Disqualifié ! siffle-t-il entre ses dents en évoquant son absence sur les listes des prix. Toutes les institutions littéraires se sont liguées contre moi. Ça n’a pas de sens ces aberrations parisianistes ! Les gens pensent que ça a été facile pour moi de devenir écrivain. Ils n’ont rien vu de mon parcours. J’ai été soldat à l’âge de 9 ans. J’ai évolué dans un pays où l’on parle de livres mais jamais d’écrivains et dans une institution qui est aux antipodes de cette vocation. On devrait me saluer pour ça ! J’écris dans une langue qui n’est pas la mienne, avec ma singularité de Bédouin. C’est la poésie de mes ancêtres qui lui donne cette teinte que certains me reprochent. Ils ne savent pas que la langue française peut tout dire, parler d’infinitude. Ils trouvent ça ringard. Pauvre Victor Hugo ! »
« Je ne pense pas pouvoir écrire un livre meilleur que celui-là »
De fait, son nouveau roman (qui figure depuis huit semaines dans les meilleures ventes de la rentrée) aurait mérité d’apparaître sur les listes des jurys. L’auteur de « l’Attentat » y raconte, des années 1930 à aujourd’hui, la trajectoire de Jonas, fils de paysan élevé par son oncle dans les beaux quartiers d’Alger, puis habité par un amour impossible. C’est aussi le portrait d’une Algérie déchirée entre ses communautés. « Ce livre, je le porte en moi depuis 1982. Ce n’est pas seulement une histoire de l’Algérie coloniale, c’est aussi une réplique aux travaux de mon idole, Albert Camus. Il n’a traité que de son Algérie à lui, son jouet d’enfant, de petit pied noir. Il n’est jamais allé de l’autre côté. C’est ce côté-là que j’ai raconté, celui des pieds noirs, des racistes, des gens bien, l’Algérie dans sa globalité. » Il laisse passer un temps puis : « Je ne pense pas pouvoir écrire un livre meilleur que celui-là. »
Il est midi. Un soleil baigne le bureau où l’écrivain nous accueille, à l’Institut culturel algérien. Il reçoit ici des romanciers, des peintres, qu’il essaie d’aider. « Si je peux sauver deux ou trois talents, soupire-t-il ; et surtout leur apprendre à s’aimer… C’est fou, ils se détestent tous, les uns les autres. » Rien n’est simple. Nulle part.
La conversation court sur son pseudonyme féminin. « J’étais en opération dans les maquis intégristes et chaque soir je devais appeler ma femme pour la rassurer. Je pensais que je n’allais pas sortir vivant de cette guerre. Un soir, elle m’a dit, tes amis français demandent ta carte d’identité . Mon éditeur voulait un nom. Elle a donné ses prénoms. »
On lui dit que ses livres prennent parfois le risque d’un trop-plein de détails. « J’aime le détail. Ils vous conduisent au plus près du problème. C’est ce dont j’ai peut-être hérité de ma vie d’enfant soldat. Nous étions enfermés dans une caserne. Une forteresse. Le dimanche matin, nous sortions dans la ville. On nous mettait en colonne. Tout le monde s’arrêtait pour nous regarder passer. C’est là que tout me sautait aux yeux. J’étais comme une éponge. »
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* « Ce que le jour doit à la nuit », de Yasmina Khadra, Ed. Julliard, 413 pages, 20 €
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Le Parisien
Pierre Vavasseur
20.10.2008,
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