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m'interroge, déclare Mme Ighilahriz, pourquoi les autorités concernées
n'ont rien fait pour honorer la mémoire de cette combattante, cette
héroïne, exécutée le 25 octobre 1957 » ?
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Des femmes et des hommes qui agissaient sous les ordres de Zoulikha Oudaï étaient venus pour relater, pour la première fois depuis l'indépendance du pays, le comportement, le patriotisme, la sagesse, l'intelligence, le courage, le combat de cette belle et élégante femme algérienne. Mme Echaïb Yamina, dite Zoulikha veuve Oudaï Larbi (chahid), parlait parfaitement le français et n'avait aucun complexe face aux Européens et aux policiers. Elle a pu réaliser son rêve, quand la lutte de Libération nationale est déclenchée. Cette grande dame native de Hadjout, mère de trois enfants en bas âge, s'était illustrée par sa farouche détermination contre les forces coloniales françaises. Elle avait succédé au chahid Alioui Belkacem (ex-président de l'équipe de football du Mouloudia de Cherchell) pour diriger l'organisation politico-militaire de la région de Cherchell. Elle avait utilisé tous les subterfuges pour échapper aux embuscades tendues par les forces coloniales. Quand les autorités coloniales françaises se sont rendu compte de son rôle et de son influence auprès de la population arabe de la ville de Cherchell et de ses environs, elle décide alors de fuir pour rejoindre définitivement le maquis. La romancière Assia Djebar lui consacre d'ailleurs un livre (Une dame sans sépulture, ndlr). Mme Oudaï Zoulikha née Echaïb, native de Hadjout, maman de trois enfants, Khadidja, Mohamed et Abdelhamid, avait été capturée le 15 octobre 1957 et torturée par l'armée coloniale française durant 10 jours, avant qu'elle ne soit exécutée le mardi 25 octobre 1957 à 15h, selon des témoignages authentiques. Son corps n'a été retrouvé qu'après l'indépendance du pays. « Les mains menottées, Zoulikha crache sur la joue d'un capitaine militaire et courageusement, elle s'était adressée à nous, en criant, regardez ce que font les soldats français d'une Algérienne. Nous ne l'avons plus revue depuis ce jour », conclut ce témoin des montagnes de Menaceur. La combattante Zoulikha Oudaï est tombée en martyr, il y a 50 ans.
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Les jeunes Français, comme les jeunes Algériens, sont appelés, dans
leurs collèges et leurs lycées, de part et d’autre de la Méditerranée,
à se souvenir du sacrifice de leurs «résistants».
«De grands résistants au service d’une grande cause»
titrait El Moudjahid à la mémoire du 50e anniversaire de la mort de
Hassiba Ben Bouali, Ali Ammar, Mahmoud Bouhamidi et Yacef Omar (P’tit
Omar, âgé de 12 ans lors de son martyre), le 7 octobre. «La Résistance en héritage», lançait en «une»
lundi dernier le quotidien français La Croix. Trois semaines après
l’Algérie, la France réveille donc, elle aussi, les fiers héros de son
Histoire. Les journaux français s’arrachent en effet le nom de Guy
Môquet, résistant communiste fusillé par les Allemands le 22 octobre
1941, revisité et remis en première ligne par une décision du président
Sarkozy de faire lire dans les établissement scolaires français la
lettre d’adieu que le résistant français adressa à sa mère. Nicolas
Sarkozy avait en effet annoncé au printemps que sa «première décision»
de président serait de faire lire chaque année dans tous les lycées la
dernière lettre du jeune résistant, fusillé à 17 ans. Cet écrit
poignant, lu lundi dans la plupart des classes en France, a soulevé les
enthousiasmes, engendré les scepticismes. Or, cette initiative du
président français suit de peu l’annonce faite récemment d’une
distribution d’un million de DVD de La Bataille d’Alger dans les
établissements scolaires algériens. «Un million de copies du film
"La Bataille d’Alger" seront distribuées aux élèves et collégiens à
travers le territoire national, en guise de contribution à la
vulgarisation de la connaissance de l’Histoire», avait déclaré Yacef Saâdi, début octobre. C’est aussi la «résistance»,
telle que la conçoit l’Algérie, qui se trouve exaltée dans l’intime de
ce film de Gillo Pontecorvo, Lion d’Or à Venise en 1966. Hardi
combattant dans la lutte anticoloniale, mais aussi acteur et producteur
du film, Yacef Saâdi avait également déclaré que cette opération serait
«totalement autonome», sans lien quelconque avec les pouvoirs publics,
et qu’elle «relèverait du bénévolat».
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Instrumentalisation de l’Histoire?
En France, la polémique s’est au contraire échafaudée sur l’initiative plus «officielle» de cette lecture épistolaire. Des professeurs se sont depuis insurgés contre la proposition, jugée quasi manipulatrice, subtilisant à l’Histoire ses grands hommes à des fins politiques. Chose étrange, des réactions similaires ont suivi l’annonce de Yacef Saâdi. Ainsi, au fil des forums Internet, des Algériens se positionnent. Si certains saluent une «belle initiative», d’autres restent incrédules. Loin de déclencher une polémique, comme cela a été le cas à travers la France, le projet de distribution du film a toutefois enfanté des questionnements légitimes. «Le choc des images, le poids de l’Histoire...la sacralisation du martyr. En fin de compte pour quel résultat?», interroge un internaute anonyme.
En France, la lecture de la lettre de Guy Môquet a surtout fait frémir d’indignation des communistes attachés à «leur» figure mythique, mais encore des enseignants dont certains ont même refusé de lire la missive. Ces réactions en chaîne laissent transparaître des appréhensions semblables côté français et côté algérien. Quand des Algériens aspirent à un débat autour de La Bataille d’Alger, encadré par des professeurs d’histoire, des Français souhaitent que la lecture de la lettre de Guy Môquet soit «intégrée dans les programme d’histoire, et non récupérée politiquement». Quand des Algériens appellent à ne pas instrumentaliser l’Histoire, les Français exigent que l’hommage du 22 octobre soit replacé dans son contexte et délivré avec pédagogie
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eunes et téméraires
«Il n’est pas inutile de rappeler, de temps en temps, à de très jeunes gens qui l’ont sans doute oublié ou qui ne l’ont jamais su, que s’ils vivent aujourd’hui en République, c’est grâce à des garçons comme Guy Môquet», déclarait il y a peu Maurice Druon, figure du gaullisme et de la Résistance française, dans les colonnes du Figaro. De son côté, Yacef Saâdi a répété combien il lui paraissait essentiel de garder présent à l’esprit «le sacrifice de ces héroïnes et de ces héros», en écho à l’action des moudjahidine de la Révolution algérienne.
Certes, l’Algérie et la France s’adressent à leurs jeunes générations différemment, sur des modes, des supports d’expression et des canaux propres.
Ce sont pourtant là deux formes de «résistance» auxquelles elles veulent rendre hommage, qui renvoient à ces personnages emblématiques à travers des figures historiques moulées en héros.
Ali la Pointe et ses compagnons, notamment le Petit Omar, mort à l’âge de 12 ans, tout comme Guy Môquet, fusillé à l’âge de 17 ans, ont été honorés par leurs pays respectifs pour leur témérité et leur courage qui sont, en filigrane, des messages aux générations d’aujourd’hui.
Mais c’est aussi la précocité du martyre, la jeunesse des résistants, qui les érigent en modèle pour les élèves.
Les
nations algérienne et française, à défaut de raviver l’ardeur d’un
patriotisme à demi-mort, espèrent peut-être, chacune à sa manière mais
dans un même esprit, réveiller dans les rangs de leur jeunesse la vertu
que l’on nomme courage.
Marilyne CHAUMONT
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