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Dès le XVIe siècle, le pavillon Français commença à se montrer dans ces parages sous François 1er en 1555: mais les relations suivies avec ces régions ne datent guère que du règne de Henri IV A cette époque, plusieurs Français s’y étaient établis, sous la protection d’un agent diplomatique qui prenait le titre de consul de Fez et de Maroc.
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Sous le règne de Louis XIII, le cardinal de Richelieu, désireux de justifier son titre de surintendant général de la navigation de France, fait partir de Rhé une flottille polir « aller protéger dans le Maroc notre pavillon et les intérêts de notre commerce ». Il avait forcé les Algériens à conclure un traité de paix avec la France (1629) ; il obligea aussi l’empereur de Maroc à lui remettre sans rançon tous les prisonniers français retenus dans ses états. Quelques jours après cette sommation, les esclaves arrivèrent au port de Salé, accompagnés d’une lettre dans laquelle l’empereur adressait au roi de France les plus solennelles protestations d’amitié et de dévouement. Ces bonnes relations se maintinrent sur le pied où les avait mises Richelieu, jusqu’en 1666. Les Anglais étaient alors maîtres de Tanger et retiraient de grands avantages de cette position. Pour contrebalancer leur influence, Louis XIV envoya à Fez le Marseillais Rolland Fréjus, comme chargé d’affaires d’une compagnie pour exploiter le commerce de ce royaume. L’empereur du Maroc était alors en guerre avec un de ses lieutenants devenu l’allié des Anglais, et qui, fort de cette alliance, occupait la ville de Fez en son nom. L’arrivée de l’agent français donna an parti du chérif une force nouvelle l’empereur lève des troupes, chasse de Fez sou lieutenant, et fait rentrer sous son autorité les différentes parties de son royaume que l’insurrection lui avait enlevées. Louis XIV, comme on le voit parvint dès le début de ses relations avec l’empereur du Maroc à neutraliser l’influence que l’occupation de Tanger semblait devoir donner aux Anglais ; il fit plus encore : par sa protection constante, il encouragea les Arabes à attaquer les Anglais dans Tanger, et ceux-ci, rebutés de la possession d’une place qui leur coûtait d’énormes sacrifices, l’abandonnèrent en 1684 après en avoir fait sauter les fortifications. Dès ce moment, la politique de la France acquit un ascendant immense dans le Maroc : le commerce y jouissait des avantages les plus considérables, l’empereur entretenait avec la Cour de Versailles des rapports très fréquents, et se plaisait à appeler Louis XIV « le plus grand des rois et des princes de la chrétienté »; enfin,le comble, il fit demander la main de la jeune princesse de Conti, fille naturelle du roi et de mademoiselle de Lavallière. « Notre roi, disait l’ambassadeur de Muley-Ismaël, la prendra pour femme selon la loi de Dieu et de Mahomet son prophète, assurant qu’elle restera dans sa religion, intention et manière de vivre ordinaire; elle trouvera en cette cour tout ce qu’elle désirera qui pourra lui taire plaisir selon Dieu et justice, s’il plaît à Dieu. ». Louis XIV écarta avec convenance cette demande en appuyant principalement son refus sur la différence de religion. Malgré cet échec, Muley-Ismaël offrit à Louis XlV son assistance dans la guerre de succession. Mais après la paix d’Utrecht, qui rendit les Anglais définitivement maîtres de Gibraltar, les rapports de la France avec le Maroc devinrent moins fréquents; le consulat de Salé fut même abandonné.
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Pendant la première moitié du XVIIIe siècle et jusqu’au traité de 1763, les rapports avec le Maroc diminuèrent encore; l’Angleterre absorbait alors tout le mouvement commercial. La paix de 1763 ayant rendu la libre navigation des mers, l’empereur témoigna le désir de faire un traité avec la France: les intrigues de l’Angleterre et l’or des Vénitiens arrêtèrent les négociations. Enfin le traité fut conclu en 1767; il assurait la liberté du commerce par terre et par mer; il plaçait les marchands sur le même pied que les indigènes, et garantissait de toute espèce d’avanies. A l’avènement de Louis XVI au trône, l’empereur de Maroc s’empressa de le féliciter de la manière la plus bienveillante, et trois ans après il renvoya sans rançon des marins français qui avaient fait naufrage sur ses côtes. En 1789, le dey d’Alger, voulant profiter de la situation fâcheuse où se trouvait la France, proposa à l’empereur de Maroc de se liguer contre les Français: celui-ci refusa formellement, et ajouta qu’il ne consentirait jamais à ce que les prises relâchassent dans ses ports. Après la prise de Malte, les Algériens s’étant décidés à courir sur les navires Français, l’empereur leur signifia de suspendre leurs courses, s’ils ne voulaient s’exposer à un sévère châtiment de sa part. La défaite de Trafalgar, l’oubli de toutes les traditions diplomatiques, sous l’empire, le blocus continental, portèrent une grave atteinte à nos relations avec ce pays. Mais, après la chute de Napoléon, Muley-Soliman, empereur de Maroc, se montra digne du mouvement civilisateur qui rapprochait les peuples trop longtemps divisés par une guerre universelle. C’est alors que ce prince, charitable et pieux, réalisa l’abolition de tout esclavage entre chrétiens et musulmans, mesure dont la pensée avait rendu si remarquables les derniers rapports de Louis XVI et de Sidi Mohamed. Là ne s’arrêta pas encore son bon vouloir. En 1818, la disette ayant affligé la France, Muley-Soliman, par un privilège unique et illimité, ouvrait le Maroc pour que les Français puissent en tirer toute espèce d’approvisionnements en blé, et il mit le comble à sa générosité en renonçant même à ses droits de douane sur l’exportation. Le sultan renouvela à cette époque une ordonnance de Sidi Mohamed de 1759, qui permettait à tous les négociants chrétiens de s’établir dans son empire, et il déclara, en outre, que dans le cas où un Européen, faisant des affaires avec un de ses sujets, en éprouverait quelque préjudice, justice lui serait immédiatement rendue. Ainsi, en 1820, M. Sourdeau, consul de France à Tanger, ayant été frappé par un santon, l’empereur s’empressa de mettre le coupable en arrestation et offrit lui-même au consul les plus complètes satisfactions, « parce que, disait-il, dans mon empire, personne ne doit avoir à craindre ni injustice, ni voies de fait ».
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On voit, d’après ces précédents, qu’il n’aurait pas été impossible de rallier à
la cause française un empire dont les chefs, pendant près de trois siècles, ont professé tant de sympathie pour le caractère français, et qui s’élevaient par la supériorité de leur politique au-dessus de ces chefs improvisés qui commandaient dans les régences.). Notre intervention devenait donc d’une urgence extrême; aussi, dès le mois de novembre 1830, le général Clausel fit-il occuper de nouveau le fort Mers El-Kébir, et le 10 décembre suivant la ville d’Oran. En même temps des remontrances énergiques étaient adressées à l’empereur de Maroc au nom du gouvernement français, pour qu’il eût à s’abstenir désormais de toute intervention.
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