Les Chenouis du berbère « Ichenwiyen » population berbère d'Algérie d'environ 30 000 personnes habitent le Mont Chenoua qui surplombe la ville de Tipaza à 70 km d'Alger. Le Mont Chénoua, point culminant du Sahel algérois, est la limite orientale d'une région berbérophone qui s'étale de Bou Ismaïl (40 km à l'ouest d'Alger) jusqu'à Ténès (200 km à l'ouest d'Alger).
"j'ai quitté mon chenoua" :-)
Rachid Taha - Ya Rayah (Live)
Le Mont Chenoua, le mont oublié !
On me dit fou de retourner là-bas Là-bas dans ma montagne bien aimée Ne comprendront-ils donc pas Que demeurer sourd me torture ?
Et pourtant je suis retourné Là-bas dans ma montagne bien aimée Immortelle dans sa force profonde Tranquille adorant les cieux Acceuillant des vents farouches Quii soufflent sur son front l'écho de quelques âmes volées
On me dit fou de retourner là-bas Là-bas dans ma montagne bien aimée Ne sauront-ils donc jamais Que dans son sein Je couve mon nid ?
Le soleil frappait fort, l'orsque qu'enfin l'échine grisâtre du Mont Chenoua apparut la pleine bleue était là, majestueuse berçant ses vagues qui se retiraient en signe de révérences saluant le bienvenu. J'eu l'impression de renaître par cette bouffée d'air marin que venait me présenter la reine des mers... Ma montagne tout lâ-haut m'attendait. Dans mon silence je vivais mon Chenoua brisé... Murmures dans la plainte noyée dans les débris du silence des temples C'est l'âme de l'infant martyre qui revient bercer le crépuscule Il revient frémissant, plus doux que jamais de son printemps envolé... Une grande obscursité couvrit la montagne.
Revenez oh ! souvenirs
Revenez à moi
Comme lorsque nous étions enfants
Comme lorsque pieds nus sur les galets
Nous cherchions les petits coquillages enfouis dans l'eau
Quand nous essayions de nos petites mains
d'attraper les petits poissons
Revenez oh ! souvenirs
Revenez à mloi
Réveiller ce bonheur de la nuit tombante
Quand nous chantions le soir
Les étoiles éparpillées sur nos têtes
Tels des papillons en fête...
Sur ma prairie bleue je reviendrai tu sais Je reviendrai un jour l'orsque mon âge aura blanchi mes cheveux Je reviendrai marcher tout le long de tes rives Comme au temps ou mes jambes me faisaient voler.
''Ô brise vois-tu qui monte vers nous ?
C'est l'ami qui reviens près de nous
Et sur sa colline aimée se courbent les oliviers
Il erre candide sur l'étendue des ruines
Il revient à chaque lune éblouir les Dieux''
La terre a bougé, basculant les entrailles des mers
La mer a grondé une nuit crachant sa solitude
La mer a pleuré sur le Mont chenoua
L'oubli de ceux qui ne sont pas revenus.
S'abreuver de ses coquilles et de son eau salée...
A l'occasion de la saison culturelle "Djazaïr, une Année de l'Algérie en France", Olivier BARROT présente le livre de l'écrivain et romancière algérienne Assia DJEBAR "La Femme sans sépulture". Ce roman est un hommage à Zoulikha, une héroïne de la guerre d'Algérie. Couverture du livre "La femme sans sépulture" avec photo couleur d'un tableau non identifiée.
Il était une fois un imam… non pas dans l’ouest mais plutôt à l’ouest… et qui prétend en savoir long sur l’Islam… mais il ne faut pas le croire pour autant… il est tout bêtement arrivé avant et s’est placé devant. C’est ce qui lui a permis de prendre les devants et de considérer qu’il était favorisé quant à l’âme. Et donc autorisé à distribuer les louanges et les blâmes… De qui s’agit-il ?
Le 7 mai 1954, après 57 jours de combat, le camp de Dien Bien Phu tombe aux mains des soldats vietminh. Cette bataille a coûté la vie à plusieurs milliers de soldats français. 11 721 autres sont capturés et envoyés en camp de "rééducation". Plus de 8 000 n'en sont jamais revenus. En hommage, Jean-Pax Méfret a interprété DIEN BIEN PHU sur la scène de l'Olympia.
semperfidelis Ven 10 Aoû - 9:28
DIEN BIEN PHU
C'était un coin du monde, en Asie, loin de tout Encadré de montagnes, hérissé de bambous Au fond d'une cuvette, parsemée de collines Et tout autour creusées de profondes ravines.
Pitons nus, baptisés Dominique, Isabelle, Huguette, Anne-Marie, Eliane et Gabrielle Et aussi Béatrice, noms de filles ou de femmes Points d'appuis qui un jour furent couronnés de flammes.
Théâtre de batailles furieuses et sans pitié Ou sont ensevelis des soldats sacrifiés Vietnamiens francophiles, sapeurs et légionnaires Fantassins, artilleurs et paras légendaires.
Combattants sans reproche, de par le sang versé Pour l'honneur de la France et pour la liberté Cette terre étrangère, si lointaine pour vous Cette vallée sanglante s'appelait "Dien Bien Phu"
Le commandant Marcel Bigeard à Diên Biên Phu, en novembre 1953. API / GAMMA-RAPHO_KEYSTONE
Décryptage A Diên Biên Phu, pour la première fois, la France coloniale est battue par ses colonisés. Trois mois plus tard, les indépendantistes algériens prendront le relais, face à une armée française traumatisée…
Il y a eu Diên Biên Phu, puis rideau. Au sein de la société française, dès le lendemain du 7 mai 1954, le souvenir de la guerre d’Indochine a sombré dans un trou noir. Diên Biên Phu a été un point final, la dernière bataille frontale menée par l’armée française. Un épisode humiliant de boue et de sang, une équation militaire sans solution, un « Verdun sans la voie sacrée » selon l’expression du général de Castries.
Dans les médias français, l’Indochine, déjà peu présente, disparaît. Sa mémoire est restée enfermée dans les têtes des survivants, ces engagés qui ont eu la chance d’échapper à la mort. Sur les quelque 37 000 soldats qui ont été faits prisonniers par le Vietminh pendant la guerre (pour une moitié, des Français, des Nord-Africains et des Africains de l’armée coloniale ainsi que des Allemands recrutés dans les camps de prisonniers, et, pour l’autre moitié, des autochtones), seuls 10 000 sont rentrés vivants.
Ils ont vécu un cauchemar concentrationnaire, parfois pendant plusieurs années. Beaucoup, en débarquant à Marseille, ont dû encore essuyer les huées des dockers CGT, hostiles à la guerre « impérialiste ». Humiliation ultime, ils ont ensuite été interrogés par la sûreté militaire, qui traquait les possibles espions « retournés » par les communistes.
Une armée de va-nu-pieds
Peu de romans (à part ceux de Jean Lartéguy et de Pierre Schoendoerffer) ; des films qu’on compte sur les doigts d’une seule main (« la 317e Section », en 1965, et « Diên Biên Phu », en 1992, de Pierre Schoendoerffer, « Indochine », de Régis Wargnier en 1992) ; une très grande rareté de travaux universitaires… Comment un conflit de sept ans (sept ans !), faisant près de 90 000 morts côté français, a-t-il pu être ainsi gommé de la mémoire française ?
Les pertes militaires françaises de la guerre d’Indochine
On estime les pertes militaires françaises de la guerre d’Indochine à plus de 47 000 soldats métropolitains, légionnaires et africains, ainsi que 28 000 autochtones combattant dans le CEFEO et 17 000 dans les armées des Etats associés de l’Indochine. Les pertes du Viêt-minh sont, quant à elles, évaluées à près de 500 000. (source : ministère de la Défense).
A l’aube des Trente Glorieuses, sans doute, la France est davantage préoccupée par l’achat de la 4CV, le logement, l’éducation des enfants. Elle ne tient pas à ruminer cette défaite humiliante. Cette guerre si lointaine, menée par des engagés et des légionnaires étrangers, était déjà si peu populaire… On détourne donc les yeux. Personne ne fait attention au retour des quelques milliers de rapatriés d’Indochine, dont les couples mixtes, veuves et métis accueillis dans les baraquements des camps de Bias et Sainte-Livrade (Lot-et-Garonne) ou de Noyant (Allier).
Pour Benjamin Stora, le grand spécialiste de la guerre d’Algérie, qui a vécu à Hanoï pendant deux ans, au milieu des années 1990, une explication écrase toutes les autres : « La guerre d’Algérie a recouvert l’Indochine. Il ne faut jamais oublier qu’elle commence moins de six mois après Diên Biên Phu. » Ces deux guerres coloniales, si dissemblables, sont intimement liées. L’une est la mère de l’autre.
Pour comprendre ce lien, il faut imaginer la stupeur causée dans le monde entier par la défaite d’une armée française appuyée (et financée) par les Etats-Unis. « L’homme blanc qui dirigeait alors la planète, qui a implanté des colonies sur tous les continents, était battu », résume Jean-Luc Ancely, ancien militaire devenu spécialiste de ce conflit. Une armée moderne, mécanisée, appuyée par l’aviation, pouvait donc être défaite par des va-nu-pieds se déplaçant à bicyclette !
Le « Valmy des colonisés »
Subitement, le président vietnamien Hô Chi Minh et le général Giap, vainqueur de Diên Biên Phu, sont devenus les nouveaux héros de ce qu’on commence tout juste à appeler le « tiers-monde ». Les révolutionnaires de tout poil se réfèrent à eux, y compris Fidel Castro et Che Guevara. Diên Biên Phu est le « Valmy des colonisés », selon l’expression de Ferhat Abbas, premier président du gouvernement provisoire de la République algérienne. Un « puissant détonateur » qui démontre alors que « l’option de l’insurrection à court terme est désormais l’unique remède, la seule stratégie possible », a raconté Benyoucef Benkhedda, qui lui a succédé.
Giap et Hô Chi Minh (derrière, à g. et à dr.) en pleine discussion tactique en 1950. VIET NAM NEWS AGENCY / AFP
Lorsque 22 insurgés algériens se réunissent le 23 juin 1954, dans une villa du Clos Salambier, un quartier populaire d’Alger, pour lancer la « révolution illimitée jusqu’à l’indépendance totale », ils ont tous la débâcle française en tête. Benjamin Stora, qui a longuement interviewé plusieurs d’entre eux, est formel : « Diên Biên Phu fut clairement l’étincelle qui les a décidés à passer à la lutte armée, tous me l’ont dit. »
Mais l’ombre violente de l’Indochine enveloppe aussi l’armée française en Algérie. Beaucoup d’officiers supérieurs sont passés des rizières au djebel. Ils étaient capitaines en Extrême-Orient, ils sont colonels en Afrique du Nord. Ils ont le sentiment trompeur de poursuivre une même guerre, contre un camp qu’ils imaginent communiste et organisé. Ils amalgament abusivement Vietminh et FLN.
Comme en Indochine, ils considèrent qu’ils ne sont pas soutenus dans leur mission par l’« arrière », le pouvoir politique qui, à leurs yeux, n’écoute que sa lâcheté. Le thème du « coup de poignard dans le dos » ressassé en Algérie était déjà présent au Tonkin. Les historiens ne craignent pas de tracer un lien direct entre Diên Biên Phu et le 13 mai 1958 : c’est sous la pression d’officiers basés en Algérie, lassés depuis l’Indochine de l’indécision des politiques de la IVe République, que de Gaulle a ramassé le pouvoir et changé la constitution.
« Guerre révolutionnaire » et « travail de flic »
Certains d’entre eux ont théorisé une nouvelle vision militaire inspirée de leur expérience en Indochine : c’est la « guerre révolutionnaire ». Une doctrine selon laquelle les conflits ne passent plus par des armées rangées sur une ligne de front ; elle se déroule sur l’arrière, par l’encadrement politico-militaire des populations, l’action psychologique, le renseignement (et la torture), les camps de rééducation, le lavage de cerveau, les hiérarchies parallèles.
Après avoir passé deux ans en Indochine, un officier d’état-major est devenu le chantre de cette « guerre révolutionnaire ». Charles Lacheroy donne des conférences, exhibant le « petit livre rouge » de Mao pour mieux appuyer ses démonstrations. En 1956, il est recruté comme conseiller par le ministre de la défense Maurice Bourgès-Monory. Sa doctrine fait son chemin, jusqu’à inspirer officiellement la funeste « bataille d’Alger » de 1957 (même si les méthodes employées alors proviennent surtout de la police de Vichy).
Ce sont des anciens de l’Indochine qui conçoivent et dirigent ce « travail de flic » pour extirper le FLN d’Alger : le général Massu, son directeur de cabinet Hélie de Saint-Marc, les colonels Bigeard, Trinquier, Godard. Plus tard, l’armée américaine au Vietnam et divers dictateurs latino-américains s’imprégneront de cette doctrine française imaginée en Indochine et peaufinée en Algérie.
Depuis son bureau de l’Ecole militaire à Paris, Charles Lacheroy va aider à la préparation du putsch du 22 avril 1961. Le souvenir de l’Indochine est chevillé au corps des officiers qui se rebellent contre le « traître » de Gaulle. « Jamais le putsch d’Alger n’aurait eu lieu sans l’humiliation de la défaite en Indochine », estime Jean-Luc Ancely. Le samedi 22 avril, donc, les généraux Challe, Salan, Zeller et Jouhaud s’emparent d’Alger.
Salan et Jouhaud sont deux héros de l’Indochine… de même qu’Hélie de Saint-Marc, qui engage dans cette aventure factieuse le 1er régiment de parachutistes. Le putsch échoue quatre jours plus tard, à la suite de la réaction vigoureuse du général de Gaulle contre le « quarteron de généraux en retraite ». Salan et d’autres conjurés rejoindront l’OAS.
Le « mal jaune »
Si, dès la fin des années 1950, la société française a oublié l’Indochine, les militaires qui ont fait cette guerre entretiennent sa flamme, dans ce que l’historien Denis Leroux appelle « une forme de romantisme militaire ». Ce qui le nourrit : l’aventure, l’héroïsme viril, la brutalité du dépaysement, la douceur des paysages, rizières, brousse, côtes, et montagnes ; la civilisation raffinée, les jonques, les fumeries d’opium (« poison de rêve… qui nous élève », dit la chanson militaire). Mais aussi, note Leroux, « une forme de liberté sexuelle », que ces hommes trouvent dans les bordels militaires de campagne (BMC) ou auprès de congaïs, ces concubines avec lesquelles on se met temporairement en ménage.
De retour en France, les vétérans de l’Indochine sont marqués par une nostalgie qu’ils appellent le « mal jaune », une expression dont Jean Lartéguy titre un de ses romans en 1962. Pour illustrer leur attachement à cette terre lointaine, ils se répètent la fameuse phrase du général Jean de Lattre de Tassigny : « Mon fils n’est pas mort pour la France, il est mort pour le Vietnam. »
Mais à ce mal jaune s’ajoute chez ces anciens de l’Indochine une dureté, une noirceur. Un mal sombre qui les lie les uns aux autres, comme la marque des membres d’une société secrète. A la fin des années 1950, un tout jeune acteur porte cette violence en lui, dans son regard : il s’appelle Alain Delon, il a servi deux ans dans la marine, à Saïgon. Toute sa vie, ce mal sombre va nourrir son personnage à l’écran.
Aujourd’hui encore, dans les écoles militaires de Coëtquidan, on cultive le souvenir de l’« Indo ».De nombreuses promotions sont baptisées du nom d’officiers tombés en Indochine. Il faut dire que cette guerre inutile a infligé une saignée terrible. « Sept promotions de saint-cyriens ont été consommées par l’Indochine » résume abruptement Jean-Luc Ancely. Au total, 2 200 officiers sont tombés au combat, dont 800 issus de Saint-Cyr.
Dans l’armée, le culte de l’« ancien de l’Indo », figure du héros tragique, se perpétue. Dans l’imaginaire français, en revanche, il a pris les traits de l’archétype forgé par les antimilitaristes des années 1960 : la brute au béret rouge que le génial Cabu immortalisera sous les traits de l’« adjudant Kronenbourg ». Et que le parachutiste Jean-Marie Le Pen, sous-lieutenant en Indochine et lieutenant en Algérie, a pris un si grand plaisir à incarner pendant des années.
« Indochine, la colonisation oubliée », le hors-série
Pour acheter le hors-série du « Nouvel Obs » sur l’Indochine, c’est en kiosque dès le 18 avril ou sur la boutique de notre site. L’intégralité de nos articles est aussi à retrouver sur le web dans ce dossier, complété au fil des jours : « Voyage au pays de mes ancêtres », « Histoire d’une longue invasion », « Quand la France était un narco-Etat », « Marguerite Duras, la Vietnamienne », « La naissance du porno-colonialisme », « Hô Chi Minh, un apprenti révolutionnaire à Paris »… et des entretiens avec les écrivains Viet Thanh Nguyen et Eric Vuillard ou l’historien Christopher Goscha.
On dit quand on ne sait pas quoi dire, que l'islam est une religion de soumission. Maudit soit celui qui le dit, juste pour avoir son mot à dire ! Mais admettons et plaidons pour cette soumission. Celle de la femme qui se voile ou celle de l'homme qui s'agenouille dans la rue et prie le Seigneur pour qu'il soulève un coin du voile. Prenons les choses du bon côté, celui de la part bénite et non celui de la part maudite. Celle qui dit: je suis toute ouïe.
Né de la fusion entre L’Orient, fondé en 1924, et Le Jour, fondé en 1934, le quotidien francophone de Beyrouth fête cette année son centenaire. Au fil des guerres et des crises, le journal s’est adapté aux évolutions du Liban ainsi qu’aux nouveaux usages des médias. Dans un contexte de crise économique, il a su se maintenir à flot, et lorgne désormais vers les lecteurs anglophones.
L’Orient-Le Jour, c’est le journal des « tantes d’Achrafieh » (quartier à l’est de Beyrouth), ces vieilles dames chrétiennes qui parlent français entre elles et viennent de la haute société libanaise. Cette image, assumée par le journal lui-même, qui célèbre ses cent ans en 2024, est en passe d’évoluer avec la conquête d’un nouveau public plus jeune et plus international, qui consomme autrement les médias. À l’aube de son centenaire, il était temps de prendre le virage numérique qui entraine inévitablement un bouleversement du ton et des formats. Cette impulsion, déjà entamée il y a plusieurs années, est un nouveau tsunami dans le milieu médiatique au Liban. Pour sortir de son image « tout en l’honorant », le journal avait en effet décidé, il y a 25 ans, de se tourner vers l’avenir en lançant son premier site internet dès la fin des années 1990. L’Orient-Le Jour était ainsi devenu un pionnier du numérique au Moyen-Orient.
Aujourd’hui, le quotidien continue de représenter beaucoup pour les francophones libanais. Car dans un pays marqué par les fractures politiques, il reste une voix libre et non-partisane. La thaoura (révolution) d’octobre 2019, suivie de la pandémie de Covid-19, de l’explosion au port de Beyrouth en août 2020, et dernièrement de la guerre à Gaza et au sud du Liban, ont boosté les abonnements numériques. « Près de la moitié de nos lecteurs se trouvent en France, et huit personnes sur dix qui entrent sur notre site ne vivent pas au Liban », explique Fouad Khoury Hélou, le directeur exécutif du journal. Les audiences montrent l’intérêt de la diaspora libanaise à travers le monde pour ce qu’il se passe dans le pays et plus largement dans la région. L’explosion au port de Beyrouth, qui a emporté une partie de la ville le 4 août 2020, a vu les audiences tripler. Le même phénomène a été observé après le tremblement de terre en Turquie, début février 2023, dont les secousses ont été ressenties jusqu’au Liban.
Marc Farra, 33 ans, est un Libanais francophone qui travaille pour une entreprise aux États-Unis où il a vécu une partie de sa vie. Ses parents sont abonnés à la version papier de L’Orient-Le Jour, et lui est abonné à la version en ligne de L’Orient Today. « C’est l’un des seuls médias libanais pour lesquels je suis prêt à payer. Le contenu est centriste, non-partisan, et je leur fait confiance, même s’ils tombent parfois dans de la pure francophonie ». Cet avis est partagé par de nombreux jeunes Libanais trilingues. Éduqués dans les écoles françaises, mais ayant vécu et travaillé dans des pays anglophones, ils gardent un œil sur leur pays d’origine. Marc fait partie de ces Libanais de l’étranger qui sont rentrés à la suite de la thaoura. Impliqué dans la vie communautaire, il continue de croire en son pays. « C’est pour cette raison que l’on se bat tous les jours au journal », appuie l’un des rédacteurs en chef, Anthony Samrani. « On croit au Liban, et on veut continuer de produire un journal libre, qui critique à la fois l’Iran, l’Arabie Saoudite, et Israël, tout en condamnant les attaques du Hamas le 7 octobre ».
« COMME UN LIVRE, LE JOURNAL A UNE ÂME »
Joumana Jamhouri était abonnée à la version papier de L’Orient-Le Jour depuis des années cependant, comme de nombreux Libanais, il a fallu réduire les dépenses. « Nous sommes passés à l’abonnement numérique, mais c’est temporaire. Dès que notre situation financière s’améliore, je veux absolument repasser à l’abonnement papier ». Ses amis préfèrent eux aussi la version papier, tels June Nabaa et son mari : « C’est comme un livre, le journal papier a une âme ». Ils racontent être abonnés à L’Orient-Le Jour depuis 1986, « la date de notre mariage ». Une certaine génération, attachée au papier, qui perdure mais ne durera pas pour toujours. « Si, demain, nous arrêtons la version papier de L’Orient-Le Jour, certains de nos lecteurs penseront que nous avons complètement disparu », remarque Fouad Khoury Hélou. Cette idée ne convainc personne dans les locaux du journal car la version papier est en elle-même rentable. Son prix est passé de 3 000 livres libanaises avant la crise, soit l’équivalent de 1,80 euros, à 200 000 livres libanaises aujourd’hui, l’équivalent, d’environ 2 euros, après la dévaluation de la monnaie locale face au dollar1.
Il s’agit surtout de dépoussiérer l’image du journal et de partir en quête d’une audience qui a perdu tout intérêt pour les médias traditionnels. « C’est l’effet Trump », analyse Fouad Khoury Hélou. Ainsi, le journal a lancé L’Orient Today, sa version web en anglais, en toute humilité. « Nous savons bien qu’il n’est pas possible de concurrencer les grands médias anglophones de la région », admet-il. Mais considéré comme une source fiable par une nouvelle fraction de Libanais non francophones, le site a tout de même acquis une notoriété.
LE SUCCÈS DES NOUVEAUX FORMATS
« Nous avons réussi à faire de belles choses à L’Orient Today, des formats plus courts et plus didactiques, c’est ce que demande la nouvelle génération, explique pour sa part Marie-José Daoud, ex rédactrice en chef de la version anglophone qui vient tout juste de quitter son poste. « Une partie de notre contenu est une traduction des articles de la version française », précise-t-elle. Les équipes de journalistes francophones et anglophones sont elles aussi plus jeunes, et habituées aux nouveaux médiums d’information. Le format vidéo, diffusé via les réseaux sociaux, a été intégré dans le courant de l’année 2022, afin de s’adapter aux nouveaux formats des médias et à des habitudes de consommation différentes. « Nous sommes passés d’un journal à un média », résume ainsi Fouad Khoury Hélou.
Dans un pays sous perfusion étrangère, dont l’électricité provient pour l’essentiel de générateurs privés, avec un taux du dollar fluctuant, faire fonctionner un journal implique d’avoir la foi. « Nous croyons en notre voix de quotidien francophone libre, c’est pour cela que nous continuons malgré les difficultés du pays », affirme Anthony Samrani avant d’ajouter que « les cent ans du quotidien sont une étape mais pas une fin en soi, une façon de regarder notre immense héritage, de l’assumer, et d’avancer dans une nouvelle direction ».L’Orient-Le Jour jouit en réalité d’une liberté éditoriale rare dans la région. Pouvoir critiquer l’Arabie saoudite, Israël et l’Iran tout en continuant d’exister s’avère un défi au Moyen-Orient. C’est pourtant bien la raison d’être à la base de ce journal, aujourd’hui centenaire.
L’Orient-Le Jour, c’est le journal des « tantes d’Achrafieh » (quartier à l’est de Beyrouth), ces vieilles dames chrétiennes qui parlent français entre elles et viennent de la haute société libanaise. Cette image, assumée par le journal lui-même, qui célèbre ses cent ans en 2024, est en passe d’évoluer avec la conquête d’un nouveau public plus jeune et plus international, qui consomme autrement les médias. À l’aube de son centenaire, il était temps de prendre le virage numérique qui entraine inévitablement un bouleversement du ton et des formats. Cette impulsion, déjà entamée il y a plusieurs années, est un nouveau tsunami dans le milieu médiatique au Liban. Pour sortir de son image « tout en l’honorant », le journal avait en effet décidé, il y a 25 ans, de se tourner vers l’avenir en lançant son premier site internet dès la fin des années 1990. L’Orient-Le Jour était ainsi devenu un pionnier du numérique au Moyen-Orient.
Aujourd’hui, le quotidien continue de représenter beaucoup pour les francophones libanais. Car dans un pays marqué par les fractures politiques, il reste une voix libre et non-partisane. La thaoura (révolution) d’octobre 2019, suivie de la pandémie de Covid-19, de l’explosion au port de Beyrouth en août 2020, et dernièrement de la guerre à Gaza et au sud du Liban, ont boosté les abonnements numériques. « Près de la moitié de nos lecteurs se trouvent en France, et huit personnes sur dix qui entrent sur notre site ne vivent pas au Liban », explique Fouad Khoury Hélou, le directeur exécutif du journal. Les audiences montrent l’intérêt de la diaspora libanaise à travers le monde pour ce qu’il se passe dans le pays et plus largement dans la région. L’explosion au port de Beyrouth, qui a emporté une partie de la ville le 4 août 2020, a vu les audiences tripler. Le même phénomène a été observé après le tremblement de terre en Turquie, début février 2023, dont les secousses ont été ressenties jusqu’au Liban.
Marc Farra, 33 ans, est un Libanais francophone qui travaille pour une entreprise aux États-Unis où il a vécu une partie de sa vie. Ses parents sont abonnés à la version papier de L’Orient-Le Jour, et lui est abonné à la version en ligne de L’Orient Today. « C’est l’un des seuls médias libanais pour lesquels je suis prêt à payer. Le contenu est centriste, non-partisan, et je leur fait confiance, même s’ils tombent parfois dans de la pure francophonie ». Cet avis est partagé par de nombreux jeunes Libanais trilingues. Éduqués dans les écoles françaises, mais ayant vécu et travaillé dans des pays anglophones, ils gardent un œil sur leur pays d’origine. Marc fait partie de ces Libanais de l’étranger qui sont rentrés à la suite de la thaoura. Impliqué dans la vie communautaire, il continue de croire en son pays. « C’est pour cette raison que l’on se bat tous les jours au journal », appuie l’un des rédacteurs en chef, Anthony Samrani. « On croit au Liban, et on veut continuer de produire un journal libre, qui critique à la fois l’Iran, l’Arabie Saoudite, et Israël, tout en condamnant les attaques du Hamas le 7 octobre ».
« COMME UN LIVRE, LE JOURNAL A UNE ÂME »
Joumana Jamhouri était abonnée à la version papier de L’Orient-Le Jour depuis des années cependant, comme de nombreux Libanais, il a fallu réduire les dépenses. « Nous sommes passés à l’abonnement numérique, mais c’est temporaire. Dès que notre situation financière s’améliore, je veux absolument repasser à l’abonnement papier ». Ses amis préfèrent eux aussi la version papier, tels June Nabaa et son mari : « C’est comme un livre, le journal papier a une âme ». Ils racontent être abonnés à L’Orient-Le Jour depuis 1986, « la date de notre mariage ». Une certaine génération, attachée au papier, qui perdure mais ne durera pas pour toujours. « Si, demain, nous arrêtons la version papier de L’Orient-Le Jour, certains de nos lecteurs penseront que nous avons complètement disparu », remarque Fouad Khoury Hélou. Cette idée ne convainc personne dans les locaux du journal car la version papier est en elle-même rentable. Son prix est passé de 3 000 livres libanaises avant la crise, soit l’équivalent de 1,80 euros, à 200 000 livres libanaises aujourd’hui, l’équivalent, d’environ 2 euros, après la dévaluation de la monnaie locale face au dollar1.
Toutefois l’avenir est au numérique, alors le journal s’adapte et mise depuis une dizaine d’années sur son site internet et son application mobile. La majorité des visites de la version en ligne sont issues de l’étranger, dont 40 % de la France, et le reste du Golfe, du Canada, ou de l’Australie, qui concentrent une forte communauté libanaise. Ce sont ces meghterbin (expatriés) comme on les appelle au Liban, que le journal souhaite attirer. « Nous avons atteint un plafond au Liban, la moitié de nos abonnés vivent ici, et l’autre moitié réside à l’étranger. Nous voulons pousser ces libanais de l’étranger à s’abonner au site », appuie le directeur.
Il s’agit surtout de dépoussiérer l’image du journal et de partir en quête d’une audience qui a perdu tout intérêt pour les médias traditionnels. « C’est l’effet Trump », analyse Fouad Khoury Hélou. Ainsi, le journal a lancé L’Orient Today, sa version web en anglais, en toute humilité. « Nous savons bien qu’il n’est pas possible de concurrencer les grands médias anglophones de la région », admet-il. Mais considéré comme une source fiable par une nouvelle fraction de Libanais non francophones, le site a tout de même acquis une notoriété.
LE SUCCÈS DES NOUVEAUX FORMATS
« Nous avons réussi à faire de belles choses à L’Orient Today, des formats plus courts et plus didactiques, c’est ce que demande la nouvelle génération, explique pour sa part Marie-José Daoud, ex rédactrice en chef de la version anglophone qui vient tout juste de quitter son poste. « Une partie de notre contenu est une traduction des articles de la version française », précise-t-elle. Les équipes de journalistes francophones et anglophones sont elles aussi plus jeunes, et habituées aux nouveaux médiums d’information. Le format vidéo, diffusé via les réseaux sociaux, a été intégré dans le courant de l’année 2022, afin de s’adapter aux nouveaux formats des médias et à des habitudes de consommation différentes. « Nous sommes passés d’un journal à un média », résume ainsi Fouad Khoury Hélou.
Dans un pays sous perfusion étrangère, dont l’électricité provient pour l’essentiel de générateurs privés, avec un taux du dollar fluctuant, faire fonctionner un journal implique d’avoir la foi. « Nous croyons en notre voix de quotidien francophone libre, c’est pour cela que nous continuons malgré les difficultés du pays », affirme Anthony Samrani avant d’ajouter que « les cent ans du quotidien sont une étape mais pas une fin en soi, une façon de regarder notre immense héritage, de l’assumer, et d’avancer dans une nouvelle direction ».L’Orient-Le Jour jouit en réalité d’une liberté éditoriale rare dans la région. Pouvoir critiquer l’Arabie saoudite, Israël et l’Iran tout en continuant d’exister s’avère un défi au Moyen-Orient. C’est pourtant bien la raison d’être à la base de ce journal, aujourd’hui centenaire.
omantique avant tout, Darwich n’a jamais eu pour ambition d’être la voix du nationalisme arabe. Lui voulait être un poète de l’amour. La mystérieuse Rita, dont le nom a fait le tour du monde arabe grâce à Marcel Khalifé, est évoquée dès les premiers recueils (La Fin de la nuit, Les oiseaux meurent en Galilée…). En 1995, Darwich raconte enfin l’histoire de cette danseuse juive (nommée Tamar dans la réalité), rencontrée autrefois au bal du Parti communiste israélien, dont il était adhérent. La guerre des Six-Jours (1967) aura eu raison de leur intense idylle… « Entre Rita et mes yeux : un fusil. Et celui qui connaît Rita se prosterne. Adresse une prière. A la divinité qui rayonne dans ses yeux de miel. » Rita incarne l’amour impossible. A travers elle, Darwich, toujours très métaphorique, pleurait à la fois la femme et sa terre bafouée. le poème revient sur l’histoire d’amour (tragique?) qu’aurait vécu le jeune Darwich, musulman palestinien, avec Rita, une juive israélienne…
Entre Rita et mes yeux, un fusil Et celui qui connaît Rita se prosterne Et adresse une prière à la divinité qui rayonne dans ses yeux de miel Moi, j’ai embrassé Rita quand elle était petite Je me rappelle comment elle se colla contre moi Et de sa plus belle tresse couvrit mon bras Et moi, je me rappelle Rita Ainsi qu’un moineau se rappelle son étang Ah Rita! Entre nous, mille oiseaux, mille images D’innombrables rendez-vous criblés de balles par un fusil Le nom de Rita prenait dans ma bouche un goût de fête Le corps de Rita dans mon sang était célébration de noces Et deux ans durant, je me suis perdue dans Rita Et deux ans durant, Rita a dormi sur mon bras Nous prêtâmes serment autour du plus beau calice, nous brulâmes dans le vin de (nos) lèvres et nous ressuscitâmes. Ah Rita! Qu’est-ce qui aurait pu éloigner mes yeux des tiens, Hormis le sommeil et les nuages couleur de miel, avant ce fusil ? Il était une fois Ô silence du crépuscule Au matin, ma lune a émigré, loin dans ces yeux couleur de miel Et la ville a balayé tous les aèdes…et Rita. Entre Rita et mes yeux, un fusil.
MAHMOUD DARWICH
Mahmoud Darwich et Rita
MJahmoud Darwish - Algerie 1983 محمود درويش في الجزائر
Bleu. Et à l’intérieur de ce bleu un soupçon de vert, nappes grises de nuages étayés contre l’air, comme si dans l’idée de pluie l’œil pouvait saisir ce que dit n’importe quel moment donné sur terre. Appelle-le ciel. Et de cette façon décrire tout ce que nous voyons, comme si ce n’était rien que l’idée de quelque chose que nous avions perdu en nous. Car nous pouvons commencer à nous souvenir de la terre dure, du silex reflétant les étoiles, des chênes ondulant tordus par la violence de l’air, et ainsi de suite jusqu’à la plus petite graine, découvrant ce qui pousse au-dessus de nous, comme si à cause de ce bleu il pouvait y avoir ce vert qui s’étend, miracle innombrable en ceci, le plus silencieux moment de l’été. Les graines parlent de cette occurrence, définissent l’éruption de l’air et de la terre dans cette profusion de hasard, les forces aveugles de notre propre défaut de savoir ce que c’est que nous voyons, et simplement en parler c’est voir comme les mots nous trahissent, comme on n’éclaircit rien par l’énonciation, pas même ces mots que je suis ému de prononcer au nom de ce bleu et de ce vert qui s’évanouissent dans l’air de l’été. Impossible d’en entendre davantage. La langue nous retire pour toujours du lieu où nous sommes, et en aucun lieu nous ne pouvons être en repos dans les choses qui nous sont données à voir, car chaque mot est un ailleurs, une chose qui bouge plus vite que l’œil, tout comme ce moineau bouge, tournoyant dans l’air où il n’a pas de chez-lui. Je ne crois, alors, à rien que ces mots puissent te donner, et cependant je peux les sentir parler à travers moi, comme si cela seul était ce que je désire, ce bleu et ce vert, et dire à quel point ce bleu est devenu pour moi l’essence de ce vert, et plus que la pure vision de cela, je voudrais que tu sentes ce mot qui a vécu au fond de moi tout le jour, ce désir pour rien que le jour même, et comme
il a poussé au fond de mes yeux, plus fort que le mot dont il est fait, comme s’il ne pouvait jamais y avoir d’autre mot qui s’empare de moi sans éclater.
Une dizaine d’agents ou ex-agents du renseignement intérieur doivent répondre prochainement devant la justice de divers crimes et délits. Leurs affaires, présentées comme autant de dérives individuelles, posent la question de la déontologie de nos espions.
onMon premier a été condamné à cinq ans de prison ferme pour faux, escroquerie et tentative d’extorsion, il doit encore être jugé pour une « association de malfaiteurs » ayant conduit à l’assassinat de cinq personnes.
Mon deuxième, mon troisième et mon quatrième sont mis en examen pour leur implication dans des faits de « complicité de meurtre », de « tentative de meurtre », d’« enlèvement » et de « séquestration ».
Mon cinquième, mon sixième et mon septième sont mis en examen pour « violation du secret professionnel », « trafic d’influence », « vol » et « compromission du secret de la défense nationale ».
Mon huitième a été condamné pour « abus de confiance », il a fait appel et doit être rejugé.
Mon neuvième, le subalterne du huitième, a été condamné à six mois de prison ferme pour « détournement de fonds publics ».
Mon tout a pour point commun une même adresse à Levallois-Perret, celle de leur employeur, la DGSI.
Selon les décomptes de Mediapart, au moins huitagents ou ex-agents du service de renseignement intérieur français (quatre étaient encore en activité dans le service au moment des faits, un cinquième en congé parental longue durée) vont ces prochains mois être jugés par un tribunal correctionnel ou une cour d’assises ; le neuvième a déjà accepté un plaider-coupable. Cinq d’entre eux ont déjà été écroués pour ces faits.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que la nature des crimes et délits qui leur sont reprochés fait mauvais genre. Très mauvais genre. Aucun autre service de renseignement français n’a autant d’agents impliqués dans des affaires judiciaires de droit commun.
Interrogée par Mediapart en 2023, la DGSI se disait pourtant « très sereine » à propos des affaires en cours et se félicitait au contraire de leur judiciarisation. « Ces affaires impliquant des agents ou des ex-agents du service sont la preuve que les contrôles sont efficients », affirmait alors le service de renseignement. Contacté de nouveau cette semaine, il nous a répondu ne pas avoir « de nouveaux éléments à apporter par rapport à ce qui [nous] avait été précédemment confié ».
La vague d’attentats qui a frappé la France a mis en lumière le rôle joué par la DGSI, à laquelle revient la tâche de conduire la lutte antiterroriste, elle lui a aussi permis d’obtenir un accroissement substantiel de ses moyens. Cela a conduit à de vrais succès, la réduction de la menace terroriste et la diminution – semble-t-il – de ces ratés dont la presse, Mediapart en tête, avait tenu la chronique.
Mais, aujourd’hui, au gré de ces affaires, présentées officiellement comme autant de dérives individuelles (une dizaine de cas sur six mille agents), c’est l’autre face de la médaille qui se révèle : additionnées les unes aux autres, elles illustrent un système, institué à la base pour contrer les terroristes, qui permet à des hommes (aucune femme n’est mise en examen) de détourner les moyens de l’État pour participer, moyennant rétribution, à des crimes et délits commis à l’encontre de simples citoyens. En creux, cela pose la question des manquements déontologiques dans les rangs de nos espions.
Pour tâcher d’y répondre, Mediapart a interrogé des agents ou anciens agents de la DGSI et s’est plongé dans quatre dossiers judiciaires : l’affaire « Haurus », celle dite des « barbouzes du PSG », l’affaire Bitcoin et, sans doute la plus emblématique, l’affaire « Légendes », ainsi nommée par les enquêteurs de la brigade criminelle de Paris en référence ironique à la série télévisée Le Bureau des légendes.
Parce qu’à l’origine, c’est l’interpellation fortuite de militaires, simples gardes-barrières à la DGSE (le renseignement extérieur), qui a permis de révéler l’existence d’un réseau criminel qui se proposait d’assassiner à peu près n’importe qui. Mais alors que l’information judiciaire vient des’achever, la vision globale du dossier a un peu changé. Ils sont désormais trois mis en examen à être passés dans les rangs de la DGSI. Dans cette affaire « Légendes », le renseignement intérieur ne vaut pas mieux que le renseignement extérieur…
Les espions de la génération attentats
L’explication de ce phénomène est à la fois structurelle et conjoncturelle. Conjoncturelle parce que les attentats djihadistes ont confronté le service à un sérieux problème de recrutement. Il compte désormais un tiers de personnels en plus par rapport à ce qu’il avait à l’époque. Pour ce faire, il a fallu embaucher à tour de bras.
« Ce recrutement massif s’est avéré plus un problème qu’un bien, analyse un gradé qui a été chargé de le mettre en œuvre. Auparavant, nous fonctionnions avec une culture de cooptation. Il y avait une espèce de filière intelligente. Là, nous avons été confrontés à une nécessité d’habiliter en urgence les candidats… »
Un autre haut cadre de cette époque regrette : « Les entrants n’étaient pas suffisamment imprégnés des critères de travail dans le renseignement… Certains étaient habitués à afficher leurs angoisses sur Facebook, à publier leurs photos de vacances sur Instagram. Des gens inadaptés à la fonction qui, une fois en poste, deviennent des proies idéales pour des corrupteurs. »
À son premier procès, Christophe Boutry expliquait qu’il s’était engagé à la DGSI en 2016 : « Comme beaucoup de collègues, on a tous été très marqués par les attentats. Quand on postule à ce service, on se dit qu’on va participer à quelque chose de très important. » Alors que son poste concerne la lutte contre le terrorisme djihadiste au sein de « J », la division chargée des enquêtes judiciaires, Boutry (sous le pseudonyme d’« Haurus ») va cependant vendre sur le darknet des données personnelles et confidentielles extraites de fichiers de police.
Des données concernant des célébrités mais aussi des truands marseillais qui vont se faire descendre par leurs rivaux grâce aux informations communiquées quelques jours plus tôt par Haurus (ce second volet de l’affaire est encore à l’instruction, Christophe Boutry est donc présumé innocent). Contactée, son avocate, Me Naïri Zadourian, a répondu à Mediapart qu’« étant donné les nombreuses inexactitudes et faussetés [que nos questions] contiennent, ne permettant pas une information honnête du public, nous préférons ne pas formuler de commentaire ».
Des crimes commis sur les heures de travail
En poste avant la vague d’attentats, le brigadier Xavier Julie a lui détournépour son propre compte des fonds qui étaient destinés à rémunérer des hackers qui infiltraient les réseaux djihadistes. Son cas est tellement embarrassant que la DGSI a cherché à l’étouffer. Il a été jugé en catimini l’an dernier par une procédure de plaider-coupable. Contacté, Xavier Julie a répondu qu’il ne souhaitait pas s’exprimer sur cette affaire.
Dans la même section que Xavier Julie, le capitaine Yann G. a lui été condamné à six mois de prison avec sursis (il a fait appel et est donc présumé innocent) pour abus de biens sociaux. Lors d’une perquisition à son domicile, les enquêteurs ont découvert qu’il avait détourné des iPhone et des ordinateurs portables MacBook du service pour son usage personnel. Il avait notamment offert un téléphone portable de la DGSI… à sa fille de 9 ans. Même si ces faits sont moins graves que pour les autres mis en cause, ils constituent une nouvelle manifestation des dérives de ces dernières années durant lesquelles l’argent coule à flots au service.
« Il y avait tellement de pognon qu’on ne savait plus quoi en faire », se remémore un ancien de la direction technique de la DGSI. Et le contrôle des achats n’est pas alors des plus rigoureux. Ainsi ce commandant qui récupère soixante pilules de Viagra. Un des agents sous ses ordres les lui a achetées avec la fausse identité qui lui sert en tant qu’espion. Quand il sera interrogé, le commandant déclarera ne pas se souvenir si les petits comprimés bleus ont été payés avec les fonds du service…
Et que dire de Laurent Benier ? Ce pilier de « S », la sous-direction de surveillance de la DGSI – onze ans de service – a communiqué, dans l’affaire « Légendes », l’adresse d’un pilote automobile recherché par ses créanciers. Il a passé l’identité du sportif endetté dans différents fichiers dont Cristina, celui de la DGSI. Il a poussé le professionnalisme jusqu’à se rendre sur place pour vérifier l’adresse du concerné.
Problème : à cause de ces recherches, le malheureux pilote a été tué dans le parking de son immeuble…
Problème supplémentaire : l’enquête menée par la Crim’ a établi que, depuis des années, « la plupart » des consultations des fichiers de police effectuées par Benier « n’étaient pas en lien avec son activité professionnelle ». Il a également reconnu en garde à vue avoir opéré des surveillances sur la personne de Sylvain Berrios, maire de Saint-Maur-des-Fossés, une commune cossue du Val-de-Marne. Moyennant 1 000 euros, il l’a suivi durant deux semaines « dans le but de découvrir des éléments compromettants permettant de perturber les élections » municipales qui approchaient. Des filatures sur un élu de la République réalisées « peut-être une fois ou deux avec la bagnole du service », avouera l’agent. Mis en examen, Laurent Benier est présumé innocent.
Contacté jeudi, il répond ne pas souhaiter s’exprimer. « Si mon client assume sa responsabilité concernant l’infraction qui lui est reprochée, les investigations ont établi que d’autres fonctionnaires avaient pu obtenir, sur demande, l’adresse de la victime plusieurs mois avant lui », précise plus tard par mail son conseil, Me Julien Fresnault, à propos du pilote de rallye assassiné.
Il y a aussi ceux qui fautent après avoir quitté la DGSI. Or ils sont nombreux les agents qui cèdent aux sirènes du privé. Dans son rapport de 2018, la délégation parlementaire au renseignementpointait déjà « un turn-over important » et signalait que la DGSI s’inquiétait de sa « difficulté à fidéliser » ses effectifs en raison de la concurrence du privé, « notamment sur les postes techniques à forte valeur ajoutée ».
« Des gardiens de la paix qui touchaient 2 200 euros vont être rémunérés 6 000 euros dans le privé », expliquait la DGSI, interrogée l’an dernier sur ce phénomène. Parallèlement, un ancien haut cadre du renseignement intérieur évoque la conséquence la plus gênante de la gestion de ce flux de sortants : « Quand ils quittent le service, ils disparaissent de nos radars. » Le fait est qu’après avoir quitté Levallois, plusieurs d’entre eux ont basculé dans l’illégalité.
Le brigadier Bruno B., spécialisé dans les effractions, a créé une société de conseil « en sécurité et ouverture de porte » pour les groupements d’assurance. Il est tellement réputé qu’un fabricant d’armes l’envoie en urgence forcer le coffre-fort d’un hôtel en Inde où ont été enfermés par mégarde des documents classés secret-défense.
Dans le même temps, ce serrurier d’élite « au manque d’éthique apparent », comme le qualifiera la brigade criminelle, arrondit ses fins de mois en commercialisant des informations confidentielles. Quand les enquêteurs de la Crim’ l’interrogent sur ses pratiques, il se réfugie derrière « des pertes de mémoire »…
Policier de la DGSI en congé parental longue durée, Yannick Pham est lui un expert des faux documents. « J’étais à moi tout seul le bureau des légendes ! […] Je suis le seul faussaire de l’histoire de la police française ! », se vante Pham dans le cabinet de la juge d’instruction qui l’interroge. Il a fourni la balise GPS qui a servi au commando devant assassiner une coach en entreprise qui avait le tort de faire de l’ombre à un concurrent dans le même secteur d’activité.
L’enquête lancée à la suite de ce règlement de comptes heureusement empêché va révéler l’ampleur des activités illégales de l’agent en congé parental (pas encore jugé, Yannick Pham est présumé innocent). Quand le gérant d’une société a des doutes sur un salarié,Yannick Pham aide à installer des micros dans le faux plafond de la cantine afin de capter ses conversations téléphoniques. Il est aussi chargé de le discréditer par des envois anonymes auprès des différents clients (des banques, des assurances). Une prestation multitâche facturée 23 000 euros.
Pour obtenir ces juteux contrats, les anciens de la DGSI n’hésitent pas à jouer du mythe de l’agent secret.
En principe, le commandant Daniel Beaulieu ne devrait pas avoir besoin d’en rajouter après trente-quatre années dans le renseignement intérieur. Il était durant sa carrière « un agent traitant hors pair » côtoyant « les hautes sphères », résumera un de ses collègues à la DGSI.
Parti à la retraite, il se retrouve mis en examen et incarcéré dans le cadre de l’affaire « Légendes », accusé d’être le donneur d’ordre des commandos de tueurs qu’il envoyait au gré de contrats passés. À son principal apporteur d’affaires criminelles, le retraité Beaulieu assurait avoir recours à ses « invisibles », une équipe d’agents de la DGSI auxquels il pouvait faire appel. « C’est de la flûte », avouera Laurent Benier, le seul agent en exercice impliqué dans la combine.
Yannick Pham, lui, aime à répéter à ses clients qu’il doit contacter son « groupe action », composé en fait d’une personne âgée sans domicile fixe, d’un gardien d’immeuble et d’un informaticien. À un ancien collègue de la DGSI avec lequel il est en affaire, il dit d’une proche qu’elle « est en opex » (expression du jargon militaire désignant les « opérations extérieures », c’est-à-dire à l’étranger). En réalité, cette femme se prostitue en Suisse…
Mais quelle que soit la présentation qu’ils font des talents qui les entourent et de leurs propres qualités, les agents du renseignement intérieur sont rattrapés par la réalité dès lors qu’ils sortent de la sphère de leur service.
Ainsi, l’an dernier, un rapport de la brigade criminelle soulignait les difficultés rencontrées par Yannick Pham « pour établir sa jeune entreprise dans le secteur compétitif de la sécurité et du renseignement privés », et la Crim’ de noter qu’« en raison de son manque de compétence dans la gestion d’une entreprise », celui qui se décrivait comme « le bureau des légendes » de la police française « se retrouve à abandonner toute éthique et à se démarquer en utilisant des moyens illicites dans ses affaires ».
L’exemple le plus révélateur réside dans un dossier de recouvrement dans le cadre d’un litige commercial en matière d’immobilier. Lors d’un rendez-vous dans un hôtel toulousain, Yannick Pham présente à son client le fruit de ses investigations, des captures d’écran LinkedIn… Le client « pète les plombs », selon un témoin de la scène. Il rabroue l’agent de la DGSI, le rabaisse en lui disant que ce n’est « pas la peine de prendre autant de temps pour faire un boulot pareil ».
Pour ne pas perdre la face et surtout sa rémunération, Yannick Pham va alors franchir la ligne rouge. À plusieurs reprises. Le promoteur chez lequel il faut récupérer l’argent a épousé un autre homme et adopté un enfant ? Pham envoie un courrier anonyme aux services sociaux dénonçant des actes pédophiles lors de soirées homosexuelles au domicile du couple… « C’était pour leur faire peur. Ce qu’on avait envoyé aux services sociaux, c’était juste le fait que le bébé passait de main en main. […] Je savais très bien que c’était faux », avouera, sans plus d’état d’âme, Yannick Pham. Cela ne s’arrête pas là : il envoie ses « agents » incendier le portail, puis y empaler des rats morts. Sans plus de résultat. Des gros bras finissent par passer à tabac le malheureux promoteur immobilier.
Quand Haurus, alias Christophe Boutry, livre clés en main des dossiers sur des truands marseillais à leurs concurrents, il fournit les dates de permission de ceux qui dorment en prison, leur lieu de pointage une fois sortis, il communique l’adresse des parents, de la femme, de la maîtresse,le tout pour quelques centaines d’euros (mais cela pouvait, semble-t-il, monter jusqu’à 10 000 lorsque les parrains ciblés étaient assassinés). Lorsque ses collègues l’interrogeront en garde à vue, Boutry leur expliquera :
« J’avais bien compris que ces clients n’étaient pas des enfants de chœur […].
— Cela ne vous posait-il pas de problème de conscience ?
— Ce qu’ils font de mes informations, ça les regarde. »
Dans l’affaire des barbouzes du PSG, Malik Nait-Liman, un ancien du groupe Surveillance de la DGSI embauché comme référent supporters, n’a aucun scrupule à pirater l’ordinateur de sa propre avocate dans l’espoir d’y trouver des dossiers judiciaires à monnayer.
Faut-il s’en étonner ?
Dans son ouvrage Pour une éthique du renseignement (PUF, 2023), Jean-Baptiste Jeangène Vilmer rappelle que le renseignement est « par nature immoral » car, pour collecter des informations, il doit recourir à la dissimulation, la tromperie, le mensonge, le vol, la coercition, le chantage, parfois la torture, voire l’assassinat. Et le chercheur de souligner ce paradoxe : « On attend des espions, qui sont des menteurs professionnels, de ne pas mentir au sein du service. »
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