Personnages célèbres de l’histoire immortalisés notamment par Cervantès, les pirates barbaresques, qui écumaient la Méditerranée au XVIe siècle, le faisaient aussi au nom de l’islam. Sans oublier de s’enrichir au passage.
LE XVIe SIÈCLE EN MÉDITERRANÉE : CORSAIRES ET BARBARESQUES (1/3) – Dans l’un des romans picaresques les plus célèbres– sinon le plus célèbre – de la littérature occidentale, Don Quichotte de Cervantès, le protagoniste, qui n’est autre que le futur auteur, raconte sa mésaventure de captif juste après la fameuse bataille de Lépante, où une coalition chrétienne envoie par le fond la flotte ottomane. Nous sommes alors en 1571. « Je me vis, dans la nuit qui suivit cette fameuse journée, avec des fers aux pieds et des menottes aux mains […]. Je me trouvai l’année suivante, qui était 1572, à Navarin, ramant dans la capitane appelée Les Trois Fanaux. […] Pendant tous ces événements de la guerre, je restai attaché à la rame sans nul espoir de recouvrer la liberté, du moins par ma rançon, car j’étais bien résolu de ne pas écrire à mon père la nouvelle de mes malheurs. »
Après tout une odyssée forcée en tant que galérien, le voici emmené prisonnier à Alger, bastion des corsaires en Méditerranée. Cette relation nous donne une idée du calvaire subi et vécu par les milliers de captifs chrétiens tombés aux mains des corsaires barbaresques, dans l’attente d’une hypothétique libération par le truchement de religieux : les trinitaires ou les mercédaires, deux ordres spécialisés dans les négociations d’otages.
Cette littérature esquisse également à quel point l’imaginaire européen est alors traumatisé par les exactions on ne peut plus féroces des pirates barbaresques qui sévissent sur ses côtes sud, de l’Espagne à l’Italie, en passant par la France. Mais qui sont donc ces corsaires barbaresques qui sèment la désolation en Méditerranée ?
Des galères à la pointe de la technologie
« Barbaresque », dérivé de « Barbarie », est le terme commun entre le XVe et le XIXe siècle pour évoquer les habitants de l’Afrique du Nord. Le Maroc, l’Algérie, la Tunisie et la Libye. Aux XVIe et XVIIe siècles, lorsque la piraterie maghrébine vit son âge d’or, ces pays de l’Afrique du Nord n’ont pas l’aspect politique qu’ils ont aujourd’hui. Alors que le Maroc est isolé à l’ouest, l’Algérie, la Tunisie et la Libye sont des régences. Elles rendent compte à la Sublime Porte. Ainsi cette course en Méditerranée est-elle pour l’essentiel armée et financée par les Ottomans. Les corsaires sont pour la plupart des Turcs, des Maures et des renégats, c’est-à-dire des chrétiens convertis à l’islam.
Ce sont donc dans l’ensemble des musulmans qui mènent des pillages, desrezzous, non seulement à l’encontre des navires chrétiens navigant sur la Grande Bleue, mais également sur les littoraux espagnol, français et italien, semant la désolation dans les villages de pêcheurs et les petites villes portuaires. Leur objectif est de piller, de prendre des otages et de massacrer celles ou ceux des habitants qu’ils ne peuvent embarquer. Dans le contexte politique du XVIe siècle, ces actes de piraterie sont vus par les musulmans comme un acte de guerre, un Jihad al-Bahr, ou « jihad maritime ».
« Au printemps 1505, les corsaires de Mers el-Kébir lancèrent des raids dévastateurs sur la côte d’Ibérie, notamment contre Malaga, Elche et Alicante », rapporte l’historien Jacques Heers. D’une pierre, deux coups : les barbaresques pillaient en même temps qu’ils menaient la guerre sainte. Et la Reconquista chrétienne n’était pas étrangère à cela. « L’installation des ‘Andalous’ et autres musulmans d’Espagne, qui fuyaient devant la Reconquista castillane et aragonaise, donna à la course un nouvel élan […]. Les corsaires y trouvèrent leur compte, enrichis plus que d’ordinaire, mieux informés des défenses sur les côtes de Castille ou de Valence, et des mouvements de navires », continue Jacques Heers. Ainsi, l’expulsion des morisques de l’Andalousie ne faisait qu’apporter du sang neuf à la course.
Mahdia, Sfax, Bougie, Tunis, Alger étaient les principaux repaires d’où mettaient les voiles les galiotes et fustes des Sarrasins. Dans ces ports, les raïs, ces chefs corsaires dont les plus fameux furent les frères Barberousse, arment leurs navires. Les raïs possèdent généralement eux-mêmes des esclaves, des maîtres charpentiers, des calfats, des remolats… Sans oublier bien évidement les rameurs. Ceux-ci sont de deux types : les esclaves, généralement des captifs chrétiens, et les galériens libres, le plus souvent des Maures (Maghrébins). Ces derniers recevaient une somme de douze pièces d’or. Par contre, ils étaient astreints à la même ration d’huile, de vinaigre et de biscuits. Les galères barbaresques étaient légères et rapides. Cette structure allégée leur permettait de s’approcher facilement des estuaires et de remonter les fleuves afin de razzier également les populations du hinterland.
À leur bord, on comptait environ deux cents rameurs galériens, enchaînés à des perches de soixante pieds, qui subissaient constamment la morsure du fouet. Les raïs étaient à la pointe de la technologie marine de l’époque, utilisant la boussole, le cadran solaire, l’astrolabe, tous ces instruments qui avaient facilité, dès le XVe siècle, les grandes découvertes des Portugais. Parfois, les corsaires voguaient en flottille. Pour communiquer entre bateaux, ils usaient de signaux et de fanaux. Pour aborder les vaisseaux chrétiens, ils comptaient tout naturellement sur la rapidité de leurs galères.
Tout un cérémonial
Mais ils usaient également de leurres : de faux pavillons et des annonces lancés par des renégats dans la langue des chrétiens. Ils mettaient donc toutes les chances de leur côté pour réussir du premier coup leurs attaques. Enfin, le départ ou l’arrivée donnent lieu à tout un cérémonial. Les départs se faisaient le vendredi, jour de prône. On égorgeait deux ou trois moutons, que l’on jetait à la mer. À Alger, par exemple, on priait le marabout Sidi Bacha, censé avoir arrêté les Espagnols de Charles Quint lors de l’expédition de représailles de 1541. Le retour des galères, quant à lui, était marqué par des canonnades et les youyous des femmes perchées aux fenêtres et murailles.
Une fois les captifs et le butin débarqués, on effectuait le tri, séparant les captifs de valeur du « menu fretin ». Les premiers sont des captifs « de rachat » ou « d’échange », généralement des dignitaires, dont on fixe la rançon au maximum. Les autres prisonniers, de moindre valeur, iront gonfler les rangs de l’esclavage domestique, des travaux publics et évidemment de la chiourme des galères, tel le jeune Cervantès. Attendre une libération ou le paiement d’une rançon peut prendre des années. Aussi, l’un des exutoires est souvent la conversion à l’islam. Ainsi naissent les fameux « renégats ». Pour ces derniers, embrasser la foi de Mahomet rimait souvent avec ascension sociale.
Toujours est-il que le monnayage de la rançon est loin d’être voué au simple hasard. Il est réglementé par des modalités et une codification bien précises. Par ailleurs, on négocie la alafia – nom arabe signifiant « grâce » donné à cette pratique – directement sur la plage. Les négociations se font soit avec des religieux, on l’a vu, soit avec des familiers du captif. Aujourd’hui encore à Melilla, l’enclave espagnole du nord du Maroc, on retrouve sur une des plages une torre de la alafia, une « tour de grâce », témoin de ces transactions.
La course barbaresque engendre ainsi des mannes financières considérables, donnant lieu parfois même à des spéculations. Exception faite des œuvres de charité ou des ordres de rédemption, certains marchands ou diplomates spéculent en effet sur le rachat des captifs. Ainsi en est-il, durant la seconde décennie du XVIIe siècle, de Wijnant de Keyser, le consul néerlandais à Alger, qui compte tout un réseau en Europe. Cette véritable économie de la rançon va s’appuyer sur un système de crédits : des contrats de rachats garantis, d’un côté et de l’autre de la « mer intérieure », par des notaires et des cadis.
Loin d’être un simple acte de piraterie, la course barbaresque constitue donc un véritable système d’échange entre chrétiens et musulmans, qui contourne subrepticement l’interdiction ecclésiastique de commercer entre l’Orient et l’Occident. La course continuera à enrichir le Maghreb et à donner du fil à retordre à l’Occident jusqu’à l’entame du XIXe siècle, lorsque les Européens décideront de siffler la fin de la récréation en bombardant les repaires barbaresques. Annonçant ainsi la stratégie dont useront les mêmes puissances occidentales face au terrorisme contemporain : celle des représailles tous azimuts.
On a du mal à le croire, mais dans l’histoire des lettres françaises, nombre d’écrivains ont fait preuve à l’égard de l’islam d’une volonté de compréhension, d’une tolérance et d’une ouverture qui ont disparu aujourd’hui chez nombre d’intellectuels. Alphonse de Lamartine en est un exemple.
M. Alophe, Portrait de Lamartine, membre du Gouvernement provisoire, ministre des Affaires étrangères, 1848
Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie/BNF Gallica
Si la grandeur du dessein, la petitesse des moyens, l’immensité du résultat sont les trois mesures du génie de l’homme, qui osera comparer humainement un grand homme de l’histoire moderne à Mahomet ? […] Philosophe, orateur, apôtre, législateur, guerrier, conquérant d’idées, restaurateur de dogmes, d’un culte sans images, fondateur de vingt empires terrestres et d’un empire spirituel, voilà Mahomet ! À toutes les échelles où l’on mesure la grandeur humaine, quel homme fut plus grand ?
L’auteur de ces lignes est un écrivain célèbre, ancien ministre français des affaires étrangères et candidat malheureux à l’élection présidentielle il y a… 175 ans. Il s’appelle Alphonse de Lamartine. Quel Occidental sait aujourd’hui que le poète du « Lac » avait érigé Mohammed en modèle ?
UN HUMANISTE SANS FRONTIÈRES
C’était au temps où l’islamophilie ne valait pas à un homme public d’être cloué au pilori. Et pourtant. Gentilhomme bourguignon royaliste et profondément catholique, notre poète n’avait a priori guère d’atouts pour séduire l’anarchiste Georges Brassens, qui le chantera, ou les réseaux sociaux musulmans, qui le louent aujourd’hui. Partisan du dépeçage de l’empire ottoman et de la conquête de l’Algérie dans ses jeunes années, il avait alors choisi la croix contre le croissant, comme son ami Victor Hugo. Mais bouleversé par l’accueil que lui réservèrent les Orientaux en 1832-1833 et horrifié par les massacres de la colonisation algérienne, Lamartine se fit l’avocat des Ottomans et, au-delà, des musulmans, au point de publier une biographie du Prophète tombée dans l’oubli1. Il avait dirigé entretemps l’exécutif issu de la révolution de 1848, et promu ses idéaux universalistes :
Je suis de la couleur de ceux qu’on persécute ! Sans aimer, sans haïr les drapeaux différents, Partout où l’homme souffre, il me voit dans ses rangs. Plus une race humaine est vaincue et flétrie, Plus elle m’est sacrée et devient ma patrie2.
« Créé religieux, comme l’air a été créé transparent », comme il s’est défini lui-même, Lamartine a toujours affirmé sa fidélité au christianisme face à ses détracteurs catholiques, quoique sa religiosité hétérodoxe ait rejoint celle de l’islam en bien des points. Attiré par l’Orient depuis sa jeunesse, il y trouve une spiritualité qui l’enchante : « Cette terre arabe est la terre des prodiges. […] Dieu est plus visible là-bas qu’ici : c’est pourquoi je désire y vieillir et y mourir », affirme-t-il sur ses vieux jours. Il exhorte ses compatriotes à s’inspirer de la tolérance religieuse ottomane :
Le mahométisme3 peut entrer, sans effort et sans peine, dans un système de liberté religieuse et civile ; […] il a l’habitude de vivre en paix et en harmonie avec les cultes chrétiens. […] On peut, dans la civilisation européenne, […] lui laisser sa place à la mosquée, et sa place à l’ombre ou au soleil4.
En un hommage qui vaut testament spirituel, il avoue dans ses Mémoires politiques tirer ces convictions de ses voyages en Orient, qui ont transformé le poète en partisan du Dieu universel et le moraliste en humaniste sans frontières :
On était parti homme, on revient philosophe. On n’est plus que du parti de Dieu. L’opinion devient une philosophie, la politique une religion. Voilà l’effet des longs voyages et des profondes pensées à travers l’Orient.
« UN PAYS DE FUSION ET DE CONTRASTE DANS L’UNITÉ »
Son humanisme ne résulte pas de quelque exotisme romantique, mais d’une réflexion historique sur son pays :
La France est géographiquement comme moralement un pays de fusion et de contraste dans l’unité. […] Elle-même n’est plus qu’une grande mêlée de races, de sang, de langues, de mœurs, de législations, de cultes, qui fond tout ce qu’elle a de divers dans une lente et laborieuse unité. […] La diversité est donc le caractère essentiel et fondamental de la France nationale. […] C’est la pauvreté des autres races nationales de l’Europe, de n’avoir qu’un caractère national ; c’est le génie, c’est l’aptitude, c’est la grandeur, c’est la gloire de la France, d’en avoir plusieurs5.
Les critiques de l’orientalisme politique6 ont mal compris Lamartine, qu’ils ont jugé via une lecture unilatérale et tronquée de son Voyage en Orient, alors que s’y borner reviendrait à omettre l’évolution ultérieure de l’auteur. On peut repérer dans l’œuvre de Lamartine un cheminement intellectuel parallèle à sa découverte personnelle de l’Orient, qui le mène d’une sensibilité poétique proche de la spiritualité du Coran à un humanisme ouvert aux musulmans. Sa perméabilité à la sacralité islamique s’est accompagnée d’une empathie à leur égard, qui l’a poussé à approfondir la biographie de leur modèle spirituel et temporel, pour l’expliquer à ses lecteurs. Il a donc voulu explorer l’ensemble de la sphère du sacré musulman, de la révélation coranique à sa traduction dans le quotidien du Prophète, comme s’il avait cherché un équilibre entre les deux.
Sa capacité d’évolution, liée à son ouverture d’esprit, s’avère remarquable : voici un aristocrate royaliste devenu député de gauche, un thuriféraire de l’impérialisme européen passé à l’anticolonialisme, un catholique intégriste mué en laudateur de Mohammed ! Ces mûrissements intellectuels sont allés de pair et se sont révélés complémentaires. Ils déclinent sur les plans des politiques intérieure et extérieure et de la religion, respectivement, des dispositions humanistes que son milieu et son éducation avaient bridées. Ils répondent à une logique d’ensemble, le respect des opprimés dans sa société d’origine allant de pair avec celui des musulmans méprisés en Europe. Ainsi, l’existence de ce rationaliste dans l’âme offre une cohérence que ses contemporains ne lui pardonneront pas et dont sa postérité pourrait utilement s’inspirer.
« QUE LES CHRÉTIENS S’INTERROGENT »
Si la spiritualité de l’islam l’enthousiasme, cet humaniste est surtout impressionné par la tolérance musulmane :
Cette prétendue intolérance brutale dont les ignorants accusent les Turcs7ne se manifeste que par de la tolérance et du respect pour ce que d’autres hommes vénèrent et adorent. Partout où le musulman voit l’idée de Dieu dans la pensée de ses frères, il s’incline et il respecte. Il pense que l’idée sanctifie la forme. C’est le seul peuple tolérant. Que les chrétiens s’interrogent et se demandent de bonne foi ce qu’ils auraient fait si les destinées de la guerre leur avaient livré La Mecque et la Kaaba !
PASSEUR D’ISLAM
La guerre de Crimée, qui oppose une coalition composée de la France, du Royaume-Uni, de la Sardaigne et de l’empire ottoman à la Russie de 1853 à 1856, fait prendre la mesure du danger des ambitions hégémoniques de ce dernier pays aux Européens de l’Ouest. Elle dissipe pour un temps l’ennemi imaginaire musulman, mais la fortune du dynamomètre « tête de Turc » dans les foires d’alors atteste de son ancrage populaire. Cette attraction permettait de mesurer sa force musculaire en frappant d’un maillet sur une tête enturbannée, étant entendu que « Turc » désignait alors les ressortissants de l’empire ottoman, Arabes compris.
Les liens entre orientalisme et colonialisme au XIXe siècle sont bien connus et l’époque n’était donc guère plus favorable à l’islam que la nôtre, mais les Français n’avaient pas encore forgé un danger arabo-musulman servant de bouc émissaire à leurs peurs identitaires, et ne stigmatisaient donc pas les expressions de sympathie envers cette religion. Le débat public laissait encore une place à l’islamophilie, qu’occupèrent des écrivains parmi les plus éminents.
L’OPINION DE NAPOLÉON BONAPARTE
Vu sa notoriété, Lamartine peut être considéré comme le principal « passeur d’islam » de la France contemporaine. D’autres auteurs du XIXe siècle ont partagé à sa suite son respect envers cette religion, que la plupart de leurs lecteurs ont ignorée. Lamartine, qui a vu le jour en 1790, est l’aîné d’une génération à laquelle appartiennent ses amis Victor Hugo et Alexandre Dumas, tous deux nés en 1802. Victor Hugo se fait le chantre de Mohammed dans La Légende des siècles et Alexandre Dumas écrit dans son Journal d’un voyage en Arabie :
Fondre toutes ces croyances en une seule, réunir tous les Arabes sous une loi commune, et donner à ce peuple un nouvel élan, telle fut la tâche immense qu’entreprit le génie de Mahomet. Comment donc refuser un tribut d’éloges au créateur de tout ce que l’histoire musulmane offre de grand, de noble, de glorieux ?
Ce trio est précédé de Napoléon Bonaparte, qui affirmait peu avant sa mort en 1821 : « L’islam est la vraie religion. […] J’espère que le moment ne tardera pas où l’islam prédominera dans le monde ». Lamartine est suivi d’Auguste Comte (1798-1857), qui loue « l’incomparable Mahomet », d’Edgard Quinet (1803-1875), pour qui « l’islamisme a le premier commencé à réaliser le principe d’égalité », et d’Édouard de Laboulaye (1811-1883), auteur en 1859 du conte philosophique Abdallah ou le Trèfle à quatre feuilles, dont la couverture porte en exergue la fameuse formule « Allahou akbar » (« Dieu est éminent »). Jules Verne (1828-1905) publie en 1847 le poème « Le Koran » : « Il n’est de dieu si ce n’est Dieu, Allah ! ». « Toute une partie de la vie de Stéphane Mallarmé (1842-1898) et de ses préoccupations culturelles est imprégnée par son attachement à la culture arabo-islamique », estime l’un de ses critiques, Mohammed Bennis. Arthur Rimbaud (1854-1891) s’est converti à l’islam après s’être établi à Aden en 1880. Enfin, Pierre Loti (1850-1923) écrit en 1908 : « Chez nous autres, Européens, on considère comme vérité acquise que l’Islam n’est qu’une religion d’obscurantisme. […] Cela dénote d’abord l’ignorance absolue de l’enseignement du Prophète ».
On pourrait ajouter d’autres écrivains moins connus et nombre d’artistes à cette liste rapide, mais impressionnante. Tous témoignent d’un islam inspirateur des meilleurs auteurs et donc partie de la culture française la mieux ancrée, loin de l’élément allogène que d’aucuns dénoncent aujourd’hui. L’image d’un XIXe siècle foncièrement islamophobe car impérialiste est réductrice et oublieuse d’auteurs aussi prestigieux. Ils vivaient au temps où les Français pouvaient exprimer leur respect pour l’islam sans éveiller le soupçon…
La Vie de Mahomet de Lamartine a été traduite en arabe, et la plupart de ses lecteurs sont peut-être désormais musulmans, comme le laisse croire une recherche sur Internet. Aucun dirigeant français n’a pourtant songé à user de cette part du patrimoine littéraire de son pays pour y favoriser l’intégration de l’islam ou pour combattre sa réputation islamophobe croissante chez nombre de musulmans. Il nous faut redécouvrir Lamartine.
LOUIS BLIN
Diplomate, docteur en histoire contemporaine, spécialiste du monde arabe.
Horace Vernet (1789 – 1863) est le peintre favori de Louis-Philippe lors de la Monarchie de juillet (1830-1848). Avec la conquête de l’Algérie, il lui commande entre autres le tableau magistral « La prise de la smala d’Abdel Kader » et les Salles africaines du Château de Versailles. Artiste officiel, grand voyageur, il traverse le siècle, romantique à ses débuts puis peintre d’histoire avec un talent de narrateur. Certains le considéraient comme « l’Alexandre Dumas de la peinture ».
A découvrir dans une rétrospective de 200 œuvres exposé au Château de Versailles dans les Salles d’Afrique et d’Italie jusqu’au 17 mars 2024
Né au Louvre dans une famille de peintres de cour, son grand-père, Joseph Vernet est peintre de marine sous Louis XV connu pour ses ports de France, et Carl, son père chez qui il fait son apprentissage est peintre militaire sous l’Empire. Apprécié par Napoléon et sa famille, Horace devient romantique lors de la Restauration, très lié à Théodore Géricault et commence sa carrière comme directeur de l’Académie de France à Rome en 1829. Un poste très prestigieux où il peint Le Pape Pie VIII porté à la basilique Saint-Pierre, (1829, Château de Versailles) à l’origine destiné à Charles X. Lorsque Louis Philippe accède au pouvoir, il lui commande Louis Philippe quitte le Palais royal pour se rendre l’Hôtel de Ville, le 31 juillet 1830 (1832, musée national du château de Versailles et de Trianon). Il est dès lors son peintre officiel.
La conquête de l’Algérie au château de Versailles
En 1830, Vernet effectue son premier voyage en Algérie. A partir de 1832, à la demande de Louis-Philippe, il y retourne régulièrement et réalise en six ans les neuf grandes toiles des trois salles d’Afrique du château de Versailles. Neuf toiles qui documentent l’avancement des troupes françaises et leurs succès militaires sous les ordres des fils du Roi jusqu’à la conquête finale en 1848. Entre autres, la prise de la smala d’Abdel Kader par les troupes françaises conduite par le jeune Duc d’Aumale le 16 mai 1843 (1843-45) qui glorifie l’armée française dans une toile de 21 mètres de long et près de 5 mètres de haut.
En 1837, après leur présentation au Salon, les toiles sont installées définitivement dans les trois salles d’Afrique du Château de Versailles, celle de Constantine (photo), de la Smala et du Maroc qui sont exceptionnellement ouvertes. En effet les 3 salles africaines qui étaient jusqu’à présent occupées par les expositions temporaires, pourraient être désormais accessibles en permanence
Des écrans géants
Dans ces formats immenses, Vernet représente davantage la vie militaire et ses bivouacs que la bataille. Le pittoresque prend le pas sur le drame. La Prise de Tanger, restée inachevée du fait de la Révolution de 1848, est présentée pour la première fois au public. Elle est révélatrice de sa manière de travailler. Il commence par un point ou un côté puis continue jusqu’à couvrir la toile. « C’est sans doute cette totale présence de l’artiste dans son sujet qui lui permet d’y insuffler une telle vie, avec un instinct du décor et de la dynamique des figures qui anticipe véritablement le cinématographe. Les grandes toiles de la conquête de l’Algérie sont des écrans géants faits pour des travelings étourdissants » pour Laurent Salomé, Directeur du musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. Sa manière deviendra plus dramatique pour les commandes de la guerre de Crimée en 1853 qui opposait la Russie à une coalition anglo-franco-ottomane.
Orientalisme et imaginaire colonial
Au-delà de ces grandes batailles, il alterne dans une veine orientaliste les sujets civils et religieux. Grand chasseur, avec La Chasse au lion au Sahara, 1836, (photo, Londres, Wallace collection), il associe dans un genre plus anecdotique l’exotisme et la violence du combat. Les hommes capturent les lionceaux avant de tuer la lionne. Avec Agar chassé par Abraham, 1837 (photo,Nantes, Musée des Arts), il reprend les vêtements des bédouins pour représenter des personnages bibliques et en fait dans un livre (Des rapports qui existent entre le costume des anciens hébreux et celui des arabes modernes, 1837) une théorie qui fit scandale à l’Académie des Beaux Arts. Dans Première messe en Kabylie, 1854, Lausanne, musée cantonal des Beaux Arts,il réunit l’armée française et les autochtones. Une messe qui aurait réveillée sa foi.
Ayant acheté des terres en Algérie, il y revient jusqu’en 1862 avec un long séjour de 2 ans en 1855. Il voyagera aussi en Angleterre, en Italie pour plusieurs séjours, en Russie en 1836 et 1843, à Berlin en 1838, à Malte, en Egypte en 1839 et en Crimée en 1854.
Roman royal et pillage de l’Algérie
Louis Philippe ouvre en 1837, dans une perspective de réconciliation nationale et voulant inscrire son règne dans l’histoire, la Galerie des Batailles, un musée de l’Histoire à « toutes les gloires de France » de Tolbiac en 496 à Wagram en 1809. Vernet y reçoit 3 commandes en plus de celle le représentant avec ses cinq fils sortant par la grille d’honneur de Versailles après avoir assisté à une revue militaire le 10 juin 1837. Lors des opérations militaires en Algérie, certains officiers polytechniciens font des recherches sur les ruines romaines. Une Commission scientifique créée en 1839, s’inspirant de l’expédition d’Egypte de Bonaparte, réunit des antiquités qui sont placées au Louvre à côté des antiquités égyptiennes dans le Musée algérien inauguré par le Roi Louis-Philippe en 1845. Le Duc d’Orléans, fils aîné de Louis Philippe, envisage de transporter l’arc de triomphe romain de Djemila érigé en 216 en l’honneur de Caracalla pour l’installer à Paris entre l’Arc du Carrousel et la place de la Concorde. Le projet fut abandonné à sa mort en 1842. Dès 1858, sont créés dans chaque ville, des musées municipaux et le musée algérien au Louvre sera fermé en 1895 après des débats houleux autour du dépouillement de l’Algérie, de la qualité des pièces et des difficultés de les entretenir dans des musées locaux.
«Si vous manquez de poudre, nous vous en enverrons; si vous n’avez plus de pain, nous partagerons le nôtre avec vous, mais tant qu’un de nous sera vivant, vous n’entrerez pas dans Constantine.»Hadj-Ahmed Bey
L’expédition de Constantine 1837 est décidée par Louis Philippe 1° et le chef de son gouvernement le Comte Molé à l’été 1837. Comme Charles X en 1830, avec l’expédition d’Alger, le roi des français cherche à redorer le blason de son armée en vengeant l’expédition de Constantine de 1836.
Après avoir fait aboutir un compromis par le traité de la Tafna du 30 mai 1937 avec l’Emir Abdelkader et le général Bugeaud puis pacifié les provinces de l’Ouest, le gouvernement Molé voulait mettre fin à tout prix à la gouvernance d’Ahmed Bey.
Tous les militaires illustres, «la fine fleur» de l’armée française, une des plus fortes d’Europe, se donnent rendez-vous pour prendre part à la revanche, guidés et mus par un instinct de vengeance : les deux fils du roi, le Duc d’Orléans et le Duc de Nemours, le général Valée et à leur tête le général Damrémont. Tous les corps militaires de France étaient présents et dotés de 600 voitures, et 3000 chevaux et mulets. L’armée comptait un effectif de 11 000 hommes environ dont 7 500 combattants. Des officiers de tous les corps de France étaient venus grossir les Etats Majors.
Comme officiers d’ordonnance, des officiers de toutes les nations d’Europe avaient sollicité et obtenu la faveur de suivre cette expédition. Enfin, pour imiter l’expédition d’Egypte, une commission scientifique, composé de naturalistes, littérateurs(1), artistes peintre (2), archéologues, devaient accompagner l’armée en marche sur Constantine.
Ahmed Bey, après le traité de la Tafna, renforça tout le pourtour de la muraille qui protège la ville de Constantine, la face Ouest et surtout les abords du pont d’El Kantara. De nouveaux créneaux étaient percés dans les remparts sur plusieurs étages en divers points.
Il fit appel aux chefs de tribus et à tous les dignitaires pour renforcer son armée et notamment sa cavalerie et ses fantassins. Toutes les tribus contribuèrent à renforcer les rangs, même les tribus les plus redoutés : la tribu Ouled Abdenour qui mit au service du Bey ses vaillants guerriers, les Segnias fournissent cavaliers, chevaux, chameaux, bêtes de somme, l les Hannechas, les Haractas, accoururent eux-aussi, les tribus des Aurès, du Sahel, de Skikda, de Jijel et de Collo, enfin les tribus du Beylek de l’Est était là.
Appuyé par ce renfort et sans attendre, le Bey lança l’assaut sur le poste opérationnel de Medjez Amar. L’attaque durera 3 jours du 23 au 26 septembre 1837.
La marche sur Constantine
L’armée française se réunit dans le camp de Medjez Amar établi sur les bords de la Seybouse, en avant de Guelma, à moitié chemin de Annaba à Constantine.
Placée sous les ordres du général Damrémont, gouverneur général, avait pour chef d’Etat Major le Maréchal de camp Perrégaux. La 1° brigade, celle d’avant-garde était commandé par le Duc de Nemours, les 2° 3° et 4° étaient sous les ordres de Trézel et Rulhières ; le général Valée commandait l’artillerie et le général Rohault de Fleury, le génie.
Le départ de Annaba des brigades françaises a été fixé le 1° octobre 1837 à 7 heures. Ils se groupèrent à Ras-El –Akba. Le 2 octobre, ils prenaient la direction d’Oued-Zenati. Ils sont attaqués le soir même par les troupes d’Ahmed Bey qui les suivaient. Le 3 octobre, ils campèrent à Ain-Regada. Le lendemain ils levèrent le bivouac. De nombreux incendies de meules de paille et de douars allumés par les algériens dans le dessein de détruire les ressources dont peut s’emparer l’ennemi. Ils campèrent ensuite près de Bordj- Mehris (Ain-Abid).
Le 5 octobre, les français arrivèrent à la Soumaâ du Kroubs. Ils tombèrent dans une embuscade lors du passage d’Oued-Hamimime. L’engagement fut farouche et se termina avant la nuit.
Ils dressèrent ensuite leur bivouac à El-Méridj.
L’arrivée devant Constantine
Le 6 octobre, l’expédition coloniale arrivait devant Constantine. Les convois se placent sur le versant du plateau du Mansourah. Dès leur arrivée, la ville leur lança une quantité de bombes fort bien dirigées. Les assiégés se ruèrent sur l’arrière-garde des envahisseurs avec fureur. C’est une nuée de cavaliers qui s’acharne sur eux tandis que la ville redoublait le feu de ses canons.
La brigade Rulhières passa le Rhumel pour aller occuper le Koudiat-Aty qui avait été choisi comme zone d’attaque. Le combat dura néanmoins jusqu’à la nuit pour reprendre le lendemain à la pointe du jour. Les cavaliers algériens foncèrent sur le plateau du Mansourah et ne lâchèrent prise. Ils continuèrent à harceler l’ennemi par des fusillades incessantes. Leurs attaques se renouvellent sur les arrières du Mansourah et sur le Koudiat-Aty. Ils revenaient avec un acharnement sans exemple se jeter sur les lignes ennemies.
La ville envoyait sans cesse sur les sites précités des bombes dont les éclats causaient des pertes. Le général De Damrémont avait fait sommer la Place de se rendre. Il envoya un jeune soldat du bataillon porter ses conditions. Ce jeune brave arriva sous les murs de la ville à travers une grêle de balles et se fit hisser par-dessus les remparts, ses propositions à la main. La nuit se passa à attendre et, par un hasard heureux, l’envoyé du gouverneur revint sain et sauf de sa mission, mais n’apporta aucune réponse.
Elle arriva le lendemain seulement ; elle était ainsi conçue : «Si vous manquez de poudre, nous vous en enverrons ; si vous n’avez plus de pain, nous partagerons le nôtre avec vous ; mais tant qu’un de nous sera vivant, vous n’entrerez pas dans Constantine.»
Cette réponse tomba comme la foudre sur la tête du commandement en chef Damrémont et de son chef d’Etat-major, le général Perrégaux qui décidèrent d’attaquer la ville avec diligence, sinon la défaite serait pire que celle de 1836, elle serait fatale. Ils donnèrent l’ordre au général Vallée, chargé des batteries du Coudiat Aty d’agir de ce côté. Toutes les positions ennemies multiplièrent leurs tirs sans relâche sur les points stratégiques de la ville.
Les constantinois, à leur tour et sans répit n’arrêtèrent guère leurs assauts fructueux qui se soldèrent par la mort du gouverneur général, commandant en chef Damrémont tué en même temps que son chef d’Etat Major, le général Perrégaux.
L’assaut de la ville
La journée du 12 octobre était marquée par un bombardement intensif qui parvint à faire une brèche dans la muraille. L’armée qui vient de perdre son chef, menacée de manquer de vivres et de munitions, se lança à corps perdu dans la bataille. Toute la journée, les bombes, les obus se succédaient sans intervalle. La brèche grandissait à vue d’œil. L’artillerie des assiégés répondait coup sur coup. L’équipement de guerre français n’ébranla ni la ténacité ni l’obstination des guerriers algériens décidés plus que jamais, devant le déferlement des troupes coloniales, de lutter jusqu’au dernier souffle.
Le 13 octobre, c’était un vendredi. Le général Fleury déclara : «Mauvais présage !»
En arrivant sur la brèche, au lieu de pouvoir pénétrer dans la ville, comme on le croyait, la première colonne est arrêtée par un 2° mur d’enceinte. C’est un mur de feu que l’on a devant soi. Les français entrés dans la ville sont arrêtés par une mitraille infernale. Les assiégés, beaucoup plus nombreux, s’élancent de toute part sur les envahisseurs que la mitraille a surpris et arrêtés. Lamoricière suivi d’un renfort, arrive pour voir les constantinois poussant ses soldats l’épée dans les reins tombant les uns sur les autres, pèle- mêle avec les officiers, enfin un désordre épouvantable. Toutes les forces de Lamoricière se concentrèrent sur Bab-El-Djabia. Au moment où un des battants de la porte céda, les habitants exécutèrent l’ordre de leur chef en mettant le feu aux explosifs qui couchèrent bon nombre de soldats ennemis après une énorme explosion. Les français qui ont conservé leurs membres et qui ont pu sortir des décombres fuient vers la batterie et descendant la brèche en criant : «Sauvez-vous mes amis, nous sommes perdus, tout est miné, n’avancez pas, sauvez-vous !» Environ 300 zouaves furent mis hors de combat. Lamoricière fut lui-même grièvement blessé et presque aveugle. Le capitaine Saint Arnaud raconte : «Quand je vois ces figures brûlées, ces têtes sans cheveux, sans poils dégoutantes de sang, ces vêtements en lambeaux, tombant avec les chairs, quand j’entends ces cris lamentables, je vois ces fuyards entraîner toute la 2° colonne qui encombrait la brèche, des hommes tombant dans cette mare de boue et de sang, quel carnage ! On donnait la mort ou on la recevait avec cette rage du désespoir. Les assiégés cherchaient peu à se sauver et ceux qui se retiraient, profitaient de tous les accidents de mur pour faire feu sur nous... J’ai vu là bien des morts que me rappelaient la bataille d’Austerlitz.»
Le lieutenant colonel Lamoricière succomba à ses blessures, suivi du colonel Combe qui reçut deux coups de feu. Les algériens abandonnèrent la porte et le combat devint plus opiniâtre.
Sidérés par la perte inattendue de leur commandant en chef, furieux, déchaînés et aveugles, les français pénétrèrent dans la ville grâce à la 5° colonne mettant à feu et à sang la ville. Ils n’épargnèrent aucune personne trouvée sur leur chemin. Ceux qui échappèrent à ce funeste carnage, aux cruautés et aux horreurs de l’expédition française avaient tenté, par les ravins impraticables une fuite impossible. La terreur, précipitant leurs pas, les avait rendus encore plus incertains, et bien des femmes, bien des enfants avaient péri de cette horrible manière. Un spectacle affreux : environ 200 femmes et enfants gisaient brisés sur les rochers. Le précipice resta le seul exécutoire pour échapper aux cruautés et horreurs des troupes coloniales. L’assaut se transforma en une bataille farouche dans les rues, guerriers femmes et enfants y furent impliqués.
Quelle scène ! quel carnage ! Quel spectacle ! racontait un témoin, le docteur de l’expédition française Sédillot: «s’offrait à nos yeux plusieurs rangs de cadavres superposés dans la boue et les décombres…
Les blessures béantes montraient qu’elles étaient faites à bout portant et dans des luttes corps à corps».
Les canonniers algériens furent tués sur leurs pièces après s’être défendus avec rage. Chaque habitant concourait à la défense des remparts. Des kabyles, des mozabites, des femmes furent tués les armes à la main. Des juifs qui aidaient les canonniers périrent près des batteries. «La résistance farouche des constantinois fut aussi glorieuse que l’attaque !» racontait Saint Arnaud dans ses lettres.
Puis se succédèrent des actes de vandalisme et de barbarie qui se multiplièrent. Les assaillants se mirent à piller nourriture, habits (burnous), tapis, couvertures, argent pris dans les coffres… Le pillage exercé d’abord par les soldats, s’étendit ensuite aux officiers. Dans toutes les maisons, le pillage était facile .Il s’est trouvé, comme toujours, que la part la plus riche et la plus abondante était échue à la tête de l’armée et aux officiers. Ces scènes durèrent 3 jours. L’infanterie était gorgée de butin. Nous trouvâmes dans la ville une grande quantité de blé, d’orge, de paille, de viande et depuis le 13 octobre nous vivions dans une sorte d’abondance.
Le soir, un messager remit au général Rulhière, nouveau commandant de la place, une lettre dans laquelle les autorités de la ville faisaient acte de soumission. Le Bey Hadj Ahmed qui crut jusqu’à la dernière minute que la ville allait tenir bon, dut se rendre à l’évidence que la bataille était perdue. «De grosses larmes lui perlèrent aux joues», racontait un témoin. Il réussit à sortir de la ville à cheval suivi de Bengana et de quelques partisans fidèles. Il demeura fidèle, dévoué à la défense du pays puisqu’il préférera se déplacer entre les Aurès et le Sahara, incitant les tribus à la résistance jusqu’à ce que ses capacités physiques le trahissent et qu’il se rende le 5 juin 1848 ; il fut assigné à la résidence surveillée à Alger jusqu’à sa mort le 30.8.1851. Il avait 65 ans. Selon ses désirs, il fut inhumé au mausolée de Sidi- Abderrahmane « el-Thaalibi» à Alger.
Quant à son vaillant colonel Ben –Aissa, dont le courage à défendre la ville aurait cependant mérité un meilleur sort, parvint lui aussi à quitter la ville, blessé, accompagné de son fils qui a combattu à ses côtés durant tout le siège de la ville.
Ce début de la colonisation française fut une guerre de génocide suivie par l’expropriation des terres et l’application du Sénatus-consulte de 1863, puis par la loi Varnier de 1874, l’extradition et la déportation massive des membres influents des tribus vers des destinations inconnues , lointaines telle la Nouvelle-Calédonie et la Guyane pour étouffer les voix des insurgés. Ce qui n’a pas empêché à Fatma-N’Soumer (1854), à Ouled-Sidi-Cheich (1863), à El-Mokrani (1871), à Bouamama (1881-1908)… de mener des insurrections héroïques à la tête de milliers de révoltés algériens contre la colonisation française.
-(1) les auteurs du ministère de la guerre :Charles Férauld- docteur Baudens -(2) Les peintres : les campanes de Constantine ont été faites d’après les esquisses des capitaines Genêt et Pajol . Leur production comprend 44 peintures à l’huile et aquarelles. Références bibliographiques -St - Arnaud, lettres (1832-1854) -Ernest Mercier: les 2 sièges de Constantine -E. Vallée: Le centenaire de Constantine
-Mécheri Hadj Aissa Leila: Expéditions et résistance du constantinois
Si le rôle joué par « Lawrence d’Arabie » durant la première guerre mondiale a été abondamment documenté, le livre de l’historien Christophe Leclerc remonte légèrement le temps pour revenir sur la période cairote du célèbre officier britannique. Apparaissent déjà à cette époque les principaux traits de sa personnalité qui contribueront à l’inscrire dans la postérité.
Un livre de plus sur Thomas Edward Lawrence, plus connu sous le nom de Lawrence d’Arabie ? La littérature sur l’épopée politico-militaro-littéraire de ce personnage hors norme est déjà si abondante qu’on ne compte plus les ouvrages en tous genres qui lui ont été consacrés, « des hagiographies comme des biographies sérieuses, mais aussi des essais des travaux d’archéologie, des pièces de théâtre, des bandes dessinées ou des romans », écrit l’historien Christophe Leclerc, dans la préface de son livre Deux ans au Caire. Lawrence d’Arabie avant la légende, sans oublier le film de David Lean de 1962.
Pourtant, assure l’auteur, cette période où le jeune Lawrence sert comme agent des services de renseignement militaires britannique du Caire « n’a pas été étudiée tant que ça ». Accompagné d’une bibliographie et d’un utile petit dictionnaire des acteurs arabes, britanniques et français, le livre couvre les 22 mois cairotes de Lawrence, entre le début du premier conflit mondial et l’entrée du jeune homme dans la guerre du désert. Un prélude indispensable pour comprendre quel rôle il a pu jouer dans le théâtre proche-oriental de la première guerre mondiale.
SAVOIR « RÉSEAUTER »
Son aventure personnelle est surtout le produit de l’histoire du remodelage de la région par les grandes puissances de l’époque, France et Royaume-Uni, matrice du Proche-Orient d’aujourd’hui. Lawrence est là quand l’irruption de la Grande Guerre et l’alliance d’Istanbul avec Berlin précipitent les choses. Comment devient-on Lawrence d’Arabie ? Le guerrier romantique, le metteur en scène de sa propre légende, coiffé d’un keffieh blanc et juché sur un dromadaire de course fut d’abord un bureaucrate acharné doté d’une grande puissance intellectuelle. « Mon compagnon super cérébral » dit de lui dans son journal Ronald Storrs, numéro deux de l’administration britannique en Égypte. Mais les qualités personnelles ne suffisent pas à faire une carrière. Le jeune homme sait réseauter.
Son mentor c’est David George Hogarth, directeur de l’Ashmolean Museum d’Oxford (il dirigera plus tard l’Arab Bureau du Caire). C’est lui qui a envoyé Lawrence sur des théâtres de fouilles en Irak. Il était son relais dans la mesure où il était l’intermédiaire entre Lawrence qui transmettait ses rapports et les milieux du pouvoir. Il était par exemple un ami du ministre des affaires étrangères, Lord Grey.
À Londres, Lawrence est embauché à l’automne 1914 par le service des opérations du War Office. Outre ses fouilles irakiennes, il avait effectué des relevés cartographiques au Sinaï, cette dernière mission étant commanditée par les services britanniques. Il est recruté comme cartographe, et se distingue aussitôt. « Il dirige tout le service à ma place », dit son supérieur, le colonel Hedley, à D. G. Hogarth. Lawrence a aussi du culot. Il lui arrive d’« inventer » une partie des cartes, comme il l’avoue à un ami.
Le ministère de la guerre ne tarde pas à l’envoyer en Égypte. Le jeune homme a 26 ans quand il débarque à Port-Saïd. Même débutants, les archéologues font figure d’experts, les services de renseignement sur place étant embryonnaires. Au Caire, Lawrence intègre une sorte de club très british, composé de membres de l’upper class, cultivés et excentriques comme il se doit, parmi lesquels des parlementaires bien nés et familiers du terrain, ou des personnalités comme Gertrude Bell, célèbre orientaliste partie ensuite en Irak. Lawrence pour sa part sacrifie à l’usage avec son uniforme dépenaillé et ses cheveux en bataille. Il croise aussi dans ce club un dominicain et anthropologue français, le fameux père Antonin Jaussen, professeur à l’École biblique de Jérusalem, qui s’est mis lui aussi au service de la patrie, et collabore un temps avec les Britanniques.
Des gens brillants, mais lui se distingue par sa puissance de travail. Il commence ses journées à 9 h et les termine à minuit, après le dîner il explore les télégrammes qui sont arrivés, c’est un cartographe super efficace, il a une mémoire visuelle extraordinaire.
DES QUALITÉS RECONNUES PAR LA HIÉRARCHIE
Il est aussi très efficace dans l’interrogatoire de prisonniers. Ayant appris l’arabe pendant ses fouilles en Irak, le jeune sous-lieutenant fait montre de finesse et de psychologie pour cuisiner les prisonniers et les déserteurs de l’armée ottomane.
C’est aussi un rédacteur d’un niveau supérieur. Ses rapports et ses notes de synthèse, c’est de haute volée, très pénétrant. Par exemple il en a fait un sur la sociologie de la Syrie extrêmement intéressant. Quand on les compare à ceux de ses homologues, la différence en hauteur de vue, en sens tactique et stratégique est flagrante.
Ses qualités sont reconnues par la hiérarchie. T. E. Lawrence exerce donc dès le début des responsabilités sans rapport avec la modestie de son grade. On connaît le scénario : au Caire, Lawrence envisage une « révolte arabe » basée sur les tribus bédouines qui nomadisent à l’est de la Palestine. Il ajoute à ces considérations politiques une bonne dose d’imagination, voyant les Bédouins comme une incarnation des chevaliers médiévaux et comme les « Arabes purs », par opposition aux Arabes des villes, dont il avait décrit, dans une lettre à sa mère en 1911, « la vulgarité totalement irrécupérable ».
Mais le rêveur a étudié le terrain. L’ensemble disparate des tribus ne peut être uni que par le prestige politico-religieux d’un leader charismatique, estime-t-il dans ses nombreux rapports. Lawrence pense à Hussein, chérif de La Mecque et chef de la dynastie hachémite, qui jouit d’une forte légitimité. Le jeune officier britannique a d’abord cherché ailleurs son homme providentiel. Dans des pages plutôt cocasses, on le voit arpenter Bassora récemment conquise par le Royaume-Uni, et proposer à divers militants arabes de prendre la tête d’une révolte, les intéressés se montrant plus que prudents. Et quand il se décide pour le chérif, T. E. Lawrence s’appuie sur une idée qui occupe déjà les connaisseurs du Proche-Orient.
« Pour bien des observateurs de l’époque, dès 1905-1906, il est question d’une révolte arabe du chérif de La Mecque qui entraînerait avec lui les tribus de la péninsule arabique et bénéficierait d’un soutien politique de la Grande-Bretagne », écrit Henry Laurens1 titulaire de la chaire d’histoire contemporaine du monde arabe au Collège de France. Le projet est partagé par les élites urbaines et les organisations clandestines arabes en lutte contre l’impérialisme ottoman. L’irruption de la guerre oblige les belligérants anti-ottomans à entrer dans le concret. En novembre 1914, le ministère français de la guerre estime que Hussein peut être « l’instigateur d’un soulèvement arabe ».
UN INTERMÉDIAIRE ENTRE LE CHÉRIF DE LA MECQUE ET MAC-MAHON
Les deux grandes puissances n’ont pas les mêmes objectifs. Les Français estiment que la Syrie leur revient, les Britanniques veulent protéger le canal de Suez et les Indes. Là encore, la période cairote place T. E. Lawrence au cœur de l’histoire. Par ses rapports, il contribue au célèbre échange de lettres entre le chérif Hussein et le haut-commissaire britannique en Égypte Arthur Henry Mac-Mahon, qui tente de définir les conditions de l’entrée en guerre du leader hachémite.
L’agent britannique a connaissance très tôt, bien avant de se lancer dans la guerre du désert, des accords Sykes-Picot de 1916 qui, bien que transitoires, préludent aux traités de l’après-guerre dans lesquels la France se réserve la Syrie. Lawrence est « très contrarié. Il avait répété et écrit qu’il fallait que la Syrie soit placée sous le contrôle de son pays ». Dans la même personne, le rêveur et l’officier ne sont pas toujours d’accord. Le premier imagine un « royaume arabe », le second est au courant de tractations diplomatiques qui le dépassent largement, et considère d’ailleurs ouvertement qu’un royaume unifié n’est pas possible.
C’est dans la tactique militaire que le jeune officier, bien que dépourvu de toute formation de soldat, montre le plus d’originalité. Il rédige en janvier 1916 une note qui recommande d’utiliser les Bédouins pour des actions de guérilla contre le chemin de fer du Hejaz qui relie Damas à la ville sainte de Médine, indispensable à l’armée ottomane. « En coupant cette voie ferrée, nous détruirons le gouvernement civil du Hejaz […]. Les tribus bédouines détestent le chemin de fer qui a réduit leurs droits annuels de passage. Elles nous aideront à le couper ». C’est exactement la méthode qu’il appliquera plus tard.
VERS LA GRANDE RÉVOLTE ARABE
C’est bientôt le début de l’épopée lawrencienne. Le livre de Christophe Leclerc la remet utilement dans son contexte. Les Britanniques — et les Français, forts d’une mission militaire de 1000 hommes — sont déjà venus au secours de l’offensive que le chérif Hussein a déclenchée sans les prévenir. « Les Britanniques ont fourni au chérif 18 000 fusils, des mitrailleuses, des obusiers, ainsi que 250 artilleurs égyptiens et indiens ». Ils ont aussi sauvé la mise aux troupes bédouines en grande difficulté, en envoyant des croiseurs bombarder la garnison turque de Djeddah. Mais il faut une stratégie. La prise du port d’Aqaba sur la mer Rouge est vite considérée par les décideurs britanniques (et français) comme de la plus haute importance. On sait qu’elle constituera le plus haut fait d’armes de T. E. Lawrence, qui décidera de surprendre les soldats ottomans en attaquant par la terre avec ses Bédouins, exploit jugé impossible, car il impliquait la traversée du désert aride du Nefoud. On sait moins que Lawrence fut au début partisan de la solution envisagée par les états-majors, à savoir l’assaut par la mer, qui aurait été fort coûteux en hommes.
À la révolte, il faut un leader militaire arabe. Lawrence juge le chérif Hussein trop politique et trop retors. Il a jeté son dévolu sur l’un de ses fils, Fayçal, à « l’enthousiasme ardent », qui mènera après-guerre la révolte contre le mandat français en Syrie. Là encore, l’officier de Sa Majesté n’est pas le seul à porter cette idée, puisque Fayçal a déjà été repéré par les Britanniques. Mais c’est T. E. Lawrence qui va la concrétiser. En octobre 1916, il fait partie d’une mission britannique qui s’embarque sur la mer Rouge pour aller discuter avec Abdallah, un autre fils de Hussein, celui qui deviendra le premier émir de la Transjordanie sous protectorat britannique. Lawrence, lui, va en profiter pour rencontrer Fayçal.
Auparavant, le jeune officier de renseignement est impliqué dans la fabrique des équilibres qui façonneront l’après-guerre. À Djeddah, la délégation croise le chef du détachement français, le colonel Brémond, qui insiste pour faire débarquer des troupes composées d’officiers français et de tirailleurs sénégalais. Abdallah se montre intéressé, mais Lawrence estime que le débarquement de troupes étrangères au Hejaz serait une catastrophe. Finalement, Paris rappelle le colonel. Les Français laissent aux Britanniques le soin de mener la révolte, à condition, entre autres, qu’ils leur laissent la Syrie une fois les Turcs vaincus. T. E. Lawrence obtient du chérif Hussein le droit de partir dans les terres à la rencontre de Fayçal. Il est à dos de dromadaire et habillé en Arabe. Dans Les Sept Piliers de la sagesse (1922), il écrit : « Je sus au premier regard que j’avais trouvé l’homme que j’étais venu chercher en Arabie ».
l'Algérie poursuit les opérations de récupération de pièces archéologiques de son patrimoine historique de l’étranger.
Cette fois-ci, c’est une épée de l’Emir Abdelkader qui a pu être récupérée, selon un communiqué du ministère de la Culture paru ce lundi.
La ministre de la Culture et des Arts Soraya Mouloudji a reçu la visite de l’ambassadeur d’Algérie en France, Said Moussi qui lui a remis l’épée récupérée qui devait être vendue aux enchères en France, d’après le communiqué du ministère.
L’acquisition de cette pièce archéologique « à haute valeur historique » a été effectuée le 8 octobre dernier par les services de l’ambassade d’Algérie en France, indique le ministère de la Culture dans son communiqué
La récupération a été possible suite à la découverte de l’opération de vente aux enchères de la pièce en question par le biais de la cellule de veille récemment créée au niveau du ministère de la Culture, ajoute la même source.
L’Algérie récupère une épée de l’Emir Abdelkader fabriquée en argent
Cette cellule est chargée du suivi et de la restitution des biens culturels nationaux à l’étranger, précise le communiqué du ministère de la Culture.
L’épée de l’Emir Abdelkader qui a été récupérée est fabriquée en argent, précise le ministère de la Culture. Longue de 107 cm, elle date de la période entre 1808 et 1883, souligne la même source.
Le ministère indique que la récupération intervient suite aux orientations du président de la République Abdelmadjid Tebboune pour le renforcement de la protection du patrimoine national, la sauvegarde de la mémoire collective et la restitution des biens culturels à l’étranger.
L’épée en question et les documents l’accompagnant seront exposés dans les collections nationales avec les autres pièces archéologiques et artistiques récupérées par le ministère de la Culture en coordination avec les représentations diplomatiques algériennes à l’étranger.
Au courant de l’année 2023, l’Algérie a déjà récupéré des pièces archéologiques de l’étranger dans le cadre des opérations conduites par le ministère de la Culture.
En juillet dernier, l’Algérie a récupéré un fusil datant du 19e siècle qui était destiné à être vendu aux enchères à Zurich, en Suisse. L’opération a été menée par l’ambassade d’Algérie à Berne avec la participation des membres de la communauté algérienne en Suisse.
« Mon français s'est ainsi illuminé depuis vingt ans déjà, de la nuit des femmes du Mont Chenoua. (...) J'emporte outre- Atlantique leurs sourires, images de « shefa' », c'est-à-dire de guérison. Car mon français, doublé par le velours, mais aussi les épines des langues autrefois occultées, cicatrisera peut-être mes blessures mémorielles (...) c'est mon vœu final de « shefa' » pour nous tous, ouvrons grand ce « Kitab el Shefa' » ou Livre de la guérison (de l'âme) d'Avicenne/Ibn Sina, dont la précocité et la variété prodigieuse du savoir, quatre siècles avant Pic de la Mirandole, étonna lettrés et savants qui suivirent »...
Assia Djebbar
Discours de réception à l'Académie française
Une disposition technique concernant la langue française est vue en France comme un crime de lèse-langue de Voltaire ! En fait cette enième kabbale outre-Méditerranée est un coup d'épée dans l'eau. Le ministère de l'Education nationale met en œuvre un texte ancien. Le but étant de rectifier le droit permis aux établissements privés d'enseigner en plus la langue français conformément aux critères de l'éducation en France et ceci avec les services culturels qui permettent des passerelles aux candidats bacheliers du bac français passé en Algérie de pouvoir s'inscrire dans Parcours Sup et rejoignant ainsi les universités françaises C'est de fait un quasi-visa pour les candidats. De fait, les candidats au bac français ne peuvent le passer dans le pays.
Par ailleurs, d'une façon souveraine l'Algérie envisage à terme de substituer le français par l'anglais comme deuxième langue sans pour autant se dispenser du butin de guerre qui à des degrés divers peut avoir sa place si des fondamentaux sont respectés. Pour rappel, l'Algérie étant le 3e locuteur de langue française fait beaucoup pour la langue française sans être dans la francophonie et ceci sans aucune compétition d'aucune sorte si ce n'est de bricoler en attisant les différences entre les élus inscrits dans le lycée français sans vision globale de l'apport de l'Algérie pour cette langue. Il ne tient d'après nous que cette langue puisse perdurer si d'abord dans un esprit de reconnaissance, la France, comme elle l'a fait avec l'Egypte en 1990 a construit et équipé la bibliothèque d'Alexandrie puisse contribuer par la culture et la science à l'apaisement des mémoires.
La langue de Molière, un butin de guerre en perdition
Le Figaro, dans sa livraison de mardi 26 septembre, avait titré « Alger ordonne la chasse au français dans les écoles » pour évoquer une note du ministère algérien de l'Education nationale interdisant l'enseignement des programmes scolaires français dans les écoles privées. Cette stratégie des autorités algérienne a été sujette aux attaques systématiques de la part des médias et personnalités françaises nostalgiques du Paradis Perdu. Pourtant ce n'est pas l'usage de la langue française qui a été interdit puisqu'on continuera à enseigner en français mais la dispense des programmes d'enseignement scolaires français, notamment en vue de l'obtention du baccalauréat français. On sait que des écoles privées proposent le programme d'enseignement scolaire français sésame qui permet de s'inscrire dans les universités françaises.
De plus, comme l'écrit Lamia F. d'Algérie 360 : « La décision de mettre fin à l'enseignement du programme français dans les écoles algériennes a été évoqué il y a des années de cela. Une note ministérielle était même venue interdire aux établissements privés d'enseigner le programme de l'Hexagone à leurs élèves en 2021. Jusqu'à présent, les quelque 580 écoles privées algériennes étaient autorisées à enseigner le programme français, à condition que le programme algérien soit également dispensé aux élèves. Cette mesure visait à garantir une éducation équilibrée, mêlant les aspects de l'enseignement français et algérien. (...) Cette interdiction n'a toutefois été que partiellement appliquée jusqu'à cette rentrée. La décision de supprimer le programme français a été motivée en grande partie par les abus observés au sein de certaines écoles privées. Une autre conséquence majeure de cette décision est l'impact sur les élèves souhaitant passer le baccalauréat français. Désormais, ils ne sont plus autorisés à le faire en Algérie et sont contraints de se rendre à l'étranger. Les écoles privées titulaires d'un label délivré par l'ambassade de France en Algérie ont également été contraintes de renoncer à ce statut sous peine de sanctions ». (1)
Dans le même ordre, les journalistes Kessous et Ténéré Majhoul qui ont enquêté alternent fausse information comme la soudaineté de la note ministérielle et dans le même temps, ils nous informent des quasi privilèges des élus élèves qui suivent l'enseignement privé. Nous lisons : « qui parle de soudaineté de la décision en donnant la parole à des personnes bien engagées dans le débat : « un établissement privé algérien a été sommé par les autorités algériennes de ne plus enseigner le programme français aux élèves sous peine de sanctions. Un double programme jamais autorisé par la loi, mais toléré au grand jour (...) Les vingt-deux écoles qui échangeaient avec l'ambassade de France à travers un label délivré par l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) début août, ont reçu un premier courrier, les « sommant de se retirer de ce label » sous peine de fermeture ou de poursuites pénales. Certains établissements avaient choisi d'obtempérer, d'autres s'étaient résolus à fermer ou à changer de statut ». (2)
Les auteurs nous informent que la langue française continue à être enseignée. Ils nous informent par là même des combines pour tromper l'administration du ministère : « Au même moment, l'anglais commence à être imposé au sein d'institutions publiques dans le but de remplacer le français. La langue n'a, toutefois, pas été bannie : dans les écoles publiques et privées, elle continue d'être enseignée à raison de cinq heures par semaine. L'interdiction du programme français dans les établissements privés répond aussi à la volonté de mettre fin aux abus commis par certaines écoles, qui ont privilégié les matières françaises au détriment du programme algérien. Un enseignement parfois dispensé « de manière exclusive », reconnaît un professeur qui travaille dans le public et le privé. « Dans ces écoles, lors des inspections, il fallait cacher les manuels en français, ne pas les mettre dans les cartables des enfants car on pouvait les fouiller ». « Des élèves ne se présentaient pas au brevet ou au bac algérien, uniquement aux examens français, ça n'a pas plu aux autorités. » (2)
Enfin les journalistes nous informent d'un problème franco-français : « La décision des autorités algériennes est d'autant plus mal ressentie qu'elle coïncide avec une autre réforme, française cette fois, concernant le Centre national d'enseignement à distance (CNED). Quelque 3 000 élèves en Algérie étaient concernés, le plus important contingent au monde. « Le CNED, c'était un visa pour eux... » (2)
Les langues les plus parlées dans le monde
Pour savoir quelle est la place des langues principales, on évalue le nombre de langues dans le monde qui s'élève aux alentours de 7.000. L'anglais est parlé par près d'un milliard 452 millions personnes à travers le globe. Ainsi, on compte environ 372,9 millions de personnes dont la langue maternelle est l'anglais. C'est aussi la langue officielle de 67 pays à travers le monde. Le chinois est parlé par 929 millions de personnes. L'hindi est parlé comme langue maternelle par environ 343,9 millions. Vient ensuite L'espagnol avec 548,3 millions de locuteurs. Et l'arabe avec un nombre de locuteurs d'environ 250 millions. Le français avec moins de 79 millions comme langue maternelle.
La situation du français dans le monde
Sous la plume de Nicolas Poincaré, cette contribution le constat du déclin de l'enseignement du français en Algérie mais pas dans le monde !... : « Il n'y a qu'un lycée français, alors qu'il y en a par exemple 37 au Maroc. C'est le lycée Alexandre Dumas, qui accueille environ 2.000 élèves avec deux annexes en province. Il y a, tous les ans, environ 60 demandes pour une place. Les ministres, les hauts fonctionnaires, les apparatchiks du régime, se battent pour y inscrire leurs enfants, (...) Aujourd'hui, 15 millions d'Algériens parlent français, soit un tiers de la population. Cela en fait le troisième pays francophone du monde derrière la France et la République démocratique du Congo. (...) Et lorsque le français n'est plus enseigné, il peut très vite disparaître. Cela s'est passé au Rwanda, qui en moins de 30 ans est devenu un pays anglophone alors que c'était une ancienne colonie belge où presque tout le monde parlait français. C'est fini. Même chose au Liban, qui reste officiellement un pays francophone, mais sur Facebook, on trouve huit publications en anglais pour une en français... La pratique du français a également presque disparu dans des pays comme le Vietnam ou le Cambodge. Pourtant, au niveau mondial » (3)
L'Algérie développe l'apprentissage de l'anglais
D'une façon tout à fait imprévue en première impression, le grand journal Le Washington Post prend à son compte les dispositions prises par l'Algérie concernant l'anglais aux dépens du français. Sans être naïf c'est un combat culturel entre les pays développés pourtant du même bord ! Ainsi dans son édition du vendredi 29 septembre, The Washington Post a consacré un article au choix stratégique de l'Algérie d'opter pour l'enseignement de l'anglais : « Plus d'un an après le lancement par l'Algérie d'un programme pilote d'enseignement de l'anglais dans les écoles primaires, le pays le salue comme un succès et l'élargit dans un mouvement qui reflète un changement linguistique croissant en cours dans les anciennes colonies françaises à travers l'Afrique. Les élèves qui retourneront dans les classes de troisième et de quatrième année cet automne participeront à deux cours d'anglais de 45 minutes chaque semaine alors que le pays crée de nouveaux programmes de formation des enseignants dans les universités et envisage des changements plus transformateurs dans les années à venir. De plus, le pays renforce l'application d'une loi préexistante contre les écoles privées qui fonctionnent principalement en français » (4).
L'article fait dire que l'Algérie a perdu beaucoup de temps du fait d'une sorte de lobby, l'inoxydable Hazb França : « Nous avons perdu beaucoup de temps. Nous aurions dû introduire l'anglais dans les écoles primaires lorsque le président Abdelaziz Bouteflika a présenté sa réforme après son arrivée au pouvoir en 1999. Mais à cette époque, les factions francophones en Algérie avaient beaucoup de pouvoir de décision dans les institutions. » Cependant, ces dernières années, ils se sont affrontés à plusieurs reprises sur l'immigration, l'extradition et la façon dont chaque pays commémore le colonialisme et la guerre brutale qui a abouti à l'indépendance de l'Algérie en 1962. L'Algérie prévoit d'étendre son programme actuel à la cinquième année l'année prochaine. Bien que peu de gens contestent l'importance de l'anglais, certains s'inquiètent de la façon dont l'Algérie met en œuvre un tel changement et mettent en garde contre la déclaration de victoire trop tôt ». (4)
La France propose le français aux pays anglophones
La France développe cependant des relations avec des pays anglophones en y mettant les moyens Ainsi, on se souvient de l'acculturation qui a permit de décentraliser la « Sorbonne » University à Abu Dahbi avec une scolarité à 50.000 euros pour une licence de 3 ans. Plus récent c'est un autre pays qui est choisi. Ainsi la participation à la Foire internationale du 28 septembre au 7 octobre à l'université du roi Saoud à Riyad sous le thème «Une destination inspirante». Samia Hanafi écrit : « Cette manifestation culturelle et éducative vise à promouvoir le dialogue et à rapprocher les communautés francophones, ainsi que tous ceux désireux d'apprendre le français, de découvrir la culture française et de l'apprécier. Un pavillon francophone de plus de 500 m2 sera au rendez-vous. Cette édition s'annonce mettant en avant plus de vingt mille titres, dont dix mille dédiés à la jeunesse. L'association d'amitié franco-saoudienne Génération 2030 participera. Sa mission consiste à réunir les jeunes talents français et saoudiens pour mettre en œuvre des actions conjointes afin de construire des passerelles culturelles entre la France et le royaume d'Arabie saoudite. L'ambassadeur de France en Arabie saoudite, Ludovic Pouille, visitera le pavillon francophone » (5)
Un combat d'arrière-garde pour le futur : contenant et contenu
La mondialisation a fait que le monde est un grand village où 7.000 langues se parlent. Cependant il faut expliquer que ce qui compte par-dessus tout, ce n'est pas le véhicule de l'information (le contenant) que constitue la langue, mais l'information transmise (le contenu). Ainsi l'intelligence artificielle brise les barrières linguistiques. « L'intelligence artificielle, lit on sur cette publication, permet désormais de doubler des vidéos dans n'importe quelle langue avec une synchronisation labiale quasi parfaite. Cette innovation, qui a déjà séduit de nombreux utilisateurs, pourrait cependant créer des illusions en matière de communication » (6).
« (...) un individu parle anglais et, en un instant, s'exprime parfaitement en français, puis en allemand (...) Réaliser une vidéo en français pour toucher une audience internationale ? Autrefois, cela nécessitait une traduction minutieuse et un sous-titrage. Il ne s'agit pas seulement de traduction. Des programmes peuvent désormais faire chanter dans une autre langue. En Suisse, la start-up zurichoise Interprefy offre déjà une solution de traduction pour les conférences dans le monde réel. À l'aide d'une oreillette, les participants entendent non pas une voix humaine, mais une voix de synthèse autonome qui traduit les propos à la volée » (6)
En fait une langue n'est qu'un véhicule de l'information au sens du savoir, il faut se garder d'être naïf, ce qui compte c'est le contenu du message et non pas le contenant. C'est à cela que nos enseignants devraient joindre tous leurs efforts. De plus, que vous enseignez en anglais ou en français, dans le domaine des sciences et de la technologie le vocabulaire technique est le même. Vous pouvez faire un cours en alignant des équations mathématiques, physiques ou chimiques A titre d'exemple, le manuscrit de Gregori Perelman qui a démontré la conjecture de Poincaré qui a résisté un siècle, faisait 30 pages d'équations les unes à la suite des autres sans texte. Les mathématiciens chargés d'évaluer le manuscrit ont mis plusieurs mois pour le comprendre pour finalement déclarer que le chercheur a résolu la conjecture. Pour cet exploit, 1 million de dollars lui ont été proposés. Gregori Perelman qui habite dans un HLM avec sa maman, refusa le prix et eut cette phrase grandiose : « Que vais-je faire avec cet argent ? Je sais comment fonctionne l'univers »
On le voit, il nous faut relativiser car même dans la culture, un débat sur la création littéraire à Alger fait appel à l'intelligence artificielle qui a, semble-t-il, des répercussions sur le monde littéraire ! Devons-nous être inquiets si le dernier bastion de la beauté culturelle tombe ? Comme l'écrit Sarra Chaoui : « Quand la fiction devient réalité » a permis aux auteurs Hamza Koudri et à Magdalena Platzova de donner leur point de vue sur l'utilisation de l'intelligence artificielle et d'imaginer un monde où la machine prendrait le pas sur l'homme. Ils partagent la même vision, celle de l'impossibilité de la machine à ressentir les émotions humaines et à les transmettre. Il est impossible pour l'IA de saisir les subtilités d'une langue et de les traduire correctement. Pour eux, les textes générés automatiquement, aussi complexes soient-ils, ne pourront jamais égaler l'intelligence émotionnelle de l'humain. (10)» Nous sommes sauvés... provisoirement
Que fait la France officielle vis-à-vis de l'Algérie ?
Elle donne l'impression que le français en Algérie est là pour mille ans ! Grosse erreur ! Une langue peut disparaitre en quelques décennies si elle n'est pas entretenue d'une façon imaginative par l'adaptation constante à des situations nouvelles. Il n'y a pas de signe avant-coureur d'une politique apaisée généreuse car la visite en Algérie du député français Frédéric Petit a été contreproductive. Venu comme un censeur dictant la norme ! et annonçant des vœux pieux assortis de paternalisme du colon vis-à-vis de l'indigène Nous lisons : « explorer l'apprentissage du français. L'objectif principal de ce déplacement était de vérifier les répercussions de la réforme adoptée par l'Algérie en 2022, qui introduit l'apprentissage de l'anglais dès la 3ème année du cycle primaire. Le député cherchait à comprendre si cette réforme menace l'apprentissage de la langue française. (...) Enfin, il insiste sur le fait que privilégier l'anglais pourrait entraîner une perte d'influence regrettable, soulignant la longue histoire commune qui unit la France et l'Algérie ainsi que leurs peuples respectifs. » (7)
La dette culturelle consubstantielle de l'histoire commune
Comme on le sait, l'Algérie revient de loin. Comme on le sait, l'invasion coloniale avait pour but de remplacer l'arabe par le français. Le premier arrêté que prit le général Berthezène de rattacher le fonctionnement des zaouïas à l'administration du même coup cet arrêté a tari le financement des zaouïas et donc plus de possibilités de développement de l'éducation.
132 ans plus tard, c'est un pays exsangue qui démarre sans encadrement dans l'éducation pour les quelques milliers d'élèves en âge d'être scolarisés moins de 10%.
La langue française a servi à ratisser des individus en les privilégiant par rapport à l'immense masse des Algériens. Rien n'a été fait, au contraire on dresse des Algériens contre d'autres Algériens avec la possibilité d'ouvrir les portes à des cadres potentiels qui viendraient enrichir le vivier des compétences en France.
Ainsi, le manque de visibilité de la langue française en Algérie et le lourd fardeau de la francophonie vue comme une Françafrique ou la langue française continuait à dicter la norme est de plus en plus abandonnée. La langue française n'épouse plus son temps. De plus il semble que la France veut investir d'autres pays pensant que l'installation de la langue française est irréversible, les anciennes colonies n'oseront pas se passer du français. C'est une erreur ! beaucoup de pays africains commencent à questionner l'apport culturel et scientifique du fiançais.
La France est elle prête à aller en Algérie sur le chemin de la réconciliation par la culture ? A titre d'exemple, c'est à Doha qu'il y a la Sorbonne. C'est à Doha qu'il existe un musée du Louvres bis. Un pays qui n'a aucun passé commun avec la France, si ce n'est le carnet de chèques. En se souvenant que les soudards de l'armée de l'Afrique ont brûlé les bibliothèques algériennes avec comme point d'orgue l'incendie criminelle par l'OAS début juin 1962 de la Bibliothèque universitaire qui a vu 300.000 volumes partir en fumée.
On se souvient du discours de François Mitterrand allant inaugurer la bibliothèque d'Alexandrie construite et dotée par la France qui n'a pas d'histoire commune avec l'Egypte. Nous lisons « (...) Quelle part y eurent l'incendie allumé à Alexandrie [ndR] par Jules César en 48 avant J.C., celui des chrétiens en 390, l'occupant arabe de 641 ? (...) Mais il est sûr que les ravages de la guerre, l'indifférence, le poids des dogmes, bref les destructions et l'abandon finirent par avoir raison d'une expérience qui compte parmi les plus grandes aventures intellectuelles de l'humanité(...). Voisine de la future université francophone, flanquée d'une école internationale en sciences de l'information formant des spécialistes qualifiés, la bibliothèque d'Alexandrie sera dotée de tous les moyens modernes de conservation des collections, de stockage et de transmission des données, de restauration des documents et de communication au public » (8)
Le discours de Mitterrand en Egypte par des députés qui ne connaissaient pas la langue française est à méditer. Mutadis mutandis la France a une dette culturelle. Peu ou prou l'Algérie à son corps défendant a bonifié la langue française en l'enrichissant des mots du terroir profond. Elle a fait plus que son devoir vis-à-vis de cette langue qui appartient au patrimoine de l'humanité. Comment réparer 132 ans de déni de personnalité de la langue maternelle interdite ? C'est un miracle qu'il y eut des Algériens qui maitrisaient la langue de Voltaire ! Ils furent le petit nombre et des voleurs de feu pour reprendre la belle expression d'El Mouhoub Jean Amrouche.
Le chemin de la réconciliation entre les deux peuples qui gardent par-devers eux leurs mémoires est possible si des gestes signifiants étaient mis en œuvre. Ainsi la culture, le respect mutuel des cultures sont assurément un chemin vers une démarche apaisée. En s'inspirant de la démarche de la France en Egypte, la mise en place d'une façon résolue de la construction et la dotation d'une Grande Bibliothèque avec toutes les commodités pour accueillir l'universel mais aussi les ouvrages encore retenues dans les bibliothèques de France et de Navarre.
Conclusion
Les vrais combats sont donc ceux du contenu du savoir. Nous devons y aller résolument en évaluant les étapes. La démarche actuelle devrait être consolidée Cependant il ne faut pas espérer d'un coup de baguette magique se réveiller un beau matin maitrisant la langue de Shakespeare. Il nous faut y aller d'une façon déterminée mais à pas mesurés.
Sans se faire d'illusion sur les offres « gratuites » des pays anglophones, nous ne devons pas abandonner la proie ou le butin pour l'ombre. Ce serait une erreur d'abdiquer une langue même issue d'un compagnonnage douloureux, pour aller pointer en dernière position d'une métropole moyen-orientale avec laquelle nous n'avons pas d'atomes crochus pour apprendre l'anglais, et non la culture. Souvenons-nous, 90% du corps de documentation est en français, ce sont des millions d'ouvrages importants dans toutes les disciplines. La citation de Mandela : « Si vous parlez à un homme dans une langue qu'il comprend, vous parlez à sa tête. Si vous lui parlez dans sa langue, vous parlez à son cœur » nous offre de parler au cœur si chacun fait l'effort de parler la langue de l'Autre. Le jour ou nous verrons des lycées en langue arabe en France, ce jour-là on comprendra que la France veut tracer un chemin vers le futur dans l'égale dignité des deux peuples. Amen.
*Professeur émérite Ecole Polytechnique Alger
1 Lamia F https://www.algerie360.com/le-programme-francais-desormais-interdit-dans-les-ecoles-privees-algeriennes/? 28 septembre 2023
2. Mustapha Kessous et Ténéré Majhoul https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/09/28/l-algerie-met-fin-brusquement-a-l-enseignement-des-programmes-scolaires-francais-dans-les-ecoles-privees_6191342_3212.html
Si l’œuvre d’Ernest Renan porte sur des questions théoriques de linguistique et de philologie, elle reflète plus généralement sa perception de l’identité et de l’altérité « sémitiques », construite dès le départ sur une dimension binaire, essentialiste et conflictuelle. Renand aura ainsi contribué à l’élaboration d’une pensée légitimant l’entreprise coloniale dans la seconde moitié du XIXe siècle.
L’Arabe du moins, et dans un sens plus général le musulman, sont aujourd’hui plus éloignés de nous qu’ils ne l’ont jamais été.
Cette citation d’Ernest Renan extraite de son texte De la part des peuples sémitiques dans l’histoire de la civilisation1 s’inscrit dans la formation du discours orientaliste du XIXe siècle.
Docteur ès lettres avec une thèse sur le philosophe Averroès achevée en 1852, Ernest Renan poursuit ses études de philologie et rédige une Histoire générale et systèmes comparés des langues sémitiques, qui sera publiée en 1855. Il va alors réaliser un travail — inédit en France — de codification de la grammaire arabe d’une part, et il va également inaugurer ce qu’on appelle la linguistique historique ou philologie comparée.
Parti sur le projet d’une grammaire hébraïque, il donne une profondeur historique à sa démarche de recherche linguistique, se démarquant ainsi des recherches purement grammaticales qui lui sont contemporaines, tels que les travaux des linguistes Charles de Rémusat, Silvestre de Sacy ou encore Saint-Martin. Cette volonté de reconstituer l’histoire des langues, des religions et des grandes civilisations signe la particularité de son œuvre. Par l’Histoire générale et systèmes comparés des langues sémitiques, Ernest Renan donne leur place aux langues sémitiques dans le champ de la philologie comparée française, comme l’explique l’historienne Perrine Simon-Nahum2.
« L’ORIENT CRÉÉ PAR L’OCCIDENT »
Le contexte politique dans lequel s’inscrit Ernest Renan a indéniablement marqué sa pensée au-delà de la linguistique pure. Reprenant les principaux travaux de l’école allemande, plus avancée sur le terrain de la linguistique, il inaugure un « orientalisme franco-allemand » qui, non seulement marquera les sciences sociales, mais constituera aussi l’une des bases de la notion d’État-nation. Son célèbre discours prononcé à la Sorbonne en 1882 : Qu’est-ce qu’une nation, est encore cité aujourd’hui par de nombreux États comme un modèle de référence. C’est aussi l’époque où l’Europe connaît le développement des sciences sociales (dont la linguistique historique) et le début de l’entreprise coloniale française.
L’expédition militaire française menée par Napoléon Bonaparte en Égypte en 1798 va nourrir les imaginaires et la représentation d’une Europe plus avancée que l’Orient en proie à sa propre perdition. Cela va cristalliser une distinction culturelle binaire élaborée par les orientalistes entre l’Orient et l’Occident. L’un des tenants majeurs de la lecture critique de l’orientalisme est Edward Saïd, théoricien littéraire palestinien qui dans son œuvre L’Orientalisme. L’Orient créé par l’Occident (Seuil, Paris, 1980) étudie les discours produits par les savants orientalistes et leur reproche de présenter l’islam comme une « synthèse culturelle qui pouvait être étudiée en dehors de l’économie, de la sociologie et de la politique des peuples islamiques ». Il adresse plus particulièrement ses critiques au travail d’Ernest Renan et lui reproche d’avoir omis l’étude des réalités sociales au profit d’une polarisation sur les traditions classiques.
Car si Ernest Renan a mené un travail de philologie comparée aussi remarqué que remarquable, il a néanmoins tenté de démontrer l’infériorité des langues sémitiques par rapport aux langues indo-européennes. C’est ce que nous allons explorer à travers ces deux œuvres majeures que sont l’Histoire générale et systèmes comparés des langues sémitiques et De la part des peuples sémitiques dans l’histoire de la civilisation.
LE « CARACTÈRE GÉNÉRAL DES PEUPLES »
Dans l’introduction de De la part des peuples sémitiques dans l’histoire de la civilisation, Ernest Renan explique sa méthodologie :
Je consacrerai cette première leçon à m’entretenir avec vous du caractère général des peuples dont nous étudierons ensemble la langue et les littératures, du rôle qu’ils ont joué dans l’histoire, de la part qu’ils ont fournie à l’œuvre commune de la civilisation (p. 9).
Ernest Renan expose ici le schéma de sa pensée générale, la méthodologie à laquelle il recourra tout au long de son œuvre, qui est de partir de l’étude des langues pour en définir les caractères généraux des peuples, ce qui est le propre de la philologie comparée. Il opère un glissement d’une analyse technique de la langue vers la mise en place d’un procédé qui prétend en déduire les caractères des peuples qui la parlent :
Nous sommes autorisés à établir une rigoureuse analogie entre les faits relatifs au développement de l’intelligence et les faits relatifs au développement du langage.
L’unité et la simplicité, qui distinguent la race sémitique, se retrouvent dans les langues sémitiques elles-mêmes. L’abstraction leur est inconnue ; la métaphysique, impossible. La langue étant le moule nécessaire des opérations intellectuelles d’un peuple, un idiome presque dénué de syntaxe, sans variété de construction, privé de ces conjonctions qui établissent entre les membres de la pensée des relations si délicates, peignant tous les objets par leurs qualités extérieures devait être éminemment propre aux éloquentes inspirations des voyants et à la peinture de fugitives impressions, mais devait se refuser à toute philosophie, à toute spéculation purement intellectuelle (Histoire générale et systèmes comparés des langues sémitiques, p. 471).
Les éléments essentiels de la conception d’Ernest Renan sont ici réunis : la parenté des langues sémitiques d’une part et indo-européennes d’autre part. En cela, il essentialise les effets de chaque langue sur la pensée de peuples auxquelles elles sont attachées, et distingue clairement également les langues sémitiques des langues indo-européennes. Il met en évidence des caractéristiques de la langue qui serait partagée par tous les peuples « sémitiques » :
L’Arabe du moins, et dans un sens plus général le musulman, sont aujourd’hui plus éloignés de nous qu’ils ne l’ont jamais été. Le musulman (l’esprit sémitique est surtout représenté de nos jours par l’islam) et l’Européen sont, en présence l’un de l’autre, comme deux êtres d’une espèce différente, n’ayant rien de commun dans la manière de penser et de sentir (De la part des peuples sémitiques dans l’histoire de la civilisation, p. 18).
Dans son discours inaugural, Ernest Renan retrouve dans l’organisation politique des républiques grecques et romaines et dans les idéaux de la Révolution française : « un vigoureux élément moral, une forte idée du bien public » où « le sacrifice à un but général ». L’Orient n’a quant à lui « jamais connu de milieu entre la complète anarchie des Arabes nomades et le despotisme sanguinaire et sans compensation ». Pour conclure, « Théocratie, anarchie, despotisme, tel est, Messieurs, le résumé de la politique sémitique ; ce n’est pas heureusement la nôtre » (De la part des peuples sémitiques, p. 14). Aussi, le « vieil esprit sémitique », « antiphilosophique et anti-scientifique » par essence ne permettra aux Arabes d’éclairer l’Europe que pendant « un siècle ou deux », avant que celle-ci ne « connaisse les originaux grecs » (p. 17).
LA NÉGATION DES INFLUENCES ARABES
Plus que l’absence d’héritage politique et scientifique arabe à l’Europe, Ernest Renan s’attachera à nier les influences arabes dans l’art en général. S’il écrit par exemple que la « poésie hébraïque [qui] a pris place pour nous à côté de la poésie grecque, non comme nous ayant fourni des genres déterminés de poésie, mais comme constituant un idéal poétique » (De la part des peuples sémitiques, p. 16). C’est pour ensuite préciser « l’absence complète d’imagination créatrice, et par conséquent, de fiction », trait qui serait caractéristique de l’esprit sémitique (Histoire générale et systèmes comparés des langues sémitiques, p. 151).
Il reconnaît cependant deux apports aux « sémites » : l’écriture, dont les caractères, qui servirent pour exprimer les sons des langues sémitiques, servent encore aujourd’hui aux langues indo-européennes, et la religion, que les indo-européens auraient adoptée. Selon Ernest Renan, « Le monde civilisé ne compte que des juifs, des chrétiens et des musulmans. La race indo-européenne en particulier, si l’on excepte la famille brahmanique et les faibles restes des Parses, a passé tout entière aux religions sémitiques ». Mais il s’empresse d’ajouter dans son discours de 1862 qu’ « en adoptant la religion sémitique, nous l’avons profondément modifiée. Le christianisme, tel que la plupart l’entendent, est en réalité notre œuvre » (p. 21).
Après avoir procédé à une analyse comparative des langues indo-européennes et sémitiques, Ernest Renan entame une nouvelle argumentation par laquelle il établit une division hiérarchique des « races ». Il explique ainsi :
Quelque distincts, en effet, que soient le système sémitique et le système aryen, on ne peut nier qu’ils ne reposent sur une manière semblable d’entendre les catégories du langage humain, sur une même psychologie, si j’ose le dire, et que, comparés au chinois, ces deux systèmes ne révèlent une organisation intellectuelle analogue. Je suis donc le premier à reconnaître que la race sémitique, comparée à la race indo-européenne, représente réellement une combinaison inférieure de la nature humaine (Histoire générale et systèmes comparés des langues sémitiques, p. 469).
Si les caractéristiques d’une langue et d’une race sont données une fois pour toutes et sont par-là « a historiques », il conclut son discours en argumentant que la civilisation européenne ne perdurera qu’à la condition de la « destruction de la chose sémitique », qui :
(…) est la plus complète négation de l’Europe ; (…) ; l’islam est le dédain de la science, la suppression de la société civile ; c’est l’épouvantable simplicité de l’esprit sémitique, rétrécissant le cerveau humain, le fermant à toute idée délicate, à tout sentiment fin, à toute recherche rationnelle, pour le mettre en face d’une éternelle tautologie : Dieu est Dieu. (…) L’avenir, Messieurs, est donc à l’Europe et à l’Europe seule.
Finalement, selon Ernest Renan, l’appartenance à une famille linguistique assigne à une appartenance raciale, comme l’explique le linguiste Djamel Doukoughli. Il fonde les races selon leur organisation linguistique et par là démontre la prétendue pauvreté intellectuelle de certaines « races ».
UNE PRÉTENDUE INFÉRIORITÉ
Le travail d’Ernest Renan comporte des limites, aux conséquences encore actuelles. Comme l’explique l’historien français Henry Laurens, les écrits d’Ernest Renan ont été utilisés à des fins colonialistes, car dans la seconde moitié du XIXe siècle, les pouvoirs politiques ont « justifié l’œuvre colonisatrice en ayant recours au discours des devoirs de la race supérieure “aryenne” envers les races inférieures (sémitiques) »3. Son travail de philologie comparée a ainsi servi de justificatif à l’entreprise coloniale.
En démontrant une prétendue infériorité des langues sémitiques sur les langues indo-européennes, Ernest Renan a également contribué à cristalliser les imaginaires qui dessinent encore des lectures essentialistes du monde, notamment des relations entre Europe et islam. Il semble que la représentation qu’a aujourd’hui de l’islam la pensée dominante soit figée, comme si elle ne connaissait pas une pluralité, liée à son histoire et ses idées.
C’est ce qui constitue l’essentiel de la critique d’Edward Saïd lorsqu’il questionne ces essentialisations identitaires et propose une autre façon de penser l’« Autre », notamment au regard de notre propre histoire.
On a du mal à le croire, mais dans l’histoire des lettres françaises, nombre d’écrivains ont fait preuve à l’égard de l’islam d’une volonté de compréhension, d’une tolérance et d’une ouverture qui ont disparu aujourd’hui chez nombre d’intellectuels. Alphonse de Lamartine en est un exemple.
Si la grandeur du dessein, la petitesse des moyens, l’immensité du résultat sont les trois mesures du génie de l’homme, qui osera comparer humainement un grand homme de l’histoire moderne à Mahomet ? […] Philosophe, orateur, apôtre, législateur, guerrier, conquérant d’idées, restaurateur de dogmes, d’un culte sans images, fondateur de vingt empires terrestres et d’un empire spirituel, voilà Mahomet ! À toutes les échelles où l’on mesure la grandeur humaine, quel homme fut plus grand ?
L’auteur de ces lignes est un écrivain célèbre, ancien ministre français des affaires étrangères et candidat malheureux à l’élection présidentielle il y a… 175 ans. Il s’appelle Alphonse de Lamartine. Quel Occidental sait aujourd’hui que le poète du « Lac » avait érigé Mohammed en modèle ?
UN HUMANISTE SANS FRONTIÈRES
C’était au temps où l’islamophilie ne valait pas à un homme public d’être cloué au pilori. Et pourtant. Gentilhomme bourguignon royaliste et profondément catholique, notre poète n’avait a priori guère d’atouts pour séduire l’anarchiste Georges Brassens, qui le chantera, ou les réseaux sociaux musulmans, qui le louent aujourd’hui. Partisan du dépeçage de l’empire ottoman et de la conquête de l’Algérie dans ses jeunes années, il avait alors choisi la croix contre le croissant, comme son ami Victor Hugo. Mais bouleversé par l’accueil que lui réservèrent les Orientaux en 1832-1833 et horrifié par les massacres de la colonisation algérienne, Lamartine se fit l’avocat des Ottomans et, au-delà, des musulmans, au point de publier une biographie du Prophète tombée dans l’oubli1. Il avait dirigé entretemps l’exécutif issu de la révolution de 1848, et promu ses idéaux universalistes :
Je suis de la couleur de ceux qu’on persécute ! Sans aimer, sans haïr les drapeaux différents, Partout où l’homme souffre, il me voit dans ses rangs. Plus une race humaine est vaincue et flétrie, Plus elle m’est sacrée et devient ma patrie2.
« Créé religieux, comme l’air a été créé transparent », comme il s’est défini lui-même, Lamartine a toujours affirmé sa fidélité au christianisme face à ses détracteurs catholiques, quoique sa religiosité hétérodoxe ait rejoint celle de l’islam en bien des points. Attiré par l’Orient depuis sa jeunesse, il y trouve une spiritualité qui l’enchante : « Cette terre arabe est la terre des prodiges. […] Dieu est plus visible là-bas qu’ici : c’est pourquoi je désire y vieillir et y mourir », affirme-t-il sur ses vieux jours. Il exhorte ses compatriotes à s’inspirer de la tolérance religieuse ottomane :
Le mahométisme3 peut entrer, sans effort et sans peine, dans un système de liberté religieuse et civile ; […] il a l’habitude de vivre en paix et en harmonie avec les cultes chrétiens. […] On peut, dans la civilisation européenne, […] lui laisser sa place à la mosquée, et sa place à l’ombre ou au soleil4.
En un hommage qui vaut testament spirituel, il avoue dans ses Mémoires politiques tirer ces convictions de ses voyages en Orient, qui ont transformé le poète en partisan du Dieu universel et le moraliste en humaniste sans frontières :
On était parti homme, on revient philosophe. On n’est plus que du parti de Dieu. L’opinion devient une philosophie, la politique une religion. Voilà l’effet des longs voyages et des profondes pensées à travers l’Orient.
« UN PAYS DE FUSION ET DE CONTRASTE DANS L’UNITÉ »
Son humanisme ne résulte pas de quelque exotisme romantique, mais d’une réflexion historique sur son pays :
La France est géographiquement comme moralement un pays de fusion et de contraste dans l’unité. […] Elle-même n’est plus qu’une grande mêlée de races, de sang, de langues, de mœurs, de législations, de cultes, qui fond tout ce qu’elle a de divers dans une lente et laborieuse unité. […] La diversité est donc le caractère essentiel et fondamental de la France nationale. […] C’est la pauvreté des autres races nationales de l’Europe, de n’avoir qu’un caractère national ; c’est le génie, c’est l’aptitude, c’est la grandeur, c’est la gloire de la France, d’en avoir plusieurs5.
Les critiques de l’orientalisme politique6 ont mal compris Lamartine, qu’ils ont jugé via une lecture unilatérale et tronquée de son Voyage en Orient, alors que s’y borner reviendrait à omettre l’évolution ultérieure de l’auteur. On peut repérer dans l’œuvre de Lamartine un cheminement intellectuel parallèle à sa découverte personnelle de l’Orient, qui le mène d’une sensibilité poétique proche de la spiritualité du Coran à un humanisme ouvert aux musulmans. Sa perméabilité à la sacralité islamique s’est accompagnée d’une empathie à leur égard, qui l’a poussé à approfondir la biographie de leur modèle spirituel et temporel, pour l’expliquer à ses lecteurs. Il a donc voulu explorer l’ensemble de la sphère du sacré musulman, de la révélation coranique à sa traduction dans le quotidien du Prophète, comme s’il avait cherché un équilibre entre les deux.
Sa capacité d’évolution, liée à son ouverture d’esprit, s’avère remarquable : voici un aristocrate royaliste devenu député de gauche, un thuriféraire de l’impérialisme européen passé à l’anticolonialisme, un catholique intégriste mué en laudateur de Mohammed ! Ces mûrissements intellectuels sont allés de pair et se sont révélés complémentaires. Ils déclinent sur les plans des politiques intérieure et extérieure et de la religion, respectivement, des dispositions humanistes que son milieu et son éducation avaient bridées. Ils répondent à une logique d’ensemble, le respect des opprimés dans sa société d’origine allant de pair avec celui des musulmans méprisés en Europe. Ainsi, l’existence de ce rationaliste dans l’âme offre une cohérence que ses contemporains ne lui pardonneront pas et dont sa postérité pourrait utilement s’inspirer.
« QUE LES CHRÉTIENS S’INTERROGENT »
Si la spiritualité de l’islam l’enthousiasme, cet humaniste est surtout impressionné par la tolérance musulmane :
Cette prétendue intolérance brutale dont les ignorants accusent les Turcs7ne se manifeste que par de la tolérance et du respect pour ce que d’autres hommes vénèrent et adorent. Partout où le musulman voit l’idée de Dieu dans la pensée de ses frères, il s’incline et il respecte. Il pense que l’idée sanctifie la forme. C’est le seul peuple tolérant. Que les chrétiens s’interrogent et se demandent de bonne foi ce qu’ils auraient fait si les destinées de la guerre leur avaient livré La Mecque et la Kaaba !
PASSEUR D’ISLAM
La guerre de Crimée, qui oppose une coalition composée de la France, du Royaume-Uni, de la Sardaigne et de l’empire ottoman à la Russie de 1853 à 1856, fait prendre la mesure du danger des ambitions hégémoniques de ce dernier pays aux Européens de l’Ouest. Elle dissipe pour un temps l’ennemi imaginaire musulman, mais la fortune du dynamomètre « tête de Turc » dans les foires d’alors atteste de son ancrage populaire. Cette attraction permettait de mesurer sa force musculaire en frappant d’un maillet sur une tête enturbannée, étant entendu que « Turc » désignait alors les ressortissants de l’empire ottoman, Arabes compris.
Les liens entre orientalisme et colonialisme au XIXe siècle sont bien connus et l’époque n’était donc guère plus favorable à l’islam que la nôtre, mais les Français n’avaient pas encore forgé un danger arabo-musulman servant de bouc émissaire à leurs peurs identitaires, et ne stigmatisaient donc pas les expressions de sympathie envers cette religion. Le débat public laissait encore une place à l’islamophilie, qu’occupèrent des écrivains parmi les plus éminents.
L’OPINION DE NAPOLÉON BONAPARTE
Vu sa notoriété, Lamartine peut être considéré comme le principal « passeur d’islam » de la France contemporaine. D’autres auteurs du XIXe siècle ont partagé à sa suite son respect envers cette religion, que la plupart de leurs lecteurs ont ignorée. Lamartine, qui a vu le jour en 1790, est l’aîné d’une génération à laquelle appartiennent ses amis Victor Hugo et Alexandre Dumas, tous deux nés en 1802. Victor Hugo se fait le chantre de Mohammed dans La Légende des siècles et Alexandre Dumas écrit dans son Journal d’un voyage en Arabie :
Fondre toutes ces croyances en une seule, réunir tous les Arabes sous une loi commune, et donner à ce peuple un nouvel élan, telle fut la tâche immense qu’entreprit le génie de Mahomet. Comment donc refuser un tribut d’éloges au créateur de tout ce que l’histoire musulmane offre de grand, de noble, de glorieux ?
Ce trio est précédé de Napoléon Bonaparte, qui affirmait peu avant sa mort en 1821 : « L’islam est la vraie religion. […] J’espère que le moment ne tardera pas où l’islam prédominera dans le monde ». Lamartine est suivi d’Auguste Comte (1798-1857), qui loue « l’incomparable Mahomet », d’Edgard Quinet (1803-1875), pour qui « l’islamisme a le premier commencé à réaliser le principe d’égalité », et d’Édouard de Laboulaye (1811-1883), auteur en 1859 du conte philosophique Abdallah ou le Trèfle à quatre feuilles, dont la couverture porte en exergue la fameuse formule « Allahou akbar » (« Dieu est éminent »). Jules Verne (1828-1905) publie en 1847 le poème « Le Koran » : « Il n’est de dieu si ce n’est Dieu, Allah ! ». « Toute une partie de la vie de Stéphane Mallarmé (1842-1898) et de ses préoccupations culturelles est imprégnée par son attachement à la culture arabo-islamique », estime l’un de ses critiques, Mohammed Bennis. Arthur Rimbaud (1854-1891) s’est converti à l’islam après s’être établi à Aden en 1880. Enfin, Pierre Loti (1850-1923) écrit en 1908 : « Chez nous autres, Européens, on considère comme vérité acquise que l’Islam n’est qu’une religion d’obscurantisme. […] Cela dénote d’abord l’ignorance absolue de l’enseignement du Prophète ».
On pourrait ajouter d’autres écrivains moins connus et nombre d’artistes à cette liste rapide, mais impressionnante. Tous témoignent d’un islam inspirateur des meilleurs auteurs et donc partie de la culture française la mieux ancrée, loin de l’élément allogène que d’aucuns dénoncent aujourd’hui. L’image d’un XIXe siècle foncièrement islamophobe car impérialiste est réductrice et oublieuse d’auteurs aussi prestigieux. Ils vivaient au temps où les Français pouvaient exprimer leur respect pour l’islam sans éveiller le soupçon…
La Vie de Mahomet de Lamartine a été traduite en arabe, et la plupart de ses lecteurs sont peut-être désormais musulmans, comme le laisse croire une recherche sur Internet. Aucun dirigeant français n’a pourtant songé à user de cette part du patrimoine littéraire de son pays pour y favoriser l’intégration de l’islam ou pour combattre sa réputation islamophobe croissante chez nombre de musulmans. Il nous faut redécouvrir Lamartine.
Oruç, ou Arudj, s’installe à Djerba, havre des corsaires, au début du printemps de 1513, Il est rejoint par Hizir Hayrü-d-dîn, ou Khayr al-Dîn, un peu plus tard. Les Frères Barberousse arrivent à La Goulette dans le golfe de Tunis, Arudj Reïs négocia avec le souverain Hafside, le sultan de Tunis l'autorisation de faire de Tunis son port d'attache.
Le sultan offre aux frères Barberousse refuge à leurs vaisseaux dans la baie de Tunis, en échange du cinquième de toutes les prises à faire sur les chrétiens.
Nantis de cette protection, les Barberousse vont devenir prodigieusement riches, dès la première sortie, ils s'emparent de deux galères du Pape Jules II, ce qui leurs valurent notoriétés et gloires. Pendant 2 ans, à la tête de quatre vaisseaux, dont deux étaient sous le commandement de Khayr ad-Din et Ishak, les Frères Barberousse parcoururent les mers d'Italie, dont ils pillent et ravagent les côtes. Accroissant le nombre de leurs navires, leur flotte devint redoutable.
Une Galère vers 1530 en Méditerranée.
Ils dominent la Méditerranée.
A partir de ce jour.
Arudj et Khayr al-Din ne s'attaquent plus à des bâtiments isolés, mais à des convois entiers. Aucun traité, aucune convention n'embarrassent la conscience de ces jeunes loups de mer. Génois, Vénitiens, Napolitains, et, Espagnols sont au même titre, de bonnes prises.
Malheur à qui tombait entre leurs mains !
Rivés aux, bancs de leurs galères, les esclaves chrétiens étaient contraints de ramer douze heures et parfois vingt-quatre heures sans répit, pour les soutenir, on leur mettait dans la bouche des morceaux de pain imbibés de vin.
S'ils s'évanouissaient d'épuisement, ils étaient ramenés à la conscience par les lanières en nerf de bœuf des gardes-chiourme, et s'ils étaient trop mal en point, on les jetait à la mer.
Tout nud, las ! en chemise Me faut ramer
Nuit et jour sans feintise Sur cette mer,
Du nerf de bœuf sans cesse Battu, je suis
Je n'ai plus de caresses De mes amis...
chantait un jeune captif français.
La terreur, qu'inspirent les deux Barberousse, à la chrétienté tout entière est telle, que les Maures, en révolte contre les Espagnols, les appelleront à leur secours.
Galère barbaresque à la fin du XVI°. Gravure de Jan Luyken, illustrant Histoire de la Barbarie du Père Dan.
En 1514.
Le sultan de Tunis nomma Arudj, gouverneur des Iles Galves (Djerba), la vieille île des Lotophages, sur la côte orientale de la Tunisie, devenues bases arrières des exploits des frères corsaires.
Désormais, Arudj et Khayr ad-Din uniront leurs efforts et mettront en commun leurs ressources. Ils ne tarderont pas à vouloir s'affranchir de toute tutelle.
Ambitieux autant qu'intrépides,
à la demande des habitants de la ville de Bougie, tombée en 1510 aux mains des espagnols, les frères Barberousse cinglent vers cette ville à la tête de douze galiotes et mille Maures. Ce fut un échec cuisant au cours duquel Arudj perdit son bras gauche.
Quelques temps plus tard, ils subirent une nouvelle défaite contre Andrea Doria qui détruisit une partie de la flotte corsaire en représailles de l'attaque d'une galiote gênoise à Tabarque (Tabarka).
Vers la fin de l'automne 1515, nouvelle tentative sur la ville de Bougie. Elle est défendue par une faible garnison espagnole, mais ils se heurtent à une rude résistance.
Ils perdent une partie de leurs vaisseaux et sont contraints d'appeler à leur secours, le sultan de Tunis, mais celui-ci, ayant pris ombrage de la surprenante activité des deux frères, leur refuse tout secours.
Les frères barberousse s'installent alors à Djïdjelli.
Loin de se laisser décourager, Arudj et Khayr al-Din font appel au sultan Selim, dit Le Cruel, maître de Constantinople.
Ils joignent à leur appel de riches présents et de nombreux esclaves. (- le courtisan ne perdant jamais ses droits chez ces deux écumeurs de mer -)
Le sultan Selim reçoit cet appel avec satisfaction. Entrevoyant la possibilité d'étendre son influence sur le bassin occidental de la Méditerranée, il songe à utiliser les deux frères contre la navigation chrétienne, et leur envoie quatorze vaisseaux.
Ile de Djerba.
En 1516,
le 22 Janvier, Ferdinand II d'Aragon, dit Ferdinand le Catholique, Roi d'Aragon et de Sicile meurt, cet événement produisit en Berbérie une certaine agitation.
L'effervescence fut grande à la casbah d’Alger, car la population vouait comme une sorte de revanche à la présence espagnole sur l'îlot du Penon, depuis 1510.
Le cheikh Salim at-Tûmi ou Salem-el-Toumi, qui commandait la casbah d'Alger, se laissa entraîner par un mouvement populaire, il sollicita l'appui des frères Barberousse.
Une députation fut envoyée à Djidjeli.
Arudj la reçut avec autant de surprise, que de joie. Entrevoient-ils la possibilité d'obtenir enfin un port où ils seraient les maîtres ?
L'opération fut rondement menée, Arudj donna l'ordre à Ben-el-Kadi de regrouper les troupes, puis toutes ces forces, par la route, prirent la direction d'Alger.
Note : Les chroniques Algériennes précisent que Arudj est arrivé à Alger par la mer. Mais les Frères Barberousse ne disposant que de 16 galères, il était impossible de transportait 15.000 hommes.
Les galères barbaresques ne pouvant contenir plus de 50 combattants, les Barberousse auraient du utiliser plus de 300 galères pour arriver par la mer. Seule l'artillerie et quelques hommes ont pris ce chemin.
Les Barbaresques dans la baie d'Alger.
Parvenu dans la Mitidja, Arudj se porte, d'abord sur Cherchell pour se débarrasser d'un de ses anciens lieutenant du nom de Kara-Hassen.
Kara-Hassen tente d'infléchir Arujd par une humble soumission, mais ce dernier le fit mettre à mort. Il laisse une petit garnison à Cherchell et se dirige vers Alger. La population de la Casbah, ayant à sa tête le cheikh Salim at-Tûmi, sortit au devant de lui et l’accueillit comme un libérateur
Baba Aroudj si tu savais Baba Aroudj ou es-tu ? Je vis sous les pierres Une prison porte le nom De mon frère Kheireddine Amir el bahr de Metiline
Je suis entouré de gendarmes De soldats, de casernes A ma porte coulent des larmes Dans cette prison il y a mes frères Dans cette prison il y a mes soeurs Djamila, Bittat et Guerroudj Faut-il se taire, il y a mon coeur
Baba Aroudj libéra Alger de la menace espagnole en 1516. Son frère Kheireddine fonda la Régence d'Alger. Les chrétiens le surnomèrent Barberousse. Les Français donnèrent ce surnom à la prison centrale d'alger que les algèriens appelent Serkadji.
Baba Aroudj si tu savais Baba Aroudj que fais-tu ? Chômeur nourri de cacahouètes Ivrogne coutois Je regarde d'Orléans Caracoler dos au môle Depuis des ans Menaces au bout de l'épée A ses pieds la nuit Longuement je me receuille Je préfère son socle à la pissotière
Cette statue du duc d'Orléans fut inaugurée en 1866, Place du Gouvernement (aujourd'hui Place des Martyrs) à Alger et déboulonnée après l'indépendance.
Baba Aroudj si tu savais Baba Aroudj qui es-tu ? Cheikh Halim sans narguillé Savant à court de rimes Sur ma jeune baie Place du cheval je promène Une prostitué de la rue des zouaves Je m'en irai quand ce bey Mécréant sera déboulonné
Cheik Abdelhalim, personnage algérois des années 1930, beau vieillard, révoqué de son poste d'immam par les autorités françaises. Connu pour ses désinvoltures, son esprit caustique et son comportement fantaisiste à l'égard des conventions sociales les plus solidement établis.
Baba Aroudj si tu savais Baba Aroudj ou es-tu ? J'erre au fond des alcôves fraîches Derrière les chapiteaux corinthiens Du palais vert pour l'été Le temps n'est plus Ou le café raillait le thé Ca sent partout la naphtaline Il y a des képis en vitrine Souvenir des enfumeurs
Baba Aroudj si tu savais Baba Aroudj que fais-tu ? De la petite mosquée je peux te voir Le pavillon ''Coup d'éventail'' Patiente un peu, autre histoire C'est une église sans bail Ou venait prier Massu Les dimanches sans éléctrodes.
Baba Aroudj si tu savais Baba Aroudj que fais-tu ? Je mesure l'étendue de leur bêtise Ils ont cloué Hamidou er-Rais Haut sur un mur de La Pointe (en hommage à Ali La Poine?) Ils ont estimé les Racim A la hauteur du chameau Ils méprisent Imrou el Quais. . Hamidou er-Rais, capitaine algérien célébre par ses exploits en mer, commandant de la flotte algérienne, mort en 1815, au cours d'un combat inégal contre une flotte américaine.
Imrou el Quais, célébre poète arabe de la période ante-islamique. en hommage à Ali La Poine?
Baba Aroudj si tu savais Baba Aroudj qu'espères-tu ? J'ai vu novembre allumer Les yeux de Lalla Khedidja Au brasier de Chélia J'ai assisté au mariage De Mohamed et de Fatma Qui procréent au son Des zorna crépusculaires J'ai vu planter un décor Vert et blanc sans étoiles argentés J'ai vu le croissant et l'étoile centrale Virer au rouge au feu de la forge La nostalgie du passé N'est pas une marche arrière
Baba Aroudj si tu savais Baba Aroudj que fais-tu ? J'écoute le coeur Des condamnés à mort Mâa toulu' alfejr Les sanglots des prisonnières Aux matins de guillotine J'écoute le choeur Des cohortes féminines Autour de serkadji Ou êtes-vous heures affolées Réservées au bain au cimetière Aux visites amicales
Baba Arroudj si tu savais Baba Aroudj que fais-tu ? J'écoute le vent de la mer Les chebecs et les polacs Ont rejoins les amphpores La clameur des dockers Couvre le cri des taifa Et c'est mieuux ainsi
taifa cri de guerre des janissaires mais, ici il a le sens de détermination.
Baba Aroudj si tu savais Baba Aroudj que vois-tu ? Le ciel est noir de corbeaux Les oreilles se vendent cher Avec les penditifs de Benni-Yenni Icherriden fut déchiré Tagdempt est moins connu qu'Abbo Dure est l'ouvrage qui dure Vendengeurs videngeurs Plus de métier sur l'ouvrage Pleure l'oiseau dans sa cage
Baba Aroudj si tu savais Baba Aroudj que fais-tu ? J'écoute les mitrailleuses Et leur têtes chercheuses Voici la meute de chiens gras Lachée sur la ville hurlant Ou est le refuge de l'Indépendance?
Baba Aroudj si tu savais Baba Aroudj que fais-tu ? J'écoute le chant
''Min djibalina -de nos montagnes -s'élève la voix -Des hommes libres -Elles nous appelle -Au combat pour l'Istiqlal!'
Baba Aroudj si tu savais Baba Aroudj que fais-tu ? Je suis au terme du voyage Parle, Lis à haute voix Au nom de ton peuple Baba Aroudj Dis à Kheireddine l'amiral Notre dette envers lui Envers Abelkader et Mokrani Les sentiers sont fraternels Qui les ont vu passer Dis notre dette Dis à Kheireddine Nous le soulagerons Du poids des cellules cancéreuses Nous arracherons l'épine Plus enfoncée dans le coeur de la ville Que l'ancien Penon T'en souviens-tu? Dis à Kheireddine Nous donnons son nom, le tien Ceux de Lias et d'Ishaq Fils de Lesbos l'ancienne A des unités navales De l'Algérie libre Baba Aroudj, père manchot Baba Aroudj boukefoussa Dors en paix, ne pleure pas !
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