C’est un objet littéraire non identifié qui se présente au lecteur sous le titre Pourquoi les Libanaises sont-elles si séduisantes ? Sous-titré L’Histoire du Proche-Orient au vingtième siècle très brièvement expliquée à mes enfants, ce petit livre de 150 pages n’est pas un précis d’histoire. « Cela a commencé par une conversation sur la terrasse de notre petite maison, en Afrique, loin de l’Orient, loin de l’Occident », écrit en ouverture Yves Lepesqueur, dont la succincte biographie indique qu’il « a vécu et travaillé en Syrie, au Liban, en Arabie saoudite, en Iran, en Inde et au Nigeria ».
L’auteur part d’un tableau de la séduction en Orient – un subtil jeu des contraires –, derrière lequel on devine un peintre épris de son sujet d’étude : « L’Orient est ainsi, pétrissant ses contradictions, en désaccord intime avec lui-même, condamnant ce qu’il aime, tolérant ce qu’il condamne, négligeant ce qu’il instaure […]. » Mais cet Orient contradictoire et chéri décline : le sens de la séduction des Libanaises s’est dégradé en un recours frénétique à la chirurgie esthétique façon californienne. De ce constat, l’auteur développe une étonnante étude des tourments identitaires et politiques du Moyen-Orient, aussi décapante qu’iconoclaste.
Rapprochement entre l’islamisme et l’occidentalisation
Yves Lepesqueur rembobine le fil de l’histoire moderne du monde arabe et met tout à plat : de la Nahda au jihadisme, en passant par les luttes anti-coloniales et le nationalisme arabe. Non selon la méthode d’un historien, en démêlant les faits, mais en convoquant son érudition et ses observations acérées au service d’une intuition : l’islamisme et l’occidentalisation, loin d’être incompatibles, sont les deux faces d’une même médaille.
Cette approche ouvre sur une série de considérations qui portent la controverse dans la plaie. Les divers soubresauts idéologiques qui ont agité le monde arabe ces deux derniers siècles ne seraient, selon l’auteur, que les symptômes d’une honte de soi. D’une volonté des Orientaux de liquider leur propre héritage, complexe et divers, au profit d’une identité réinventée, simplifiée, qu’elle se présente sous les traits du nationalisme arabe ou de l’islamisme. Avec une obsession : « Ne plus être l’Orient, être enfin un Occident simple, rationnel, efficace […]. » Les intellectuels de l’arabisme auraient ainsi « reconstruit le passé arabe » au profit d’un « passé lointain, le plus lointain possible, abbasside de préférence, ou omeyyade, voire anté-islamique […]. Là, le champ était libre pour inventer l’histoire qu’on voulait ».
Plus loin : « Quand un islamiste présente la société musulmane ancienne comme une société puritaine faite de braves gens sérieux se gardant sans peine des séductions de la femme, de l’art, de la pensée, comme la société, en somme d’une petite ville de la Bible Belt américaine, il ne ment pas : il l’imagine vraiment ainsi. Il n’y a guère d’obstacles aux supercheries identitaires qui se développent quand l’identité est bien morte. »
Dans ce petit essai très dense et stimulant, au ton volontiers polémique, Yves Lepesqueur se penche aussi sur les impensés des attentats jihadistes en Occident, notamment la figure du « voyou devenu terroriste », qui n’est pas une survivance d’un vieux monde qui ne veut pas mourir, mais au contraire le produit final de la société publicitaire et du consumérisme : « Le vide spirituel du monde de la consommation [dont il est revenu après sa “carrière” de voyou], il tente de le combler par un autre mode de consommation. Pas même celui des salafistes qui consomment la satisfaction de se voir si beaux en leur miroir, reproduisant le culte du moi en juste saisi par la grâce […] Ceux-ci, leur univers est celui des jeux vidéo : on est d’un camp, celui des bons, et on tue des méchants, on en fait exploser le plus grand nombre possible, sans remords, puisque tout cela est virtuel, n’a aucune épaisseur humaine […] C’est le jeu vidéo qui forme les terroristes, pas le Coran, qu’ils ignorent totalement. »
Pourquoi les Libanaises sont séduisantes. Histoire du Proche-Orient au vingtième siècle très brièvement expliquée à mes enfants – suivi de On a bien progressé, Yves Lepesqueur, L’Harmattan, 152 pages, 16 euros.
Le 24 mai dernier, dix-neuf enfants et deux enseignantes sont morts dans la terrible fusillade à Uvalde, au Texas. Après le drame, le débat sur les armes aux Etats-Unis a été une nouvelle fois remis sur le tapis. Comme l’a rapporté Le Figaro, Donald Trump s’est exprimé sur le sujet durant la convention annuelle de la National Rifle Association (NRA), traitant justement du port d’armes. L’ancien président a clairement pris position et assuré qu’il fallait « armer les citoyens » pour combattre « le mal dans [la]société » américaine.
S’attacher à la santé mentale
Le prédécesseur de Joe Biden a ainsi balayé d’un revers de main les propositions des militants et politiques qui souhaitent désarmer la population. Selon Donald Trump, le gouvernement démocrate profiterait de cette fusillade meurtrière pour exploiter « les larmes des familles » endeuillées plutôt que d’agir de manière efficace. L’ex-président a rappelé que Salvador Ramos, le tireur de 18 ans, était un « lunatique hors de contrôle » qui aurait pu être mis hors d’état de nuire si le fléau des problèmes de santé mentale était pris plus au sérieux aux Etats-Unis. L’ancien locataire de la Maison-Blanche a aussi appelé à renforcer la sécurité dans les écoles en installant « des clôtures » et des détecteurs de métaux. Mais, en conclusion, le conservateur a réitéré son soutien au port d’armes, une position qu’il a d’ailleurs affichée tout au long de son mandat.
Chaque année, 10 000 personnes âgées meurent des suites d’une chute. C’est trois fois plus que l’ensemble des victimes des accidents de la route. Et si « tout le monde tombe », selon les gériatres, il ne s’agit pas d’un événement banal pour autant.
Jeanne Lo, 98 ans : « Je réfléchis à chaque geste depuis que je suis consciente qu’il y a tous ces pièges qui peuvent me faire tomber. » (CHLOÉ VOLLMER-LO POUR « L’OBS »)
Le monde de Suzanne (le prénom a été changé) rétrécit. C’est moins une affaire de géographie qu’une histoire de peur. Depuis quelques années, elle tombe. Sur des plaques de verglas, des passages piétons, dans les escaliers de l’église parce qu’il n’y a pas de rampe, ou tout simplement en essayant de reculer. Ces dix dernières années, c’est arrivé « au moins cinq ou six fois », jauge cette ancienne employée de bureau de 63 ans devant son médecin, le professeur François Puisieux, chef du pôle gérontologie du CHU des Bâteliers de Lille. Dehors, c’est presque le printemps, il fait étrangement beau, les rues commencent à sentir le goudron chaud.
Suzanne, cheveux gris mi-longs, porte un jean clair, un sweat de randonnée bleu turquoise et des baskets confortables, un peu comme si l’extérieur était devenu l’aventure. Elle voit ce médecin pour la première fois, et voudrait qu’il l’aide à retrouver de l’assurance dans ses déplacements. Quand elle marche, son pied gauche est ouvert à 45 degrés vers l’extérieur et chaque pas qu’elle fait sur le lino beige du couloir de l’hôpital demande qu’elle lance doucement ses genoux et ses chevilles, pour basculer son poids d’un côté ou de l’autre. En tombant, Suzanne s’est déjà cassé une côte : « Dehors, je ne suis pas à l’aise, pas comme les enfants qui n’ont pas besoin de regarder où ils mettent les pieds. »
Une chute peut modifier la trajectoire d’une vie. Et « tout le monde tombe, explique François Puisieux. Chez les gens de plus de 80 ans, environ la moitié va chuter dans l’année qui vient ». Au point que le sujet est devenu un problème de santé publique. « Il y a 10 000 morts par an, ce qui est bien plus que le nombre de décès imputables aux accidents de la route [environ trois fois plus, NDLR] », poursuit le médecin. Un problème d’autant plus difficile à traiter que les personnes âgées peuvent perdre l’équilibre pour une foule de raisons différentes (une faiblesse générale due à la sédentarité, des maladies comme l’arthrose ou l’ostéoporose, un carrelage glissant dans la cuisine).
Plan antichute
Fin février, le ministère chargé des Sports et le secrétariat d’Etat à l’Autonomie ont présenté un « plan antichute des personnes âgées », visant à favoriser la prévention, l’aménagement des logements ou encore l’accès à la télésurveillance, sans pour autant détailler le budget qui lui serait alloué. La chute coûte 2 milliards d’euros par an, d’après le ministère de la Santé, qui précise que 130 000 personnes âgées sont hospitalisées chaque année pour cette raison.
« Il y a 75 000 fractures de l’extrémité supérieure du fémur, qui sont la conséquence d’une chute à quasi 100 % du temps », précise François Puisieux. Ces fractures-là causeront la mort de 20 % à 25 % des personnes concernées dans l’année qui suit, et précipitent les entrées en Ehpad : « Entre 15 % et 20 % de ces gens rejoignent des institutions parce qu’ils ne savent plus marcher suffisamment bien. » Le problème ne risque pas de s’arranger : l’Insee prévoit que la France comptera près de 10 millions d’habitants supplémentaires d’ici à 2070, et que l’essentiel de cette hausse sera constitué de personnes de 65 ans ou plus.
« On s’est aperçu que l’os était en perpétuelle adaptation et qu’il a une physiologie liée au régime de contraintes auquel il est soumis. Lorsque vous êtes dans un régime d’activité physique régulière, l’os se structure en déplaçant de la matière de sorte à se trouver dans un régime de contrainte équilibré. »
C’est pourquoi des études [PDF] observent que les nouvelles recrues de l’armée se blessent souvent autour du trentième jour de leur entraînement. Quand l’activité physique augmente, le processus de résorption de l’os intervient plus tôt que celui de construction, si bien que l’os n’a pas le temps de se restructurer. « Des militaires peuvent se faire des fractures de fatigue, parfois juste en s’asseyant sur un tabouret », souligne encore Pascal Picq.
L’angoisse de retomber
Si certaines personnes âgées meurent sur le coup d’une chute, d’autres décèdent peu de temps après d’un crush syndrome, le fameux « syndrome des ensevelis ». A la suite d’un écrasement ou d’une compression prolongée, les muscles du corps qui n’ont pas été suffisamment irrigués se dégradent et libèrent du potassium quand la circulation sanguine reprend, ce qui peut entraîner une insuffisance rénale aiguë.
A plus long terme, les médecins craignent aussi « la cascade gériatrique », période qui peut suivre la chute, pendant laquelle les problèmes de santé retentissent les uns sur les autres. « Des patients vont être hospitalisés parce qu’ils sont tombés et vont se dénutrir, s’infecter, faire une escarre. C’est un cercle vicieux », explique François Puisieux.
Suzanne n’en est pas là. Elle vit dans une maison de plain-pied où elle a emménagé il y a deux ans avec son chat. Les escaliers, c’est une habitude qu’elle a perdue. Elle ne sort plus de chez elle que trois à quatre fois par semaine. En face d’elle, François Puisieux fait la liste de ses antécédents médicaux : un tassement de vertèbres, une fissure de la hanche, une récente fracture de fatigue du genou ainsi que de l’ostéoporose. C’est depuis qu’elle a pris sa retraite que la perte d’équilibre est devenue une préoccupation particulière :
« Maintenant que je ne travaille plus, je ne suis plus obligée de sortir de chez moi. On ne regarde plus son corps, on se fait des angoisses plus vite. Dehors, j’évite les regroupements, j’essaie de me mettre dans les endroits où les gens sont moins pressés. »
Le monde de Suzanne rétrécit parce que les gens qui tombent une fois, deux fois, trois fois, risquent de retomber s’ils ne sont pas pris en charge, nous explique François Puisieux : « Beaucoup de sujets âgés qui sont tombés ont peur de retomber et du coup sortent moins, s’exercent moins. Et comme ils s’exercent moins, ils vont marcher encore plus mal et ils vont retomber. »
L’éventualité de la chute force à des vigilances inattendues : « L’expérience montre que les sujets fragiles ne sortent pas toujours en situation d’intempéries », souligne Christian Roux, le président de la Société française de Rhumatologie. Devant une webcam installée dans le salon de sa maison vosgienne, Jeanne Lo, une ancienne médecin âgée de 98 ans qui est déjà tombée plusieurs fois (la dernière fois, dit-elle en souriant, elle a trouvé que « le béton était plutôt mou »), explique qu’elle doit désormais décomposer chaque mouvement, ce qui demande une attention particulière :
« Je réfléchis à chaque geste depuis que je suis consciente qu’il y a tous ces pièges qui peuvent me faire tomber, des meubles par exemple, ou le réflexe que j’avais de me précipiter vers le téléphone quand il sonnait. »
Pour autant, cela ne fait pas de la vieillesse un naufrage, explique le paléoanthropologue Pascal Picq, qui sursaute toujours quand il entend certains médecins dire qu’en matière de vieillissement, l’évolution est mal faite : « La bagnole n’a pas été faite pour durer quinze ans ! Depuis la Seconde Guerre mondiale, les sociétés ont évolué comme jamais en termes de qualité de vie. On a gagné vingt-cinq ans d’espérance de vie en moyenne. L’évolution n’est pas mal faite, elle est même plutôt généreuse. » Jeanne a fait du taï-chi tous les matins pendant la majeure partie de sa vie, ce qui contribue sans aucun doute à sa longévité. Mais rien n’est acquis à l’échelle de l’espèce, poursuit Pascal Picq :
« Notre espèce est très plastique, elle peut se dégrader facilement. Ce qui m’inquiète, c’est la prévalence de l’obésité et la sédentarité chez les jeunes. Je crains que la génération des baby-boomers, qui a été complètement folle de sport, soit celle qui a atteint le potentiel maximum de qualité de vie à des âges plus avancés. »
Prévention des risques
Pouvoir vieillir, c’est bien. Encore faut-il que cela puisse se faire dans de bonnes conditions. Pierre (le prénom a été changé), un autre patient du docteur Puisieux, âgé de 73 ans, vit seul dans une ancienne ferme posée en face d’un petit village du sud de la région lilloise. Il est atteint de polyarthrite. Parce qu’il ne conduit presque plus, il est venu à son rendez-vous en taxi médicalisé, et se déplace avec une canne. « J’ai des douleurs dans les mains, les poignets, les genoux. La rotation est douloureuse. Je le sens depuis l’épaule jusque dans le coude. » Ses phrases sont souvent ponctuées d’une grande respiration, un essoufflement dû à une valve cardiaque défaillante. L’hôpital est presque sa seule sortie de la semaine.
Aux patients comme Pierre, on demande pourquoi ils tombent mais on les interroge rarement sur ce qui les fait tenir debout. La mort de son épouse, il y a quelques mois, lui a laissé « comme un grand trou » et devant son médecin qui lui demande s’il a des idées noires, Pierre parle de ses chiens qu’il regarde courir autour de la maison : « Grâce à eux, je n’irai pas vers ça…» Pierre n’a pas de famille à proximité. Il souhaite reprendre les séances de kiné, il aimerait bien apprendre à se servir d’internet. Avant les confinements, il s’était inscrit à une formation mais elle a été annulée. « J’ai acheté tout le matériel, mais j’ai peur de me tromper et de faire des bêtises. »
Au CHU des Bâteliers de Lille, on a compris tôt que la chute avait des retentissements bien plus larges qu’au seul plan moteur. De 1 000 à 1 500 personnes viennent ici chaque année pour ce motif, au point qu’une consultation spécifique d’hôpital de jour a été créée en 1995. François Puisieux, 60 ans, était déjà là. A l’époque, il y avait suffisamment peu de patients pour qu’un médecin ait le temps de se rendre à leur domicile sur une demi-journée, pour effectuer un bilan in situ.
Aujourd’hui, entre 200 et 250 patients bénéficient chaque année de ce dispositif qui implique des exercices de mise en situation dans un appartement témoin. Deux jours par semaine, une équipe médicale (un gériatre, un médecin rééducateur, un ergothérapeute, une diététicienne et un neurologue) enquête sur les facteurs de risque de chute de chaque patient. Le lieu de vie, les habitudes et les traitements sont passés au peigne fin. Y a-t-il une barre de soutien dans la salle de bains ? Du parquet lisse ? Quid de la prise de psychotropes, d’antiarythmiques ou d’hypertenseurs, qui augmentent le risque de chute ? Chaque détail a son importance : au saut du lit comme à la maison, les médecins déconseillent le port de mules.
Ce n’est d’ailleurs pas parce qu’on peut tomber facilement que la chute est un événement banal. Au contraire. « La chute prête à rire. C’est un peu un gag. Mais psychologiquement, c’est très difficile parce qu’on se vit comme des gens debout, poursuit François Puisieux. Se retrouver à terre, incapable de se relever pendant une, dix, douze ou vingt-quatre heures, c’est d’une certaine façon vivre sa propre mort. »
Souvent, les récits de patients évoquent un stress post-traumatique qui se conjugue à une fracture biographique. Dans un numéro du « Bulletin de psychologie », paru en 2007, des spécialistes suisses notaient que souvent « la chute provoque une prise de conscience brutale : le fait de se trouver à un moment décisif d’un parcours de vie et un tournant existentiel, qui marquent le début d’un déclin physique inéluctable ».
Pour justifier de l’intensité de ces événements, François Puisieux souligne le décalage entre la perception que nous avons de notre âge et notre âge réel, à mesure que l’on vieillit :
« Les enfants ont tendance à se vieillir, les gens de 20 ans se donnent 20 ans et ensuite, plus on vieillit, plus on se sent plus jeune qu’on ne l’est réellement. »
Si bien que les solutions qu’il propose sont parfois mal accueillies par ses patients. Dans le jargon, les « aides techniques » (cannes et déambulateurs, entre autres) peuvent être difficiles à faire accepter aux patients parce qu’elles sont vécues comme stigmatisantes.
Changer le regard de la société sur le vieillissement
Cet après-midi-là, une patiente qui s’est vu prescrire un déambulateur un an plus tôt reconnaît qu’elle ne l’a toujours pas commandé parce qu’elle a du mal à se faire à cette image d’Epinal de la personne âgée : « C’est vrai que je marche mieux quand j’ai un appui des deux côtés. Mais avec la canne, on est fier, on n’est pas en train de pousser un truc. »
C’est aussi la raison pour laquelle Jeanne, l’ancienne pédiatre vosgienne âgée de 98 ans, est suivie exclusivement par son généraliste, nous confie sa fille : « Elle n’aimerait pas qu’on l’emmène chez un gériatre. Elle a fait un séjour en maison de retraite pendant quinze jours quand mon mari et moi sommes partis en voyage. Elle n’a pas du tout aimé se retrouver qu’avec des vieux. »
Ce qu’il faudrait changer alors, c’est le regard « âgiste » que porte la société sur le vieillissement, et celui avec lequel une partie de la profession médicale considère la gériatrie. François Puisieux milite pour que l’on arrête de percevoir la chute comme une fatalité. Les patients qui viennent le voir sont généralement tombés trois fois dans les six mois qui précèdent la consultation. Ensuite, ils vont tomber moins d’une fois en moyenne et pratiquement la moitié d’entre eux ne retombera pas dans les six mois qui suivent. « On peut donc agir », assène le médecin.ofesseur de gériatrie Eric Boulanger a participé à la conception de l’application Tempoforme, qui permet aux usagers d’« autorepérer leur éventuelle fragilité » par l’intermédiaire d’un questionnaire. « Il y a trois possibilités de sortie de l’appli, détaille le médecin. En fonction des résultats, le premier message vous félicite et vous encourage à continuer comme ça. Le second vous invite à montrer un fichier PDF récapitulatif à votre médecin traitant. Et le dernier vous recommande de prendre rendez-vous. »
L’application, disponible depuis janvier 2022, pourrait participer à combler l’angle mort médical qu’est la prise en charge de la chute. « Il est recommandé à tous les médecins traitants de demander au moins une fois par un an à leurs patients s’ils sont tombés. Cela prend moins d’une minute. Or, on sait que ce n’est pas fait », constate François Puisieux. Même chose aux urgences : « On examine les patients qui sont tombés, on s’assure qu’il n’y a rien de grave, ils rentrent à la maison et rien ne se passe. Ils attendent juste la chute suivante. »
Avec la colonisation, l’Algérie s’est trouvée défigurée urbanisée au nord sans industrie créatrice d’emplois, concentrée sur la bande côtière sans agriculture vivrière, centralisée dans la décision, ignorant la population autochtone, et tournée vers la métropole par l’exportation des hydrocarbures et ouverte à l’importation de produits de subsistance.
Ce schéma d’aménagement du territoire initié par De Gaulle dans sa politique de pacification sera poursuivi et amplifié par l’Algérie indépendante dans sa politique d’industrialisation et d’urbanisation à marche forcée. La reprise du plan de Constantine en est la preuve évidente.
Industrialiser la bande côtière cultivable relativement bien arrosée et se rapprocher de la métropole pour remplir son couffin. Le regroupement des populations dans les villes permettant de mieux les contrôler en est un autre exemple.
Le transfert du pouvoir perpétuait indirectement le système de dépendance économique et culturelle vis-à-vis de la métropole. En imposant des institutions dont la logique de fonctionnement était radicalement opposée à celle de la société algérienne, et en refoulant l’islam dans le domaine privé pour en faire une valeur refuge des déshérités, le colonisateur préparait en fait la société postcoloniale à l’échec de la modernisation. Une modernisation menée par l’Etat post colonial sans mobilisation de la nation dans la création de richesses et sans sa participation dans la prise de décision. Le nationalisme s’est révélé qu’un acte illusoire de souveraineté.
L’indépendance politique n’avait pas suffi à elle seule à briser les liens de dépendance tissés à travers 132 ans de colonisation. L’Algérie est un bateau qui chavire. Elle navigue au gré des vents sans boussole et sans gilets de sauvetage sur une mer agitée à bord d’une embarcation de fortune dans laquelle se trouve de nombreux jeunes à la force de l’âge, serrés comme des sardines, à destination de l’Europe, ce miroir aux alouettes, pour finir soit dans le ventre des poissons soit avec un peu de chance chez mère Theresa implorant la charité chrétienne pour le gîte et la nourriture en attendant des jours meilleurs sur une terre qui n’est pas la leur et où ils ne sont pas les bienvenus, fuyant un beau pays arrosé du sang des martyrs béni de dieu, riche à millions et vaste comme quatre fois la France, qui sacrifie l’avenir de ses enfants et de ses petits-enfants pour un verre de whisky, une coupe de champagne, ou un thé à la menthe.
La construction d’un Etat national d’inspiration de la mystique soviétique a permis aux dirigeants algériens d’occulter au nom de l’idéologie socialiste ses apparences avec le modèle colonial français, c’est-à-dire un Etat national comme héritier de L’Etat colonial français. L’Etat français dont les soubassements religieux et idéologiques sont passés sous silence. L’Etat français est le produit de l’histoire du moyen âge et de la religion catholique romaine.
L’Etat providence s’est mis à la place du « Dieu chrétien ». Cette logique centralisatrice qui tend à l’uniformisation de la société s’appuie sur une survalorisation d’un fond culturel gréco-romano-chrétien, s’oppose à la logique de la société algérienne laquelle est plurielle, obéissant à d’autres représentations, et à un autre modèle de souveraineté. En France, c’est le roi avec l’appui du clergé qui s’est imposé aux seigneurs féodaux. Cet Etat providence vise à substituer à l’incertitude de la providence religieuse, la certitude de la providence étatique.. Le pouvoir a cherché à légitimer sa domination en accueillant toutes les revendications économiques contradictoires des groupes sociaux en présence, mais il n’a jamais accepté aucune initiative autonome de la part de ces derniers.
Il a nié, au nom du développement économique et de l’unité nationale, le conflit social et a repoussé grâce à la rente énergétique et à l’endettement, les conditions d’émergence d’une économie moderne, refusant de s’appuyer sur les forces sociales en éveil. Pourtant l’Etat moderne ne peut exister sans une économie de marché et sans une société démocratique. Il nous semble qu’il est difficile de combiner une économie totalement indépendante avec un pouvoir tout à fait impuissant, comme il n’est pas possible d’imaginer la promotion d’une économie de marché avec un pouvoir féodal autoritaire monopolisant le maximum de ressources nationales.
Le fait que les recettes pétrolières vont pour l’essentiel au gouvernement qui décide de leur répartition et de leur affectation, fait en sorte que le revenu est moins perçu comme la contrepartie d’efforts productifs que comme un droit dont on peut jouir passivement du moment qu’il est octroyé en dehors de la sphère interne de la production. Dans ce cas, le risque est grand de voir les bénéficiaires de la rente se désintéresser de toute activité réellement productive. Les grèves sporadiques ne sont que les symptômes d’un cancer généralisé sans traitement adéquat faute de médicaments tributaires des importations.
La problématique se résume dans ces deux hypothèses : le maintien en vie artificiellement d’un régime politique atteint d’un cancer généralisé au pronostic sombre et le suicide collectif d’un peuple jeune pacifique civilisé traversant la méditerranée à la nage dans l’indifférence totale du monde dit « libre et civilisé » discourant sur la démocratie et des droits de l’homme tout en riant sous cape en se disant tout bas, ce ne sont pas des êtres humains, ce sont des bestioles qu’il faut se débarrasser sans se salir les mains, sachant que dans un Etat de « droit », où nul n’est censé ignorer la loi.
Le sage s’interroge, de quelle loi s’agit-il, celle de la raison ou celle du cœur ? « Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas » nous dit Blaise Pascal. C’est un bienfaiteur de l’humanité. A son époque c’était la monarchie, le roi, un être humain fait de chair, de sang et d’émotion ; il était sensible aux doléances de ses sujets (le peuple réclame du pain, il lui propose des brioches !!!) : aujourd’hui c’est la République des droits de l’homme et du citoyen, une entité abstraite, une fiction juridique qui a inventé la raison d’Etat comme si l’Etat avait une raison. « la raison d’Etat est une raison mystérieuse inventée par la politique pour autoriser ce qui se fait sans raison » Saint Ecrèment.
Hier, la citoyenneté française contre le renoncement à l’islam, Aujourd’hui, l’acceptation la présence sur le sol français est conditionné au renoncement à soi, à ses origines, à son identité, à ses traditions, bref perdre sa qualité d’être humain pour se métamorphoser en un animal domestique.
Brigide Bardot dirait « vos animaux ne sont pas responsables du virus, cessez de les abandonner » en pleine pandémie du covid-19.! La colonisation est un crime contre l’humanité, la décolonisation la continuité de la politique par d’autres moyens, la civilisation est un produit de l’histoire, le développement une affaire de peuples, les peuples n’existent que pour se connaître et s’entraider. Les peuples construisent des ponts. Les Etats bâtissent des murs.
Il y a cru toute sa vie : pour lui l’Algérie dispose d’un potentiel énorme qui lui permettrait de rejoindre rapidement le peloton les pays développés. Mais aujourd’hui, Issad Rebrab se retire des affaires, amer. Il aurait tant voulu que sa réussite personnelle devienne celle de tous les Algériens.
Le vendredi 15 avril 2022 en Algérie, le quotidien Liberté a arrêté ses activités. Avec la fin des publications de ce média présent dans le paysage local depuis près de 30 ans, c’est un peu un retrait du devant de la scène qu’opère le milliardaire Issad Rebrab. Après avoir été condamné à la prison en 2019, il avait laissé la direction du groupe Cevital à son fils cadet Malik. Avec la fermeture de Liberté, il semble solder ses comptes avec la politique algérienne et se diriger vers une vie de discrétion et de paix, si possible. Etonnant pour celui que le magazine Forbes classe 7ème fortune d’Afrique avec 4,8 milliards USD.
Pour l’amour d’une mère
Parfois, en regardant le CV d’Issad Rebrab, beaucoup sont surpris par sa formation d’origine : expert-comptable. Pour le patron du groupe Cevital, cette formation semblait pourtant évidente. « Dans notre village, notre voisin était aide-comptable à Alger. Ma maman le glorifiait. Je me suis alors dit que je voulais faire ce métier… pour être glorifié par ma mère ». L’approbation maternelle a joué un rôle important dans la vie du milliardaire.
« Dans notre village, notre voisin était aide-comptable à Alger. Ma maman le glorifiait. Je me suis alors dit que je voulais faire ce métier… pour être glorifié par ma mère ».
Né le 27 mai 1944 d’une famille modeste dans la willaya de Tizi Ouzou, il a vu sa mère souffrir de la mort de son frère ainé. « Mon frère a laissé sa vie pour l’indépendance de l’Algérie. Il a pris le maquis à 18 ans, en 1956, nous l’avons revu en 1958, puis jamais plus », confie-t-il.
Dans une interview, le milliardaire raconte également comment il n’a pas pu participer à un voyage scolaire parce que sa mère n’avait pas les moyens de lui acheter le repas recommandé par l’école : une demi-baguette de pain et une boite de sardines. « Elle n’avait pas de quoi me payer une boite de sardines et un demi-pain. Ça donne une rage incroyable de vouloir travailler et réussir ». Déterminé, le jeune Issad met toute son énergie dans ses études. Il réussit, grâce à une bourse, à les poursuivre en France. Il entame un cursus en comptabilité, d'abord aux Cours Pigier de Thionville, puis les poursuit dans un lycée jésuite à Metz.
De retour en Algérie, il s’inscrit à l’école normale pour devenir enseignant, mais très vite il est lassé par les premiers mois de pratique. En 1968, il crée son cabinet de comptable. « Un client m'a proposé de prendre des parts dans sa société de construction métallurgique et sidérurgique, (la Sotecom, Ndlr.). J'ai pris des risques calculés. Au pire, je savais que je pourrais toujours retourner dans l'enseignement ». En 1971, il acquiert 20% des parts de ladite société. Ce sera le début de la plus grande success story de l’entrepreneuriat algérien.
Un succès inédit dans les affaires
Après avoir intégré la Sotecom, Issad Rebrab se rend compte du potentiel du secteur. Il crée alors ses propres entreprises, Profilor en 1975, puis Metal Sider en 1988. En 1992, il se diversifie en créant Isla, une entreprise spécialisée dans la vente de viande halal. Durant les années 90, il va amasser d’importants revenus.
« Ma seule ambition est de contribuer au développement de l'économie de mon pays. »
Mais c’est en 1991 qu’il va prendre une autre envergure sur la scène publique : cette année-là, il est sollicité par le pouvoir en place pour lancer un journal. Le régime craint en effet que les médias existants ne soient pas favorables à sa cause très longtemps. C’est ainsi qu’avec des partenaires, Issad Rebrab fonde le quotidien « Liberté ».
Le journal reçoit comme bureau l’ancien siège de l’Institut des sciences politiques, situé rue Ben M’Hidi, au cœur d’Alger. Il permet à Issad Rebrab de se rapprocher du pouvoir, même si ce dernier affirme, et plusieurs sources le confirment, n’avoir jamais versé de pots-de-vin. Cette proximité avec le gouvernement favorise ses affaires. Il devient durant les années suivantes l’un des industriels les plus importants du pays, une belle progression qui connait son premier accroc en 1995. Cette année-là, trois de ses usines sont la cible d’attentats terroristes. Se sentant menacé, il quitte l’Algérie pour la France, et ne reviendra qu’après la guerre civile.
Cette année-là, trois de ses usines sont la cible d’attentats terroristes. Se sentant menacé, il quitte l’Algérie pour la France, et ne reviendra qu’après la guerre civile.
Il décide alors de se lancer dans l’agroalimentaire. En 1998, il crée le groupe Cevital qui deviendra la plus importante entreprise privée algérienne avec 12 000 employés, et se distinguera comme le principal annonceur de la télévision publique algérienne. Il devient parallèlement le leader du secteur du sucre, construisant pour les activités de Cevital la plus grande raffinerie du monde, dotée d’une capacité de production de 2 millions de tonnes par an. Grâce à lui, l’Algérie passe du statut d’importateur de sucre et d’huile à celui d’exportateur.
En 1999, Abdelaziz Bouteflika devient président. Toufik Mediène et Saïd Sadi, deux amis d’Issad Rebrab, sont proches du nouveau chef de l’Etat. Le premier a parrainé sa candidature et le second a appelé publiquement à l’élire. La présence de ces deux personnages permet à l’industriel de continuer à mener ses affaires sans obstacles. De 1999 à 2015, sa fortune s’accroit à un rythme inouï. « Le chiffre d’affaires de son groupe est passé lui, d’une quarantaine de millions de dollars en 1999 à quatre milliards de dollars quinze ans plus tard », assure le média Middle East Eye.
« Le chiffre d’affaires de son groupe est passé lui, d’une quarantaine de millions de dollars en 1999 à quatre milliards de dollars quinze ans plus tard », assure le média Middle East Eye.
Egalement concessionnaire de la marque automobile Hyundai à une époque où elle vend près de 40 000 véhicules par an en Algérie, Issad Rebrab devient rapidement l’homme le plus fortuné du pays. Il devient aussi le premier Algérien à faire partie du classement Forbes des milliardaires.
Il acquiert des entreprises à l’étranger, notamment en France et en Italie. Il est nommé patron du forum des chefs d’entreprise, poste qu’il va occuper jusqu’à sa brouille avec le pouvoir.
L’opposition à Bouteflika et le vent qui tourne
En mai 2014, Issad Rebrab démissionne du FCE. « Je ne peux rester et m'asseoir avec des confrères qui, au lieu d'essayer de travailler à promouvoir l'économie nationale, tentent d'avoir des faveurs en enfonçant leurs confrères », explique-t-il. Il reproche aux hommes d'affaires d’avoir soutenu la candidature au quatrième mandat d'un Abdelaziz Bouteflika dont l’état de santé est déjà préoccupant. Beaucoup le taxent alors de donneur de leçons alors qu’il s’est enrichi sous ce même président.
Il reproche aux hommes d'affaires d’avoir soutenu la candidature au quatrième mandat d'un Abdelaziz Bouteflika dont l’état de santé est déjà préoccupant.
D’autres encore lui reprochent de ne pas donner les réelles motivations de ce positionnement. Or, il se trouve que Toufik Mediène, son ami mentionné plus haut, a des relations tendues avec le chef d’état-major de l’armée, Ahmed Gaïd Salah, qui réussira à le pousser vers la sortie en 2015. Toufik Mediène se lance alors dans l’opposition. Pour certains, c’est là que se trouve la vraie raison du positionnement d’Issad Rebrab. Ce à quoi le milliardaire répond : « Ma seule ambition est de contribuer au développement de l'économie de mon pays, en créant des richesses et des emplois pour nos jeunes ». Il sera malgré tout happé dans cet affrontement politique.
En 2016, il est mis en cause dans les révélations des Panama Papers qui écornent sérieusement son image. On l’accuse d’avoir menti sur ses bonnes pratiques durant sa carrière entrepreneuriale. Plusieurs de ses projets se retrouvent bloqués par les autorités.
Il se joint alors aux manifestations du Hirak pour demander le départ du pouvoir d’Abdelaziz Bouteflika.
Malgré tout, lorsque le président algérien est contraint d’abandonner le pouvoir, Issad Rebrab est pris dans la chasse aux proches du pouvoir qui s’ensuit. Il est poursuivi par le nouveau régime pour « infraction à la législation et à la réglementation des changes et des mouvements de capitaux de et vers l’étranger », « faux et usage de faux » et « fausse déclaration douanière ». On l’accuse de surfacturation d’équipements de purification d’eau importés par Evcon, une entreprise appartenant à Cevital. Issad Rebrab est alors condamné à 18 mois de prison, même s’il n’en purge que huit. Pendant son incarcération, ses enfants récupèrent les postes de responsabilité de son empire.
A sa sortie, il se retire progressivement des affaires, allant même jusqu’à mettre fin aux activités de son journal Liberté, devenu l’un des tauliers du paysage médiatique local. Il a beau expliquer ce choix par « l’état général récessif de la presse papier » et « l’évolution mondiale des comportements des lecteurs qui s’orientent vers la presse électronique », cela n’empêche pas de remarquer son épuisement et son aspiration à une vie plus paisible. Epilogue donc pour celui qui souhaitait impulser au développement algérien une croissance à deux chiffres ou qui, en panafricain convaincu, rêvait de créer le chemin de fer transafricain d’Ager au Cap.
Ighil Ali, Tunis, Paris, Alger, des voyages, des poésies, des écritures, des entretiens, des combats. C’est toute l’existence de Jean Amrouche, parti, jeune, à 56 ans, le 16 avril 1962. Cet homme a été décisif.
Cet homme et sa famille ont largement contribué à l’éveil amazigh. Après des études à Tunis, à Ighil Ali, à Paris, Jean Amrouche publie en l’an 1934, Cendres, son premier recueil de poésie ; il y a, déjà, dans ces textes la force des mots, la sincérité de la démarche, l’envie de se rapprocher des autres, le désir d’être meilleur que soi-même.
De 1934 à 1937, Jean Amrouche enseigne à Annaba ; Etoile secrète, son deuxième livre ne tarde pas à sortir, le cheminement se précise, les quêtes sont nombreuses. En exergue de ce texte, le poète cite Giuseppe Ungaretti, cet Italien formidable : «Je cherche un pays innocent ».
Bien des années plus tard, Jean Amrouche s’entretient à la radio avec Ungaretti, un échange célèbre, rendu à la langue italienne dans un livre paru en 2017 par mon frère Hamza et Filomena Calabrese, avec un mot de Philippe Jacottet.
Durant toute sa vie, Jean Amrouche a cherché ce pays innocent mais il ne l’a jamais trouvé. Au mois d’octobre 1937, Jean Amrouche est nommé au lycée Carnot de Tunis.
L’écrivain amazigh Albert Memmi est alors l’un de ses élèves. En 1939, Jean Amrouche publie Chants berbères de Kabylie, un livre toujours d’actualité, une pépite qui place l’enfant d’Ighil Ali parmi les pionniers de la quête identitaire.
A Alger, Jean Amrouche commence une carrière à la radio en 1943. C’est au cours de cette même année qu’il est reçu à déjeuner par le général de Gaulle. L’année d’après, Jean Amrouche fonde la revue l’Arche dans laquelle il fait sortir L’Eternel Jugurtha !
Oui, déjà, en 1944, Jean Amrouche insiste sur Jugurtha, ce roi amazigh trahi. Avec André Gide, Camille Claudel, François Mauriac, Jean Giono et d’autres, Jean Amrouche discute littérature à la radio de 1949 à 1954.
Lorsque le général de Gaulle revient au pouvoir en 1958, Jean Amrouche assure des contacts entre le cabinet du général et le FLN.
Jean Amrouche s’engage ouvertement pour l’indépendance de l’Algérie. Cela lui cause une multitude de soucis. Mais il ne verra jamais cette « indépendance » qui n’a pas encore permis au peuple algérien de vivre librement, 60 ans après.
A l’instar de Jean Amrouche, le peuple algérien cherche encore ce pays innocent qui lui permettra de vivre dans la dignité, la démocratie et la justice sociale.
Asphyxie économique et pressions politiques auraient eu raison du quotidien francophone, créé dans les années 1990, où sont notamment publiés des textes de l’écrivain Kamel Daoud et des dessins du caricaturiste Dilem.
Au sein de la rédaction du quotidien, les journalistes estiment qu’Issad Rebrab, le propriétaire du journal, a cédé « à la pression des autorités » (AFP/Ryad Kramdi)
Après trente ans de parution, le quotidien francophone Libertédisparaîtra définitivement du paysage médiatique algérien le 6 avril.
Cette décision a été annoncée le 2 avril, lors d’une réunion avec le collectif de rédaction et doit être validée par le conseil d’administration en début de semaine.
Le propriétaire du journal, l’homme d’affaires Issad Rebrab, célèbre capitaine d’industrie – il est à la tête de Cevital, premier groupe privé algérien (agroalimentaire, automobile, matériaux de construction et électroménager) –, serait motivé par des considérations « personnelles ».
Derrière les procès pour corruption, les impasses du capitalisme algérien
« Il est âgé, fatigué, et veut se retirer définitivement de la vie publique. Il a décidé de mettre de l’ordre dans ses affaires », a expliqué à Middle East Eye un proche de la famille Rebrab, qui a ajouté que cette décision avait été prise de « longue date ».
Au sein de la rédaction du quotidien, cette explication ne convainc pas. Les journalistes estiment que l’homme le plus riche d’Algérie (il est aussi, selon Forbes, la septième fortune africaine) a cédé « à la pression des autorités ».
« Le journal subit les contrecoups des pressions qu’exercent les autorités sur Issad Rebrab », indique un journaliste à MEE. « Et ces pressions se font de plus en plus sentir ces derniers mois. »
En février, la publication d’un entretien avec Toufik Hakkar, le PDG de la compagnie publique des hydrocarbures Sonatrach, affirmant que l’Algérie était prête à augmenter ses exportations de gaz vers l’Europe, a provoqué des réactions violentes : la major a porté plainte contre Liberté, accusant le journal d’avoir « détourné » ses propos, et le journaliste auteur de l’interview a été placé sous contrôle judiciaire.
Une ligne éditoriale critique
Quelques semaines auparavant, le ministre de la Communication, Mohamed Bouslimani, critiquait violemment le journal pour ne pas avoir « félicité » le gouvernement qui venait de supprimer certaines taxes et impôts initialement prévus dans la loi de finances.
En janvier, le chef de l’État, Abdelmadjid Tebboune, s’était attaqué à Liberté pour avoir publié en couverture une photo montrant des étalages vides pendant que le pays était confronté à la pénurie de certains produits de large consommation.
MEE a tenté de joindre Issad Rebrab pour un commentaire mais il n’a pas souhaité s’expri
Fondé en 1992 par trois journalistes (Hacène Ouandjeli, Ali Ouafek et Ahmed Fattani, aujourd’hui directeur de la publication de L’Expression, un autre quotidien francophone) et l’homme d’affaires, le journal Liberté s’est imposé comme l’un des titres emblématiques du paysage médiatique algérien où sont aujourd’hui publiés des textes de l’écrivain Kamel Daoud et les dessins du caricaturiste Dilem.
Pendant la décennie noire (guerre contre les islamistes armés), quatre employés du journal ont été assassinés.
Proche des milieux laïcs, Liberté s’est distingué par une ligne éditoriale critique vis-à-vis du pouvoir, ce qui lui a valu des sanctions et des fermetures périodiques.
Il est également privé, depuis de longues années, de la publicité étatique, source de financement importante pour la plupart des médias algériens, ce qui ne l’a toutefois pas empêché de paraître grâce au soutien financier de son propriétaire.
Depuis septembre 2021, un des journalistes du quotidien, Mohamed Mouloudj, arrêté pour « adhésion à un groupe terroriste », en l’occurrence le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK), est toujours en prison.
Algérie : un journaliste écroué après un article sur le mécontentement touarègue
Au-delà de Liberté, c’est de la scène publique qu’Issad Rebrab aurait émis le souhait de se retirer définitivement. Après des années de polémiques avec les gouvernements successifs d’Abdelaziz Bouteflika, l’homme d’affaires de 78 ans, qui détient également des investissements en France (Oxxo, Brandt), a été emprisonné en avril 2019 dans le cadre de l’opération anticorruption engagée par les autorités de transition.
Il a été notamment accusé de « fuite de capitaux » et d’acquisition de « machines usagées ».
Condamné en janvier 2020 à dix-huit mois de prison dont six mois fermes pour infractions fiscales, bancaires et douanières, le patron a quitté la prison après neuf mois de détention provisoire.
Cette période a été un « tournant » dans sa vie, puisque selon des témoignages de proches à MEE, le passage par la case prison a « transformé » le vieil homme, qui se plaint souvent des blocages dont font l’objet ses projets en Algérie.
Il va probablement céder les rênes du groupe Cevital, un mastodonte qui réalise plus de quatre milliards de dollars de chiffre d’affaires annuel, à l’un de ses enfants dans les prochaines semaines, selon un proche de la famille. La forme de cette annonce n’a pas encore été précisée.
Des temps difficiles pour la presse privée
Mais la fermeture de Liberté ne serait qu’un des symptômes de la grave crise que traverse la presse algérienne depuis de nombreuses années.
En février, El Watan, l’autre grand quotidien francophone dont certains observateurs de la scène médiatique prédisent une disparition prochaine, a dû augmenter le prix de vente du journal.
« Cette réévaluation du prix de vente s’est avérée indispensable à l’entreprise pour remettre ses équilibres financiers dans le bon sens et surtout éviter une asphyxie latente qui menace sérieusement l’avenir à court terme du quotidien », a justifié la direction du journal dans un communiqué.
« Elle est directement liée à deux facteurs prépondérants : d’une part, la détérioration logique et inéluctable de sa situation économique et financière du fait de la pression politique permanente exercée sur sa ligne éditoriale sous forme d’un interdit d’accès à la publicité publique. D’autre part, l’impact de la flambée vertigineuse du coût du papier sur le marché mondial qui a obligé les imprimeries à revoir à la hausse le prix de leurs prestations. »
« Il est évident que le temps de ‘’l’aventure intellectuelle’’, celle des années 1990 est bel et bien finie », constate l’universitaire et ancien journaliste Ahcene Djaballah Belkacem dans El Watan de ce dimanche. Sous Bouteflika, la scène médiatique a été « littéralement envahie par les affaires », puis « l’émergence et l’invasion d’internet n’a fait qu’accélérer la descente aux enfers » [de la presse].
« La fermeture de Liberté intervient après trois opérations successives de dégraissement de la masse salariale, d’abord une mise à la retraite anticipée d’une vingtaine d’employés et, ensuite, deux vagues de compression en contrepartie d’indemnités », relève le site d’information Twala.
Selon les autorités, pourtant, la « liberté de la presse est respectée ». Le président Abdelmadjid Tebboune a rappelé récemment encore que la Constitution respectait « la liberté de la presse » et que les critiques étaient « admises ».
D’autres responsables, à l’instar de l’ancien ministre de la Communication, Ammar Belhimer, limogé en juillet 2021, justifient les difficultés de certains médias comme un signe de « la fin de la presse papier ». Ce que les associations de défense des droits de l’homme et des partis politiques ont souvent démenti, évoquant « une fermeture » du champ médiatique.
« Sa disparition serait une immense perte pour le pluralisme médiatique, un coup dur pour les acquis démocratiques arrachés de haute lutte et de sacrifices. Une grande perte pour le pays », prévient une pétition signée par plusieurs intellectuels, universitaires, chercheurs et artistes.
D'une valeur globale de 1.000 milliards de centimes non déclarés aux instances judiciaires, l'incroyable trésor caché appartenant à l'ex-homme d'affaires en prison, Mahieddine Tahkout, n'a pas surpris le commun des Algériens, tant le pays a été longtemps mis à sac par une camarilla de mains baladeuses, aujourd'hui pratiquement toutes coupées. Sans s'attarder sur le montant réel de l'argent siphonné des caisses de l'Etat, l'urgence aujourd'hui est de récupérer ce fabuleux pactole détourné vers l'étranger avec la bénédiction de certains Etats pour certains cas.
L'Algérie, via ses représentations diplomatiques, doit traquer tous les voleurs en fuite dans d'autres pays, notamment dans ceux liés par des conventions d'extradition avec l'Etat algérien. Une trentaine de mandats d'arrêt internationaux ont déjà été publiés et généralisés sur la base d'avis de recherche internationaux lancés par Interpol. Des demandes d'extradition ont également été formulées auprès des pays où se trouvent les individus concernés. Les chefs de postes diplomatiques algériens doivent, au plus tôt, intensifier les contacts avec les autorités étrangères compétentes pour suivre l'issue des différentes délégations judiciaires et demandes d'entraide judiciaire émises par l'Algérie.
Depuis l'arrivée de Tebboune au pouvoir, les autorités judiciaires algériennes ont émis plus de 150 délégations rogatoires internationales pour traquer les personnes impliquées dans ces affaires de corruption et récupérer l'argent détourné et transféré illégalement à l'étranger. Mais si des pays ont répondu aux demandes algériennes, l'on ne sait pas encore le temps qu'il faudra pour continuer la surveillance et l'identification des biens détournés. Parce que l'autre vraie bataille reste l'identification des biens et des fonds transférés sur des comptes inconnus ou dits « offshore », une opération d'une grande complexité.
par El-Houari Dilmi
Jeudi 17 mars 2022 http://www.lequotidien-oran.com/?news=5310764
Un Algérien se bat depuis plus d'un an pour ses droits, suite à un accident de la route qui a eu lieu non loin de Grenoble, dans le sud-est de la France. Mohamed Meriah, qui a quitté sa Cherchell natale en 2014, n'a pas apprécié que le parquet de Grenoble classe son affaire sans suite. Pourtant, les conclusions de l'inspection du travail ont clairement mis en cause la société qui employait l'Algérien.
Quand Mohamed Meriah parle de son accident et de ses graves conséquences, l'émotion ne peut être camouflée. Et le récit publié cette semaine par le quotidien régional Le Dauphiné Libéré le montre bien. Quand il a quitté l'Algérie, le 14 octobre 2014, n'était pas un cas social. Il avait un commerce, mais il devait partir rejoindre sa dulcinée qui deviendra la mère de ses deux enfants.
Une fois dans l'agglomération de Grenoble, l'Algérien s'est affairé à construire sa vie. Il a passé tous ses permis pour devenir chauffeur de poids lourd en intérim. L'agence d'intérim qui l'employait régulièrement estimait son sérieux et son application. Avec sa femme et ses deux enfants, tout allait bien pour Mohamed Meriah jusqu'à ce jour fatidique du 22 octobre 2020.
L'Algérien raconte son accident de la route
Ce jour-là, l'Algérien de Grenoble avait un nouvel employeur et il devait faire une première livraison. Il a pris le volant d'un Renault de 30 tonnes dont plus de la moitié était du bitume à 160 degrés, chargés dans la benne. Il devait le livrer à un client d'Auris-en-Oisans. Son véhicule n'était pas doté de GPS et Mohamed Meriah ne connaissait pas vraiment le secteur. Il compte alors sur Google Maps qui le mène vers l'ascension des 21 lacets de l'Alep-d'Huez. Pas vraiment le bon chemin vers sa destination. Dès qu'il se rend compte de son erreur, il fait demi-tour et obtient le bon itinéraire grâce à une communication avec le client qui l'attendait.
Selon le récit de Mohamed Meriah sur le même média, en descendant vers la vallée, il n'a plus de freins. Le véhicule file tout droit et plonge dans un ravin, mais il ne fait qu'une dizaine de mètres en contrebas, grâce à la végétation qui l'a arrêté. Mais le bitume était à environ 120 degrés et remplissait la cabine du camion où l'Algérien était bloqué. « Je suis resté séquestré trois heures dans le camion », raconte-t-il en précisant que son téléphone était hors d'atteinte. Les sapeurs-pompiers avaient besoin d'un marteau piqueur pour dégager ses jambes coincées dans le goudron.
Une jambe amputée : douloureux souvenir pour Mohamed
Près de 18 mois plus tard, Mohamed a une seule jambe, la droite ayant été amputée par l'équipe médicale qui a eu beaucoup de difficultés pour sauver sa jambe gauche. Le fils de Cherchell parle de l'amputation avec beaucoup d'émotion. « Ils me piquaient sur la jambe en remontant pour déterminer à quel endroit j’avais des sensations. J’avais envie de mentir. On était en train de négocier une partie de mon corps. Quand j’ai enfin senti l’aiguille, j’avais l’impression d’avoir gagné au loto ! », raconte-t-il à propos de ce douloureux épisode à l'hôpital Edouard-Herriot de Lyon.
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Après l'accident, l'inspection du travail a conclu dans son rapport que le document unique d’évaluation des risques professionnels de la société pour laquelle travaillait l'Algérien le jour des faits n’abordait pas le risque relatif à la conduite de poids lourd en zone de montagne. Pour cet organisme, le camion n'était pas équipé d'un GPS, donc, la société aurait dû remettre à Mohamed Meriah un itinéraire écrit. Ce dernier n'était pas formé à la conduite d'engins transportant des matières dangereuses, a également conclu l'inspection du travail.
Le parquet de Grenoble tourne le dos à Mohamed
Visiblement, le parquet de Grenoble n'a pas pris en compte le contenu de ce rapport rendu en mai 2021. Il a classé l'affaire sans suite, estimant que « le comportement du plaignant a facilité la commission de l’infraction ». Cela ne convainc pas l'avocat du chauffeur, Me Hervé Gerbi, qui pense que les erreurs commises sont dues aux infractions au Code du travail, signalées par l'inspection du travail. L'avocat fera savoir qu'il déposera un recours auprès du procureur général pour contester la décision du parquet de Grenoble.
Mohamed Meriah parle de son handicap avec beaucoup d'émotion. Parfois avec des pleurs. « La première fois qu’elle a vu mon pied brûlé, ma fille m’a demandé de le recouvrir. Je me suis senti comme un monstre », raconte-t-il en pleurant. Il regrette de ne pas pouvoir prendre soin de ses enfants. « Mon fils a appris à faire du vélo avec le voisin », ajoute encore l'Algérien de 41 ans.
« Je dois me battre pour qu’on reconnaisse que ma vie est foutue », explique l'Algérien
« J’ai l’impression qu’on me traite de chauffard, que je ne suis même pas une victime. Je dois me battre pour qu’on reconnaisse que ma vie est foutue. On me dit que j’ai trop freiné et que c’est pour cela que les freins ne fonctionnaient plus. Mais il aurait fallu que je fasse comment pour retenir 30 tonnes dans une descente sans freiner ? », martèle Mohamed.
Mohamed Meriah se sent seul aujourd'hui et n'hésite pas à exprimer son mal-être suite à son accident, mais aussi à l'attitude de sa société et du parquet. « Je ne demande pas des millions. Mais moi, je voulais bien faire mon travail, que le client soit content de moi et qu’on me propose d’autres missions. Et aujourd’hui, marcher est une souffrance. Parfois, je parle à mon miroir et je me dis "t’as merdé". Mais je ne sais même pas pourquoi », confie-t-il avec autant d'amertume et de douleur.
Les maltraitances infligées aux personnes âgées dans les maisons de retraite défrayent actuellement la chronique en France, en particulier depuis la publication du livre polémique d'un journaliste français (censément indépendant) sur les «dysfonctionnements» et «sévices» relevés dans certains établissements de retraite, les Ehpad (Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes). En réalité, ces maltraitances envers les pensionnaires des maisons de retraite ne sont pas nouvelles. En outre, elles constituent un phénomène mondial.
Pour ma part, bien avant la publication de ce livre suspect, j'avais rédigé un article sur le traitement dégradant des personnes âgées, publié notamment dans Algérie patriotique le 19 janvier 2019 [1], au lendemain du scandale de la diffusion d'une vidéo filmée dans un établissement de retraite de la ville de Batna [2], en Algérie, dévoilant l'abandon des pensionnaires et, surtout, les maltraitances qu'ils subissaient.
Sans nul doute, la publication du livre «Les Fossoyeurs» est suspecte car elle s'apparente à une opération de discréditation professionnelle orchestrée par le gouvernement Macron, et surtout à une entreprise de torpillage économique lancée contre la multinationale Orpea, leader mondial des Ehpad déjà l'action du titre Orpea à la Bourse de Paris a dégringolé d'environ 60%.
Il est curieux qu'un livre, écrit par un obscur jeune journaliste (il est l'auteur d'une enquête sur l'homosexualité dans les Ehpad parue dans Le Monde en mars 2019, où il était préconisé la création d'une maison de retraite LGBT, autrement dit une structure réservée aux seniors gays, lesbiennes, transgenres), bien avant sa publication, ait provoqué autant de vives réactions intempestives de la part du gouvernement Macron.
D'emblée, lors des questions au gouvernement, dans l'Hémicycle, le Premier ministre Jean Castex est monté au créneau pour annoncer, comme si le projet de loi était depuis longtemps ficelé, une réforme des procédures d'accréditation des établissements de retraite, tout en pointant, sur le simple fondement de la publication d'un livre contestable (qu'il n'a probablement pas lu), un doigt accusateur sur le groupe Orpea : «Les faits sont gravissimes (...). Il existe dans notre pays une maltraitance structurelle de nos aînés». «Je veux manifester ma compassion et ma solidarité à l'endroit des résidents et des familles qui ont été victimes de ces agissements», a-t-il déclaré. (Quand des millions de Français récalcitrants, avec des preuves tangibles à l'appui, dénoncent les maltraitances et répressions gouvernementales subies depuis l'apparition de la pandémie, sans oublier les dysfonctionnements criminels de la gestion de la crise sanitaire, ils sont aussitôt qualifiés d'imposteurs, de complotistes, d'irresponsables, accusés de propager des fake news).
Pareillement, la ministre déléguée chargée de l'autonomie des personnes âgées, Brigitte Bourguignon, sans disposer d'aucun élément de preuve matériel, s'est fendue d'un communiqué dans lequel elle a «exprimé sa colère» et «l'indignation du gouvernement quant aux pratiques et dysfonctionnements graves et intolérables» relevés dans les établissements d'Orpea.
Le lendemain, mercredi 2 février, dans une action inquisitoriale concertée, ce fut au tour de l'Assemblée nationale, par le biais de la Commission des affaires sociales convoquée diligemment par les députés de LREM, de se réunir pour auditionner, sans ménagement, le nouveau PDG d'Orpea, Philippe Charrier, ainsi que le directeur général France, Jean-Christophe Romersi, soumis à un «interrogatoire musclé» comme de vulgaires voyous.
Le même jour, le journal gouvernemental Libération titrait son article consacré au «scandale» des établissements de retraite « Et si on fermait les Ehpad ? ». Et d'entamer son article par cette préconisation, probablement dictée par l'Élysée : « Personne n'est satisfait de ces établissements, ni les résidents et leurs proches, ni les personnels, ni l'opinion publique. Il faut travailler sur le maintien au domicile et réorienter les politiques publiques du vieillissement vers une inclusion sociale. ». Autrement dit, le gouvernement Macron propose la fermeture des établissements de retraite ou, plutôt, leur transformation en structures spécifiquement médicalisées, et, corrélativement, le maintien à domicile des personnes âgées.
Le même jour, on apprenait qu'une plainte au pénal pour violation des droits syndicaux avait été déposée contre Orpea par les centrales syndicales CGT, FO, CFDT. Le même jour, on apprenait que le groupe Orpea était également visé par une «action collective conjointe» lancée par des familles de résidents en colère, pour, selon les dossiers, «homicide involontaire, mise en danger délibérée de la vie d'autrui, violence par négligence» ou «non-assistance à personne en danger».
Rien que ça !
On voudrait abattre ce géant gênant des établissements de retraite on ne s'y prendrait pas autrement. Après avoir ruiné la réputation et les finances du groupe Orpea, le pouvoir macronien s'apprête à infliger le même sort aux groupes Korian et DomusVi. Pour ce faire, la chaîne de télévision d'État France 2 vient d'annoncer la déprogrammation d'une enquête consacrée à l'enseigne McDonald's, pour la remplacer par la diffusion d'un documentaire sur le groupe Korian. L'émission de « Cash Investigation », animée par Élise Lucet, promet des révélations sur l'univers des maisons de retraite des deux groupes. Déjà, le groupe Korian est dans la tourmente, son action dévisse en bourse.
Voilà, après recoupement de toutes ces informations, tout s'éclaire, tout s'explique : le gouvernement Macron, via le prétendu journaliste stipendié, les médias et les députés accourus à la rescousse, s'active à discréditer et flétrir les Ehpad d'Orpea, accusés de «maltraitances» et de cupidité, afin de justifier leur transformation en structures spécifiquement médicalisées.
Au reste, le projet de loi de maintien à domicile des personnes âgées est à l'étude depuis plusieurs années. Depuis des mois, le gouvernement Macron prépare l'opinion publique à la perspective du démantèlement des Ehpad. Au final, les députés, dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) avaient adopté le 26 octobre 2021 en première lecture le projet de loi, qui prévoit notamment toute une série de mesures pour favoriser le vieillissement à domicile.
«Nous mettons l'accent sur le maintien à domicile pour, à terme, limiter le besoin de places en Ehpad», affirmait la ministre Brigitte Bourguignon dans le magazine Capital. À court terme, l'objectif du gouvernement Macron est de remplacer les Ehpad par les Spasad (Services polyvalents d'aide et de soins à domicile).
« Et si nous mettons l'accent sur le maintien à domicile, c'est aussi pour, à terme, limiter le besoin de places en Ehpad. Il faut que ces structures deviennent plus sanitaires, dédiées aux pathologies les plus lourdes. Nous y arriverons si nous réussissons le pari du domicile », avait-elle ajouté. En d'autres termes, les Ehpad deviendraient des appendices des hôpitaux actuellement en souffrance. L'objectif est de maintenir à domicile un maximum de personnes par l'aide technique comme la téléassistance, la domotisation ou l'adaptation des logements.
En France un habitant sur 10 a plus de 75 ans (7 millions). En 2050, ce sera un habitant sur six (12 millions). Au lieu d'investir dans la construction de nouvelles structures d'accueil de personnes âgées, jugées coûteuses, le gouvernement Macron prône la politique de maintien à domicile des séniors. Et les actuels Ehpad seront, à terme, transformés en «structures sanitaires dédiées aux pathologies les plus lourdes».
Sans nul doute, une fois les trois groupes totalement fragilisés financièrement, l'État pourrait, sinon s'approprier plus aisément leurs établissements, ou, au moins, plus favorablement les contraindre à se transformer en structures médico-sanitaires dédiées aux pathologies les plus lourdes.
Actuellement, globalement, le budget alloué par l'État aux seniors en perte d'autonomie est de l'ordre de 24 milliards d'euros. Avec l'accroissement du nombre de personnes âgées dépendantes d'ici 2050, ce budget devrait considérablement augmenter. Or, restrictions budgétaires obligent, l'État n'envisage pas de rallongement financier de ce poste de dépense. Aujourd'hui, pour parer à l'augmentation du nombre des séniors en perte d'autonomie, par ailleurs pourvus d'une pension de retraite pareillement vouée à diminuer du fait de l'aggravation de la crise économique, l'État s'active à réduire l'écart entre le montant moyen des pensions 900 euros par mois et le prix d'une place en maison de retraite estimé à 2.000 euros mensuels. Outre, à court terme, la transformation des Ehpad en structures médicalisées, l'objectif immédiat visé est la baisse du prix de l'hébergement en maison de retraite. Aussi, cette diminution du coût est possible seulement par l'encadrement des tarifications des maisons de retraite, autrement dit par la mise au pas des établissements de retraite privés (à but lucratif) détenus majoritairement par les groupes Orpea, Korian et DomusVi.
Car, quoique appartenant au secteur privé, ces trois groupes profitent d'un système de financement public complexe et généreux profitablement détourné à leur avantage. Pour information, la tarification est divisée en trois sections : aide sociale à l'hébergement. Comme le rapporte le magazine Capital dans son édition du 28 janvier 2022 : « La partie soins est prise en charge à 100% par l'assurance maladie. Cela signifie donc que, même dans les établissements privés, les salaires des médecins coordonnateurs, des infirmiers et 70% des salaires des aides-soignants sont payés par les finances publiques. Leur nombre est encadré par une logique comptable, et déterminé en moyenne tous les cinq ans par le niveau de dépendance (mesuré par la grille AGGIR) et le besoin de soins des résidents en fonction de leur pathologie (mesuré par l'outil Pathos). Ainsi, plus un établissement accueille de personnes en grande dépendance au moment de l'évaluation par les outils tarifaires (AGGIR et Pathos), plus le budget alloué pour les soins sera important. Cette logique prévaut quel que soit le statut de l'établissement. (...). Certains établissements profitent de ce financement public de soins et n'assurent que le strict minimum en la matière. (...). Autre niveau de tarification, la dépendance. Il s'agit ici de financer en partie l'aide aux actes du quotidien comme la prise de repas, le lever ou le coucher assurée par des aides-soignants. Cette prise en charge est cofinancée par l'État et les départements dans le cadre de l'Allocation personnalisée d'autonomie (APA) (...). Chaque établissement reçoit donc une enveloppe correspondant au niveau de dépendance de ses résidents qu'elle a déclaré. Ces montants sont donc réservés pour des besoins très spécifiques. Enfin, dernier poste tarifaire: l'hébergement. C'est ce tarif-là qui est facturé tous les mois pour les résidents des Ehpad. Ce tarif prend en compte le logement, son entretien, la restauration. (Dans les établissements les plus onéreux, ce tarif peut atteindre plusieurs milliers d'euros (entre 6.500 et 12.000 euros dans l'Ehpad de Neuilly-sur-Seine.). Dans le même établissement, le tarif peut varier en fonction de la taille du logement mais aussi des activités qui peuvent être choisies par le résident.
C'est donc sur ce poste que se fait l'essentiel des profits des résidences privées (en vrai dans tous les autres postes financés par l'État. En fait, ces établissements privés soutirent l'argent aussi bien aux contribuables via les dotations publiques qu'aux pensionnaires via le paiement de leur hébergement.
Néanmoins, le projet gouvernemental de maintien à domicile est pire que le cadre d'hébergement institutionnel actuel. Sous couvert d'arguments humanitaires justifiant le maintien à domicile, l'État, pour d'évidentes motivations de rationnement du budget alloué aux seniors dépendants, livre en fait les personnes âgées en perte d'autonomie à elles-mêmes, privées de l'accompagnement social et médical quotidien dispensé dans les maisons de retraite. En tout état de cause, la politique de maintien à domicile est moins coûteuse pour l'État, en matière d'hébergement, de dépendance et de soins, NDA). Leurs tarifs sont totalement libres. D'autant que, contrairement au public et au privé non lucratif, ils n'ont aucune obligation de réserver des places aux bénéficiaires de l'aide sociale à l'hébergement (ASH) autrement dit aux retraités impécunieux.
Autre écueil majeur de ce système, malgré les dotations publiques qu'ils reçoivent, ces établissements privés sont peu contrôlés par les Agences régionales de santé (ARS). »
Par ailleurs, mesquinement, ce livre, censément soucieux du sort des séniors, se borne à dénoncer les rationnements de nourriture et de produits d'hygiène au détriment des personnes âgées prises en charge dans les structures d'Orpea (or, le gouvernement Macron, lui, est le premier employeur à rationner les moyens de tous les établissements publics, notamment les moyens sanitaires et matériels médicaux des hôpitaux : juste en 2021, il aura fermé 5.700 lits, suspendu 15.000 agents hospitaliers pour défaut de pass sanitaire, occasionnant l'aggravation de la dégradation des conditions de travail des personnels soignants, la déprogrammation des opérations chirurgicales, des consultations médicales vitales, notamment des personnes atteintes d'un cancer ou de maladies cardiovasculaires ou chroniques potentiellement létales).
En revanche, le journaliste n'évoque nullement la responsabilité de l'État français dans la dégradation des conditions de vie des retraités, mis en pension ou non. Plus de 10% des retraités français touchent moins de 60% du revenu médian disponible dans le pays, qui correspond au seuil de risque de pauvreté. Le seuil de pauvreté est établi à 1.041 euros. En France, sur 9 millions de personnes considérées comme pauvres, plus d'un million sont des retraités.
Outre les maltraitances sociales infligées par l'État français aux personnes âgées, par leur paupérisation généralisée et isolement social, l'autre drame vécu par les seniors concerne le taux de mortalité excessivement élevé parmi les personnes pauvres en âge de prendre la retraite. En France, à 62 ans, un quart des 5% les plus pauvres sont déjà morts (en 2021, la France comptait 17,7 millions de personnes âgées de 60 ans et plus, soit presque 27% de la population française totale). Il faut attendre l'âge de 80 ans pour que cette proportion soit atteinte pour les 5% les plus riches.
L'auteur du livre commandé n'évoque pas non plus la culpabilité du gouvernement Macron, depuis l'apparition de la pandémie de Covid-19, dans la mort des milliers de pensionnaires des maisons de retraite, décédés par manque de soins et de matériels sanitaires, véritable opération d'euthanasie perpétrée contre les résidents, comme on l'a analysé dans notre texte intitulé « La pandémie d'euthanasie médico-économique », publié dans Le Quotidien d'Oran entre le 26 et le 29 décembre 2021. Les résidents des établissements de retraite ont représenté 44% des morts du Covid-19. En d'autres termes, sur les 128.000 décès dus au Covid-19 survenus en France, plus de 56.000 sont décédés dans les structures médico-sociales, en l'espace de quelques mois. Au total, les personnes hébergées dans ces établissements, censément sécurisés et médicalement immunisés, représentent donc plus de quatre décès sur dix, recensés par les autorités sanitaires.
Et aucun journaliste ou homme politique ne s'offusque de ce génocide perpétré contre les pensionnaires des établissements de retraite, sacrifiés sur l'autel des restrictions budgétaires décrétés par le gouvernement Macron. Les médias et les membres du régime macronien pointent du doigt les «dysfonctionnements et maltraitance» de l'Orpea pour mieux occulter leurs crimes commis contre les personnes âgées hébergées dans les maisons de retraite, mortes faute de soins, par manque de lits de réanimation, de respirateurs, de personnels soignants, dans l'isolement, sans bénéficier des derniers adieux de leurs familles.
Ces pensionnaires ont juste reçu le dernier baiser de la mort apposé par la mafia gouvernementale. [3]
Aujourd'hui, ces génocidaires macroniens viennent dénoncer l'inhumanité supposée (matérialisée par les rationnements de nourriture et de produits d'hygiène) des dirigeants de l'Orpea. Ils osent même les traduire en justice. Pour paraphraser la réplique de Lino Ventura dans le film «Les tontons flingueurs» : « Les cons, ça ose tout. C'est même à ça qu'on les reconnaît », nous dirions, à notre tour à propos de ces «flingueurs de papis et mamies» : les criminels du gouvernement Macron osent tout. C'est même à leurs politiques antisociales et mesures scélérates qu'on les reconnaît.
En vérité, avec cette affaire de scandale des établissements de retraite, montée en épingle par les médias, tout se passe comme s'il s'agissait également d'une diversion : les familles, meurtries par la mort prématurée d'un parent ou par la négligence médicale infligée à leur proche par les autorités, au lieu d'intenter un procès contre les membres du gouvernement Macron, responsables, par leur incurie criminelle dans la gestion de la crise sanitaire, de négligence, de mise en danger de la vie d'autrui et d'abstention volontaire de combattre un sinistre (56.000 morts de Covid dans les établissements de retraite), sont fourvoyées dans de mauvaises voies, déroutées sur de fausses cibles, des lampistes : les dirigeants d'Orpea.
À quand un Tribunal de Nuremberg pour poursuivre les dirigeants français macroniens pour crime contre l'Humanité pour leur gestion criminelle de la pandémie de Covid-19 ?
[3] Dans l'univers de la mafia, le baiser de la mort (en italien : il bacio della morte) est un acte pratiqué par un parrain mafieux ou le caporegime (en) d'une «famille» criminelle sur les membres de l'organisation dont l'exécution a été décidée.
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