Les peuples tunisien et algérien commémorent ce mercredi 08 février 2023, le 65e anniversaire des événements de Sakiet Sidi Youssef, où le sang tunisien et algérien se sont mêlés. Ces événements sanglants resteront dans l’Histoire comme le symbole de la lutte commune et de la solidarité effective entre les deux pays frères.
Le 8 février 1958, Sakiet Sidi Youssef a été le théâtre événements violents dans le contexte de la guerre d’Algérie. 25 avions de combat français ont attaqué le village tunisien se trouvant à quelques kilomètres de la frontière algérienne, tuant plusieurs dizaines de civils et provoquant des tensions entre la Tunisie et la France.
Les bombardements de Sakiet Sidi Youssef, ont, en effet, visé des civils tuant faisant plus de 70 morts et 130 blessés.
L'Algérie a annoncé mercredi le rappel pour consultations de son ambassadeur en France, accusant des diplomates d'avoir procédé à "l'exfiltration clandestine et illégale" via la Tunisie de la militante et journaliste algérienne Amira Bouraoui.
C'est un nouveau soubresaut dans l'histoire des relations entre Paris et Alger. Le président algérien Abdelmadjid Tebboune a décidé, mercredi 8 février, de rappeler "pour consultations" son ambassadeur en France, à la suite de "l'exfiltration" de la militante et journaliste Amira Bouraoui via la Tunisie, lundi soir, a annoncé la présidence dans un communiqué.
Soulignant que l'Algérie a, via une note officielle, "protesté fermement contre l'exfiltration clandestine et illégale d'une ressortissante algérienne" vers la France, le président Abdelmadjid Tebboune a ordonné le rappel en consultations de l'ambassadeur d'Algérie en France, Saïd Moussi, avec effet immédiat", a précisé la présidence.
Arrêtée vendredi en Tunisie, d'où elle risquait d'être expulsée vers l'Algérie, l'opposante politique Amira Bouraoui a finalement pu embarquer lundi soir sur un vol à destination de la France.
Cette Franco-Algérienne faisait l'objet d'une interdiction de sortie du territoire en Algérie. Elle avait été interpellée par la police tunisienne alors qu'elle cherchait à prendre un avion pour la France. Une juge l'avait remise en liberté lundi mais elle avait ensuite été emmenée par des policiers tunisiens avant d'obtenir la protection du consulat français à Tunis.
Selon le quotidien français Le Monde, elle a été "accueillie quelques heures à l'ambassade de France" avant d'obtenir "du président tunisien Kaïs Saïed l'autorisation de rejoindre la France".
"Grand dommage" aux relations algéro-françaises.
Peu avant le rappel de l'ambassadeur algérien à Paris, le ministère algérien des Affaires étrangères a indiqué avoir exprimé mercredi, dans une note officielle à l'ambassade de France "la ferme condamnation par l'Algérie de la violation de la souveraineté nationale par des personnels diplomatiques, consulaires et de sécurité relevant de l'État français".
Ces personnels "ont participé à une opération clandestine et illégale d'exfiltration d'une ressortissante algérienne dont la présence physique sur le territoire national est prescrite par la justice algérienne", a précisé le ministère dans un communiqué.
Dans cette note officielle, l'Algérie a rejeté ce développement "inadmissible et inqualifiable" qui cause "un grand dommage" aux relations algéro-françaises.
Après un coup de froid depuis l'automne 2021, Paris et Alger avaient scellé un net réchauffement de leurs relations à l'occasion d'un déplacement du président français Emmanuel Macron en août dernier. Les deux chefs d'État avaient alors signé en grande pompe une déclaration commune pour relancer la coopération bilatérale.
En octobre, c'est la Première ministre française Élisabeth Borne, accompagnée d'une quinzaine de ministres, qui s'était rendue à Alger pour concrétiser la réconciliation entre les deux pays par des accords dans l'industrie, la création de start-up, le tourisme et la culture.
"De retour très vite" en Algérie
Amira Bouraoui, médecin de formation âgée de 46 ans, s'est fait connaître en 2014 avec son engagement dans le mouvement 'Barakat' qui a mené une campagne contre le quatrième mandat du président défunt, Abdelaziz Bouteflika.
Elle a tenté plusieurs fois de quitter l'Algérie ces derniers mois pour rendre visite à son fils établi en France, mais en vain, selon le site du média algérien radio M où elle animait depuis septembre une émission politique.
Amira Bouraoui a remercié "tout ceux qui ont fait en sorte qu'(elle) ne (se) retrouve pas une autre fois derrière les barreaux", mercredi sur sa page Facebook, citant les ONG Amnesty International et Human Rights Watch (HRW), les journalistes et les personnels consulaires de l'ambassade de France en Tunisie.
Elle a assuré que son départ pour la France n'est pas "un exil" et qu'elle sera "de retour très vite" en Algérie.
Mercredi soir, des médias algériens ont par ailleurs annoncé l'interpellation de Mustapha Bendjama, rédacteur en chef du journal Le Provincial à Annaba (est), non loin de la frontière avec la Tunisie.
Avant son arrestation, il a dit à des collègues avoir été contacté au préalable par la police lui demandant "des informations sur la sortie d'Amira Bouraoui du territoire" et leur avoir répondu n'avoir "rien à voir avec cette affaire".
L’activiste franco-algérienne Amira Bouraoui est tirée d’affaire, semble-t-il. Sous le coup d’une condamnation à deux ans de prison par un tribunal algérien, elle a fui le pays et mis le cap sur Tunis. Là elle a décidé d’embarquer pour la France, avec son passeport français, les autorités l’en ont empêchée. Décision a été prise de la renvoyer chez le voisin et frère algérien. C’était sans compter sur la débauche d’énergie de ses avocats…
Amira Bouraoui, 46 ans, médecin de formation, est maintenant «sous la protection des autorités françaises», a confié son avocat François Zimeray. Elle est «libre et en bonne santé», a ajouté son avocat tunisien, Hashem Badra, cité par Le Figaro hier lundi 6 février dans la soirée.
Me Zimeray s’est également «félicité de la mobilisation des autorités françaises» pour sa cliente, sous le coup d’une interdiction de quitter le territoire tunisien. Rappelons qu’elle a débarqué vendredi dernier à Tunis. Après son arrestation elle a été incarcérée, une détention provisoire qui a pris fin hier, après son passage devant une juge. Elle a été remise en liberté, en attendant une autre comparution ce 23 février…
Pourtant pour on ne sait quelle raison elle a été conduite vers un poste de la police des frontières à Tunis pour «être expulsée vers Alger» hier dans la soirée, a déploré son avocat tunisien. Le ministère de l’Intérieur a refusé de commenter cette affaire.
«Ma cliente a fait l’objet d’une tentative d’enlèvement et de séquestration de la part de certaines autorités dépositaires de la force publique en Tunisie, à la demande des autorités algériennes», s’était indigné François Zimeray, ancien ambassadeur de France au Danemark.
«J’ai fait savoir cet après-midi que je n’hésiterais pas à déposer une plainte au parquet de Paris pour enlèvement-séquestration si elle n’était pas immédiatement libérée sachant que, en droit français, la détention arbitraire commise par un agent dépositaire de la force publique est un crime. Et que lorsque ce crime est commis à l’étranger sur un citoyen français, les tribunaux français sont compétents», avait-il ajouté.
D’après une responsable du bureau de l’ONG Human Rights Watch à Tunis, «en aucun cas» il ne fallait remettre Amira Bouraoui à «un pays où elle a été emprisonnée et fait l’objet d’une série de poursuites pour son militantisme pacifique et ses opinions».
«Connue depuis son engagement dans le mouvement ‘Barakat’ en 2014 qui a mené une campagne contre le quatrième mandat du président défunt, Abdelaziz Bouteflika, elle a tenté plusieurs fois de quitter le territoire national ces derniers mois pour rendre visite à son fils établi en France, mais en vain», d’après le site du média algérien Radio M où elle pilotait depuis septembre un programme politique.
A noter que la militante avait fait de la prison en 2020, dans le cadre de plusieurs affaires délictueuses. Après sa libération en juillet 2020 elle a de nouveau eu maille à partir avec la justice, pour «offense» à l’Islam dans un post incendiaire sur sa page Facebook.
Rachid Hami évoque la mort d'un jeune militaire lors d'un bizutage et les relations complexes entre deux frères. Un film bouleversant incarné par deux acteurs remarquables : Karim Leklou et Shaïn Boumedine.
Les récits d'immigration et de fratrie inspirent décidément les cinéastes français en ce début d'année. La semaine dernière, Léonor Serraille, dans le subtil « Un petit frère », examinait les relations entre une mère et ses deux fils venus de Côte d'Ivoire. Aujourd'hui, c'est au tour de Rachid Hami (déjà auteur d'un premier film en 2017 : « La Mélodie ») d'évoquer le destin de deux frères installés avec leur mère dans l'Hexagone au début des années 1990 pour fuir les réalités sanglantes de la guerre civile en Algérie et l'influence désastreuse d'un père violent.
La Grande Muette
Dans le bien nommé « Pour la France », le cinéaste ouvre son récit par un drame : la mort, lors d'un « rituel d'initiation » (autrement dit, un bizutage), d'un étudiant de l'école de Saint-Cyr : Aïssa. Pourquoi ce décès absurde ? Quelles sont les responsabilités de la hiérarchie militaire dans la mort de ce garçon de 23 ans prêt à tous les sacrifices pour honorer son pays d'adoption : la France ? Son frère aîné, Ismaël, mène l'enquête. Cette dernière ne va pas concerner que les dissimulations de la Grande Muette, qui cherche à étouffer la désolante affaire. Si Ismaël souhaite connaître les circonstances qui ont entraîné le décès de son frère et lui offrir des funérailles avec les honneurs militaires, le héros, ravagé par la douleur, effectue surtout un vertigineux voyage dans sa mémoire pour tenter de mieux comprendre les choix et la personnalité profonde du disparu. Ismaël se souvient ainsi de quelques étapes fondamentales de sa vie avec Aïssa : leur enfance en Algérie dans une famille dysfonctionnelle, leur arrivée dans l'Hexagone, un séjour de quelques mois à Taïwan où le frère cadet s'était installé avec sa compagne…
Le film donne à voir des fragments de ce parcours et dépeint les relations souvent conflictuelles entre deux hommes à la fois infiniment proches et radicalement différents. Aïssa, ce brillant étudiant, était un modèle de sérieux et de discipline, alors qu'Ismaël, hanté par une colère sourde, a toujours évolué dans les marges et peine à trouver sa voie dans son existence brinquebalante.
L'identité en question
Rachid Hami met en scène le combat d'Ismaël pour la vérité et ses relations ambivalentes avec son frère avec une maîtrise et une pudeur d'autant plus impressionnantes que cette histoire est… la sienne, lui qui a perdu son frère militaire en 2012 dans des circonstances similaires à celles racontées par le film. Sans complaisance ni sensiblerie, le cinéaste, avec une rigueur implacable, remonte le cours d'une enquête et d'une histoire familiale complexes. En filigrane, tout comme Léonor Serraille dans « Un petit frère », il signe un film profond et dépourvu de clichés sur des sujets sensibles : l'intégration et le sentiment d'appartenance à la communauté nationale.
Rachid Hami a été acteur avant de passer à la réalisation - il a notamment joué dans « L'Esquive », d'Abdellatif Kechiche - et cette première vie professionnelle l'a de toute évidence inspiré pour diriger les deux comédiens principaux de « Pour la France » : Shaïn Boumedine (l'acteur de « Mektoub My Love », du même Kechiche) dans la peau d'Aïssa et Karim Leklou (vu notamment dans « BAC Nord », de Cédric Jimenez) dans celle d'Ismaël. La réussite de ce film bouleversant sur deux personnages ennemis des assignations et qui, selon la formule du cinéaste, « refusent de se laisser enfermer dans les réflexes identitaires », doit beaucoup à cet exceptionnel duo d'acteurs.
POUR LA FRANCE
film français
de Rachid Hami.
Avec Karim Leklou, Shaïn Boumedine, Lubna Azabal… 1 h 53.
Olivier De Bruyn
Quelles clés pour s’adapter dans un environnement complexe ?
Comment réagir face aux défis de la transition énergétique ? Comment se positionner dans un environnement économique et politique instable ? Comment exploiter au mieux les opportunités d’innovation dans chaque secteur ? Au quotidien, à travers nos décryptages, enquêtes, chroniques, revues de presses internationales et éditos, nous accompagnons nos abonnés en leur donnant les clés pour s’adapter à un environnement complexe.
Cinéma : « Pour la France », requiem pour un frère mort à Saint-Cyr
Dans ce film lumineux et sans haine en salles ce mercredi, le cinéaste Rachid Hami retrace l’histoire de son jeune frère mort noyé lors d’un exercice militaire absurde en 2012. Une odyssée familiale sur vingt ans, de l’Algérie en proie à l’islamisme aux arcanes de l’armée française.
Dans «Pour la France», le cinéaste Rachid Hami retrace l’histoire de son jeune frère saint-cyrien mort lors d’un «bahutage», un bizutage collectif qui se donne des airs d’opération commando. LP/Delphine Goldsztejn
Par Yves Jaeglé
Le 7 février 2023 à 12h13
Une nuit d’octobre 2012, un jeune saint-cyrien se noie en traversant un étang glacé du Morbihan, alourdi par son équipement militaire, lors d’un exercice stupide de « bahutage » — un bizutage collectif qui se donne des airs d’opération commando — au cours duquel la traversée d’un premier groupe de recrues avait déjà failli se terminer tragiquement. Ce sous-lieutenant s’appelait Jallal Hami, avait échappé gamin à l’
Etudiant noyé à Saint-Cyr : qui est responsable de la mort de Jallal ?
Jallal Hami, élève officier à Saint-Cyr, est décédé dans la nuit du 29 au 30 octobre 2012. DR
2947 jours. Cela fait huit ans que les proches de Jallal Hami, mort noyé, attendent ce procès. « C'est inadmissible! Est-ce pour nous aider à oublier les fautes des responsables et diluer leurs peines? », s'interroge son frère Rachid. Après plusieurs années
Par Solenne Durox, correspondante à Rennes (Ille-et-Vilaine)
Le 23 novembre 2020 à 05h56, modifié le 23 novembre 2020 à 08h05
Dans la deuxième ville d’Ukraine, à 80 kilomètres de la ligne de front, et malgré les bombardements qui se poursuivent, on réfléchit déjà à la reconstruction de la cité historique.
Ce matin, Ina, une femme élégante de 60 ans environ, est venue regarder le ballet des tractopelles qui déblayent les gravats de son immeuble. Immobile, le regard perdu dans la contemplation de leur labeur. De son appartement au huitième étage, cette ancienne ingénieure du bâtiment pouvait voir l’ensemble de la Saltivka, une gigantesque cité-dortoir bâtie par les Soviétiques, au nord-est de Kharkiv. « Tout était vert, répète-t-elle, il y avait des arbres partout. » Aujourd’hui, il ne reste de son appartement qu’un trou béant.
Alors que la guerre ne semble pas vouloir finir, le maire, Ihor Terekhov, envisage de reconstruire les 4 500 maisons et immeubles détruits depuisl’invasion russe. Après tout, le plan pour le développement de Londres n’a-t-il pas été imaginé dès 1943, au milieu des bombardements allemands ? « Moi, je ne veux pas me souvenir de cette catastrophe », confie Ina, qui a vécu trente ans dans ce qu’elle décrit comme le « paradis de Saltivka », avec ses jardins d’enfants et ses supermarchés au pied des barres d’immeubles. C’est ici qu’elle s’est mariée, que ses enfants ont fait leurs premiers pas. Mais un jour de mars 2022, elle a dû fuir précipitamment son logement, en laissant derrière elle ses vêtements, ses photos, toutes les reliques de sa vie quotidienne. Aujourd’hui, devant le cimetière de béton, Ina fait le deuil de ses souvenirs.
Les tranchées creusées pour défendre le nord de la deuxième plus grande ville d’Ukraine se remplissent de détritus, à leur tour recouverts d’un manteau de neige. En septembre dernier, à la surprise du monde entier, les Ukrainiens ont repoussé les Russes, desserrant l’étau qui étranglait Kharkiv. Le front s’est désormais figé à 80 kilomètres du centre-ville. Mais le calme des rues, dont les bruits sont étouffés par les flocons, est trompeur. La nuit, les sirènes retentissent, et parfois une bombe tombe.
Pendant que je refermais la fenêtre de ma chambre, un missile russe a explosé 500 mètres plus loin, tuant un homme dans son appartement. Et le 5 février, deux missiles S-300 sont tombés sur l’université, causant 5 blessés.Alors Kharkiv retient son souffle en attendant l’anniversaire de l’invasion du pays. Il y a quelques jours, Vadim Skibitsky, chef adjoint des services de renseignements ukrainiens, a prévenu qu’une division de chars russes avait été déployée en Biélorussie, peut-être pour lancer un nouvel assaut vers la ville…
Réfugiée dans le sous-sol de l’immense synagogue chorale de Kharkiv, comme une centaine d’autres juifs dont les maisons ont été détruites, Irina, 18 ans, traumatisée, ne sort plus à l’extérieur. Jeune fille pâle, à la longue tresse rousse, elle caresse gravement un petit chat roux comme elle, tenu en laisse. Assise sur le lit double qu’elle partage avec sa mère et sa grand-mère, elle nous raconte sa vie rétrécie de confinement. En deuxième année d’architecture d’intérieur, elle suit ses cours en ligne. Lorsque les coupures d’électricité interrompent les leçons, elle passe le temps en brodant des perles sur des tapisseries. Elle regarde des films d’amour ou policiers sur son portable. Et elle s’est aussi mise à apprendre le coréen : « Mais celui de la Corée du Sud, précise-t-elle en souriant. J’aime tellement la K-pop ! A un moment, j’avais appris l’espagnol parce que je regardais souvent les matchs du Barça, mais ça m’a passé… »
Tous ses amis ont quitté la ville au début de la guerre. Beaucoup sont partis en Israël. La synagogue avait affrété des bus pour Kiev ou Chisinau, capitale de la Moldavie. « Nous avons aidé plus de 4 000 personnes à quitter la ville », m’a annoncé le rabbin Chaïm Levinson en m’accueillant avec le sourire – mais sans me serrer la main, conformément à sa conception « intégrale », pour ne pas dire radicale, de la religion juive. « Notre synagogue est la deuxième plus grande d’Europe, après celle de Budapest », a-t-il ajouté avec fierté, en nous invitant à le suivre pour la visiter.
Construite entre 1909 et 1913, la synagogue combine les styles néo-roman et néo-gothique avec des influences d’architecture islamique : une sorte de vue imaginaire « des immenses murs de l’ancienne Jérusalem ». Immense, la synagogue l’est effectivement : plus de 2 000 mètres carrés contenant un temple, une bibliothèque, des salles d’étude, des logements et un cinéma. Il y eut même voici quelques années, avant que le mouvement hassidique n’en reprenne le contrôle, une salle de kickboxing !
« Toute ma vie je serai de Kharkiv »
Iaroslav, un trentenaire parlant un français élégant, n’a pas quitté d’une semelle lerabbin depuis notre arrivée. Il est là pour aider à organiser la vie des réfugiés. Quand ce travail sera fini, il pense quitter Kharkiv à son tour. « Toute ma vie je serai de Kharkiv, mais j’ai besoin d’un avenir », m’avoue-t-il en fumant une cigarette sur le perron. « Je pense partir m’installer en France, sans doute dans le Marais. Même si j’ai un peu peur : ici, en Ukraine et à Kharkiv, les juifs ne courent aucun danger, tu ne risques rien si tu portes une kippa, ce qui n’est pas le cas en France… Mais je choisirai un bon quartier », précise-t-il en riant.
Le plus ancien bâtiment religieux de Kharkiv, presque aussi ancien que la ville elle-même, est la cathédrale de l’Intercession de la Sainte-Mère de Dieu, dans le monastère de Pokrov. Ce chef-d’œuvre turquoise de l’art baroque slave, dont la construction fut entamée en 1659 par les Cosaques, nécessita trente ans de travaux. Sur l’église d’hiver au rez-de-chaussée s’empilent au premier étage une église d’été, puis trois dômes dorés en forme de bougies. L’ensemble est entouré par un chemin de ronde d’où les défenseurs pouvaient transpercer de flèches leur ennemi. Car dans cette ville frontière, au milieu des vastes plaines incertaines, la cathédrale faisait partie de la forteresse.
Sur les murs, les icônes où coule le sang vermeil des martyrs retrouvent du sens, et s’animent à nouveau sous la prière des fidèles plongés dans la guerre. Comme la prière d’Olga, ancienne professeure de littérature russe, qui aimerait que les massacres s’arrêtent. Elle veut la paix, mais pas une paix qui justifierait l’autodafé des grands auteurs : Pouchkine, Dostoïevski ou son favori, Lermontov. « C’est comme s’amputer d’une partie de soi-même ! Il devrait y avoir une frontière étanche entre la politique et la littérature », soupire la vieille dame qui, aujourd’hui, ne lit plus que les Evangiles.
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C’est bien l’avis de Nestor, le pope du monastère, qui bénit les paroissiens qui s’agenouillent pour lui embrasser la main. Il est ukrainien, assure-t-il avec des yeux qui sont comme un ciel limpide, mais son monastère est encore dépendant du patriarcat de Moscou, contrairement à beaucoup d’autres qui ont tranché tout lien avec la Russie, provoquant un schisme religieux aussi profond que la rupture politique. Alors, que répond-il à ses fidèles qui l’interrogent sur Dieu au moment où cette guerre jette des orthodoxes contre des orthodoxes ? « Tout vient de Dieu. » La même réponse que le rabbin…
Dès la tombée de la nuit, les cafés et les restaurants se remplissent, comme pour conjurer le sort. Gastro bar, wine bar, steak bar, healthy bar où l’on décline les jus d’avocat et de goyave, il y en a pour tous les goûts. Dans la salle de gym qui surplombe l’avenue Nauki, on gravit en cadence les marches des machines de fitness jusqu’au couvre-feu de 23 heures. Quelques passants aux portefeuilles garnis chinent chez l’antiquaire de la rue Sumska, longue artère aux immeubles néoclassiques du XIXe siècle.
Des jeunes font la queue devant le cinéma
Au Toy Samyy Baranets, luxueux restaurant géorgien situé au rez-de-chaussée d’un bâtiment contemporain, les convives dégustent leurs khinkalis (raviolis géorgiens) en profitant de la vue sur l’impressionnante place Svobody – où le palais de l’administration régionale fut frappé par un missile au tout début de l’invasion russe. Au bout de cette place s’élève le complexe Derzhprom, une suite d’immeubles reliés entre eux par des ponts. Un chef-d’œuvre du constructivisme, achevé en 1928, qui reste d’une modernité stupéfiante et une source d’inspiration pour les architectes du monde entier. Dans le multiplexe du Nikolsky Mall, le grand centre commercial qui a récemment rouvert après avoir été bombardé, des jeunes font la queue pour voir « Knock at the Cabin » ou bien « Avatar 2 ». Cette fois la séance sera interrompue par les sirènes, mais ce n’est que partie remise : ils pourront revenir sans repayer, et le film reprendra là où il a été coupé.
Dans le sous-sol du Dublin Pub, une longue salle voûtée tapissée de posters pop, de sous-bocks du monde entier et de quelques pompes rutilantes, des militaires en permission sont attablés, en groupe, ou avec une fiancée à qui ils parlent les yeux dans les yeux en lui tenant la main. Et puis il y a les civils. L’ambiance n’est pas exubérante ; elle n’est pas non plus morose. Il faut bien vivre, même si l’on meurt en masse sur le front à deux heures de route d’ici.
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Maksim Rosenfeld m’y attend, une pinte de Guinness épaisse comme du bitume posée devant lui. Barbe fournie, chevelure dégarnie, ce quadragénaire est rond comme son rire. Maksim est historien de l’art, et surtout amoureux de sa ville. C’est comme ça qu’il se présente : « Je suis un enfant de Kharkiv. » Après deux livres à succès, il a produit plusieurs vidéos sur sa chaîne YouTube. On le voit marcher dans les rues avec un gilet pare-balles, tout en expliquant la valeur patrimoniale des bâtiments détruits par les bombardements russes :
« 68 bâtiments historiques ont été endommagés. Des édifices publics ou des immeubles particuliers, comme la vingtaine de maisons du centre. »
Mais Maksim ne se complaît pas dans la lamentation ; il se projette déjà dans la reconstruction. « Pas après la guerre, me reprend-il, après la victoire ! » Selon lui, si une grande partie des bâtiments doit faire l’objet d’une « rénovation stricte dans le respect des règles de l’Unesco », quelques-uns pourraient bénéficier d’une « réinterprétation à la Viollet-le-Duc », et certains pourraient se voir « doter d’un apport contemporain », qui transformerait le traumatisme en « mémorial ». Il réfléchit : « Comme le Reichstag à Berlin. » C’est ce qu’il préconise pour le palais de l’administration régionale de la place Svobody, ou pour le palais de justice.
Kharkiv, la ville de l’avant-garde
Le patrimoine architectural de Kharkiv est déjà riche de son éclectisme : les styles baroque, classique, Art déco, constructiviste, moderniste se mélangent autant que les façades aux couleurs vives, jaune, vert, bleu, rouge… « Si Lviv est la ville de la fête, Dnipro celle du business, Odessa de la Riviera, Kharkiv est la ville de l’avant-garde », explique Maksim. C’est ici que des architectes comme Alexander Ginzburg et Auguste Perret, ou lesculpteur Ivan Kavaleridze, se sont épanouis. L’historien choisit astucieusement ses exemples : ces trois-là ont étudié à Paris…
Maksim poursuit son raisonnement : « Si Kharkiv est la cité de l’avant-garde, c’est parce qu’elle est une ville frontière. Lors de sa fondation en 1654, elle départageait le khanat tatar du tsarat de Russie. Aujourd’hui, elle ne doit plus seulement être considérée comme la frontière entre l’Ukraine et la Russie, mais comme la frontière entre notre passé et nos projets futurs. » Parmi ceux-ci, Maksim cite celui du célèbre architecte britannique Norman Foster : « Il a proposé un manifeste pour une reconstruction radicale de Kharkiv. Nous lui avons répondu : “Bien sûr, viens !” Des projets avec le MIT et Harvard ont aussi été évoqués. Cela dit, je ne pense pas que nous devrions suivre l’exemple de Beyrouth, qui a fait table rase de son passé après la guerre pour rebâtir une toute nouvelle capitale. Je plaide même pour que nous conservions les immeubles soviétiques, bien qu’ils soient haïs par une partie de la population. Nous devons avant tout réfléchir à la manière dont cette reconstruction rencontrera les besoins réels des gens. »
« Dès que possible, je rentrerai »
Un homme en treillis militaire nous interrompt pour saluer Maksim. Je crois, au milieu du bruit ambiant, entendre le surnom d’« Oier ». Il semble connu à Kharkiv pour être chanteur. Quel style de musique ? Je ne le saurai pas. Il est pressé ; écrit son numéro sur mon carnet ; peut-être parlerons-nous demain. Quand je le recontacte le lendemain, il a encore moins de temps devant lui : il vient d’apprendre que son unité repart à Bakhmout ; il doit finir de préparer son paquetage et faire ses adieux, me dit-il au téléphone.
La ville comptait 1,4 million d’habitants avant l’invasion russe. Elle s’est vidée. Puis, peu à peu, avec l’éloignement du front et des bombardements, les habitants sont revenus. Ils sont de nouveau près de 1,1 million. C’est pour répondre à leurs besoins qu’il faut reconstruire. En sortant du pub, pendant que j’attends mon Uber dont le prix décuple à l’approche du couvre-feu puisque tout le monde rentre au même moment, j’échange quelques mots avec Olena. Elle a 22 ans. Elle est née à Kharkiv mais s’apprête à s’exiler en Irlande. N’est-ce qu’une coïncidence devant la porte de ce bar, qui porte le nom de Dublin ? Elle rit. « Pour l’instant, il n’y a plus d’avenir pour moi, ici. » Mais reviendra-t-elle, un jour ? « Bien sûr ! Je suis de Kharkiv et dans quelques années, dès que possible, je rentrerai pour contribuer au retour à la vie de ma ville. »
Mon chauffeur, Arsenty, conduit un 4x4 BMW blanc dont la lunette arrière a été remplacée par des bandes de Scotch : en mars, un obus russe a explosé en bas de sa rue. Sa femme et son fils se sont réfugiés en Allemagne. Chauffeur, c’est un métier de débrouille. A un carrefour, la police nous arrête ; le contrôle s’éternise ; je m’interroge. Il ne me concerne pas : les policiers vérifient que l’assurance d’Arsenty est en ordre. Comme on veille à ce que les automobilistes continuent de payer leur ticket de stationnement. Dans chaque sphère de la vie sociale comme de la vie publique - (une enquête parlementaire vient d’être lancée pour faits de corruption dans la livraison de matériel militaire), l’Etat tient bon en Ukraine.
Les internautes critiquent l’illustration qui prend à la légère la catastrophe qui a coûté la vie à des milliers de personnes et en a blessé des dizaines de milliers.
Le dessin minimaliste en noir et blanc représente une voiture renversée parmi des bâtiments détruits (Twitter)
Le « dessin du jour » partagé sur son compte Twitter est une caricature du dessinateur Juin montrant un bâtiment endommagé, une voiture renversée et un tas de gravats avec pour légende : « Même pas besoin d’envoyer de chars ! »
Les internautes reprochent au journal de se moquer de la catastrophe, qui a coûté la vie à des milliers de personnes et en a blessé bien d’autres.
Ils estiment que cette illustration est « insensible », « de mauvais goût » et va au-delà du seuil accepté des « blagues intelligentes et de l’humour noir ».
L’éminent imam, Omar Suleiman, du Yaqeen Institute for Islamic Research, a également commenté la publication sur Twitter, affirmant que la caricature « déshumanise » les musulmans en tant que victimes de « à tous points de vue ».
« Des rats d’égout, tous autant que vous êtes »
De nombreux Twittos, y compris des personnalités de la télévision et des influenceurs, ont commencé à inonder le message original d’une contre-image où on voit « Charlie Hebdo » écrit sur un rouleau de papier toilette, dans le même style que le journal.
L’image « Papier toilette Charlie Hebdo » a circulé sur internet après la publication par l’hebdomadaire français de la caricature sur le tremblement de terre en Turquie (Twitter)
« La marque française de papier toilette Charlie Hebdo s’y remet avec son habituel regard “aiguisé” sur l’actualité [sic] », a tweeté quelqu’un.
« Votre siège a connu une tragédie et vous avez inventé un slogan “Je suis Charlie”. Deux pays connaissent une tragédie et vous produisez un gribouillis irrespectueux. Vous êtes des rats d’égout, tous autant que vous êtes. »
D’autres internautes font aussi référence à la campagne « Je suis Charlie » de 2015. Une commentatrice politique turque a tweeté que les Turcs avaient été prompts à soutenir les marches en faveur de la liberté d’expression après l’attentat au siège du magazine à Paris en 2015.
Deux frères, Saïd et Chérif Kouachi, revendiquant agir au nom du groupe islamique al-Qaïda, avaient pénétré de force dans les bureaux de Charlie Hebdo et ouvert le feu, tuant douze personnes et en blessant onze autres.
Traduction : « Plus de 5 000 personnes sont mortes. Beaucoup d’autres attendent sous les décombres, gelés. Des milliers de personnes sont toujours à la recherche de leur famille et de leurs amis. Ma famille fait ses sacs et les cages de transport des chats sont prêtes à partir par crainte d’une autre secousse. Est-ce de l’humour ? de l’art ? Est-ce là l’humanité ? Hypocrites »
Traduction : « La seule source de revenus de ce journal est l’islamophobie. Le jour où il commencera à imprimer des faits, il cessera d’exister. Le revenu des mendiants de rue est plus propre que ce journal. B*t*rds immoraux. »
Certaines personnalités politiques, comme Ibrahim Kalin, porte-parole de la présidence turque, s’en sont également pris à la caricature sur Twitter.
« Barbares modernes ! Étouffez dans votre haine et vos rancunes », a-t-il tweeté.
45 pages de commentaires
Alors que le public turc a largement condamné le dessin, certains ont choisi de l’interpréter alternativement.
Un commentaire sur le réseau social turc Ekşi Sözlük a appelé les lecteurs à se concentrer sur les victimes du tremblement de terre et la réponse à apporter.
« Au lieu de critiquer un magazine, critiquez ce qui s’est passé et ce qui n’est pas fait au sujet du tremblement de terre. Nos concitoyens sont morts, sont en train de mourir et mourront, mais vous allez ouvrir un sujet sur un magazine. Avez-vous l’intention de changer l’ordre du jour, de diriger l’indignation dans une autre direction ? », a commenté un internaute.
Cette plateforme, qui permet aux utilisateurs de publier des commentaires anonymes sur des sujets spécifiques, comptait 45 pages de commentaires sur la page consacrée à la caricature au moment de la publication de cet article.
Le double tremblement de terre, qui s’est produit lundi, a causé d’immenses dégâts, les opérations de sauvetage étant toujours en cours. L’Organisation mondiale de la santé a déclaré que le bilan définitif pourrait atteindre les 20 000 morts.
Par
Ayah El-Khaldi
Published date: Mercredi 8 février 2023 - 13:52 | Last update:53 mins 22 secs ago
Je ne vous demande pas d’être propalestiniens mais au moins d’être objectifs et de cesser de cautionner les crimes de l’occupation israélienne
Un Palestinien pleure la mort de l’une des neuf victimes tuées lors d’un raid israélien sur le camp de réfugiés de Jénine en Cisjordanie le 26 janvier 2023 (AFP/Jaafar Ashtiyeh)
Je vous adresse cette lettre en tant que professeur de français à l’université de Gaza, moi qui enseigne à mes étudiants les principes de la démocratie et de la liberté d’expression, moi le simple citoyen palestinien qui vis le blocus, la souffrance et l’horreur dans cette prison à ciel ouvert qu’est Gaza.
J’ai suivi votre couverture et votre analyse des derniers événements tragiques dans les territoires palestiniens et, comme d’habitude, vous avez recouru avec insistance à des termes qui montrent votre partialité : attaque palestinienne terroriste dans une synagogue à Jérusalem, escalade des violences dans la région, violence sans précédent, missiles palestiniens, réponse de l’armée israélienne, partie annexée de Jérusalem, représailles, etc., autant d’expressions qui montrent que vous êtes globalement alignés sur le récit israélien.
Sans prononcer un seul mot sur le massacre israélien à Jénine la veille qui a fait neuf morts palestiniens dont deux enfants et une femme âgée ainsi que des dizaines de blessés, sans oublier la destruction de cinq maisons et un club social et sportif dans cette ville de Cisjordanie occupée souvent attaquée par les soldats israéliens, ni sur les quinze raids israéliens sur la bande de Gaza le même jour avec des bombardements intensifs qui ont horrifié la population civile vers 3 heures du matin, ni des mesures atroces de l’occupation israélienne contre les civils palestiniens au quotidien.
Une réalité que personne ne pourra cacher
De plus, pendant ces événements, vous n’avez pas donné l’occasion aux Palestiniens ou aux sympathisants français de la cause palestinienne de s’exprimer sur cette situation, au contraire, vous avez donné la parole aux proches de la partie israélienne, et parfois au porte-parole officiel de l’armée israélienne ou du gouvernement israélien.
Vous avez oublié que l’attentat s’est déroulé dans une colonie israélienne illégale au regard du droit international.
En vous enfermant dans cette politique de soutien inconditionnel à une occupation illégale, vous participez au maintien d’une situation aussi injuste qu’explosive
Permettez-moi de vous dire qu’en vous enfermant dans cette politique de soutien inconditionnel à une occupation illégale, vous participez au maintien d’une situation aussi injuste qu’explosive. Car, vous le savez, le nouveau gouvernement israélien d’extrême droite a un projet : annexer les terres de Cisjordanie qu’il n’a pas encore colonisées, chasser un maximum de Palestiniens, y compris en les tuant.
Dans les territoires palestiniens occupés, il y a une réalité que personne ne pourra cacher, il y a une occupation qui opprime et assassine les civils palestiniens, il y a des colonies illégales installées dans des territoires reconnus occupés par les Nations unies, il y a la démolition des maisons palestiniennes à Jérusalem et en Cisjordanie occupées, des colons israéliens qui détruisent des tentes de bédouins dans la vallée du Jourdain, des soldats israéliens qui détruisent des villages construits avec l’argent de la France et de l’Europe, des incursions militaires dans des villes palestiniennes autonomes, des colons qui déracinent des oliviers appartenant aux Palestiniens.
Il y a des exactions de l’armée d’occupation et des colons israéliens tous les jours dans tous les territoires palestiniens sans aucune réaction de vos antennes.
Depuis le début de cette année, 35 Palestiniens ont été assassinés en Cisjordanie occupée par des colons et soldats israéliens. Et en 2022, ce sont au moins 220 Palestiniens qui ont été assassinés par des soldats ou civils israéliens.
Arrestations arbitraires de jeunes et d’enfants, barrages et check-points qui rendent la vie de tout un peuple très compliquée.
Un harcèlement systématique.
Les provocations incessantes sur l’esplanade de la mosquée al-Aqsa par des ministres israéliens et des colons avec la protection de l’armée israélienne, sans réactions de votre part.
Une couverture médiatique biaisée
En tant que professeur de français à l’université de Gaza, comment puis-je justifier cela devant mes étudiants qui me disent toujours que les médias français ont pris le parti des Israéliens ?
Vous négligez l’existence d’un large mouvement de solidarité avec le peuple palestinien et sa juste cause en France, notamment le peuple français et ses diverses associations.
Israël-Palestine : glossaire des termes problématiques utilisés par les médias
Vous n’utilisez jamais le mot « apartheid » ; or des organisations internationales comme Amnesty International ont qualifié le gouvernement israélien de régime d’apartheid et les crimes commis par l’occupation de crimes de guerre.
Les prisonniers palestiniens, vous n’en parlez jamais, ce sont 5 000 prisonniers politiques toujours détenus dans les geôles israéliennes dans des conditions très difficiles, parmi eux des personnes âgées et malades qui sont derrière les barreaux depuis plus de 30 ans, parmi eux des enfants et des femmes.
Même l’avocat franco-palestinien Salah Hamouri, qui a passé des années en détention administrative illégale dans différentes prisons israéliennes, et qui a été expulsé fin 2022 de sa ville natale de Jérusalem vers la France, vous n’osez pas l’inviter pour parler de sa souffrance et de celle de ces prisonniers.
Le blocus de Gaza dure depuis plus de seize ans, mais vous parlez de la bande de Gaza uniquement quand il y a des roquettes lancées par la résistance.
Tout cela, vous ne pouvez pas l’ignorer.
Le temps n’est-il pas venu d’évoquer la réalité telle qu’elle est ?
Il y a des exactions de l’armée d’occupation et des colons israéliens tous les jours dans tous les territoires palestiniens sans aucune réaction de vos antennes
Heureusement qu’il existe des médias alternatifs, les réseaux sociaux qui informent les citoyens sur la situation actuelle dans les territoires palestiniens occupés en toute objectivité.
Je ne vous demande pas d’être propalestiniens mais au moins d’être objectifs.
Nous sommes pour une paix juste et durable, une paix qui passera avant tout par l’application des décisions internationales et par la création d’un État palestinien libre et indépendant.
Je terminerai ma lettre par ces mots :
Tous les citoyens du monde, de toutes origines, attachés au respect des droits de l’homme, du droit international et de la justice dénoncent sans relâche l’occupation des territoires palestiniens qui perdure depuis des décennies et qui menace gravement la paix dans le monde.
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.
Ziad Medoukh est un professeur de français, écrivain et poète palestinien d’expression française. Titulaire d’un doctorat en sciences du langage de l’Université de Paris VIII, il est responsable du département de français de l’Université al-Aqsa de Gaza et coordinateur du Centre de la paix de cette université. Il est l’auteur de nombreuses publications concernant la Palestine, et la bande de Gaza en particulier, ainsi que la non-violence comme forme de résistance. Il a notamment publié en 2012 Gaza, Terre des oubliés, Terre des vivants, un recueil de poésies sur sa ville natale et son amour de la patrie. Ziad Medoukh a été fait chevalier de l’ordre des Palmes académiques de la République française en 2011. Il est le premier citoyen palestinien à obtenir cette distinction. En 2014, Ziad Medoukh a été nommé ambassadeur par le Cercle universel des ambassadeurs de la paix. Il a remporté le premier prix du concours Europoésie en 2014 et le prix de la poésie francophone pour ses œuvres poétiques en 2015.
Ziad Medoukh
Mardi 31 janvier 2023 - 10:03 | Last update:1 week 1 day ago
Amira Bouraoui à sa libération de prison, près de Tipasa, à l'ouest d'Alger, le 2 juillet 2020. RYAD KRAMDI / AFP
La militante franco-algérienne avait été interpellée par Tunis à l'aéroport alors qu'elle souhaitait embarquer pour la France.
La militante politique et journaliste franco-algérienne Amira Bouraoui, arrêtée en Tunisie et en passe d'être expulsée vers l'Algérie, se trouve désormais «sous la protection des autorités françaises», a déclaré son avocat français François Zimeray à l'AFP. Elle est «libre et en bonne santé», s'est de son côté réjoui son avocat tunisien, Hashem Badra, également interrogé par l'AFP.
Me Zimeray s'est aussi «félicité de la mobilisation des autorités françaises» pour sa cliente, qui faisait l'objet d'une interdiction de sortie du territoire et risquait de devoir purger une peine de deux ans de prison en Algérie.
Interpellation à l'aéroport
Arrivée en Tunisie vendredi 3 février, elle avait été «interpellée alors qu'elle cherchait à embarquer avec son passeport français sur un vol pour la France», avait indiqué quelques heures plus tôt Me Badra. Cette médecin de formation de 46 ans avait ensuite été placée en détention provisoire jusqu'à sa comparution devant une juge ce lundi, qui avait décidé sa remise en liberté, en ajournant son dossier au 23 février, avait-il précisé.
Malgré cela, elle avait toutefois été emmenée à un poste de la police des frontières à Tunis en vue d'«être expulsée vers Alger» lundi soir, avait regretté l'avocat tunisien, racontant l'avoir vue «pleurer» «dans une cage en verre». Contacté par l'AFP, le ministère tunisien de l'Intérieur n'était pas en mesure de confirmer ni d'infirmer ces informations.
Plainte pour enlèvement-séquestration
«Ma cliente a fait l'objet d'une tentative d'enlèvement et de séquestration de la part de certaines autorités dépositaires de la force publique en Tunisie, à la demande des autorités algériennes», avait précédemment dénoncé François Zimeray, ancien ambassadeur de France au Danemark. «J'ai fait savoir cet après-midi que je n'hésiterais pas à déposer une plainte au parquet de Paris pour enlèvement-séquestration si elle n'était pas immédiatement libérée sachant que, en droit français, la détention arbitraire commise par un agent dépositaire de la force publique est un crime. Et que lorsque ce crime est commis à l'étranger sur un citoyen français, les tribunaux français sont compétents», avait-il menacé.
Selon une responsable du bureau de l'ONG Human Rights Watch à Tunis qui a été saisi de l'affaire, il ne fallait «en aucun cas» renvoyer Amira Bouraoui «vers un pays où elle a été emprisonnée et fait l'objet d'une série de poursuites pour son militantisme pacifique et ses opinions». Le site du média algérien Radio M où elle animait depuis septembre une émission politique, avait également fait état de l'arrestation d'Amira Bouraoui par la police des frontières en Tunisie, et de son «extradition» prévue lundi 6 février au soir vers l'Algérie.
«Connue depuis son engagement dans le mouvement 'Barakat' en 2014 qui a mené une campagne contre le quatrième mandat du président défunt, Abdelaziz Bouteflika, elle a tenté plusieurs fois de quitter le territoire national ces derniers mois pour rendre visite à son fils établi en France, mais en vain», selon le site. Amira Bouraoui avait été emprisonnée courant 2020 pour plusieurs chefs d'inculpation. Elle a été libérée en juillet 2020. Elle est sous le coup d'une condamnation à deux ans de prison ferme pour «offense» à l'islam pour des propos tenus sur sa page Facebook.
Les violents tremblements de terre de lundi ont causé la mort de plus de 5 000 personnes, des dizaines de milliers de blessés et des destructions immenses dans le sud-est de la Turquie et le nord de la Syrie.
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De part et d’autre de la frontière qui sépare la Turquie et la Syrie sur plusieurs centaines de kilomètres, partout ce sont les mêmes scènes d’effroi, de peur, d’inquiétude sourde et de colère. Vingt heures après le séisme de magnitude 7,8 survenu lundi 6 février, à 4 h 17 du matin, dans le district de Pazarcik, situé à une soixantaine de kilomètres de la frontière syrienne, près la grande ville de Gaziantep, des dizaines de milliers de personnes continuaient d’errer sur le bord des routes, ou de ce qu’il en reste, à la recherche d’abris ou d’aide.
Le bilan provisoire est passé mardi à 3 419 morts en Turquie, selon l’organisme gouvernemental de gestion des catastrophes (Afad). Il s’agit du séisme le plus meurtrier depuis 1999, quand une violente secousse avait dévasté la partie orientale de la mer de Marmara, près d’Istanbul, tuant plus de 17 000 personnes.
Au pied des décombres, à Hatay, en Turquie, le 6 février 2023. BULENT KILIC / AFP
La secousse a été ressentie dans toute la région, causant d’immenses destructions dans dix provinces du sud-est – Kahramanmaras, Adiyaman, Diyarbakir, Sanliurfa, Gaziantep, Kilis, Osmaniye, Malatya, Adana et Hatay. Des répliques ont suivi, une quarantaine au total, dont une particulièrement forte (7,5), survenue en début d’après midi, à 13 h 24, heure locale. Des milliers d’immeubles supplémentaires, qui avaient semblé résister à la première onde de choc, se sont effondrés.
Tard dans la soirée, les secours n’étaient toujours pas arrivés à Kahramanmaras, considérée comme l’épicentre du premier séisme, où des centaines de maisons ont été détruites. Près de dix-huit heures après le séisme, ni les équipes de recherches et de sauvetage ni l’approvisionnement en nourriture n’avaient atteint la zone.
Maisons aplaties
Ailleurs, les mêmes scènes se répètent. L’ampleur et l’étendue des dégâts sont saisissantes. Des kilomètres de routes sans lumière, des milliers de maisons aplaties ou simplement renversées. L’asphalte déchiré ici et là, telle une vulgaire feuille de papier. Partout, des coulées de boue, de pierres ou de terre sur la chaussée et les habitations. Les poteaux électriques sont couchés sur les bas-côtés comme de simples crayons posés sur le coin d’une table. Certains sont pliés en deux ou pulvérisés.
Un homme recherche des personnes dans un bâtiment détruit, à Adana, en Turquie, lundi 6 février 2023. KHALIL HAMRA / AP
C’est à Hatay que le séisme a frappé le plus durement, avec 502 morts, selon le décompte – provisoire – de lundi soir. A Diyarbakir, 309 décès ont été dénombrés, et 205 à Osmaniye.
Au bord de la route, à l’entrée de la ville, une maison comme tant d’autres semble coulée dans le sol tel un bateau dans l’océan. Ils sont une dizaine à tourner autour, appeler, crier, en vain. Sous les décombres se trouve Remzi Saldiray, 63 ans. Père de famille, il a réussi à sortir tout le monde de la demeure. Sa mère, les enfants, les cousins, sauf lui. Il ne répond plus depuis quelques heures. Son frère fixe les débris, les mains au ciel. Il appelle Dieu à l’aide, et pleure. « Personne n’est venu depuis ce matin, personne… », répète-t-il.
Et puis, le long de la route, il y a ces villages fantômes, vidés de leurs habitants par peur des répliques. Ils sont tout près, dans leur voiture, à quelques mètres seulement, pour garder un œil sur leurs affaires. Parfois un peu plus loin aussi, autour d’un éventuel spot de téléphone où la réception fonctionne par moments.
Partout sur le bas-côté s’agglutinent des grappes de voitures aux vitres fermées et embuées de l’intérieur. « Impossible de revenir dormir chez nous », dit Ali, installé avec sa femme à l’avant de leur véhicule. Son frère est concessionnaire. Il a donné toutes les clés aux gens du quartier pour qu’ils dorment dans ses véhicules.
Un îlot de vie
Des habitants récupèrent un homme blessé, dans la campagne de la ville d’Afrin, au nord-ouest de la Syrie, dans la partie de la province d’Alep tenue par les rebelles, le 6 février 2023. RAMI AL SAYED / AFP
Au bout de la route, à Samandag, lointaine banlieue balnéaire d’Antakya (Antioche) – ses 122 000 habitants – comme l’indique un panneau de bienvenue – et ses plages, le séisme a réduit au silence l’intégralité de la ville. Deux maisons sur trois au moins sont gravement endommagées. Les voitures sont écrasées, les magasins soufflés. Il n’y a personne dans ce qu’il reste des rues. Les files de voitures sont plus loin, en hauteur. « On nous a parlé d’un risque de tsunami et d’une troisième réplique violente pour dans quelques heures », explique Ali, trentenaire, assis dans son véhicule.
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La station Shell du centre-ville est le seul endroit où les rescapés se retrouvent. Un générateur permet d’éclairer et de remplir les réservoirs d’essence : un îlot de vie dans une mer de désolation. Tout autour, les maisons sont effondrées. C’est un champ de ruines sur des centaines de mètres, comme si la cité avait été bombardée de l’intérieur, par le sol. Ici une famille de dix personnes, partie d’un trait. Là, la sœur d’Hasan, vieil homme en pleurs, « On a dû essayer de sortir nous-mêmes les gens à la main, mais c’est impossible », lâche-t-il.
A l’intérieur de la station, on vide les quelques rares étagères encore fournies. On se réchauffe comme on peut sous une couverture partagée. « On n’a rien à manger, ni à boire », dit un jeune, la voix basse. Les regards sont tristes et graves. « On a appelé au début et puis rien. On a emmené un bébé à l’hôpital qui est à 5 kilomètres d’ici et c’est tout. Oui, bien sûr qu’on attend qu’ils viennent ! », lâche Yelda, 32 ans, native de la ville.
Des agents de la protection civile et des habitants cherchent dans les décombres de bâtiments effondrés dans la ville de Harem, près de la frontière turque, dans la province d’Idlib, en Syrie, lundi 6 février 2023. GHAITH ALSAYED / AP
Elle tend le doigt vers la droite : « Il y a un couple juste derrière, le mari est mort et la femme toujours vivante, mais sous les graviers aux côtés du corps de son mari. » Elle dit attendre, avec les autres présents dans la station d’essence, mais elle a perdu espoir. « On entend les gens crier, mais on ne peut rien faire. En fait, on attend qu’ils meurent », conclut-elle.
Près de vingt-deux heures après le séisme, aucun secours n’était encore arrivé à Samandag. Les seuls, selon l’affirmation d’un médecin de l’hôpital du cru, sont les ambulances des urgences et dix pompiers de la caserne. Personne d’autre.
Comme une malédiction
En Syrie, ce sont les mêmes scènes de désolation. Plus de 1 600 morts sont à déplorer, dont environ la moitié dans la région d’Idlib, dans le nord-ouest, selon le bilan fourni par les secouristes du bastion anti-Assad, et l’autre dans les villes d’Alep, ainsi que de Hama (centre), Tartous et Lattaquié (sur la côte), selon les chiffres du ministère de la santé syrien. La lenteur des opérations et le caractère parcellaire des informations font redouter un bilan plus lourd encore.
Quand l’horreur s’arrêtera-t-elle ? Dans ce pays dévasté par la guerre, le séisme apparaît comme une malédiction, un coup de plus sur une population exsangue, devenue en majorité dépendante de l’aide humanitaire pour survivre. Dans le froid et la pluie, des scènes jumelles de chaos et de douleur se sont déroulées sur des territoires adverses. Dans la région rebelle d’Idlib, dans la ville sous contrôle gouvernemental d’Alep, l’urgence est la même, retrouver les survivants, identifier et offrir une sépulture aux morts.
Un survivant se tient devant un bâtiment effondré, dans la ville de Jandaris, dans la campagne de la ville d’Afrin, au nord-ouest de la Syrie, dans la partie de la province d’Alep tenue par les rebelles, le 6 février 2023. RAMI AL SAYED / AFP
Les moyens des secouristes sont limités pour retirer les vivants et les morts des décombres. Dans la zone contrôlée par le régime, des bulldozers sont utilisés. Des pans entiers d’immeubles se sont effondrés en zones urbaines, et des familles entières sont parfois portées disparues.
Dans l’enclave d’Idlib, la situation est un « désastre », rapportaient lundi les secouristes locaux de la défense civile, les casques blancs, confrontés à l’une de leurs missions les plus difficiles. Dès le matin, des hôpitaux ont été débordés. Le séisme a suscité des scènes de panique, les habitants sortant à la hâte de leur immeuble.
L’immeuble où vivait Oussama Abdelhamid, un habitant du village syrien d’Azmarin, frontalier de la Turquie, s’est effondré à la seconde où celui-ci franchissait la porte de l’appartement avec sa femme et ses enfants, tel qu’il l’a rapporté de son lit d’hôpital à l’agence Associated Press. Tous les voisins de leur immeuble sont morts.
Dans cette région, restée la cible régulière ces derniers mois des bombardements des forces pro-régime, et où vivent quatre millions de déplacés originaires d’autres provinces, des camps entiers ont été balayés, plongeant des familles entières dans le dénuement.
Transporter les cadavres
En zone gouvernementale, le Croissant-Rouge syrien a été chargé d’extraire les survivants et de transporter les cadavres. A Alep, la peur restait dévorante lundi. Des immeubles se sont écroulés comme des châteaux de cartes. « On l’a échappé belle. Notre maison est encore debout », se félicite, groggy, Jamal, un jeune homme dont l’adolescence a été rythmée par la guerre dans la seconde ville de Syrie, coupée par les combats entre armée et rebelles de 2012 à 2016.
« Mais on sent que tout est dangereux autour de nous, on s’inquiète pour la suite : va-t-il y avoir de nouvelles secousses ? dit-il. Les gens sont restés dehors dans les rues ce lundi, de peur que leur maison ne s’effondre. » L’ambiance y était pourtant glaciale, avec une pluie sans fin.
Des habitants sont restés dans les grands jardins publics d’Alep. Des abris improvisés ont ouvert : plus de mille personnes – des sinistrés ayant perdu leur domicile – ont passé la nuit de lundi à mardi dans des églises de la ville.
Des habitants sortent une fillette blessée des les décombres, dans la ville de Jandaris, dans la campagne de la ville d’Afrin, au nord-ouest de la Syrie, dans la partie de la province d’Alep tenue par les rebelles, le 6 février 2023. RAMI AL SAYED / AFP
« On a pu servir un repas, mais on n’a pas pu distribuer de couvertures. Il est impossible d’en trouver à Alep au milieu des destructions », explique Safir Salim, directeur local du Hope center (centre Espoir), une association locale chrétienne. Il attend des envois en provenance du Liban dès ce mardi. « Tout le monde a peur », ajoute-t-il, avant que la ligne ne coupe : les liaisons sont difficiles, les connexions mauvaises.
Le séisme a emporté, entre autres, des habitations vétustes, construites sans fondations solides et dépourvues de normes de construction antisismiques, ou déjà partiellement détruites par les bombardements. L’habitat n’a pas été réhabilité, sans parler même de reconstruction. La catastrophe se produit dans un pays où les services se sont effondrés : à Idlib, des centres de santé ont été frappés par l’aviation russe ou syrienne à répétition au cours de la dernière décennie. En zone gouvernementale, des médecins ont fait leurs valises depuis longtemps et l’équipement des hôpitaux s’est largement dégradé.
Un quotidien déjà très dur
Le tremblement de terre se greffe sur un quotidien très dur pour les Syriens. Dans la zone sous contrôle du régime, où vit la majorité de la population, l’économie est étranglée, sous le coup de la débâcle libanaise voisine, des sanctions américaines (Washington interdit toute transaction d’un tiers avec le régime), de la corruption… Les approvisionnements en pétrole par Téhéran, pilier, avec Moscou, du régime, ont chuté.
Des personnes recherchent des victimes sur le site d’un bâtiment effondré après un tremblement de terre dans le district d’Iskenderun à Hatay, en Turquie, le 7 février 2023. ERDEM SAHIN / EPA/MAXPPP
Faute de moyens de chauffage, les Syriens brûlent de nouveau cet hiver tout ce qui leur passe sous la main – plastique, tissus, coques de pistache… – pour résister au froid. « Avant le séisme, la Syrie traversait la pire crise humanitaire que le pays ait connue depuis le début du conflit », explique Bahia Zrikem, chargée des programmes Syrie du Norwegian Refugee Council (NRC), une ONG présente dans les zones rebelles et gouvernementales. Avec la difficulté de la population à se nourrir ou à accéder à des services de base, « nous constations l’augmentation de pratiques de survie, comme le travail des enfants », ajoute-t-elle.
La réponse humanitaire internationale va se faire, par des partenaires locaux, sur un territoire fractionné entre diverses forces politiques (le groupe islamiste radical Hayat Tahrir Al-Sham dans la province d’Idlib, les rebelles pro-Turcs autour d’Alep, le régime en zone loyaliste…). « On est encore pour l’instant au stade de la recherche des disparus, prévient Louise Bichet, responsable Moyen-Orient chez Médecins du Monde France, antenne active en zone rebelle et gouvernementale. Il va falloir compter les structures de santé encore debout et sécurisées pour les patients et le personnel, comprendre par quelle voie le matériel nécessaire va pouvoir être acheminé… »
Detresse des habitants de Kahramanmaras, en Turquie, le 7 février 2023. ILYAS AKENGIN / AFP
La diaspora syrienne, qui a laissé éclater son émotion face à l’ampleur du drame, a lancé dès lundi des levées de fonds et des collectes sur les réseaux sociaux. Des secouristes libanais de la Croix-Rouge sont partis prêter main-forte dans la Syrie voisine.
Malgré son angoisse d’une réplique, Jamal, le jeune homme d’Alep qui vient tout juste d’être père, n’envisageait pas d’évacuer temporairement la ville avec sa femme et son enfant. « Nous n’avons pas de moyen de transport. Et où irions-nous ? Nous n’avons nulle part où aller. »
Par Nicolas Bourcier (Adana, Hatay, Samandag (Turquie), envoyé spécial), Marie Jégo and Laure Stephan (Beyrouth, correspondance)
Publié aujourd’hui à 10h35, mis à jour à 12h17https://www.lemonde.fr/international/article/2023/02/07/seisme-en-turquie-et-en-syrie-on-entend-les-gens-crier-mais-on-ne-peut-rien-faire_6160837_3210.html.
Les bilans des victimes n’ont cessé de s’alourdir et devraient augmenter au fur et à mesure des recherches. L’Organisation mondiale de la santé a dit redouter « des bilans huit fois plus élevés que les nombres initiaux »
L’aide internationale doit arriver ce mardi 7 février en Turquie et dans le nord de la Syrie où la course contre la montre et le froid se poursuit pour extirper des survivants des violents séismes qui ont ravagé la région la veille.
Selon le dernier bilan officiel, qui risque de s’alourdir, près de vingt heures après la première des trois secousses, d’une magnitude de 7,8 ressentie jusqu’au Liban, à Chypre et dans le nord de l’Irak, plus de 5 000 personnes ont trouvé la mort.
Les secours se sont acharnés dans le froid, sous la pluie battante ou la neige, parfois à mains nues, pour sauver chaque vie qui pouvait l’être, comme cette enfant de 7 ans sortie des ruines à Hatay (sud), à la frontière syrienne, sous les yeux de l’AFP, après plus de vingt heures de terreur, le pyjama maculé de poussière. « Où est ma maman ? », a-t-elle demandé au secouriste qui la tenait dans les bras.
Le mauvais temps qui plane sur l’Anatolie complique la tâche des secours et rend le sort des rescapés plus amer encore, grelottant sous des tentes ou autour de braseros improvisés.
Traduction : « Un enfant sauvé des décombres et une famille coincée au troisième étage de leur maison après l’effondrement de certaines parties, à Afrin, dans le nord de la campagne d’Alep, après minuit la nuit dernière. »
L’aide internationale à la Turquie doit commencer à arriver mardi avec les premières équipes de secouristes, de France et du Qatar notamment.
Le président américain Joe Biden a promis à son homologue Recep Tayyip Erdoğan « toute l’aide nécessaire, quelle qu’elle soit ».
Traduction : « La réponse de la protection civile européenne à la Turquie : 17 pays européens ensemble avec la Turquie et la Syrie ont offert 25 équipes de recherches et de sauvetages et 2 équipes médicales d’urgence. 1 155 sauveteurs et 72 chiens de recherche se dirigent vers la Turquie. Les premières équipes sont arrivées hier. »
Les Français envisageaient de se rendre en particulier à Kahramanmaraş, épicentre du premier séisme, région difficile d’accès et profondément meurtrie ensevelie sous la neige.
Deux détachements américains de 79 secouristes chacun se préparaient lundi à se rendre sur place, selon la Maison-Blanche.
La Chine a annoncé mardi l’envoi d’une aide de 5,9 millions de dollars, incluant des secouristes spécialisés en milieu urbain, des équipes médicales et du matériel d’urgence, selon un média d’État à Beijing.
Selon le président turc, 45 pays ont proposé leur aide.
Évasion de prisonniers de l’EI
En revanche en Syrie, l’appel lancé par les autorités de Damas a été surtout entendu par son allié russe, promettant des équipes de secours « dans les prochaines heures », alors que selon l’armée, plus de 300 militaires russes sont déjà sur les lieux pour aider les secours.
L’ONU a également réagi, mais en insistant que l’aide fournie irait « à tous les Syriens sur tout le territoire », dont une partie n’est pas sous le contrôle du gouvernement.
EN IMAGES : La course contre la montre des sauveteurs en Syrie et en Turquie
Dans ces zones tenues par les rebelles, frontalières de la Turquie au nord-ouest de la Syrie, au moins 700 morts ont été dénombrés.
Profitant du chaos créé par le tremblement de terre, une vingtaine de combattants présumés du groupe État islamique (EI) se sont évadés d’une prison militaire à Rajo, contrôlée par des rebelles pro-turcs.
Les bilans de part et d’autre de la frontière n’ont cessé de s’alourdir et compte tenu de l’amplitude des dégâts, ils devraient augmenter au fur et à mesure des recherches.
Rien qu’en Turquie, les autorités ont dénombré près de 5 000 immeubles effondrés. Et la chute radicale des températures fait courir un risque supplémentaire d’hypothermie aux blessés, coincés dans les ruines.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a dit elle-même s’attendre au pire et redouter « des bilans huit fois plus élevés que les nombres initiaux ».
Dans la journée de lundi, pas moins de 185 répliques ont été enregistrées, consécutives aux deux premières secousses : l’une de 7,8 survenue en pleine nuit (4 h 17 locales), l’autre, de magnitude 7,5, à la mi-journée, les deux dans le sud-est de la Turquie.
Le mauvais temps qui plane sur l’Anatolie complique la tâche des secours et rend le sort des rescapés plus amer encore, grelottant sous des tentes ou autour de braseros improvisés (AFP/Bulent Kilic)
Plusieurs répliques ont été enregistrées dans la nuit, mardi avant l’aube. La plus forte, de magnitude 5,5, a été enregistrée à 6 h 13 locales à 9 km au sud-est de Gölbaşi (sud).
Des dortoirs ont été ouverts par les autorités locales dans les gymnases ou les collèges ou même dans les mosquées afin d’héberger les rescapés. Mais par crainte de nouveaux séismes, nombre d’habitants ont préféré passer la nuit dehors, comme à Şanlıurfa, dans le sud-est turc.
« Qui n’a pas peur ? Tout le monde a peur ! », assurait Mustafa Koyuncu, 55 ans, entassé avec sa femme et ses cinq enfants dans la voiture familiale.
Ce séisme est le plus important en Turquie depuis le tremblement de terre du 17 août 1999, qui avait causé la mort de 17 000 personnes, dont un millier à Istanbul.
Le chef de l’État turc a décrété un deuil national de sept jours et la fermeture des écoles pour la semaine.
C'était la guerre d'Algérie S1 E2 : L'insurrection (1954-1955)
Dans cet après-guerre, malgré Sétif et sa répression, rien n'a changé en Algérie. Même si certains musulmans, comme Ferhat Abbas, croient toujours en la France et ses promesses d'égalité et de liberté. En 1947, un statut de l'Algérie plutôt "libéral" est voté par l'Assemblée algérienne. Il soulève bien des espoirs. Mais pour le parti des "grands colons", il y a le feu. Il faut bloquer ce dangereux statut. Alors, les autorités françaises vont organiser une élection truquée : le bourrage des urnes est massif et systématique dans toute l'Algérie. Six ans avant le début de cette guerre, le modéré Ferhat Abbas tire alors la sonnette d'alarme. Lui qui croyait encore en la France et ses promesses se sent trahi. Au même moment, les jeunes du parti de Messali, le rival de Ferhat Abbas, créent une branche clandestine, l'Organisation Spéciale.
C'était la guerre d'Algérie S1 E3 : La "sale guerre" (1956-1957)
Début 1956, la guerre dure depuis deux ans, même si tout le monde feint de l'ignorer. Avec les pouvoirs spéciaux votés par l'Assemblée nationale, Guy Mollet envoie le contingent en Algérie. Dans les années qui suivent, un million et demi de jeunes Français, des appelés venus de métropole, débarquent pour un service militaire porté à 30 mois. Une génération entière va découvrir la guerre. Marquée par de terribles attentats, l'année 1956 voit s'affronter différents fronts. Les ultras radicaux de l'Algérie française, soutenus par certains militaires, cherchent à faire pression sur la population et le gouvernement. Tandis qu'en réaction à la guerre contre-révolutionnaire menée par l'armée française, le "FLN des débuts" va se structurer, éliminer ses rivaux, étendre son influence
C'était la guerre d'Algérie S1 E4 : 1957
la bataille d'Alger
En 1957, plus de 200 000 soldats, jeunes appelés du contingent, débarquent pour prêter main-forte à l'armée qui se bat dans les djebels, contre le Front de libération national algérien, le FLN. Bientôt, ils seront un million cinq cent mille, venus des quatre coins de la France, à participer à " cette guerre sans nom " qui est devenue une " sale guerre " où l'armée, les paras et la Légion traquent les maquisards du FLN. En 1957, dans les deux camps, les durs vont l'emporter. L'armée française d'une part qui va imposer ses vues à un pouvoir politique en perdition. Et, côté algérien, la montée en puissance du FLN, qui se structure, s'impose face à ses rivaux, et va inaugurer une nouvelle stratégie, un nouveau front : porter la terreur dans les villes et d'abord à Alger. Ce sera la bataille d'Alger.
C'était la guerre d'Algérie S1 E5 :
Vers l'indépendance (1959-1962)
C'est le vrai-faux coup d'Etat du 13 mai à Alger qui ramène de Gaulle au pouvoir, après douze années de traversée du désert. Il est l'homme providentiel pour les "pieds-noirs" et l'armée. Mais, très vite, des doutes s'installent chez ceux qui l'ont porté au pouvoir. Où va-t-il, ce de Gaulle de 1958 ? Où conduit-il l'Algérie ? Pense-t-il déjà à l'indépendance ? Ou seulement, comme on le dit, à quelques réformes profondes pour donner à l'Algérie un statut d'autonomie ? De 1958 à 1959, de Gaulle va tenter de trouver son chemin vers l'orient compliqué de l'Algérie. Il lance l'ambitieux Plan de Constantine, pour développer économiquement le pays et lier son destin à celui de la France. Il jure "Jamais, moi vivant, le drapeau du FLN ne flottera sur Alger", et il poursuit la guerre militaire avec plus de force encore que ses prédécesseurs.
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