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Rédigé le 18/05/2012 à 14:03 dans Les ruines, Tourisme | Lien permanent | Commentaires (0)
A L'AVENTURE! — AUTHENTICITÉ ET MAJESTÉ DES THERMES.
— EFFET PITTORESQUE.
Vers 1900
« Ne ferez-vous point votre sieste ? » me dit le
Nemrod en tirant sa montre. C'était l'heure propice,
et la fatigue du voyage semblait devoir m'y
convier; mais le moyen de rentrer, de s'enfermer,
de dormir, quand tant d'objets nouveaux
m'appelaient, m'attiraient dehors ! Prenant donc
sous mon bras l'album et le pliant, qui ne m'ont
plus quitté durant tout mon séjour, je m'élançai
dans la campagne.
J'étais seul ; ainsi l'avais-je voulu, déclinant
l'offre de guides dont l'expérience m'eût sans
doute fait connaître en peu d'heures ce qui me
demanda des semaines d'exploration et d'étude ;
mais quel bonheur aussi d'aller à sa fantaisie,
sans indication, sans itinéraire, et de s'imaginer
un peu (l'illusion est si facile!) avoir découvert
Berbrugger et les Mac Carthy ont déjà, depuis
plus de vingt ans sans doute, signalé l'existence
et relevé les plans. L'attention d'ailleurs a, comme
l'estomac, ses caprices; elle ne s'assimile bien que
les aliments de son choix et pris à une heure
opportune. Voir mal à propos, c'est mal voir.
Autant vaudrait s'abstenir.
Point de stations imposées, point d'admiration
de commande; je ne m'arrêtais qu'aux lieux d'un
intérêt en rapport avec mes goûts, avec mes connaissances,
et là, tout yeux, ému, transporté, je
scrutais, analysais, commentais, j'osais même parfois
conclure, et le soir, dans le salon hospitalier
de la villa Trémaux, l'avis suprême de l'archéologue
ou consacrait ou condamnait les théories
hasardées le matin. Qu'il se sentait heureux, le
profane, lorsque d'aventure il avait approché de
la vérité !
La ruine qui, par la singularité de ses lignes,
sa hauteur et son étendue, appelle d'abord l'attention,
c'est le massif des thermes. La route qui
mène à l'hôtel passe au milieu, on les traverser
chaque instant, on en aperçoit de partout les
quatre principaux débris qui, jaunâtres, bossués,
surplombants, difformes et couronnés de verdure,
ressemblent plus à des rochers qu'à des construc—
tions. De certains points cependant, symétriques
dans leur désordre, ils rappellent vaguement les
propylées de Memphis et de Thèbes.
L'ancienne destination de ce monument ne peut
souffrir aucun doute. Des conduites d'eau, des
bassins, des étuves et autres installations hydrauliques
montrent jusqu'à l'évidence que c'étaient
bien là des thermes. Quant à leur masse énorme,
elle s'explique aisément par ce détail connu que
les bains n'étaient point jadis de simples établissements
de propreté et d'hygiène, mais qu'il s'y
joignait de vastes salles destinées à servir de
bibliothèque, à donner des concerts, à former la
jeunesse aux exercices du corps. On y passait,
comme à présent dans certains cercles, la plus
grande partie du jour. Peut-être y mangeait-on,
peut-être même y couchait-on la nuit. Les auteurs
anciens ne nous ayant laissé aucune description
des thermes, toutes les suppositions sont permises
en présence de la grandeur de leurs débris. A
Rome, les thermes de Dioclétien sont si vastes
qu'on dirait une ville dans la ville.
Ceux de Tipasa confinent au musée. Plusieurs
pans même y sont enclavés et ne contribuent pas
peu, sous le réseau de vigne qui les couvre, à
l'agrément du coup d'oeil. L'un d'eux, profondé—
ment excavé, et dans lequel on peut entrer, paraît
avoir servi d'étuve. On ne devra toutefois rien
décider à cet égard qu'après le déblaiement complet
des terres et des matériaux qui le comblent
encore en grande partie.
Le seul groupe des thermes fournit au dessinateur
des points de vue nombreux et variés. Pris
de jour, en plein soleil, avec l'ocre de ses ciments
et l'azur de ses perspectives s' étendant au choix
sur la mer ou sur les flancs de la montagne, il tenterait
le pinceau d'un Marilhat, d'un Luminais.
Joseph Vernet, Corot, l'aimeraient mieux le soir
quand ses blocs assombris, percés de trous où passent
les étoiles, profilent sur le ciel leur silhouette
géante.
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LES THERMES
Tipasa en possède au moins quatre :
les grands Thermes, en bordure du Parc Trémaux,
les petits Thermes, au bord de la mer, à l'ouest de la crique,
d'autres encore, en arrière du 'bâtiment industriel aux quatre cuves,
Le dernier enfin, à côté du baptistère chrétien.
Rédigé le 17/05/2012 à 18:40 dans Les ruines | Lien permanent | Commentaires (0)
LA GRANDE JARRE. — LES SARCOPHAGES DE MARBRE.
— LA COLLECTION NUMISMATIQUE.
Vers l'an 1900
C'est une mine encore vierge, ou peu s'en faut
du moins, et les endroits explorés par M. Trémaux,
qui la possède en grande partie, ne sont
véritablement rien à côté de ceux dont les indigènes
seuls ont pu troubler le repos séculaire. De
temps en temps, quand les moyens et les loisirs le
permettent, des tumulus sont fouillés, des sarcophages
ouverts, et nul doute qu'à la longue, d'intéressants
objets ne viennent enrichir le musée
auquel ces travaux ont donné naissance.
Ce musée, établi dans le jardin de la villa de Trémaux,
et qu'aucun mur ne dérobe aux yeux, attire de
prime abord le regard. L'heure du déjeuner n'étant
pas encore venue, le maître me proposa
d'y faire, sous sa conduite, une étude préliminaire.
Jamais offre ne fut acceptée de meilleur coeur.
On entre par une grille toujours libéralement
ouverte au public, et tout de suite, parmi les
peupliers, les pins d'Alep, les lauriers roses, les
eucalyptus qui les ombragent, parmi les chrysanthèmes,
les iris, les plombages, les daturas qui
fleurissent à leurs pieds, non sans laisser quelque
place aux cultures maraîchères, paraissent les antiquités.
Ce sont, je prends au hasard, car les foins coupés
et les gazons secs permettent que le visiteur,
s'écartant des allées, coure partout sans dommage,
au seul gré de la fantaisie, ce sont ici des incrustations
grossières, des chapiteaux de forme étrange,
des sculptures du dessin le plus grotesquement
sauvage et corroborant l'hypothèse précédemment
énoncée d'une occupation antérieure
à la venue des Romains. Ce sont là des espèces de
bouteilles, de la couleur et de la matière des
tuiles, mais manquant toutes de fond, et quel -
ques unes d'embouchure. Elles servaient, paraîtil,
au même usage que nos briques creuses. On
les employait aussi, emboîtées l'une dans l'autre,
à former des arceaux de voûtes.
Au milieu de la pelouse centrale, et tenant la
place d'honneur, s'élève une jarre énorme, mesurant
près de cinq mètres de circonférence. Les
musées d'Alger et de Cherchel en peuvent mon—
trer d'aussi grandes, mais ils n'en ont certes pas
d'un galbe aussi correct et d'un tour aussi pur.
Rose, propre et sans la moindre écornure, on la
dirait cuite hier. Elle a été trouvée dans un
amoncellement de débris, près du port. Je pourrais
citer bien d'autres morceaux, des inscriptions,
des colonnes, des fragments de bas-reliefs.
J'ai hâte d'arriver aux deux magnifiques tombeaux,
la richesse et l'honneur du musée de Tipasa. Ils
sont en marbre blanc, et les sujets sculptés qui les
décorent ont une réelle valeur artistique. Sur l'un
d'eux, le plus petit, sont représentés deux lions
symétriques tenant chacun dans leurs griffes un
herbivore fortement cornu, antilope, chèvre ou
gazelle, qu'ils s'apprêtent à dévorer. Les têtes
des carnassiers, exécutées en haut-relief, ont une
expression de férocité parfaitement rendue. Leurs
corps, moins saillants, s'amincissent aux angles du
sarcophage qu'ils contournent pour finir en basrelief
sur les petits côtés. Au milieu de la face antérieure,
entre les têtes des lions, marche gaiement,
avec la brebis légendaire sur ses épaules et
deux béliers tressautant à ses pieds, un personnage
qui ne saurait être que le bon pasteur. Salut
ici, danger là, l'allégorie est aussi transparente
qu'ingénieuse.
Le second sarcophage l'emporte encore en importance,
en perfection sur le premier. Il est partagé
en six tableaux : deux sur les petits côtés,
représentant des sacrificateurs aux prises avec le
taureau victimaire ; deux aux extrémités de la
face antérieure, ayant pour sujet des guerriers
dont les nus, très fouillés, sont traités avec une
rare entente de l'anatomie ; deux enfin au milieu,
les plus remarquables de tous. Le temps ou le
vandalisme en a malheureusement mutilé les traits
essentiels; des têtes sont usées, d'autres manquent.
Ce qui reste, toutefois, suffit pour dénoter
une oeuvre appartenant, sinon aux bonnes époques,
au moins aux meilleures traditions de l'art.
Il s'agit, comme sujet, de cérémonies nuptiales :
ici l'amour avec son flambeau, là le trépied des
fiançailles. Suivant toute probabilité, ce sarcophage
provient d'une sépulture païenne. Un cadavre
chrétien devait occuper l'autre. Ils ont été
trouvés, par hasard, dans un caveau, près de la
vieille enceinte, à gauche de la route en allant
vers Cherchel.
Exposés comme ils sont, en plein soleil, parmi
les arbres et les fleurs, ces tombeaux attirent
mieux l'attention, captivent plus fortement que
s'ils étaient emprisonnés dans une salle obscure et
confondus avec d'autres débris. Ils comptent aussi
beaucoup dans l'attrait de Tipasa. Les ruines, sans
eux, paraîtraient découronnées. Dans le cas où la
surveillance dont ils sont l'objet paraîtrait insuffisante,
ne pourrait-on les garantir au moyen d'une
construction légère ? Je les verrais avec peine prendre,
ainsi qu'on les y convie, le chemin du musée
d'Alger.. Sache plutôt celui-ci se contenter d'un
moulage, comme il a fait pour le corps du bienheureux
Géronimo !
Le musée du jardin Trémaux est complété, dans
la maison, par une collection de monnaies et
d'ustensiles antiques. Les monnaies appartiennent,
pour la plupart, à cette période de l'empire comprise
entre le commencement du deuxième et la fin
du quatrième siècle. Citons parmi les noms qui forment
leurs légendes : Adrien, Marc-Aurèle, Gordien,
Probus, Dioclétien, Constantin-le-Grand, Julien-
l'Apostat. Toutes de bronze ou de cuivre, sauf
une en or, de Léon Ier. Nombre de têtes portent la
couronne rayonnée. Beaucoup de revers charmants,
bas-reliefs en miniature qui, grossis au microscope,
feraient d'excellents modèles d'académie.
Parmi les ustensiles, des vases, des lacrymatoires,
des bracelets, des lampes dont une avec
cette inscription : « Je ne coûte qu'un sou. »
Les personnes curieuses de pousser plus loin
cette étude trouveront au musée d'Alger une douzaine
de morceaux provenant de Tipasa. Les deux
principaux, nos 178 et 179, très frustes, en pierre
poreuse et plus précieux sans doute comme antiquités
que comme objets d'art, sont des tombes à
tableaux représentant, l'une un cavalier au galop,
l'autre un groupe composé d'un homme, d'un enfant
et d'un petit cheval sans proportion avec les
personnages.
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Le nouveau Musée de Tipaza
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Rédigé le 16/05/2012 à 18:43 dans Les ruines | Lien permanent | Commentaires (0)
EFFET INATTENDUDES RUINES. — EMMÉNAGEMENT.
— LA VILLA TRÉMAUX.
Vers l'an 1900
Prévenu contre elles et croyant avoir, pour les
découvrir, à sonder des touffes de palmier nain, à
fouiller même la terre, je ne pus, à leur aspect,
retenir une exclamation de surprise et de joie. C'étaient
bien des ruines, de véritables ruines, les
unes jonchant le sol comme un immense chantier,
les autres levant jusqu'aux nues leurs masses
imposantes et leurs crêtes altières. Ici, dressées
comme des menhirs et régulièrement espacées,
elles me rappelaient les champs druidiques de
Caroac; là, compactes, monumentales, elles me
faisaient rêver d'Athènes et de Rome. Que dis-je !
elles me semblaient préférables au Parthénon,
préférables au Colisée, leur altération même, leur
informité, leur isolement convenant mieux au
génie du paysage moderne, assez médiocrement
épris des symétries architecturales que mit jadis
en honneur l'école de Claude Lorrain.
La route passe au milieu, bordée de pierres de
taille,, débris des vieux palais, des antiques demeures,
et pareillement au milieu sont disséminées
les habitations des colons. Qu'elles m'ont
paru modestes, grand Dieu ! avec leur bas rez-dechaussée
couvert d'un toit rouge à pignon ! Mais
je n'ai pas eu le temps de les examiner que la
voiture déjà s'arrête devant « ma maison. »
C'est la dernière du village. Murs blanchis à la
chaux, portes et volets verts. Trois travées; pas
d'étage. Un homme vaque à quelques pas de là.
Nous l'appelons. C'est le garde champêtre. Il lit
ma lettre d'admission, va gravement chez lui
prendre la clé promise et me la remet d'un ,air
digne. La porte ouverte, je dépose mes effets
dans la première chambre venue. L'heure du déjeuner
approche, il est temps d'y pourvoir. Je
reprends à côté du guide ma place dans le véhicule,
et nous nous rendons à l'auberge... pardon !
à l'hôtel des Bains de Mer.
L'hôtel des Bains de Mer de Tipasa forme, avec
un café-restaurant et l'habitation Trémaux, un
groupe excentrique au plan du village. Ce groupe
n'en est pas moins, pour l'animation, le centre.
Là viennent chez leur adjoint les administrés,
près du maître les ouvriers, au cabaret les colons,
à l'hôtel les étrangers. Je commande mon repas,
je congédie mon conducteur, et pour expérimenter
enfin le crédit de mes lettres d'introduction,
je me dirige vers la maison de M. Trémaux.
Ainsi que les gens, les maisons ont un air. Celleci
me parut, de prime abord, souriante. Ses persiennes
mi-closes me faisaient comme des oeillades.
Sa porte grande ouverte m'attirait. Point de
cave canon terrifiant; le cordial ave des seuils pompéiens.
Elle avait en outre, pour moi, le charme
d'une analogie singulière avec ce manoir d'Yèbles
où j'ai passé mon enfance : même nombre de fenêtres,
même étage, même toit, même vestibule
au milieu, et la façade mouchetée des mêmes ombres
transparentes que des arbres pareils épandaient
à l'entour.
N'était la crainte de déplaire, je dirais ici les
bontés parfaites, les délicatesses exquises d'un accueil
tel que frère, camarade d'enfance, ami de
longue date, n'en eussent pu rêver de meilleur.
J'ouvrirais à tous les regards cet intérieur patriarcal
où grandissent sous les yeux, aux leçons,
aux exemples d'une mère accomplie, quatre gracieuses
fillettes. Ses gais repas au menu confortable,
digne du baron Brisse, en compagnie d'amis,
de parents, de voisins, auraient aussi leur grande
part d'éloges.
Qu'il me soit permis toutefois de reconnaître
publiquement l'obligeance infatigable, le désintéressement
absolu avec lesquels M. Trémaux a
bien voulu me faire part de ses recherches, de ses
découvertes, de ses hypothèses même, me livrer
enfin tout entier son trésor archéologique. C'est à
lui que je dois la plupart des documents spéciaux
qui, parsemés en ce récit, tout d'observation badine
et de fantaisie touristique, lui pourront donner
quelque prix.
Ces documents, si mal interprétés qu'ils soient
par une plume étrangère au langage de la science,
mettront du moins les antiquaires sur la voie.
Quelle bonne fortune pour eux ! Et quel intéressant
ouvrage à publier lorsque de nouveaux gains,
dont chaque jour augmente le bagage, auront jeté
quelque lueur sur les origines obscures et la fin
moins connue encore d'une cité qui, vu ses immenses
débris, dut fournir une longue et brillante
carrière !
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Rédigé le 16/05/2012 à 18:18 dans Les ruines | Lien permanent | Commentaires (0)
Balade à Tipasa paru aux éditions du Tell, dans la collection « histoire et patrimoine » dirigée par Djamel Souidi. Nathalie Lemoine-Bouchard et Catherine Paoli offrent, sur 160 pages, un petit voyage dans cette ville de la côte ouest d'Alger où se trouve « l'un des plus beaux sites archéologiques de Méditerranée ». « Le nom de Tipasa n'a pas changé depuis l'Antiquité. Il pourrait venir du mot phénicien qui signifie ''passage'' », écrivent-elles. La ville nouvelle a été créée en 1854. Son nom populaire est « bazar ». L'origine précise de ce surnom demeure inconnue, même si les auteures tentent une explication par l'activité commerciale de la cité. Tipasa est aussi ancienne que le monde. La première occupation humaine remonte au paléothique supérieur. « Pendant cinq siècles, Tipasa se développa sous l'autorité lointaine de Carthage, avant de devenir ville autonome des royaumes de Maurétanie pendant environ deux siècles. Puis cinq siècles durant, Tipasa est une ville romaine jusqu'à l'éphémère royaume vandale qui dura un siècle. Les Vandales sont chassés par les byzantins qui contrôlent la région pendant un peu plus d'un siècle jusqu'aux incursions arabes », est-il résumé, même si l'histoire de Tipasa ne se résume pas en quelques lignes. Les auteurs rappellent que Juba II, qui s'était installé à Caesarea (Cherchell), avait réussi à attirer les artistes de toute la Méditerranée, alors que l'empereur Claude avait donné le statut de municipalité à Tipasa (la ville payait l'impôt à Rome).Tipasa, cité-phareLes auteures développent la thèse discutable de la destruction partielle de certains monuments de la ville après l'arrivée des arabes vers 680.« Les renseignements manquent totalement pour l'époque médiévale », soulignent-elles. L'occupation française a mis à mal le patrimoine de la région. « En 1845, un four à chaux fonctionne à Tipasa. Les ruines lui servent de matière première... Vers 1847, les belles pierres des gradins du théâtre antique sont utilisées pour bâtir, dans l'urgence, l'hôpital de Marengo (Hadjout) par le génie militaire qui doit faire face à l'épidémie de paludisme », est-il noté. Les auteures rappellent que le phare de Tipasa, construit en 1867, se trouve dans le c'ur historique de la cité.« Ses fondations ont été faites sans fouilles archéologiques préalables et ont probablement détruit des traces utiles à la compréhension de l'histoire de Tipasa », indiquent-elles. En 1982, l'Unesco a inscrit les ruines de Tipasa sur la liste du patrimoine mondial. Il s'agit surtout du parc archéologique qui s'étend sur 40 ha, comprenant le Mausolée d'Alexandre, la colline Sainte Salsa, le parc Trémaux et la nécropole de Matarès. L'autre moitié des ruines est enfouie sous la ville. Les fouilles sont à l'arrêt depuis 2004.« L'inventaire du site reste à faire. Les nécropoles ont été très bien étudiées et permettent de connaître les rites funéraires sur dix siècles », estiment Nathalie Lemoine-Bouchard et Catherine Paoli. Selon elles, Tipasa est le premier site visité en Algérie avec un nombre qui avoisine les 100 000 visiteurs par an. Dans leur ouvrage, elles reviennent en détail sur les principaux vestiges : « les grands thermes, la cardo, l'amphithéâtre et son arène ovale, la fontaine de Nymphée, les villas de bord de mer, le decumanus maximus (voie romaine), le temple anonyme, le forum et le capitole... tout dans un écrin de verdure ». La fontaine de Nymphée est considérée comme l'une des plus belles de ce type en Afrique. « De nobles proportions, elle était ornée de colonnes en marbre bleu et de statues », précisent-elles en soulignant qu'à Djemila, l'antique Cuicul, il existe des fontaines publiques similaires mais moins spectaculaires.Dans la deuxième partie de l'ouvrage, une balade botanique est offerte au lecteur avec présentation d'une soixantaine de plantes qui poussent dans les plaines de Tipasa : « agave, ail de Naples, chardon, asphodèles, grenadier, laurier rose, jacinthe sauvage, rose thé, pavot cornu, pissenlit, cyprès...Partout des bougainvillées roses dépassent les murs des villas ; dans les jardins des hibiscus au rouge encore pâle, une profusion de roses thé épaisses... », phrase reprise d'un roman d'Albert Camus qui passait ses nuits à l'hôtel du Rivage.Muse de Camus, Boudjedra'Les auteures rappellent que Camus a écrit deux nouvelles en rapport avec le site archéologique : Noces à Tipasa et Retour à Tipasa. Rachid Boudjedra, Brahim Hadj Smaïl et Nadia Ghalem ont également écrit sur Tipasa.Les peintres Eugène Deshayes et Georges Le Poitevin s'étaient inspirés des beautés de cette région partagée en bleu et vert. Les textes sont accompagnés par des dessins, des aquarelles, des cartographies et des photos.Historienne d'art et passionnée de photographie, Nathalie Lemoine-Bouchard est l'auteure de plusieurs catalogues de musées français (Montélimar, Chantilly, etc) et d'un dictionnaire sur Les peintres en miniature, paru en 2008. Peintre à l'aquarelle et sur porcelaine, Catherine Paoli a créé un atelier de mosaïque à Alger et enseigne cette technique aux jeunes.
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Fayçal Métaoui
Rédigé le 13/05/2012 à 13:55 dans Les ruines, Tourisme | Lien permanent | Commentaires (0)
* Ste-Salsa priez pour nous *
Ancien port de Tipaza -avant les Vandales des années 2000-
Comment cela a t'il pu arriver? Qu'elle est donc cette autorité barbare et inculte qui a osé commettre un tel forfait? Quelle explication oiseuse fournira-t-elle si, par miracle, elle était amenée à s'expliquer devant la justice pour destruction d'un bien public ?
N'auraient-ils pas pu faire desceller ce bel ouvrage en béton et l'ériger un peu plus loin si son emplacement gênait, un tant soit peu, les plans du nouveau port? Mais où sont nos responsables de la culture, tant au niveau local qu'au niveau gouvernemental?
Notre dynamique Ministre de la Culture, une femme pourtant, aurait-elle donné son feu vert pour une entreprise de démolition aussi indigne? A t-elle au moins été consultée ou informée de cette ignominie?...
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Tipasa, qui s'étend sur une superficie de 2166 km2, nichée dans une baie à l'ouest d'Alger et à l'est de Cherchell, subit aujourd'hui de sérieux problèmes écologiques.
Elle exerce aussi moins de séduction sur le visiteur qu'autrefois à cause d'un urbanisme anarchique et la restauration inappropriée du port. De prime abord, ce dernier nous introduit dans une atmosphère plutôt belliqueuse. Sa réfection hâtive n'a pas pris en considération les particularités locales: Vestiges romains, Beauté du site, Vocation touristique. La wilaya aurait dû demander l'avis des artistes locaux sur les techniques de restauration du port avant de s'engager dans les travaux durables nécessitant un budget faramineux.
Ceux qui ont déjà vu Tipasa il y a deux ou trois décennies, se croiraient dans le port de Purl Aarburg. Des avions de combat invisibles vrombissent au-dessus de vos têtes pour neutraliser des bâtiments de guerre. Ils perturbent ainsi la quiétude vespérale et impriment sur le visage une peur morbide du premier conflit mondial. Les quelques espèces marines ont déjà fui au large à cause de la pollution, des travaux assourdissants et surtout des énormes pierres grises sentant l'odeur des dynamites.
Les milliers de grosses pierres apportées par camion pour renforcer l'ancien port réduisent la portée du regard et brident l'imagination. Selon certains autochtones, ils altèrent même l'aspect du port vu de la mer et suscitent par conséquent la répulsion. Pire encore, au mois de mars 2007, au moment des travaux, la majestueuse statue de Sainte Salsa, érigée au petit port, a été détrônée alors qu'elle priait en direction de l'Amérique. Son histoire ne relève nullement d'un mythe. La victime n'a même pas eu le temps nécessaire de faire ses adieux aux visiteurs qui l'avaient prise en photos et filmée. Aucune justification n'a été également donnée à la presse sur la décapitation de cette païenne de 14 ans, que les romains précipitèrent dans la mer après son insurrection contre leur idolâtrie. Son élimination, par ignorance de l'importance de l'Histoire ancienne, soulève la colère et l'indignation des villageois car c'est une partie de notre civilisation qui vient d'être annulée. C'est un chainon important de l'Antiquité qu'on a retiré du Grand Musée que représente Tipasa. On se comporte comme si l'histoire de nos prédécesseurs est obsolète et ne constitue nullement une dimension essentielle de nous-mêmes. Puisque les symboles sont inutiles, débarrassons Khenchela de son Bélier, Sétif de sa Fouara et Mascara de l'Emir Abdelkader. Par extension, à la manière des nihilistes, assassinons tous nos Symboles Historiques et coupons tous les cordons ombilicaux qui relient notre Pays à son Passé de Prestige, de Fierté, de Lutte et de Gloire. Notre modernisme obnubilé par l'Occident désapprouve, semble-t-il, la référence au passé et n'aime pas s'encombrer de la promiscuité de dates et d'événements sans importance pour la panse.
Qui connaît l'histoire authentique de Sainte Salsa et celle de Juba II? Personne, par manque de conférences organisées par les archéologues et les historiens. Aujourd'hui, leurs monuments, la grande basilique et le tombeau de la Chrétienne labyrinthique ne suscitent plus la curiosité. La cathédrale, négligeable et sans entretien, autour de laquelle se rassemblent les tombes, est devenue un lieu d'urines et de défécation pour les promeneurs. Donnons à cette Martyre toute l'Importance qu'elle mérite et ré intronisons-la au Petit Port d'où elle fut retirée morte des flots par un gaulois. La Wilaya, occupée à répondre aux exigences croissantes et interminables des habitants, aurait dû consulter les archéologues avant la destruction de ce Symbole. Si Albert Camus vivait encore, il se révolterait contre cette atteinte au patrimoine historique et surtout aux particularités et à l'authenticité du village.
Tipasa constitue indéniablement une intarissable source d'inspiration pour sculpteurs, peintres, poètes et romanciers. Elle contraint les visiteurs à l'immersion dans les abysses de la Cité Antique. Grâce à ce ressourcement, ils émergent à la surface du présent avec des richesses inestimables. Ce microcosme de catharsis et de thérapie naturelle conférait la sérénité à tous les étrangers qui effectuaient leur première visite exploratoire dans le respect des défunts alignés dans la petite et grande nécropole. Chaque pierre interrogée affichait un pan de civilisation, aujourd'hui victime de l'indifférence et du vandalisme.
Pour le visiteur lucide, le port actuel étrangle le nord du village de ses deux mains inexorables. Les mégalithes, apportés du massif du Chenoua afin de stopper les vagues, qui redoublent de férocité en hiver, conspirent à ternir quelque peu la splendeur de Tipasa et à atténuer le chatoiement de la mer en été. Pour que le regard se libère du rempart des mégalithes et embrasse la mer évanescente, il faut que le visiteur escalade les côtes ou prenne de l'altitude jusqu'à surplomber les bâtiments et les maisons aux tuiles rougeâtres. Il peut également opter pour l'ascension du phare à l'accès aujourd'hui interdit pour des raisons de sécurité.
C'est en ce lieu de prédilection que se réfugiaient les bibliophiles pour communier avec les éléments de la Nature et se saouler de lectures ou de Logos. Il est recommandé de réactiver la méditation sur «Noces à Tipasa et printemps à Djemila» pour comprendre le panthéisme camusien et surtout retrouver la pureté et l'originalité de la Cité. Avec la libération des essences, vous sentez des frissons de plaisir parcourir votre corps et revigorer votre Sang. Ici, l'omniprésence de l'Histoire dispense des leçons aux profanes sur la quintessence et l'alchimie propres aux Pierres Séculaires.
Dès votre arrivée, vous fascine la configuration, surtout les métaphores impressionnantes créées par le Chenoua impassible et vous attirent l'haleine de la sardine grillée sur la braise et le relent des repas en préparation dans les gargotes et les restaurants. Dans le petit port dodelinent les embarcations des pêcheurs accoutumées aux risques du large et sur les terrasses des cafés donnant sur la mer, les consommateurs imperturbables sirotent leurs boissons au rythme du rai qui braient jusqu'à indisposer les divinités dans leur sommeil. Toutefois, l'horizon se dérobe au visiteur attablé dans les cafés construits avec illégalité et impunité sur les vestiges. A Tipasa, l'insatiabilité et surtout l'esprit du lucre transgressent toutes les lois visant la préservation du patrimoine archéologique. L'instinct de consommation qui caractérise notre ère, assouvit ses frustrations même sur les ossements des défunts qui redoutent les moindres actes profanateurs des vie-vents. Drôle de société où les morts nourrissent en abondance les humains et les divertissent en été sur la grande place du port jusqu'au petit matin.
De nos jours, le regard n'interroge plus le mutisme des monuments, le livre ne se lit plus et la culture n'intéresse quasiment plus personne : logorrhée stérile, nourriture et obsession du sexe ont le primat sur tout le reste. Si Tipasa focalise l'attention c'est parce qu'on a privilégié l'insatiabilité de la panse au lieu de la pensée. Les chansons du rai qui s'égosillent libèrent l'appétit pour multiplier le profit des établissements de consommation. En outre, en l'espace de quelques années, le béton a chassé toutes les terres agricoles entourant le village. Tipasa saigne et émet des cris de détresse. A l'instar des Vautours insatiables, on extrait des pierres qui regorgent de messages, la moindre miette consommable, le moindre espace rentable, la moindre pièce de monnaie encaissable pour accélérer l'enrichissement par discrédit de l'archéologie et inapplication des lois.
Bon nombre de prédateurs, des couples surtout, viennent à Tipasa pour le dépaysement mais aussi pour les repas face à la mer et l'approfondissement de la compréhension mutuelle dans la discrétion en perspective d'une Union. Ceux qui déjeunent à l'extérieur, dans les vestiges, laissent sur place des sachets et bouteilles en plastique, des canettes de bière et différents papiers d'emballage. Des filles de joie s'y rendent aussi, les jours de semaine pour offrir leur service. Depuis le départ de Monsieur Bouchenaki, les ruines romaines sont livrées à la dégradation, faute de budget alloué par le ministère de la culture pour la défense, l'entretien et la relance des fouilles dans les sites archéologiques. Le 26 septembre 2005, sans système d'alarme, le musée de Tipasa situé juste au-dessus du port, a fait l'objet d'un vol en plein jour : trois pièces en or et une en bronze y ont été dérobées. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, les voleurs connaissent parfaitement la Valeur marchande des Objets exposés dans les musées. Ils ne se soucient pas de leur valeur culturelle. Les responsables se sont contentés seulement de déposer une plainte contre X.
Rendons à Tipasa ses joyaux : le port restauré de manière irréfléchie et surtout sans Sainte-Salsa nuit à la réputation de la ville étroitement liée aux vestiges, au scintillement de la mer en toute saison, à la diversité des parfums au printemps, aux myriades de couleurs de la terre et surtout au Soleil qui déteint en toute saison sur le paysage en perpétuel changement. La meilleure science demeure bien celle forgée par le Site. Ce dernier sauvegarde l'authenticité des deux villages, l'Antique et le Moderne qui coexistent dans la contradiction et les oblige à survivre à toutes les secousses du Temps.
Les sensations agréables ne vous envahissent que lorsque Tipasa se déhidjabe sous la curiosité du regard et l'effort de l'ascension. Encore marquée par les valeurs morales de Venus Pudeur, elle vous offre à court terme, d'abord un sourire d'accueil, ensuite un jaloux pan du ciel, enfin sa sensuelle chair intégrale. A l'extrémité nord du promontoire, comportant une vaste esplanade et d'autres monuments, le phare s'approprie pour l'éternité le ciel étoilé et balaie de ses faisceaux de lumière le large pour rassurer les barques de pêcheurs. La ville de Tipasa ne palpite et s'anime que par les veillées forcenées sous les lumières et la vigilance de ce grand il. Elle lève parfois les bras au ciel, sollicitant l'intercession des Totems pour se protéger contre les convoitises fatales. Les dieux, pendant les pénibles travaux, y ont semé abondamment leur énergie. Les messages sur le savoir-faire, l'éthique et l'esthétique s'accumulent depuis l'aube des temps. Ils ne se décodent que par la vertu des sens et la perspicacité de l'esprit. Le visiteur doit comprendre le langage du Silence et des Pierres pour retourner chez lui stupéfait des héritages qui se transmettent à travers les âges.
Les bâtisseurs de civilisations baignent de sueur au moment de la construction d'édifices majestueux comme les grandes basiliques et le Tombeau de la Chrétienne de Juba II, qui confirment le génie à l'origine de la puissance des empires. Pour changer d'époque et mieux voir cette sueur qui suinte à travers les pierres, il importe d'effectuer une visite dans l'après-midi. A ce moment de la journée, les divinités surpris par votre présence vous raconteront sans exagération les exploits inouïs qui font l'orgueil du Passé. La visite du parc archéologique vous confère d'autres yeux pour voir l'imperceptible, d'autres oreilles pour appréhender l'inaudible, une fine faculté olfactive pour s'extasier des parfums les plus subtiles, une autre langue pour exprimer l'ineffable. Une superposition d'univers, aussi envoutants les uns que les autres émergent alors à l'occasion inespérée de cette rétrospection génératrice tantôt de choc bienfaisant, tantôt de frissons de plaisir. Seule votre peau suffocante restera collée à votre corps en prise avec les hallucinations.
Cependant, l'exploitation de Tipasa à des fins lucratives, annule les librairies et l'investissement dans le livre. En outre, la récente bibliothèque de la wilaya, gérée par la compétence et le dynamisme de Mme Sebbah, ne connaît pas encore un taux de fréquentation élevé en dépit de l'important calendrier culturel programmé, la diversité et le nombre impressionnant de volumes. Là aussi, la pathologie de la bouffe a inhumé l'Amour du livre et le plaisir intense qu'il procure aux bibliophiles! Les enseignants des différents cycles, la presse écrite et surtout la radio locale implantée à proximité doivent faire preuve de pragmatisme dans la sensibilisation des élèves à l'importance du livre, à l'écologie et à l'archéologie. Une partie de notre jeunesse a déjà succombé à l'Instinct de consommation bestiale et au Virus irrésistible de la communication infertile des portables et de l'Internet.
Mes contemporains captifs de la vitesse des temps modernes sont atteints de cécité. Ils ne parviendront jamais à décrypter les messages de leurs prédécesseurs communiqués par différentes formes d'expression. L'Histoire ne se définit pas seulement comme une succession de tragédies mais aussi comme une complémentarité des peuples et de leurs apports au bénéfice de l'humanité.
La réussite n'est souvent que le résultat d'un échec. Nous devons en tirer des leçons. Chez nous, il est dommage qu'on ne sache pas analyser l'échec dans les différents domaines de la vie sociale pour surmonter les obstacles, progresser avec prudence et apporter, à l'instar de bon nombre de peuples, notre humble contribution au patrimoine de l'humanité
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Abdelkader Ferhi
Poète, professeur de lettres françaises
Rédigé le 25/04/2012 à 19:20 dans Les ruines, Tourisme | Lien permanent | Commentaires (2)
...selon Khalida Toumi
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Les travaux de restauration du Mausolée royal de Maurétanie, dans la wilaya de Tipasa, seront entamés prochainement, a annoncé jeudi la ministre de la Culture, Khalida Toumi, en réponse à une question orale d’un membre du Conseil de la nation. Elle a souligné que «le ministère de la Culture prenait en charge la restauration des sites culturels après leur classification conformément à la loi relative à la protection du patrimoine».
Selon elle, le ministère de la Culture «accorde une importance à tous les sites nationaux des différentes périodes de l'histoire. Cela tendait à rattraper le retard accusé en matière de patrimoine, notamment celui concernant l'époque islamique et numide négligée par le colonialisme français qui ne s'est intéressé qu'à l'histoire algérienne à partir de l'époque romaine». Elle a énuméré les différents sites de l'époque numide dont le théâtre de Khemissa, situé dans la wilaya de Souk-Ahras, soulignant que le ministère avait retenu dans son programme les sites archéologiques de la période de la guerre de libération.
Mme Toumi a ajouté que l'appellation de Mausolée royal de Maurétanie ne signifie pas que le site a un quelconque lien d'appartenance à l'Etat moderne de Maurétanie alors que les noms de «Qabr erroumia» ou «Al massih» sont liés aux dessins sur ses murs en forme de croix. Ces dessins, a-t-elle tenu à faire remarquer, n'ont aucun rapport avec le christianisme, car ce site a été édifié 25 années avant le Christ. Le Mausolée royal de Maurétanie est également appelé tombeau royal de Cléopâtre Séléné, d'origine pharaonique, qui s'était mariée avec le roi berbère Juba II.
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Rédigé le 17/03/2012 à 10:38 dans Les ruines | Lien permanent | Commentaires (3)
Que savait-on d Tombeau de la Chrétienne au moment où commencèrent les fouilles.
Signalé d’abord par Pomponius Mela, puis par l’Espagnol Marmol, qui avait été esclave à Alger, le monument appelé en arabe: Kober Roumia (mot à mot : Tombeau de la Romaine ou Tombeau de la Chrétienne) (1), a donné matière à de nombreuses. interprétations historiques ; interprétations de peu de valeur, à la vérité, puisque les anciens, à part les écrivains que nous venons de nommer, n’avaient pu voir le monument dont ils écrivaient, ni même la région où il était situé, et que les modernes manquent toujours de documents précis à son sujet. Il faut bien avouer qu’aujourd’hui, près d’un siècle après les fouilles de Berbrugger, nous ne sommes pas tellement mieux renseignés quant à la destination au Kober Roumia.
Le texte de Pomponius Mela, le plus ancien que nous connaissons, demeure, malgré les gloses modernes et les commentateurs nombreux et distingués, d’une imprécision remarquable.
Le voici : » Iol, sur le bord de la mer, jadis inconnu, illustre maintenant pour avoir été la Cité royale de Juba et parce qu’il se nomme Césarée. En deça, à l’Ouest les bourgs de Cartinna (Ténès) et d’Arsina (?), le château de Quiza (?) le golfe Laturus (?) et le fleuve Sardabale (?) ; au-delà, le Monument commun de la famille royale, ensuite Icosium (Alger)… » (De situ orbis, L. 1, chap. 6) (2).
Le Kober Roumia est donc le » monumentum commune regiae gentis « . Ces quatre mots vagues n’ont pas encore livré leur secret. Berbrugger et de nombreux historiens ultérieurs y ont vu un mausolée du roi Juba et de sa famille. Rien, semble-t-il, ne permet de l’affirmer.
Quant à Marmol, il raconte, au livre 5, chapitre 34 de sa Description générale de l’Afrique que près de Cherchell, » sur une haute terre qui entre dans la mer, il y a deux anciens temples où l’on sacrifiait aux idoles, dans l’un desquels se trouve un dôme fort haut sous lequel les Maures prétendent qu’est enterrée la fille du Comte Julien. Et les autres hypothèses émises, si elles sont plus merveilleuses, n’en sont pas plus solides.
Situé sur une colline de 260 mètres d’altitude, près du littoral qui se creuse entre la Bouzaréa et le Chenoua, l’édifice apparaît, dit en substance Berbrugger dans son livre sur le Tombeau, comme un immense cylindre à facettes, coiffé d’un cône à gradins, et posé sur un socle carré de 63 m 90 de côté, que supporte un béton de petites pierres concassées avec, comme mortier, la terre rouge recueillie sur les lieux. Les facettes sont larges d’environ 2 m 37 et séparées par soixante colonnes engagées d’ordre ionique ancien, dont les chapiteaux sont les uns, ceux qui touchent les fausses portes, à palmettes, et les autres, à bandeaux. La base de ces colonnes repose sur une série de deux degrés.
L’édifice est constitué par un amoncellement de moellons et de grossiers blocs de tuf, recouvert extérieurement de belles pierres de taille de grand appareil ; il a 60 m 90 de diamètre, 185 m 22 de circonférence et 32 m 40 d’élévation (3).
Le cylindre de base comporte quatre fausses portes de 6 m 20 de hauteur, encadrées dans un chambranle et surmontées d’un entablement qui s’encastre dans la partie inférieure des chapiteaux à palmettes, pour former, avec les deux colonnes latérales, un deuxième encadrement ; les portes ont des moulures saillantes en forme de croix. Celle de l’Est est à peu près intacte ; celle du Sud a disparu, laissant subsister un débris de panneau engagé à gauche.
Le cône à trente-trois gradins de 0 m. 58 chacun de haut qui couronne le mausolée, se termine, en haut, par une petite plate-forme où devait autrefois se dresser une statue. Il a subi de graves détériorations, tant par suite de la quantité considérable de pierres écroulées du fait des intempéries, qu’à cause de l’enlèvement, par les indigènes de la région, du plomb de scellement des mortaises en queue d’aronde qui réunissait les blocs.
Il semble que, lors de sa construction, le monument, pourvu de son pyramidion, du sujet architectural ou du bronze qui l’ornait, devait avoir au moins dix mètres de plus de haut. On se ferait, précise Berbrugger, une idée assez exacte de cette construction grandiose en imaginant que, si elle était placée sur la place du Gouvernement, à Alger, elle en occuperait presque toute la largeur et s’y élèverait à une hauteur égale à celle de la colonne de là place Vendôme à Paris.
Comme on le verra plus loin, les fouilles entreprises par Berbrugger allaient révéler l’existence, à l’intérieur, d’un couloir cireulaire et de trois caveaux.
L’hypogée évoque de façon frappante les tumuli égyptiens jusque dans de petits détails.
On, y pénètre par une entrée unique qui s’ouvre à l’Est sous une des fausses portes. Cette entrée fermait par une dalle à glissière que Berbrugger trouva brisée. Après un petit couloir très bas, on se trouve dans un caveau long de 5 m. 29, large de 2 m. 49, haut de 3 m 50, au fond duquel a été creusée, probablement à l’époque romaine, une excavation d’environ 7 mètres, sans doute avec l’espoir de trouver une issue secrète accédant directement au grand caveau central. A droite, s’ouvre une porte basse, sur le linteau de laquelle sont sculptés un lion et une lionne : les symboles de Juba II et de son épouse Cléopâtre Séléné, disent les partisans du Tombeau de Juba. Par cette porte, qui était également fermée d’une dalle, sept marches mènent à la galerie circulaire.
Celle-ci, très bien conservée, pavée en losanges, à la façon des rues de Timgad par exemple, est pourvue tous les 3 mètres de petites niches creusées en quart de sphères et destinées sans doute à contenir les lampes à huile, puisqu’on y remarque encore des traces de fumée. La galerie a environ 150 mètres de long, est large de 2 mètres et haute de 2 m 40. Elle fait presque tout le tour du monument, mais, arrivée près de son point de départ, elle décrit un coude brusque presque à angle droit vers le centre.
Les caveaux auxquels elle aboutit sont fermés eux aussi par des portes-dalles qui s’ouvraient autrefois à volonté, toujours comme dans les chapelles des tumuli égyptiens, mais qui semblent bien étroites pour avoir pu autrefois laisser passer des sarcophages. La première pièce a 4 mètres de long sur 1 m. 50 de large ; on y a trouvé, au moment de l’ouverture, quelques petites perles en pierre rare et des morceaux de bijoux en pâte de verre. Après un couloir de 3 m 40, on arrive dans la seconde pièce de 4 mètres sur 3, avec une voûte en berceau, située juste dans l’axe du mausolée ; on y remarque trois niches destinées égaleraient à recevoir des. lampes.
Berbrugger pensa que ces deux caveaux étaient les chambres sépulcrales où avaient dû être déposés les sarcophages ; mais beaucoup de savants estiment, aujourd’hui, que ces chambres sont simplement des chapelles où les parents et les prêtres venaient, à certains jours anniversaires, procéder à des cérémonies religieuses, en l’honneur des défunts, certainement inhumés dans un caveau plus somptueux et plus vaste, ménagé sous le sol et dont l’issue secrète a échappé jusqu’ici, pensent-ils, à toutes les investigations.
L’avenir décidera peut-être qui a raison
LEGENDES
Comme il fallait s’y attendre -- nous sommes au pays du merveilleux -- les légendes. concernant le Tombeau sont nombreuses et diverses.
Et d’abord, il y a celles du trésor. Elles ont des variantes multiples et remontent probablement très loin dans le temps.
Le » Kober Roumia « , disent les indigènes de la région algéroise, contient un trésor sur lequel veille la fée Halloula. Gsell (4) a recueilli une version de ce légendaire selon laquelle un berger du voisinage avait remarqué qu’une de ses vaches disparaissait toutes les nuits ; cependant, le lendemain matin il la retrouvait au milieu de son troupeau. Un soir il l’épia, la suivit et la vit s’enfoncer dans le monument par une ouverture qui se referma aussitôt. Le jour suivant il s’accrocha à la queue de sa bête au moment où elle allait disparaître et put, ainsi, entrer avec elle. Il sortit à l’aube, toujours cramponné à sa vache mais avec tant d’or qu’il devint un des plus riches seigneurs du pays.
Autre légende de même inspiration (4) : Un Arabe de la Mitidja, tombé entre les mains des chrétiens, avait été emmené en Europe et était devenu l’esclave d’un vieux savant espagnol fort expert en sorcellerie. Un jour, celui-ci lui rendit la liberté sous la condition qu’aussitôt revenu chez lui, il irait au Tombeau, y allumerait un feu et, tourné vers l’Orient, y brûlerait un papier magique qu’il lui remit. L’Algérien obéit. A peine le papier était-il consumé qu’il vit la muraille s’entr’ouvrir et livrer passage à une immense nuée de pièces d’or qui s’envolèrent dans la direction de l’Espagne où elles allèrent, sans aucun doute, rejoindre le sorcier.
Berbrugger rapporte une recette magique tirée de la sorcellerie marocaine pour trouver le trésor du Tombeau : » Endroit appelé Tombeau de la Chrétienne. -- Si tu t’y rends, tiens-toi debout à la tête du Tombeau faisant face au Sud ; puis regarde vers l’Est et tu verras deux pierres dressées comme un homme debout ; par une fouille, descends entre elles, et tu y rencontreras deux chaudrons après avoir immolé. »
Naturellement, les maîtres de la Régence d’Alger ne manquèrent pas d’être impressionnés par des récits aussi merveilleux et alléchés par les magnifiques trésors qui devaient dormir sous cette montagne de pierre.
Au XVIe siècle, le pacha Sala Reïs fit canonner le Tombeau avec l’espoir de mettre au jour des caisses d’or et de pierreries. Mais les boulets de ses bombardes ne réussirent qu’à ouvrir une brèche large mais superficielle au-dessus de la fausse porte de l’Est. Sala Reïs employa alors de nombreux esclaves chrétiens à faire une ouverture dans la muraille, mais ses ouvriers furent mis en fuite, disent les narrateurs populaires, par des légions de gros frelons noirs ; probablement, interprète Gsell, s’agissait-il des moustiques qui pullulaient dans la région avant le dessèchement du lac Halloula.
Au XVIIIe siècle, un dey employa des travailleurs marocains à de nouvelles fouilles, mais sans plus de succès. Ces fouilles-là, cependant, furent plus néfastes au monument que les bombardements de Sala Reïs, car les Marocains déchaussèrent les tenons de plomb qui liaient les blocs pour en faire des balles. Les blocs, n’étant plus scellés les uns aux autres, s’affaissèrent lentement et finirent par culbuter, si bien que, depuis cette époque, le Tombeau s’écroule en partie.
Dans une lettre du 15 novembre 1865, Berbrugger rapporte une autre légende relative au Tombeau de la Chrétienne qu’on trouve dans Marmol et à laquelle nous avons fait allusion plus haut, mais d’une inspiration différente, celle-là.
» La légende, plutôt que l’histoire, dit que le comte Julien, Gouverneur de l’Andalousie, au commencement du VIIIe siècle, pour venger un attentat du roi Roderik contre la vertu de sa fille, la belle Florinde, livra aux Arabes le passage d’Afrique en Espagne, dans l’année 711 ; Florinde, victime mais non complice du crime royal, fut pourtant et demeure flétrie jusqu’à nos jours de l’épithète » Cava « , qui se prononce » Caba » (prostituée), mot d’origine arabe, dont la signification n’est que trop connue ici. Les Espagnols, ayant entendu les indigènes donner le nom de Kober Roumia au Tombeau de la Chrétienne, ont fait de cette désignation qu’ils ne comprenaient pas, celle de » Cava » ou » Caba Roumia « . D’où ils ont conclu que c’était la sépulture de la fameuse » Cava » ; et alors ils ont donné au golfe qui s’étend sous le monument le titre de » Bahia de la Mala Myer « , Baie de la Mauvaise Femme.
Ajoutons enfin que des traditions locales toujours vivantes prétendent qu’une galerie appelée » Ras-el-Mendjel » mènerait de l’intérieur du Tombeau jusqu’à une grotte du littoral nommée Mersa-es-Safa, située entre le Rocher plat et la Maison Etourneau.
Mais personne n’a encore retrouvé ni le Ras-el-Mendjel ni la Mersa-es-Safa.
LES FOUILLES DU TOMBEAU
Quoiqu’il en soit, Berbrugger fut parmi les premiers Français qui approchèrent le Kober Roumia.
Le 20 octobre 1835, le Maréchal Clauzel, Gouverneur Général, accompagné de son secrétaire particulier Berbrugger, et escorté d’une colonne mobile, alla visiter l’imposante et mystérieuse pyramide de pierres : visite trop rapide pour que d’utiles observations aient pu être faites.
Par ailleurs, la région, à cette époque, n’était pas assez sûre pour qu’une expédition scientifique pût avoir lieu.
Dix ans plus tard, en 1845, le comte Guyot, directeur de l’Intérieur à Alger, vint à son tour, au cours d’une tournée dans la Mitidja, visiter le Tombeau.
Entrée secrète sous la fausse porte
A son retour, il demanda au Maréchal Soult, Ministre de la Guerre, un crédit de 5.000 francs pour entreprendre des fouilles, crédit qui lui fut refusé faute de fonds, et aussi de crainte que -- on ne voit pas bien poûrquoi -- ces » travaux ne produisent mauvais effet sur les Arabes « .
Enfin en 1855-1856, comme nous l’avons précédemment indiqué, Adrien Berbrugger fut chargé par le Maréchal Randon, Gouverneur Général, de pratiquer les premières fouilles.
Mais, comme toujours en pareil cas, -- les ressources financières ne tardèrent pas à manquer.
Ce n’est qu’en 1865, à l’occasion d’un passage de Napoléon III près du Kober Roumia, qu’une exploration sérieuse fut décidée, alimentée par des fonds que l’Empereur préleva sur sa cassette particulière (5). Une décision de juin 1865 désigna MM. Berbrugger et Mac Carthy comme chargés de travaux.
Par une entente tacite, ce fut Berbrugger qui prit la direction effective de l’expédition.
Durant les 7, 8 et 9 juillet, Berbrugger et Mac Carthy rendirent une première visite préparatoire au mausolée mauritanien, pour reconnaître le terrain et préparer un plan d’exploration.
Le double but que s’étaient fixés les explorateurs était de déblayer suffisamment la construction pour retrouver la forme architecturale primitive du Tombeau, rendue informe par l’action conjuguée du temps et des chercheurs de trésors, et de découvrir l’hypogée qu’il devait contenir.
L’édifice à explorer, on l’a vu, présentait une élévation de 33 mètres sur une base de 128 mètres. Les pierres écroulées entouraient le bas du monument sur une hauteur de 14 mètres. De plus, il ne fallait pas ajouter de nouvelles détériorations à celles déjà existantes.
Par ailleurs, le mausolée était loin des voies régulières de communication, à 7 kilomètres de tout centre de population.
Le 5 novembre 1865, l’expédition arriva sur le terrain sauf, naturellement, Mac Carthy, qui ne la rejoignit que le 6 décembre.
Les travaux ne devaient aboutir que le 5 mai 1866 à 2 h. 15 de l’après-midi. Ce jour-là, le trépan, qui travaillait dans la partie Sud du mausolée, tomba dans le vide, indiquant une cavité. Un boyau de mine horizontal de 6 m 75 fut aussitôt creusé en partant du point le plus proche de l’extérieur et les explorateurs accédèrent bientôt au couloir circulaire long de 150 mètres qui se love au coeur du monument ; en poussant jusqu’au bout, ils parvinrent aux trois caveaux centraux qu’ils trouvèrent vides.
Après quelques sondages complémentaires, l’exploration du Tombeau de la Chrétienne fut considérée comme terminée par les explorateurs ; elle ne donnait pas de grands résultats.
Berbrugger consigna le résultat des travaux d’exploration du Tombeau dans un livre qu’il publia en 1867 chez Bastide, à Alger : Le Tombeau de la Chrétienne, Mausolée des Rois Mauritaniens de la dernière dynastie, par M. Berbrugger, Inspecteur général des Monuments historiques et des Musées archéologiques de l’Algérie, etc…, avec vues du monument avant et après l’exploration et plan de l’hypogée.
Ce livre se trouve à la Bibliothèque nationale d’Alger, inscrit sous le N° 52.173.
(1) D’après un orientaliste, M. Juda, cité par Albert Caise dans sa notice sur le Tombeau (Blida, Mauguin édit., 1893) Kobor roumia signifierait en phénicien : » Tombeau royal « .
Par ailleurs, indiquons que selon Shaw (Voyages en Barbarie et au Levant, trad. française, La Haye, 1743, p. 58, tome I) les Turcs nommaient le Kober » Maltapasy « , c’est-à-dire : le Trésor du Pain de sucre, et qu’il servait » de direction aux matelots « .
(2) Le raisonnement sur lequel on se base pour voir dans le Kober Roumia le tombeau de Juba II est assez fragile malgré tout, et paraît une simple spéculation de l’esprit. Le voici : Pomponius Mela, que nous venons de citer, écrivait son De situ orbis, vers l’an 45 p.C. Le géographe Strabon ne parle pas de ce moment dans sa description des côtes d’Afrique qui est antérieure à l’an 12 p.C., date de sa mort. Donc, le tombeau a été construit entre les années 12 et 45. Or, Juba II étant mort vers l’an 25, il s’ensuit.. -- Ajoutons, toutefois, qu’on a recueilli, dans le déblai du N.O. un moyen bronze de Juba II
(3) Il est difficile de parler du Tombeau de la Chrétienne sans signaler qu’il existe dans le département de Constantine, près de Batna, un Mausolée analogue, le Medracen, qui serait le Tombeau de Massinissa, et qui semble avoir inspiré les constructeurs du Kober Roumia.
L’un et l’autre sont essentiellement formés d’un énorme tas de pierres recouvert d’une enveloppe architecturale. Le tas de pierre, plus ou moins haut, plus ou moins orné, a toujours été une sépulture africaine.
(4) Stephan Gsell. -- Cherchell, Tipasa, Tombeau de la Chrétienne. -- Adolphe Jourdan, éditeur -- Alger.
(5) Les frais d’exploration s’élevèrent en tout à 15.000 fr. (lettre du 14 juin 1866
Rédigé le 27/02/2012 à 10:19 dans Les ruines, Tourisme | Lien permanent | Commentaires (0)
Écrit autour de 1850, dans le cadre du :
PROJET D'ETABLISSEMENT
D'UNE FERME-VILLAGE
A TIPASA par la France.
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DIRECTION DES REMPARTS.
En prenant, comme point de départ, l'angle nord-est de la
ville, à sa jonction avec la mer, au-dessus de la falaise
qui la domine, se trouve une tour, qui surplombe une porte
de communication avec le cimetière chrétien. Le mur d'enceinte
se dirige vers le sud-ouest la longueur de 260 mètres,
puis par un angle obtus de 120°, il tourne vers le nord ouest-
quart-ouest l'espace de 50 mètres; un angle de 100°
le contourne et le fait diriger vers le sud-ouest, avec une
différence d'inclinaison d'à peu près 10° vers l'est pendant
200 mètres. Là, est un des angles principaux de la ville,
il est percé d'une porte avec sa tour et d'un passage voûté.
Le rempart commence alors à courir directement vers l'ouest,
pendant une longueur de 1,100 mètres, il est percé dedeux
portes de sortie -, ensuite il tourne vers le nord avec une légère
courbe et vient finir à la mer sur de hauts rochers qui
sont sur le rivage.
Un ravin coupe la ville en deux quartiers ; les eaux de ce
torrent, n'étant plus maintenues, par des constructions, ont
profondément creusé son lit et ont défoncé ses bords ; il
reçoit les eaux pluviales, qui descendent des collines situées
au sud, à peu de distance de la ville ; il passe sous une de
ses portes ; sur son cours il y a des grands réservoirs circulaires,
en forme de tour, probablement construits pour arrêter
les eaux et les laisser épurer.
Ce ravin arrive à la mer, en passant sous une grande terrasse,
servant de place publique, pavée d'une mozaïque,
dont nous avons emporté quelques fragments. Cette mozaïque
est ensevelie sous les sables; de ce point les promeneurs
apercevaient l'immensité de la mer et jouissaient du spectacle
ravissant qu'offrait la circulation des navires et des
barques, qui fréquentaient leur port et sillonnaient la rade.
La cité paraît avoir été divisée en deux quartiers distincts
et formait deux villes, différentes de moeurs, différentes
de religion. La ville payenne occupait le côté de l'ouest
et aboutissait à un monticule, qui domine la baie, on y voit
encore leurs tombeaux, le côté de l'est était affecté aux
chrétiens ; c'est la partie, qui a le plus souffert de la dévastation
vandale.
Par une pente douce le terrain s'élève graduellementjusqu'à
la porte de la ville, située au nord-est, placée sur la
falaise au bord de la mer et conduisant au cimetière chrétien.
La voie s'élève toujours en longeant la falaise et aboutit
au champ du repos.
L'oeil est surpris de la quantité de sarcophages, qui gisent
sur le sol, ou sont en partie ensevelis sous les sables. Après
en avoir compté quelques milliers, nous nous arrêtâmes fatigués.
Il y en a de toutes dimensions ; ils sont creusés dans
un seul bloc, en pierres du tuf dont la montagne est formée.
Le couvercle qui les recouvre est aussi d'un seul morceau,
taillé en angle saillant sur la face supérieure.
Ces tumulus affectent, en général la figure d'un carré long;
quelques-uns sont divisés intérieurement et peuvent contenir
deux cadavres ; d'autres ont une partie demi circulaire pour
y placer la tête.
A cinquante mètres environ de la porte du cimetière, se
trouve un édifice carré, construit en pierres de taille, occupant,
une superficie de 144 mètres; une porte communiquait
à une pièce carrée de dimension plus petite.
Cette construction devoit être affectée au gardien; pourtant
une grande quantité de tombes empilées, sans ordre, les unes
sur les autres, permettrait de croire que c'était là un des
ateliers de tailleurs de pierres
En continuant à gravir la montagne, toujours à travers
des tombes, se rencontre un autre atelier. Les sarcophages
confectionnés sont en plus grand nombre, qu'autour du premier
établissement. Ce devait être le chantier principal; il
en a, qui ne sont pas encore achevés.
En sortant du cimetière, sur un plateau, qui couronne la
montagne, on arrive à l'église chrétienne, dont le péristyle
faisait face à une petite place.
Cette église est construite en grandes pierres de taille ,
superposées sans ciment, d'un mètre cinquante centimètres
de longueur, sur soixante-dix centimètres d'épaisseur.
Les principaux murs sont encore debout. La longueur
totale de l'église , dans oeuvre, est de 30 mètres 75 centimètres
et sa largeur de 14 mètres 60 centimètres. La couverture
s'est affaissée et encombre le sol, pêle-mêle avec
les colonnes, les autels; l'herbe croît dans les intervalles de
ces monceaux de matériaux. En fouillant , nous avons retrouvé
une grande croix en pierre, dont nous nous bornons
à donner le dessin. Ce fut avec la plus grande peine, que
nous la découvrîmes et que nous la retirâmes du milieu des
décombres. Nous la déposâmes à côté de la porte latérale de
la façade du nord, espérant venir la chercher avec un
moyen de transport. Les circonstances ne nous ont pas permis
de donner suite à ce projet, que nous aurions été heureux
d'exécuter. Nous avons aussi pris le dessin d'un chapiteau
en marbre, d'ordre corinthien, parfaitement conservé.
Cette basilique, par sa position domine la cité et la mer.
Elle recouvrait de ses bénédictions tutélaires les habitants de
la ville et de la campagne, voyait, à ses pieds, ramper le
quartier et les temples païens, et sa croix, véritable monument
de foi, qui a résisté à la destruction des Vandales et
des impies, pourrait encore, comme dans le passé, servir de
point de reconnaisance aux navigateurs et de guide aux
voyageurs égarés, dans ces steppes difficiles et inhospitalières.
La ville païenne possède encore de ruines imposantes.
D'abord, près du ravin, dont nous avons parlé plus haut, on
voit des vestiges, qui, selon toute apparence, ont appartenu
à des bains. Une salle existe encore, c'est celle de l'étuve
ou calidariam; elle est carrée, ayant 8 mètres 80 centimètres
de long, 4 mètres 80 centimètres de large-, les murs ont
une hauteur de 8 mètres 80 centimètres-, elle est percée aux
deux extrémités d'une porte à plein-cintre, qui devait
servir à l'entrée et à la sortie. A un mètre du sol intérieur,
sont encore attenant aux murs, à une dislance de soixante
centimètres l'une de l'autre, les pierres d'arrachement, qui
soutenaient le plancher de l'étuve, aujourd'hui écroulé. Sur
le mur, qui regarde l'est, se voit au niveau du sol, l'ouverture
du foyer, par laquelle on introduisait le combustible
pour chauffer l'étuve.
A côté de ce mur, et séparé seulement par un corridor
de quatre mètres, est une enceinte circulaire, servant probablement
de salle tiède ( lepidarium ), où les baigneurs laissaient
calmer la chaleur suffoquante de l'étuve; faisant
suite à cette pièce, est une série de petites chambres carrées,
ou cabinets particuliers, ouvrant sur le corridor, qui
servaient de vestiaire et de lieu de repos; où aperçoit encore
les rigoles qui, du dehors de la ville, conduisaient l'eau
à cet établissement.
A l'angle nord-est de ce bâtiment, existe un pan de mur,
dont le parement nord fait face à une place carrée de 30
mètres sur chaque côté. Au pied de ce mur sont couchés
une grande quantité de fûts de colonnes et quelques chapitaux
d'ordre composite : sur la partie ouest de cette
place, sont amoncelés des pierres taillées, des colonnes,
des chapitaux appartenant au même ordre d'architecture.
Cette place , par la richesse de sa décoration , et par sa
proximité d'une autre plus grande, dont elle paraît être le
sanctuaire, est peut-être le Forum où les pères conscrits et
les consuls venaient s'entretenir des affaires de l'Etat. L'amas
de décombres que nous avons signalé, serait alors la tribune
aux harangues, ou le prétoire.
La place publique, contigue au Forum, est garnie, sur
ses quatre côtés, de pierres colossales, qui ont appartenu à
des palais ou à des édifices publics.
Près d'une des grandes sorties de la ville, le cirque montre,
enfouis sous les sables, ses gradins circulaires et ses lacunes
pour les vomitoires : à côté, se voient : une grande
citerne, puis un passage voûté, servant à introduire les bêtes
féroces et les gladiateurs. Des loges pour les animaux
s'y trouvent adossées.
Non loin du cirque est situé le théâtre, reconnaissable à
sa forme-, des matériaux et des fondations au niveau du sol,
en désignent seuls l'emplacement.
Au centre de la ville, sont des ruines, qu'on pourrait appeler
titannesques, à cause de leurs dimensions colossales ;
ce sont deux pans de murs, dont nous n'avons pu mesurer
la hauteur, et qui n'ont pas moins de deux mètres d'épaisseur.
Leur longueur est de quinze mètres. La construction
de ces murailles diffère de celle des autres édifices ; elle est
en moellons et en ciment, les parois intérieures , revêtues
de leur parement recticulaire, sont encore garnies, aux quatre
angles, de quatre piliers en briques ; lesquels devaient
soutenir une voûte servant de plancher au premier étage.
Au-dessus de cette première voûte, il en existait une autre
supportant les terrasses. Deux grandes ouvertures cintrées
sont pratiquées, comme fenêtres, au premier étage. Le sol
du rez-de-chaussée repose sur une voûte, qui recouvre de
de grandes caves ou des citernes. Une ouverture placée, dans
un des angles, à côté d'un pilier, laisse apercevoir, quoique
encombrés, des degrés en pierres, qui y descendent,
Il est difficile d'assigner une destination à cet édifice. Cependant
sa coupe grandiose et hardie, laisserait supposer
qu'il servait d'église. Dans ce cas, les caves souterraines
pourraient bien être une crypte, comme on en rencontre
souvent dans les premiers âges du christianisme.
Au nord de ce monument et contigu à lui, sont les restes
d'un vaste palais, qui pourrait être le palais épiscopal,
ou celui du Proeses, administrateur de la province. Ces ruines,
du côté de l'ouest, offrent une suite de galeries voûtées
dont le mur du fond subsiste seul.
La ville s'étend sur une éminence, où sont encore des
vestiges d'habitations considérables et d'un temple, que l'oeil
découvre sous les lentisques, les chênes verts et de faibles
arbrisseaux, qui, par la constance de leur végétation, insensible,
mais continue, ont dominé ces travaux de l'orgueil
humain.
Sur le versant du promontoire, qui descend en amphithéâtre
vers la baie du Nador, on reconnaît un théâtre, à
ses gradins superposés; cet escalier, placé sur le flanc de la
colline, l'accompagne, dans sa pente, jusqu'au scenium et au
post-scenium. Il est à remarquer que l'architecte, qui en a
tracé le plan, est sorti de l'usage adopté pour les théâtres,
lesquels avaient toujours la forme d'un hémicycle; il l'a
construit en parallélogramme, ne voulant pas borner le plaisir
des spectateurs aux seules émotions de la scène; étant
à leurs pieds la vue du port, il leur a ménagé durant les entr'actes,
la jouissance des beautés, qu'en ces lieux la nature
a semées avec profusion.
C'est que, en effet, le panorama est peu commun. Le golfe
que l'on domine — En face le Chenoua, avec ses contreforts,
resplendissant d'une végétation robuste ; — à gauche ;
la vallée du Nador, avec ses gourbis ombragés, par le feuillage
vert des orangers, le corail des grenadiers, et entourés
d'une ceinture de lauriers roses ; les sinuosités de la rivière,
dont on voit serpenter les eaux sous des guirlandes de
frênes, de trembles et de vignes vierges ; puis à côté de
ces bosquets, de belles plaines, où mûrissent des moissons
abondantes et de riches prairies naturelles, où les troupeaux
se jouent en pâturant.
Si le spectateur veut regarder autour de lui ; son oeil
repose sur des collines basses recouvertes de lentisques,
d'oliviers, d'arbousiers toujours verts, déployant au soleil
leur luxuriante nature-, au midi, le petit atlas, qui ourle
coquettement la plaine de la Metidja, le pic volcanique de
Teniah et le mont Zakar ; à l'est dans un horizon bleu, le
Djurjura avec sa couronne de neige ; plus rapprochée : la
Boudzareah, qui abrite Alger ; la jolie baie de Sidi-Feruch
avec sa Torre chica ;. le Kobour-Roumia,
véritable pyramide, qui plane sur la mer
du haut de ses trois cents mètres, jalon placé presque aux
limites des deux provinces, et au nord, la mer, son immensité,
ses souvenirs et ses espérances.
Parmi les monuments, il en est un appelé : Rabbia, par
les indigènes, qui attire particulièrement l'attention. C'est
un grand rocher, placé dans la mer, à dix mètres du rivage
taillé à main d'homme, ayant la forme cubique d'un carré long.
Cette pierre est creusée et contient une assez vaste salle-, la
destination de ce monument n'est pas douteuse -,c'est un tumulus,
dans lequel devaient être renfermés les restes de quelque
chef. Il a 4m 80 de hauteur, 3m 60 de largeur et 4m 10
de longueur. Ce tombeau , dont la mer baigne la base, est
recouvert de grandes pierres de taille, dont une a été enlevée;
et de même que les tombes qui sont dans la contrée,
il a été profané, par la cupidité des habitants, qui l'ont ouvert,
pour en retirer les joyaux et les divers objets, qu'on
avait la coutume d'ensevelir avec le corps.
La ville se prolongeait jusqu'au fond de la baie, où sont
les tombeaux payens et d'autres ruines, ensevelis sous.les
sables, que le vent du nord enlève de la plage, et que la réflexion
du Chenoua fait tourbillonner sur ce point. Ce sable,
amoncelé par des siècles, recouvre les constructions de
plus de trois pieds. En l'explorant, on s'y enfonce jusqu'aux
genoux, ce qui en rend le parcours pénible et dangereux.
La bise de mer, qui règne presque toujours, l'ondulé et le
fait mouvoir, comme elle le fait des vagues de la mer.
L'Oued-Nador est le seul cours d'eau, qui alimente la vallée,
son parcours n'est pas long; ses rives sont cultivées avec
soin; son lit, très encaissé, est ombragé par des arbres séculaires.
En remontant son cours l'espace de six kilomètres, on
trouve le barrage, que les romains avaient construit, pour
en détourner les eaux et les amener à Tipasa. Nous en avons
suivi le canal, dans toute sa longueur. Malgré les années,
qui ont passé sur sa destruction, il est aisé d'en reconnaître
le tracé, soit au creusement à demi comblé de sa cuvette,
soit aux arbres qui le bordent. Les grandes pierres, composant
la digue du barrage, faute d'entretien, ont été entraînées
par le courant, lors des grandes crues du Nador ;
mais à cause de leur dimension, elles ont roulé à peu de
distance ; on pourrait, à peu de frais, reconstruire cette
écluse.
Sur les derniers mamelons du Sahel, on retrouve les
matériaux d'un aqueduc romain, qui portait aussi à Tipasa,
les eaux d'une source éloignée, que nous n'avons pas
explorée.
Dans les vallons qui s'irradient de ces points vers la Métidja,
il y a des villas ou maisons de campagne, que la main
du temps a respectées ; une entre autres, élevée d'un étage,
percée de trois croisées, est recouverte d'une terrasse ; si
ce n'était les plantes parasites, qui ont crû dans le joint
des pierres, elle semble prête à recevoir ces hôtes familiers.
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Rédigé le 22/02/2012 à 22:36 dans Les ruines, Wilaya de Tipaza | Lien permanent | Commentaires (0)
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Le Chenoua dans la brume légère du matin, la côte et ses plages, la route à travers les pins...
A Tipaza, nous allons d'abord au port où se trouve une tombe phénicienne. Des aubriètes mauves tapissent les rochers. Puis un joli petit musée au patio fleuri de roses-chou, de géraniums et d'un arbuste inconnu de moi avec ses petits fruits jaunes. Stèles puniques dont une avec personnage tenant grappe et colombe, une petite boucle d'oreille avec le signe de Tanit.
Mosaïque de mensa (table d'agapes chrétiennes) avec le chrisme et l'inscription : « INDEO, PAX ET CONCORDIA SIT CONVIVIO NOSTRO ».
Trois stèles de cavaliers avec lance et arc. Mosaïque des prisonniers trouvée à la basilique judiciaire, un merveilleux arcophage de marbre, celui des centaures, déesses, Io et Jupiter; Au centre, un visage martelé, relief et finesse.
Nous passons à côté d'immenses thermes pour arriver au parc archéologique. Enfin ! nous n'avions eu qu'une heure pour le voir en novembre dernier. Ce matin, par un sentier fleuri, dans le maquis, les oliviers, les eucalyptus et les pins, de quoi l'air est-il parfumé ?
Nous arrivons au nymphée répartiteur de l'eau de la ville - très vaste, puis au théâtre sous de vieux eucalyptus. L'air est doux, c'est toute la beauté éclatante du printemps algérien.
Une troupe de petites filles revenant de l'école monte avec nous le chemin sablonneux, sous les arbres, conduisant à la grande basilique chrétienne d'où l'on domine tout le site et la mer au pied. J'y cueille des orchis abeilles. Sur le sentier il y avait des tapis de pâquerettes blanc mauve, très petites et très fines, de petites jacinthes rose très pâle.
La basilique de Tipaza est le plus grand édifice chrétien d'Afrique, après Damoüs-el-Karita de Carthage : neuf nefs séparées par des colonnes et des piliers dont on retrouve les bases. Fragment d'un immense tapis de mosaïque.
A côté de la basilique, le baptistère et les petits thermes des néophytes. Nous redescendons vers le port, mais il faut repartir. Le temps a passé comme un éclair, il est midi.
Iol Caesarea-Cherchell, une route en corniche avec de belles vues sur la mer et la grande plage de Tipaza conduit à Cherchell. Nous nous arrêtons aux ruines de l'aqueduc qui amenait l'eau à lol Caesarea. Au bord de l'oued poussent des trembles, les mêmes arbres à feuillage d'argent que ceux des ruisseaux de ma jeunesse. En ce moment des grappes de chatons s'ouvrent et laissent tomber une bourre cotonneuse qui fait un tapis blanc.
La ville de Cherchell actuelle est construite sur le site de Caesarea qui aurait eu cent mille habitants, deuxième ville d'Afrique après Carthage. Nous allons d'abord voir le port. Sur la droite on voit sous l'eau la trace d'une jetée romaine. La place domine le port et la mer. Partout des marbres antiques servant de bancs, la fontaine centrale est ornée de métopes et de têtes géantes, le tout sous des bellombras, monstrueux moignons. Le jardin public fleuri de dimorphotécas, les bellombras et au fond l'église, en forme de temple dorique, transformée en mosquée.
Entrée du musée sur la place. Il est célèbre par ses sculptures. Merveille que cet Apollon de Delphes, copie de l'art grec dans un marbre translucide - marbre de Paros - qui souligne la beauté d'un visage pur d'adolescent. L'Aphrodite a été sauvée du four à chaux par un officier français. Précieuse mosaïque chrétienne des deux paons. Le beau visage de Domitia Lucilla. Mais aussi une fruste idole punique. Et pourquoi une statue égyptienne d'un prêtre de Ptah en basalte noir ? Tête de Cléopâtre, mère de Cléopâtre Séléné.
A l'emplacement présumé du palais de Juba 11, cet amateur d'art qui nous vaut ces sculptures de l'art grec - copies de Phidias - un musée de mosaïques en plein air, parmi des fleurs éclatantes. Le gardien me donne le premier oeillet fleuri et des plants de dimorphothécas, la marguerite du tophet de Carthage. Ça ne prospère guère à Versailles ! Les mosaïstes de
Piazza Armerina, en Sicile, étaient africains. C'est dans ce jardin qu'on peut voir la mosaïque-tapis représentant une jonchée de fleurs et de feuillages, très rare, sol d'une pièce de sept mètres, et aussi le chef-d'œuvre de la mosaïque des travaux agricoles ; labours, semailles, vendanges.
Le soir venu, nous rentrons à Zeralda, où se trouve notre hôtel, en traversant les montagnes de l'Atlas tellien avec des vues panoramiques grandioses, massif du Dahra, forêt de chênes verts - petits orchis sauvages et grosses pâquerettes blanches. Descente sur la Mitidja où le vent du soir nous apporte le parfum des orangers en fleurs.
Lundi de Pâques, 24 avril 1984. Un rêve réalisé : toute une matinée au parc archéologique de Tipaza, à flâner à notre gré, sans souci de l'heure. On entendait le chant de jour du rossignol, l'appel de la huppe et le roucoulement si tendre des tourterelles. L'air léger, le ciel bleu comme hier. Nous avons d'abord exploré le quartier des artisans, vu les cuves de la tannerie, les thermes, puis nous sommes remontés par les casernes et leurs thermes vers la grande basilique. Juste au-dessous, une si jolie crique de galets.
En suivant le chemin qui surplombe la mer, on trouve un reste de tour du rempart et, plus loin, le mausolée circulaire des martyrs, les emplacements des sépultures, semblables aux enfeux des cathédrales et, tout autour, la nécropole des fidèles, « ad martyrium ». Un chemin dans le maquis arrive à la basilique d'Alexandre d'où l'on voit la baie et la longue plage au pied du Chenoua.
Puis, à travers le parc sauvage, nous sommes retournés au nymphée. Que de diapos ! Par le decumanus et le cardo nous sommes revenus au port éclatante au soleil, s'ouvrant sur la mer bleue, cette voie si vite parcourue en novembre au soleil couchant. Ce port était l'escale sur la voie maritime qui longeait tout le littoral africain de Carthage aux Colonnes d'Hercule. Un riche propriétaire habitait près du port une grande villa. On en retrouve le plan. L'atrium est fleuri d'aloès et d'iris blancs. On voit encore la mosaïque du tricinium. Le chemin monte sur la colline de droite, sous les pins dont je retrouve l'odeur chauffée au soleil. Et toujours la mer...
Nous grimpons jusqu'au forum. La basilique judiciaire est au-dessous. II fait délicieux sous les pins. Le chemin continue en suivant la côte, nous n'avons pas le temps d'aller plus loin, il va être midi et il faut une fois de plus s'arracher à ces lieux. Mais encore une photo : ces fleurs d'un rose éclatant sur l'ocre rouge du mur de l'amphithéâtre, près de la sortie.
Derrière nous, le gardien ferme la porte sur cette matinée de joie pure, d'images inoubliables.
Après le déjeuner, nous cherchons en vain le Castellum de Nador, vers l'intérieur. Retour à Sainte-Salsa... avec mon déplantoir ! Mais la folle exubérance des fleurs de printemps et des hautes herbes cache les cyclamens et, quand je trouve enfin les belles feuilles rondes, je ne peux extirper les bulbes trop profonds. Le Grand Pan qui rôde là, au plus chaud du jour, me permet de prélever pourtant un bulbe facile, un seul !
Sainte-Salsa au printemps. Il n'y a pas de mots pour décrire ce site : on marche parmi les fleurs, comme dans une fête de couleurs ; les tout petits iris mauves ou violets me plongent dans le plus pur ravissement : il y en a des tapis, seuls ou bien mélangés au jaune clair des marguerites ou au rose foncé des luzernes; partout les hautes ombelles jaune vert pâle des férules odorantes qui ressemblent aux fenouils. Tout cela fleurit les pierres des tombeaux, la table des agapes, la basilique. Et la mer clapote en bas et le Chenoua se fait fantôme dans la brume de chaleur.
De là, aussi, il faut partir...
NELLY FLOIRAT
Rédigé le 10/02/2012 à 21:20 dans Les ruines | Lien permanent | Commentaires (0)
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