réer Isrël en Afrique : Une Idée Oubliée de l'Histoire
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Le monarque républicain a pris une décision seul, il se retrouve maintenant seul. En son pouvoir souverain et sans partage, le roi avait joué la France en un coup de poker, il l'a fracassée. Il voulait une majorité absolue, il a pulvérisé son parti. Il voulait la stabilité institutionnelle de son pouvoir, il se retrouve face à un risque de désordre encore pire qu'il ne l'était auparavant.
La France est passée à côté du désastre, le parti fasciste n'a pas la majorité absolue tant espérée par lui. Mais je souhaiterais me prononcer avec un recul et une parole extérieurs à la liesse des partisans et électeurs qui se sont mis en barrage pour contrer la peste noire de l'histoire. La porte a été fermée, au loup mais il n'a pas fui, il est encore plus fort et attend son heure. Pourquoi un tel pessimisme, ou une réserve ? Car la joie qui s'exprime n'est en fait qu'un soulagement que le RN n'ait pas obtenu la majorité absolue. Cette joie n'a pas encore laissé place à la raison qui va lui remettre le regard sur la réalité. Regardons les résultats avec un esprit distancié et analysons le comment et le pourquoi un homme seul a tenté une telle folie. Il s'agira beaucoup plus de lui, dans cet article, car c'est l'homme qui dirigera la France pour encore trois ans.
Le Rassemblement National a perdu ?
Je n'ai peut-être pas compris l'arithmétique. Il avait 89 sièges, il en a maintenant 143. Curieuse défaite. Le camp présidentiel comptait 245 sièges, il se retrouve avec 156 sièges. Le Président a porté un coup fatal à ce qu'il restait encore de viable dans le parti qui l'avait porté au pouvoir. Le RN n'attendait que cela, c'est déjà un obstacle qui n'est plus sur son chemin pour la suite.
Quant au grand gagnant de ces élections, Le Nouveau Front Populaire compte désormais 174 sièges. Le NFP, ce n'est pas celui dont les membres s'écharpent, depuis des mois, avec des noms d'oiseaux et qui se sont mis d'accord en quatre jours avec des tas de bisous? Pourtant les longs gourdins cachés derrière leur dos sont visibles à un kilomètre. Un siècle de bagarre dans la gauche, les fameuses « deux gauches irréconciliables », et quatre jours pour une réconciliation, ce n'est pas un mariage précipité ?
Le dernier mariage que la gauche avait célébré datait du début du règne de Mitterrand en 1981. Il avait fini très rapidement par un divorce violent.
Le Président Macron a joué la France par un coup de poker, elle n'a pas été ruinée, a évité la catastrophe mais hypothéqué ses chances dans un avenir incertain.
Un décompte en sièges plus catastrophique que ce qu'il était avant la dissolution, il me faut beaucoup d'imagination pour qualifier le résultat de victoire.
Une déraison incompréhensible
Il n'avait prévenu personne si ce n'est informer la Présidente de l'Assemblée Nationale et le Président du Sénat comme l'impose la constitution. Ils n'avaient aucun pouvoir de bloquer sa décision. De plus il ne les avait avertis que très tardivement, à la vieille de sa décision. Puis la colère de la classe politique comme celle de la population s'était manifestée dès l'annonce d'une dissolution incomprise et dangereuse. Aucun espoir qu'elle ne cesse désormais, juste après la fête.
Emmanuel Macron avait pris acte des résultats catastrophiques des élections européennes. Il avait alors pensé que la nouvelle force du Rassemblement National allait décupler sa capacité de blocage. Mais comment cela se peut-il puisque l'élection européenne n'avait absolument aucun effet sur le nombre de sièges dans l'Assemblée nationale ?
Jupiter redescend de l'Olympe
L'image du dieu mythologique et son règne absolu est assez classique et nous pouvons la reprendre à bon compte. C'est d'ailleurs le Président Emmanuel Macron lui-même qui souhaitait être un « Président jupitérien » dans un entretien en 2016, accordé au magazine Challenges' au moment de sa conquête du pouvoir.
Ses deux prédécesseurs avaient eux aussi été poursuivis par une qualification qui collera à leur image. Nicolas Sarkozy avait été « l'hyper président », celui qui avait théorisé qu'il fallait « créer chaque jour un événement pour que chaque jour nécessite une intervention de la parole présidentielle ». Il était partout, se mêlant de tout et ne laissant aucun espace d'intervention à son gouvernement. C'est pourtant exactement ce que fera Emmanuel Macron.
Quant à François Hollande, il s'est qualifié lui-même de Président « normal » pour se démarquer de l'exubérance de son prédécesseur. Emmanuel Macron, son ministre de l'Economie, avait vécu une normalité du Président qui avait provoqué la fronde de ses partisans et le harcèlement des journalistes qui ont fini par l'étouffer (en amplifiant le rejet populaire à son égard) jusqu'à son abandon d'une nouvelle candidature. C'est la raison pour laquelle Emmanuel Macron avait estimé qu'il fallait éviter les deux écueils et redonner à la fonction la dignité de son rang. Il voulait restaurer l'horizontalité jupitérienne du pouvoir et prendre de la hauteur par rapport aux médias avec lesquels il souhaitait avoir « une saine distance ».
Il voulait se démarquer des deux autres Présidents mais il a créé une déclinaison commune en devenant un « hyper président anormal et rejeté ». Tout cela est démoli, Jupiter redescend de son Olympe.
Le syndrome du premier de la classe
La montée fulgurante d'un homme jeune et sa stupéfiante réussite, en si peu de temps, pour devenir Président de la République avait été jugée comme exceptionnelle. L'homme avait été salué dans son exploit et une route lui était désormais tracée.
Selon ses propres mots, il voulait « gouverner autrement », sortir du tunnel de la « vieille politique » et mettre fin aux blocages des partis politiques qu'il avait connus avec François Hollande face à la crise des « frondeurs » de son propre camp. Il voulait intégrer la France dans le mouvement mondial de la « Start-up nation », redonner à la France sa capacité à s'ouvrir au monde, à créer les conditions de sa modernité et sortir du traditionnel combat historique et stérile entre la gauche et la droite. Il voulait des « premiers de cordée », c'est-à-dire placer au sommet de la pyramide ceux qui ont la capacité de créer, d'innover et d'entraîner un « ruissellement vers le bas », c'est-à-dire au profit des autres. Il avait cru que c'était l'excellence qui gouvernait le monde. Il avait oublié que si cette dernière était indispensable par le dynamisme d'une jeunesse diplômée et la compétence de hauts cadres, il fallait un projet politique qui crée les conditions d'adhésion et d'entrainement d'une société. Il avait cru qu'un pays se gouvernait comme une entreprise.
Ni à droite ni à gauche, nulle part
Pour arriver à cet objectif ambitieux, Emmanuel Macron voulait écarter les corps intermédiaires et créer un centre puissant. Dans toutes ses déclarations, une expression qui va lui coller à la peau « en même temps ». Chaque décision se voulait être ni-ni, ni les vieilles lunes de droite ni celles de gauche. Il avait cru alors avoir trouvé ce territoire central si recherché et jamais réellement découvert, celui qui unit une société. Un fantasme de la politique française qui avait fait dire à François Mitterrand aux journalistes : « le centre est au fond du couloir, à droite ». Puis une autre fois, « curieux que ce centre qui vote à droite ».
Son projet de créer ce centre mythique fut alors d'affaiblir les deux partis de gouvernement qui alternaient au pouvoir depuis 1981, avec l'arrivée de François Mitterrand et de les attirer vers lui. Il avait réussi à débaucher un certain nombre de leurs cadres, séduits par ce jeune homme aux visions d'avenir. En fait, ils souhaitaient surtout quitter deux partis en déclin et prendre leur chance avec un nouveau souffle promis. Ainsi il a détruit les traditionnels partis républicains et de gouvernement. À gauche, le Parti Socialiste et à droite, Les Républicains, qui sont devenus des coquilles presque vides. Il devrait s'en mordre les doigts car ils auraient été ses chances actuelles d'une éventuelle coalition en sa faveur.
À s'acharner à détruire l'existant politique, il n'a créé ni le « ni-ni », ni le « gouverner autrement », ni construire un centre solide. Finalement, il est arrivé nulle part.
Le pouvoir et la solitude du Prince
Goethe affirmait que «la solitude est enfant du pouvoir » et Machiavel que « le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument» (Le Prince, 1513).
Bien entendu, pour Emmanuel Macron on doit écarter la corruption dans le sens de l'appropriation matérielle illégale mais retenir celle de l'esprit. Pour sa défense, on peut également dire que la lourde responsabilité et les décisions quotidiennes importantes pour gérer les affaires de l'Etat nous rapprochent d'une seconde affirmation de Goethe « toute production importante est l'enfant de la solitude ». On doit aussi écarter l'image du pouvoir isolé dans le Palais de l'Elysée. « La république est dans ses meubles » disait Mitterrand lorsqu'il avait reçu des chefs d'Etat, à Versailles. Tous les édifices prestigieux ont été la propriété de la noblesse de sang et d'argent, construits par le fruit du labeur et du talent du peuple. Installer les hommes du pouvoir républicain et leurs administrations dans ces palais est la marque de la magnificence de l'Etat, donc celle du peuple. Cependant, en sens contraire, on peut reprocher à tous les Présidents de la cinquième république d'avoir été envoutés par la puissance qui les isole davantage. Tous les intimes et compagnons qui ont permis au Prince d'accéder au pouvoir ont vécu avec le temps son éloignement progressif et un enfermement dans sa certitude d'être la source de développement et de la protection du pays.
Et maintenant, que peut la solitude ?
Une remarque préalable, cet article est rédigé avant qu'une décision soit prise par Emmanuel Macron. Qu'importe, d'une part il est peu probable que la décision soit prise demain et par ailleurs, cela permet d'analyser toutes les options possibles dans une telle situation. Une seconde dissolution ? La constitution ne le lui permet pas avant un an. La démission ? Emmanuel Macron a déclaré qu'il ne l'envisage pas. Et puis, ce serait donner les clés de la Présidence de la république à Marine le Pen, en considération du mode de scrutin.
Un gouvernement de techniciens ? Il le pourrait, comme ce fut le cas très souvent en Italie, mais ce n'est pas la culture politique française. Certains prétendent que la seule exception fut le Premier ministre Raymond Barre mais ils ont oublié que celui-ci avait des ancrages politiques et une expérience d'élu, maire de longue date de la ville de Lyon, troisième métropole de France. Si l'image du technicien lui était attribuée c'est parce qu'il fut un grand professeur d'économie (le plus grand disait-on à cette époque).
La recherche d'une coalition majoritaire qui lui serait favorable ? À constater l'effort immense pour la gauche de construire le Nouveau Front Populaire alors que les positions politiques de chacune des composantes sont aussi éloignées que les étoiles entre elles. La coalition ne tiendrait pas plus longtemps que les promesses du menteur. J'ai bien peur que la gauche ne s'enthousiasme trop tôt et s'éloigne du chemin de l'unité. Elle est loin d'être atteinte malgré cette soirée de victoire.
La nomination du leader du parti majoritaire ? L'usage le voudrait mais il n'est pas obligé. Il aurait donc le choix entre Bardella et Mélenchon ? Pour une victoire, j'en ai connu des plus stables et durables.
Nommer un Premier ministre en dehors des partis majoritaires ? Dès la première motion de censure, il serait balayé comme une feuille au vent d'automne. Utiliser tous les autres pouvoirs que lui confère la constitution ? Ils sont puissants mais le Président serait alors obligé de refuser tous les textes gouvernementaux ou du Rassemblement National.
Le blocage permanent est-il dans le rôle de la fonction et de l'intérêt de la France pendant une année, avant la prochaine dissolution ? En conclusion, donner les clés à un jeune premier de la classe qui n'avait aucun parcours politique (dans le sens du militantisme), aucun parti politique enraciné dans les territoires et aucun projet autre que celui du rêve chimérique de détruire l'existant, c'était assurément donner un gros jouet à un enfant gâté. Il l'a fracassé.
par Sid Lakhdar Boumediène
eudi 11 juillet 2024
https://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5331024
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Rédigé le 07/07/2024 à 03:44 dans Gaza, Israël, Palestine | Lien permanent | Commentaires (0)
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Rédigé le 09/12/2023 à 19:31 dans Israël, Paléstine | Lien permanent | Commentaires (0)
La proposition d’un cessez-le-feu immédiat à Gaza pour raisons humanitaires présentée au Conseil de sécurité s’est heurtée au veto américain. Treize autres membres ont voté pour et la Grande-Bretagne s’est abstenue. Le soutien inconditionnel américain au gouvernement israélien est critiqué de toutes parts.
aLa décision du gouvernement américain de mettre son veto à la proposition de cessez-le-feu humanitaire immédiat à Gaza présentée à l’ONU le 8 décembre par les Émirats arabes unis est vivement critiquée par les organisations humanitaires. Amnesty International estime que la position des États-Unis est « moralement indéfendable ». Sur X (anciennement Twitter), le directeur général de l’organisation aux États-Unis, Paul O’Brien, accuse le gouvernement américain « de tourner le dos aux souffrances des civils [...] et à la catastrophe sans précédent à Gaza ».
De son côté, l’ONG Human Rights Watch met en garde l’administration Biden, affirmant que les États-Unis risquent d’être accusés « de complicité de crimes de guerre » en continuant de fournir des armes à Israël et en le couvrant diplomatiquement. Médecins sans frontières (MSF) a ajouté que l’inaction du Conseil de sécurité des Nations unies le rend « complice du massacre » dans la bande de Gaza.
La résolution de l’ONU demandant un cessez-le-feu immédiat à Gaza au nom des principes humanitaires avait été lancée par le secrétaire général de l’ONU, António Guterres. Il avait invoqué l’article 99 de la Charte des Nations unis. Un article utilisé quatre fois dans l’histoire de l’ONU. Présenté par les Émirats arabes unis, le texte avait le soutien de 100 pays. Sur les quinze membres du Conseil de sécurité, 13 ont voté pour le texte, les États-Unis ont mis leur veto et la Grande-Bretagne s’est abstenue.
Le gouvernement américain avait indiqué par avance qu’il allait mettre son veto sur le texte, estimant que celui-ci était trop déséquilibré : il ne faisait aucune mention au massacre terroriste commis par le Hamas le 7 octobre. L’ambassadeur américain à l’ONU, Robert Wood, a ajouté lors de la discussion que tout arrêt de la guerre risquait de renforcer les positions du Hamas. En même temps qu’elle mettait son veto, l’administration Biden a demandé au Congrès d’approuver la vente de 45 000 munitions pour les tanks Merkava utilisés par l’armée israélienne dans sa guerre contre le Hamas.
L’ambassadeur israélien auprès de l’ONU, Gilad Erdan, a remercié les États-Unis et Joe Biden pour avoir mis son veto à la proposition de résolution présentée au Conseil de sécurité. Sur les réseaux sociaux, il a salué le président américain pour « rester ferme aux côtés » d’Israël et montrer « son leadership et ses valeurs ».
Alors que le Hamas accuse les États-Unis de « participer directement au massacre des Palestiniens », l’ambassadeur palestinien auprès de l’ONU, Riyad Mansour, a de son côté condamné la décision américaine, estimant que son veto marquait « un tournant dans l’histoire ». Dans un discours devant le Conseil de sécurité après le vote, il a estimé que ce scrutin était « désastreux », mettant en garde contre une prolongation du conflit à Gaza, impliquant « la poursuite des atrocités, la perte de plus de vies innocentes, et plus de destruction ».
Son point de vue est largement partagé par les pays arabes et plus largement du Sud, qui y voient la confirmation « du double standard » utilisé par l’Occident. L’Iran a mis en garde, samedi, contre « la possibilité » d’« une explosion incontrôlable » au Moyen-Orient si les États-Unis continuaient de soutenir Israël contre le Hamas à Gaza. « Tant que l’Amérique soutiendra les crimes du régime sioniste et la poursuite de la guerre, il y a la possibilité d’une explosion incontrôlable de la situation dans la région », a déclaré le ministre des affaires étrangères, Hossein Amir Abdollahian, lors d’une conversation téléphonique avec le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies.
Le comité ministériel arabo-islamique a rencontré le secrétaire d’État américain Antony Blinken à Washington et lui a demandé que les États-Unis utilisent toute leur influence pour obtenir le plus rapidement possible un cessez-le-feu à Gaza. Sur place, un des responsables de l’aide humanitaire pour l’ONU parle « d’une situation cauchemardesque ».
La rédaction de Mediapart
9 décembre 2023 à 13h25
https://www.mediapart.fr/journal/international/091223/le-veto-americain-l-onu-condamne-de-toutes-parts
Ghaza : la communauté internationale dénonce le véto américain
Le véto américain opposé à une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU appelant à un « cessez-le-feu humanitaire immédiat » à Ghaza qui subit une agression sioniste sans précédent, a suscité samedi de vives condamnations de la part de la communauté internationale.
Le Conseil de sécurité de l’ONU n’a pas réussi vendredi, pour la deuxième fois, à voter une résolution en faveur d’un cessez-le-feu immédiat dans la bande de Ghaza, après que les Etats-Unis ont utilisé leur droit de veto. Le texte a recueilli 13 voix en faveur, une contre et une abstention.
Le président de l’Etat de Palestine, Mahmoud Abbas, a qualifié la position américaine d' »agressive » et d' »immorale », et dénoncé « une violation flagrante de toutes les valeurs et principes humains », tenant les Etats-Unis « pour responsables de l’effusion de sang des enfants, des femmes et des personnes âgées palestiniens dans la bande de Ghaza aux mains des forces d’occupation ».
Il a affirmé que cette politique américaine « témoigne que les Etats-Unis sont un partenaire du crime de génocide, du nettoyage ethnique et des crimes de guerre commis par les forces d’occupation (sionistes) contre les Palestiniens dans la bande de Ghaza, la Cisjordanie et à El-Qods occupées », y voyant aussi « une menace pour la sécurité et la paix internationales ».
Pour le président Abbas, le véto américain opposé à la résolution du Conseil de sécurité « donnerait un feu vert supplémentaire à l’occupation pour poursuivre son agression contre le peuple palestinien dans la bande de Ghaza ».
De son côté, le Premier ministre palestinien, Mohammed Shtayyeh a fustigé « l’échec du Conseil de sécurité à adopter un projet de résolution visant à mettre fin à l’agression contre notre peuple dans la bande de Ghaza en raison de l’utilisation par les Etats-Unis de leur droit de véto », qu’il a qualifié de « honte » .
Selon lui, l’utilisation du véto montre le « mensonge » des Etats-Unis lorsqu’ils disent se préoccuper des pertes civiles.
Condamnations internationales
Le secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmed Aboul Gheit, a déclaré dans un message sur les réseaux sociaux : « Le Conseil de sécurité a malheureusement été empêché de prendre une position politique et morale correcte pour mettre fin à cette agression insensée ».
Aboul Gheit a, par ailleurs, exprimé sa gratitude aux 99 pays qui ont co-parrainé le projet de résolution appelant à un cessez-le-feu à Ghaza, ainsi qu’aux 13 membres du Conseil de sécurité « qui croient au respect du droit international ».
Le secrétaire général de l’Organisation de la coopération islamique (OCI), Hussein Ibrahim Taha, a quant à lui estimé que cet échec « a des répercussions négatives sur le rôle du Conseil dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales, la protection des civils innocents et l’arrêt de cette catastrophe humanitaire qui s’aggrave, suite à l’agression brutale et continue des forces sionistes contre le peuple palestinien dans la bande de Ghaza ».
Il a averti que l’échec du Conseil de sécurité à assumer ses responsabilités à ce stade critique « donne à l’occupation une opportunité de poursuivre et d’intensifier son agression contre le peuple palestinien ».
De même, l’ambassadeur adjoint russe à l’ONU, Dmitri Polianskiï, a affirmé: « Nous n’exagérerons pas si nous disons qu’aujourd’hui est l’un des jours les plus sombres de l’histoire du Moyen-Orient. Une fois de plus, les Etats-Unis font obstacle au processus visant à parvenir à un cessez-le-feu (à Ghaza), condamnant à mort des dizaines de milliers de civils en Palestine ».
Il a déploré que « les Etats-Unis interdisent au Conseil de sécurité d’intervenir pour résoudre la crise à Ghaza et les résultats de cette diplomatie sont un cimetière pour les enfants palestiniens à Ghaza », ajoutant qu’ « il ne nous reste plus qu’à redoubler d’efforts au Conseil de sécurité pour parvenir à une décision qui allégera les souffrances des civils ».
Pour sa part, l’Iran a indiqué que « tant que l’Amérique soutiendra les crimes du régime sioniste et la poursuite de la guerre (…) il y aura un risque d’explosion incontrôlable de la situation dans la région ».
En outre, le président turc, Recep Tayyip Erdogan a affirmé que « chaque jour la Déclaration des droits humains est violée » en Palestine, soulignant que « depuis le 7 octobre, le Conseil de sécurité est devenu un conseil de protection et de défense » de l’entité sioniste.
« Est-ce ça, la justice? » a lancé M. Erdogan qui a répété une nouvelle fois que « le monde est plus grand que cinq », en référence aux membres permanents du Conseil de sécurité.
Le blocage américain vendredi soir à l’ONU a également été condamné par des ONG, notamment Médecins sans frontières (MSF), qui juge qu’il rend les Etats-Unis « complices du carnage à Ghaza ».
Dans ce contexte, l’entité sioniste maintenait samedi son agression contre la bande de Ghaza, ses bombardements ayant fait 17.487 martyrs, pour plus des deux tiers des femmes et des enfants.
Selon l’ONU, plus de la moitié des habitations de Ghaza ont été détruites ou endommagées par l’agression sioniste, où 1,9 million de personnes, soit 85% de la population, ont quitté leurs foyers.
https://www.algerie-eco.com/2023/12/09/ghaza-la-communaute-internationale-denonce-le-veto-americain/
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Rédigé le 09/12/2023 à 15:01 dans Israël, Palestine | Lien permanent | Commentaires (0)
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Rédigé le 09/12/2023 à 11:44 dans Israël, Palestine | Lien permanent | Commentaires (0)
L’enquête menée par +972 et Local Call est basée sur des conversations avec sept membres actuels et anciens de la communauté du renseignement israélien – y compris des membres du renseignement militaire et de l’armée de l’air – impliqués dans les opérations israéliennes dans la bande assiégée. S’y ajoutent des témoignages, des données et des informations de provenance palestinienne, des documents fournis depuis la bande de Gaza, ainsi que des déclarations officielles du porte-parole de Tsahal et d’autres institutions de l’État israélien.
Comparée aux précédentes attaques israéliennes contre Gaza, la guerre actuelle – qu’Israël a baptisée « Operation Iron Sword » et qui a débuté à la suite de l’attaque menée par le Hamas contre le sud d’Israël le 7 octobre – a vu l’armée étendre considérablement ses bombardements sur Gaza aux cibles qui ne sont pas clairement de nature militaire. Il s’agit notamment de résidences privées ainsi que de bâtiments publics, d’infrastructures et d’immeubles de grande hauteur, que l’armée définit, selon des sources, comme des « cibles de pouvoir » (« matarot otzem »).
Le bombardement de tels « cibles de pouvoir », selon des sources du renseignement qui ont eu une expérience directe de son application à Gaza dans le passé, vise principalement à nuire à la société civile palestinienne : à « créer un choc » qui, entre autres, comme l’a spécifié une source, aura une forte résonance susceptible « d’amener les civils à faire pression sur le Hamas ».
Plusieurs sources, qui ont parlé au +972 et à Local Call sous couvert d’anonymat, ont confirmé que l’armée israélienne dispose de fichiers sur la grande majorité des cibles potentielles à Gaza – y compris les maisons d’habitation – qui stipulent le nombre de civils susceptibles d’être tués lors d’une attaque contre une cible particulière. Ce nombre est calculé et connu à l’avance des unités de renseignement de l’armée, qui savent donc, peu avant de lancer une attaque, combien de civils sont susceptibles d’être tués.
Des Palestiniennes réagissent aux ravages causés par une frappe aérienne israélienne à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 11 novembre 2023. (Abed Rahim Khatib/Flash90)
Des Palestiniennes réagissent aux ravages causés par une frappe aérienne israélienne à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 11 novembre 2023. (Abed Rahim Khatib/Flash90)
Dans un cas évoqué par nos sources, le commandement militaire israélien a sciemment approuvé le meurtre de centaines de civils palestiniens dans le but d’assassiner un seul haut commandant militaire du Hamas. « Les chiffres sont passés de dizaines de morts civiles [considérées acceptables] lors d’opérations précédentes comme dommages collatéraux dans le cadre d’une attaque contre un haut responsable, à des centaines de morts civiles autorisées comme dommages collatéraux », a déclaré une source.
« Rien n’arrive par hasard », a déclaré une autre source. « Lorsqu’une fillette de 3 ans est tuée dans une maison à Gaza, c’est parce que quelqu’un dans l’armée a décidé que ce n’était pas grave qu’elle soit tuée – que c’était un prix qui valait la peine d’être payé pour frapper [une autre] cible. Nous ne sommes pas le Hamas. Ce ne sont pas des fusées aléatoires. Tout est intentionnel. Nous savons exactement l’étendue des dommages collatéraux qu’il y aura dans chaque maison. »
Selon l’enquête, une autre raison expliquant le grand nombre de cibles et les dommages considérables causés à la vie civile à Gaza est l’utilisation généralisée d’un système appelé Habsora (« L’Évangile »), qui repose en grande partie sur l’intelligence artificielle et peut « générer » des cibles presque automatiquement à un rythme qui dépasse de loin ce qui était auparavant possible. Ce système d’IA, tel que décrit par un ancien officier du renseignement, facilite rien moins qu’une « usine d’assassinats de masse ».
Toujours selon nos sources, l’utilisation croissante de systèmes basés sur l’IA comme Habsora permet à l’armée de mener des frappes massives contre des résidences où vit un seul membre du Hamas, même s’il s’agit de jeunes membres de l’organisation. Pourtant, les témoignages de Palestiniens et de Palestiniennes à Gaza suggèrent que depuis le 7 octobre, l’armée a également attaqué de nombreuses résidences privées où ne résidait aucun membre connu ou soupçonné membre du Hamas ou de tout autre groupe militant. De telles frappes, ont confirmé des sources au +972 et à Local Call, peuvent tuer en connaissance de cause des familles entières.
Dans la majorité des cas, ajoutent les sources, l’activité militaire n’est pas menée à partir de ces foyers ciblés. « Je me souviens avoir pensé que c’était comme si [des militants palestiniens] bombardaient toutes les résidences privées de nos familles lorsque nous [les soldats israéliens] retournions dormir à la maison le week-end », se souvient une source critique de cette pratique.
Une autre source a déclaré qu’un officier supérieur du renseignement avait affirmé à ses officiers après le 7 octobre que l’objectif étant de « tuer autant de membres du Hamas que possible », les critères concernant le fait de nuire aux civils palestiniens avaient été considérablement assouplis. Ainsi, il existe « des cas dans lesquels nous bombardons en nous basant sur une localisation plutôt approximative de l’endroit où se trouve la cible, tuant ainsi des civils. Cela est souvent fait pour gagner du temps, là où avec un peu plus de travail, on aurait pu obtenir un repérage plus précis », a expliqué la source.
Le résultat de ces politiques est une perte stupéfiante de vies humaines à Gaza depuis le 7 octobre. Plus de 300 familles ont perdu 10 de leurs membres ou plus dans les bombardements israéliens au cours des deux derniers mois – un nombre qui est 15 fois plus élevé que celui de la guerre la plus meurtrière menée par Israël contre Gaza jusqu’à là, en 2014. Au moment de la rédaction de cet article, environ 15 000 Palestiniens et Palestiniennes auraient été tué.e.s dans la guerre, et ce n’est pas fini.
« Tout cela est en vif contraste avec le protocole utilisé par Tsahal dans le passé », a expliqué une source. « On a le sentiment que les hauts responsables de l’armée sont conscients de leur échec du 7 octobre et se demandent comment donner au public israélien une image [de la victoire] qui sauvera leur réputation. »
Israël a lancé son assaut sur Gaza au lendemain de l’offensive du 7 octobre menée par le Hamas dans le sud d’Israël. Au cours de cette attaque, sous une pluie de tirs de roquettes, des militants palestiniens ont massacré plus de 840 civils et tué 350 soldats et membres du personnel de sécurité, enlevé environ 240 personnes – civils et militaires – les amenant à Gaza, et commis des violences sexuelles de tout genre, notamment des viols, selon un rapport de l’ONG Physicians for Human Rights Israël.
Dès le lendemain de l’attaque du 7 octobre, les décideurs israéliens ont ouvertement déclaré que la réponse serait d’une ampleur complètement différente des précédentes opérations militaires à Gaza, dans le but déclaré d’éradiquer totalement le Hamas. « On se concentre sur les dommages infligés et non sur l’exactitude », a déclaré le porte-parole de Tsahal, Daniel Hagari, le 9 octobre. L’armée a rapidement traduit ces déclarations en actions.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, le ministre de la Défense Yoav Gallant et le ministre sans portefeuille Benny Gantz tiennent une conférence de presse conjointe au ministère de la Défense, à Tel Aviv, le 11 novembre 2023. (Marc Israel Sellem/POOL)
Selon les sources qui ont parlé au +972 et à Local Call, les cibles à Gaza qui ont été frappées par l’aviation israélienne peuvent être grossièrement divisées en quatre catégories. La première concerne les « cibles tactiques », qui comprennent des cibles militaires standard telles que des cellules militantes armées, des entrepôts d’armes, des lance-roquettes, des lanceurs de missiles antichar, des fosses de lancement, des mortiers, des quartiers généraux militaires, des postes d’observation, etc.
La seconde concerne les « cibles souterraines » – principalement les tunnels que le Hamas a creusés sous les quartiers de Gaza, y compris sous les habitations civiles. Des frappes aériennes sur ces cibles pouvaient entraîner l’effondrement des maisons situées au-dessus ou à proximité des tunnels.
Le troisième concerne les « cibles de pouvoir », qui comprennent les grands immeubles et les tours résidentielles au cœur des villes, ainsi que les bâtiments publics tels que les universités, les banques et les bureaux gouvernementaux. Selon trois sources du renseignement qui ont participé à la planification ou à la conduite de frappes contre des cibles de pouvoir dans le passé, l’idée derrière l’attaque de telles cibles est qu’une attaque délibérée contre la société palestinienne exercera une « pression civile » sur le Hamas.
La dernière catégorie est constituée des « maisons des familles» ou des « maisons de membres du Hamas ». Le but déclaré de ces attaques est de détruire des résidences privées afin d’assassiner un seul résident soupçonné d’être un membre du Hamas ou du Jihad islamique. Cependant, dans la guerre actuelle, des témoignages palestiniens affirment que certaines des familles tuées ne comprenaient aucun membre de ces organisations.
Au début de la guerre actuelle, l’armée israélienne semble avoir accordé une attention particulière aux troisième et quatrième catégories de cibles. Selon les déclarations du porte-parole de Tsahal le 11 octobre, au cours des cinq premiers jours de combat, la moitié des cibles bombardées – 1 329 sur un total de 2 687 – étaient considérées comme des « cibles de pouvoir ».
Des Palestiniens longent les décombres de bâtiments détruits par les frappes aériennes israéliennes à Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza, le 28 novembre 2023. (Atia Mohammed/Flash90)
« On nous demande de rechercher des immeubles de grande hauteur dotés d’un demi-étage pouvant être attribué au Hamas », a déclaré une source ayant participé aux précédentes offensives israéliennes à Gaza. « Parfois, il s’agit du bureau du porte-parole d’un groupe militant ou d’un point de rencontre des agents. J’ai compris que l’histoire du demi-étage est un prétexte qui permet à l’armée de causer beaucoup de destructions à Gaza. C’est ce qu’ils nous ont expliqué. »
« S’ils admettaient au monde entier que les bureaux [du Jihad islamique] au 10ème étage ne sont pas une cible importante, mais que leur existence est une justification pour démolir tout l’immeuble dans le but de faire pression sur les familles civiles qui y vivent afin qu’elles fassent à leur tour pression sur les organisations terroristes, cela serait considéré comme du terrorisme. Donc ils ne le disent pas », a ajouté la source.
Diverses sources ayant servi dans les unités de renseignement de Tsahal ont déclaré qu’au moins jusqu’à la guerre actuelle, les protocoles de l’armée autorisaient l’attaque de « cibles de pouvoir » uniquement lorsque les bâtiments étaient vides de résidents au moment de l’attaque. Cependant, des témoignages et des vidéos provenant de Gaza suggèrent que depuis le 7 octobre, certaines de ces cibles ont été attaquées sans prévenir leurs occupants, tuant ainsi des familles entières.
Qu’il existe un ciblage à grande échelle des résidences peut être déduit de données publiques et officielles. Selon le bureau des Médias du gouvernement à Gaza – qui fournit le bilan des morts depuis que le ministère de la Santé de Gaza a cessé de le faire le 11 novembre en raison de l’effondrement des services de santé dans la bande – au moment où le cessez-le-feu temporaire est entré en vigueur le 23 novembre, Israël avait tué 14 800 Palestiniens à Gaza ; environ 6 000 d’entre eux étaient des enfants et 4 000 des femmes, ce qui représente plus de 67% du total. Les chiffres fournis par le ministère de la Santé et le bureau des Médias du gouvernement – qui relèvent tous deux du gouvernement du Hamas – ne s’écartent pas de manière significative des estimations israéliennes.
Le ministère de la Santé de Gaza ne précise pas non plus combien de morts appartenaient aux branches militaires du Hamas ou du Jihad islamique. L’armée israélienne estime avoir tué entre 1 000 et 3000 militants palestiniens armés. Selon les médias israéliens, certains des militants morts sont enterrés sous les décombres ou à l’intérieur du système de tunnels souterrains du Hamas et n’ont donc pas été comptabilisés dans les décomptes officiels.
Des Palestiniens tentent d’éteindre un incendie après une frappe aérienne israélienne sur une maison du camp de réfugiés de Shaboura, dans la ville de Rafah, au sud de la bande de Gaza, le 17 novembre 2023. (Abed Rahim Khatib/Flash90)
Les données de l’ONU pour la période allant jusqu’au 11 novembre, date à laquelle Israël avait déjà tué 11 078 Palestiniens et Palestiniennes à Gaza, indiquent qu’au moins 312 familles ont perdu 10 personnes ou plus dans l’actuelle attaque israélienne. (À titre de comparaison, lors de l’Operation Protective Edge » en 2014, 20 familles à Gaza ont perdu 10 personnes ou plus.) Au moins 189 familles ont perdu entre six et neuf personnes selon les données de l’ONU, tandis que 549 familles ont perdu entre deux et cinq personnes. Aucune mise à jour détaillée des données n’a encore été fournie concernant les chiffres des victimes publiés depuis le 11 novembre.
Les attaques massives contre des cibles dit « de pouvoir » et contre des résidences privées ont eu lieu au moment même où l’armée israélienne, le 13 octobre, appelait les 1,1 million d’habitants du nord de la bande de Gaza – la plupart résident de la ville de Gaza – à quitter leurs maisons et à déménager au sud de la bande. À cette date, un nombre record de cibles de pouvoir avaient déjà été bombardées et plus de 1 000 Palestiniens et Palestiniennes, dont des centaines d’enfants, avaient déjà trouvé la mort .
Au total, selon l’ONU, 1,7 million de Palestiniens et de Palestiniennes, soit la grande majorité de la population de la bande, ont été déplacé.e.s à l’intérieur de Gaza depuis le 7 octobre. L’armée a affirmé que la demande d’évacuer le nord de la bande visait à protéger les vies civiles. La population palestinienne considère cependant ce déplacement massif comme faisant partie d’une « nouvelle Nakba » – une tentative de nettoyage ethnique d’une partie ou de la totalité du territoire.
Selon l’armée israélienne, au cours des cinq premiers jours de combat, elle a largué 6 000 bombes sur la bande de Gaza, pour un poids total d’environ 4 000 tonnes. Les médias ont rapporté que l’armée avait anéanti des quartiers entiers. Selon le Centre Al Mezan pour les droits de l’homme, basé à Gaza, ces attaques ont conduit à « la destruction complète des quartiers résidentiels, à la destruction des infrastructures et au massacre des habitants ».
Comme documenté par Al Mezan et par de nombreuses images provenant de Gaza, Israël a bombardé l’Université islamique de Gaza, l’Association du barreau palestinien, un bâtiment de l’ONU dédié à un programme éducatif pour étudiants d’exception, un bâtiment appartenant à la Société palestinienne de télécommunications, le ministère de l’Économie nationale, le ministère de la Culture, des routes et des dizaines d’immeubles et de maisons – en particulier dans les quartiers nord de Gaza.
Ce qui reste de la mosquée Al-Amin Muhammad qui a été détruite lors d’une frappe aérienne israélienne le 20 octobre, camp de réfugiés de Khan Younis, sud de la bande de Gaza, le 31 octobre 2023. (Mohammed Zaanoun/Activestills)
Au cinquième jour des combats, le porte-parole de Tsahal a distribué aux journalistes militaires en Israël des images satellite « d’avant et d’après » de certains quartiers du nord de la bande de Gaza, comme Shuja’iyya et Al-Furqan (surnommé d’après une mosquée de la région) dans la ville de Gaza, des images montrant des dizaines de maisons et de bâtiments détruits. L’armée israélienne a déclaré avoir frappé 182 cibles de pouvoir à Shuja’iyya et 312 cibles de pouvoir à Al-Furqan.
Le chef d’état-major de l’armée de l’air israélienne, Omer Tishler, a déclaré aux journalistes militaires que toutes ces attaques visaient une cible militaire légitime, mais aussi que des quartiers entiers avaient été attaqués « à grande échelle et non de manière chirurgicale ». Notant que la moitié des cibles militaires jusqu’au 11 octobre étaient des cibles de pouvoir, le porte-parole de Tsahal a déclaré que « des quartiers qui servent de nids terroristes au Hamas » ont été attaqués et que des dommages ont été causés au « quartiers généraux opérationnels », aux « moyens opérationnels » et aux « moyens utilisés par des organisations terroristes à l’intérieur d’immeubles résidentiels ». Le 12 octobre, l’armée israélienne a annoncé avoir tué trois « hauts responsables du Hamas », dont deux faisaient partie de l’aile politique du groupe.
Pourtant, malgré les bombardements israéliens effrénés, les dégâts causés à l’infrastructure militaire du Hamas dans le nord de Gaza au cours des premiers jours de la guerre semblent avoir été très minimes. En effet, des sources du renseignement ont déclaré à +972 et Local Call que les cibles militaires au cœur des cibles du pouvoir ont déjà été utilisées à plusieurs reprises comme prétexte pour nuire à la population civile. « Le Hamas est partout à Gaza ; il n’y a aucun bâtiment qui n’ait quelque chose du Hamas, donc si vous voulez transformer un grand immeuble en cible, pas de problème », a déclaré un ancien responsable des renseignements.
« Ils ne frapperont jamais un grand immeuble qui n’a pas quelque chose qui permet de le définir comme cible militaire », a déclaré une autre source de renseignement qui a organisé des frappes précédentes contre des cibles du pouvoir. « Il y aura toujours un étage [qui est associé au Hamas] quelque part dans les grands immeubles. Mais pour l’essentiel, lorsqu’il s’agit d’objectifs de pouvoir, il est clair que l’objectif n’a pas une valeur militaire telle que pourrait se justifier une attaque qui ferait tomber tout un bâtiment vide au milieu d’une ville à l’aide de six avions et des bombes pesant plusieurs tonnes. »
En effet, selon des sources qui ont participé à la compilation des cibles de pouvoir lors des guerres précédentes, bien que le fichier des cibles contienne généralement un lien quelconque avec le Hamas ou avec d’autres groupes militants, la frappe de la cible fonctionne principalement comme un « moyen permettant d’infliger des dommages à la société civile. » Les sources ont compris, certaines explicitement, d’autres implicitement, que le véritable objectif de ces attaques est de nuire aux civils.
Des survivants palestiniens sont sortis des décombres des maisons détruites lors d’une frappe aérienne israélienne dans la ville de Rafah, au sud de la bande de Gaza, le 20 novembre 2023. (Abed Rahim Khatib/Flash90)
En mai 2021, par exemple, Israël a été fortement critiqué pour avoir bombardé la tour Al-Jalaa , qui abritait d’importants médias internationaux tels qu’Al Jazeera, l’AP et l’AFP. L’armée a affirmé que le bâtiment était une cible militaire du Hamas; des sources ont déclaré à +972 et à Local Call qu’il s’agissait en fait d’une cible de pouvoir.
« Le sentiment est que cela fait vraiment mal au Hamas lorsque des grands immeubles sont démolis, car cela crée une réaction publique dans la bande de Gaza et effraie la population », a déclaré l’une des sources. « Ils veulent donner aux citoyens de Gaza le sentiment que le Hamas ne contrôle pas la situation. Parfois, ils ont fait tomber des bâtiments, parfois des bureaux de poste et des bâtiments gouvernementaux. »
Bien qu’il soit sans précédent que l’armée israélienne attaque plus de 1 000 cibles de pouvoir en cinq jours, l’idée de provoquer une dévastation massive des zones civiles à des fins stratégiques avait déjà été formulée lors d’opérations militaires antérieures à Gaza, finement mise au point dans la dite Doctrine Dahiya de la Seconde Guerre du Liban de 2006.
Selon cette doctrine – développée par l’ancien chef d’état-major de Tsahal Gadi Eizenkot, aujourd’hui membre de la Knesset et de l’actuel cabinet de guerre – dans une guerre contre des groupes guérillas tels que le Hamas ou le Hezbollah, Israël doit utiliser une force disproportionnée et écrasante, ciblant des infrastructures civiles et gouvernementales dans une optique de dissuasion, pour pousser la population civile à faire pression sur les groupes militants pour qu’ils mettent fin à leurs attaques. Le concept de « cibles de pouvoir » semble être issu de cette même logique.
La première fois que l’armée israélienne a défini publiquement des cibles de pouvoir à Gaza, c’était à la fin de l’opération Protective Edge en 2014. L’armée a bombardé quatre bâtiments au cours des quatre derniers jours de la guerre – trois immeubles résidentiels à plusieurs étages dans la ville de Gaza et un grand immeuble à Rafah. Les responsables de la sécurité avaient expliqué à l’époque que les attaques visaient à faire comprendre à la population palestinienne de Gaza que « plus rien n’est à l’abri » et à faire pression sur le Hamas pour qu’il accepte un cessez-le-feu. « Les preuves que nous avons recueillies montrent que la destruction massive [des bâtiments] a été effectuée délibérément et sans aucune justification militaire », a indiqué un rapport d’Amnesty fin 2014.
La fumée s’élève après qu’une frappe aérienne israélienne a atteint la tour Al-Jalaa, qui abrite des appartements et plusieurs médias, dont Associated Press et Al Jazeera, ville de Gaza, le 15 mai 2021. (Atia Mohammed/Flash90)
Lors d’une autre escalade de violence qui a débuté en novembre 2018, l’armée a de nouveau attaqué des cibles du pouvoir. Cette fois-là, Israël a bombardé des immeubles de grande hauteur, des centres commerciaux et le bâtiment de la chaîne de télévision Al-Aqsa, affiliée au Hamas. « Attaquer des cibles de pouvoir produit un effet très significatif chez l’adversaire », a déclaré à l’époque un officier de l’armée de l’air. « Nous l’avons fait sans tuer personne et nous avons fait en sorte que le bâtiment et ses environs soient préalablement évacués. »
Les opérations précédentes ont également montré à quel point le fait de frapper ces cibles vise non seulement à nuire au moral de la population palestinienne, mais aussi à relever le moral en Israël. Haaretz a révélé que lors de l’opération Gardien des murs en 2021, l’unité du porte-parole de Tsahal a mené une opération psychologique (un « psy-op ») en direction des citoyen.ne.s israélien.ne.s afin de les sensibiliser davantage aux opérations de Tsahal à Gaza et aux dommages qu’elles ont provoqués dans la population palestinienne. Les soldats, qui ont utilisé de faux comptes de réseaux sociaux pour dissimuler l’origine de la campagne, ont téléchargé des images et des clips des frappes militaires à Gaza sur Twitter, Facebook, Instagram et TikTok afin de démontrer les prouesses de l’armée au public israélien.
Lors de l’assaut de 2021, Israël a frappé neuf cibles définies comme des cibles de pouvoir – toutes des immeubles de grande hauteur. « L’objectif était de faire effondrer des grands immeubles afin de faire pression sur le Hamas, et aussi pour que le public [israélien] voie une image de victoire », a déclaré une source des services de sécurité à +972 et à Local Call.
Cependant, la source a poursuivi, « cela n’a pas fonctionné. En tant que personne ayant suivi le Hamas, j’ai pu constater à quel point ils faisaient peu état des civils et des bâtiments qui ont été démolis. Parfois, l’armée trouvait quelque chose de lié au Hamas dans un grand immeuble, mais il aurait été possible d’atteindre cette cible spécifique avec des armes plus précises. En fin de compte, ils ont démoli un grand immeuble simplement pour le plaisir. »
Non seulement la guerre actuelle a vu Israël attaquer un nombre sans précédent de cibles de pouvoir, mais elle a également vu l’armée abandonner ses politiques antérieures visant à éviter de nuire aux civils. Alors qu’auparavant la procédure officielle de l’armée était qu’il était possible d’attaquer des cibles de pouvoir seulement après que tous les civils en aient été évacués, les témoignages d’habitants palestiniens de Gaza indiquent que, depuis le 7 octobre, Israël a attaqué des immeubles alors que leurs habitants étaient encore à l’intérieur et sans avoir pris des mesures significatives pour les évacuer, entraînant de nombreuses morts civiles.
Des Palestiniens devant les décombres d’un bâtiment détruit après une frappe aérienne israélienne dans le centre de la bande de Gaza, le 5 novembre 2023. (Atia Mohammed/Flash90)
De telles attaques aboutissent très souvent au meurtre de familles entières, comme cela a été le cas lors d’offensives précédentes ; selon une enquête menée par l’AP après la guerre de 2014, environ 89% des personnes tuées dans les bombardements aériens sur des maisons étaient des résidents non armés, et la plupart étaient des enfants et des femmes.
Tishler, le chef d’état-major de l’armée de l’air, a confirmé un changement de politique, déclarant aux journalistes que la politique de « frappe sur le toit » de l’armée – il s’agit d’une petite frappe initiale sur le toit d’un immeuble pour avertir les résidents que leur immeuble est sur le point d’être bombardé– n’est plus utilisé « s’il y a un ennemi ». La frappe d’avertissement sur le toit, a déclaré Tishler, est « un terme qui s’applique aux cycles [de combats] et non à la guerre ».
Les sources qui ont déjà travaillé sur des cibles de pouvoir ont déclaré que la stratégie éhontée de la guerre actuelle pourrait représenter une évolution dangereuse l’attaque de cibles de pouvoir était initialement destiné à « choquer » Gaza mais pas nécessairement à tuer un grand nombre de civils. « Les cibles ont été conçues en partant du principe que les immeubles seraient évacués de leurs habitants. En conséquence, lorsque nous travaillions sur [la compilation des cibles], il n’y avait aucune inquiétude quant au nombre de civils qui seraient blessés – on savait que le nombre serait toujours zéro », a déclaré une source avec une solide connaissance de cette tactique.
« Ce schéma prévoyait une évacuation totale [des bâtiments ciblés], qui prendrait deux à trois heures, pendant laquelle les habitants seraient appelés [par téléphone pour évacuer], des missiles d’avertissement seraient tirés, et pendant laquelle nous vérifierions également avec des images de drones que les gens quittaient effectivement l’immeuble», a ajouté la source.
Cependant, des éléments de preuve provenant de Gaza suggèrent que certains grands immeubles – dont nous supposons qu’ils étaient des cibles de pouvoir – ont été détruits sans avertissement préalable. +972 et Local Call ont localisé au moins deux cas au cours de la guerre actuelle où des immeubles résidentiels entiers ont été bombardés et se sont effondrés sans avertissement, et un cas où, selon les indices, un immeuble de grande hauteur s’est effondré sur des civils qui se trouvaient à l’intérieur.
La dévastation est visible dans le quartier d’Al-Rimal, au cœur de la ville de Gaza, après les bombardements israéliens, le 23 octobre 2023. (Mohammed Zaanoun/Activestills)
Le 10 octobre, Israël a bombardé le bâtiment Babel à Gaza, selon le témoignage de Bilal Abu Hatzira, qui a sauvé les corps des ruines cette nuit-là. Dix personnes ont été tuées dans l’attaque du bâtiment, dont trois journalistes.
Le 25 octobre, le bâtiment résidentiel Al-Taj de douze étages, dans la ville de Gaza, a été entièrement bombardé, tuant sans avertissement toutes les familles qui y vivaient. Selon les témoignages d’habitants, environ 120 personnes ont été ensevelies sous les ruines de leurs appartements. Yousef Amar Sharaf, un habitant d’Al-Taj, a écrit sur X (ancien Twitter) que 37 membres de sa famille qui vivaient dans le bâtiment ont été tués dans l’attaque : « Mon Cher Père et ma mère, ma femme bien-aimée, mes fils et la plupart de mes frères et leurs familles. » Les habitants ont déclaré que de nombreuses bombes avaient été larguées, endommageant ou détruisant également les appartements des immeubles voisins.
Six jours plus tard, le 31 octobre, un immeuble résidentiel de huit étages, Al-Mohandseen, a été bombardé sans préavis. Entre 30 et 45 corps auraient été retrouvés dans les ruines le premier jour. Un bébé a été retrouvé vivant, sans ses parents. Les journalistes ont estimé que plus de 150 personnes avaient été tuées dans l’attaque, nombre d’entre elles restant ensevelies sous les décombres.
Le bâtiment se trouvait autrefois dans le camp de réfugiés de Nuseirat, au sud de Wadi Gaza – dans la prétendue « zone de sécurité » vers laquelle Israël dirigeait les Palestiniens et Palestiniennes qui ont fui leurs maisons dans le nord et le centre de Gaza – et servait donc, selon des témoignages, d’abri temporaire aux déplacé.e.s.
Selon une enquête d’Amnesty International, Israël a bombardé, le 9 octobre, au moins trois immeubles à plusieurs étages, ainsi qu’un marché aux puces ouvert dans une rue bondée du camp de réfugiés de Jabaliya, tuant au moins 69 personnes. « Les corps étaient brûlés… Je ne voulais pas regarder, j’avais peur de regarder le visage d’Imad », a déclaré le père d’un enfant abattu. « Les corps étaient jonchés sur le sol. Tout le monde cherchait ses enfants dans ces tas. Je n’ai reconnu mon fils qu’à son pantalon. Je voulais l’enterrer immédiatement, alors j’ai porté mon fils et je l’ai sorti de là. »
Un tank israélien à l’intérieur du camp de réfugiés d’Al-Shati, au nord de la bande de Gaza, le 16 novembre 2023. (Yonatan Sindel/Flash90)
Selon l’enquête d’Amnesty, l’armée a déclaré que l’attaque contre la zone du marché visait une mosquée « où se trouvaient des membres du Hamas ». Pourtant, selon la même enquête, les images satellites ne montrent pas de mosquée à proximité.
Le porte-parole de Tsahal n’a pas répondu aux questions du +972 et de Local Call concernant des attaques spécifiques, mais a déclaré de manière plus générale que « Tsahal a fourni des avertissements sous des modes divers avant les attaques et, lorsque les circonstances le permettaient, a également adressé des avertissements individuels par le biais d’appels téléphoniques aux personnes qui étaient sur ou à proximité des cibles (il y eut plus de 25 000 conversations en direct pendant la guerre, en plus des millions de conversations enregistrées, de SMS et de tracts largués depuis les airs dans le but d’avertir la population). En général, Tsahal s’efforce de réduire autant que possible les dommages causés aux civils dans le cadre des attaques, malgré le défi de combattre une organisation terroriste qui utilise les citoyens de Gaza comme boucliers humains. »
Selon le porte-parole de Tsahal, à la date du 10 novembre, Israël avait attaqué, au cours des 35 premiers jours de combat, un total de 15 000 cibles à Gaza. Selon plusieurs sources, il s’agit d’un chiffre très élevé par rapport aux quatre opérations majeures précédentes dans la bande de Gaza. Lors de l’opération Guardian of the Walls en 2021, Israël a attaqué 1 500 cibles en 11 jours. Lors de Protective Edge en 2014, qui a duré 51 jours, Israël a frappé entre 5 266 et 6 231 cibles. Durant l’opération Pillar of Defense en 2012, environ 1 500 cibles ont été attaquées en huit jours. Et lors de Cast Lead en 2008, Israël a frappé 3 400 cibles en 22 jours.
Des sources de renseignement ayant servi lors des opérations précédentes ont également déclaré à +972 et à Local Call que, 10 jours en 2021 et trois semaines en 2014 avec, pour chaque opération, un taux d’attaque de 100 à 200 cibles par jour, ont suffi pour conduire à une situation où l’armée de l’air israélienne n’avait plus de cibles de valeur militaire. Pourquoi, alors, après presque deux mois, l’armée israélienne n’est-elle pas encore à court de cibles dans la guerre actuelle ?
La réponse réside peut-être dans une déclaration du porte-parole de Tsahal du 2 novembre, qui explique que l’armée utilise désormais le système d’intelligence artificielle Habsora (« L’Évangile »), lequel, selon le porte-parole, « permet d’utiliser des outils automatiques pour produire des cibles à un rythme rapide, et œuvre à l’amélioration d’un matériel de renseignement précis et de haute qualité en fonction des besoins [opérationnels] ».
Artillerie israélienne stationnée près de la barrière de Gaza, dans le sud d’Israël, le 2 novembre 2023. (Chaim Goldberg/Flash90)
Dans le communiqué, un haut responsable du renseignement aurait déclaré que grâce à Habsora, des cibles sont créées pour des frappes de précision « qui infligent de gros dégâts à l’ennemi mais des dégâts minimes aux non-combattants. Les membres du Hamas ne sont jamais à l’abri, où qu’ils se cachent ».
Selon des sources de renseignement, Habsora génère, entre autres, des recommandations automatiques ciblant, en vue de les attaquer, des résidences privées où vivent des personnes soupçonnées d’être des membres du Hamas ou du Jihad islamique. Israël mène alors des opérations d’assassinats à grande échelle en bombardant massivement ces maisons d’habitation.
Habsora, a expliqué l’une des sources, traite d’énormes quantités de données que « des dizaines de milliers d’agents de renseignement ne pourraient pas traiter » et recommande des sites de bombardement en temps réel. Étant donné que la plupart des hauts responsables du Hamas se dirigent vers les tunnels souterrains au début de toute opération militaire, affirment les sources, l’utilisation d’un système comme Habsora permet de localiser et d’attaquer les maisons d’agents relativement juniors.
Un ancien officier des renseignements a expliqué que le système Habsora permet à l’armée de gérer une « usine d’assassinats de masse », dans laquelle « l’accent est mis sur la quantité et non sur la qualité ». Un œil humain « surveille les cibles avant chaque attaque, mais il n’a pas besoin de passer beaucoup de temps là-dessus ». Étant donné qu’Israël estime qu’il y a environ 30 000 membres du Hamas à Gaza et qu’ils sont tous condamnés à mort, le nombre de cibles potentielles est énorme.
En 2019, l’armée israélienne a créé un nouveau centre visant à utiliser l’IA pour accélérer la génération de cibles. « La Targets Administrative Division est une unité qui comprend des centaines d’officiers et de soldats et qui s’appuie sur des capacités d’IA », a déclaré l’ancien chef d’état-major de Tsahal, Aviv Kochavi, dans un entretien approfondi avec Ynet plus tôt cette année
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Des Palestiniens recherchent des blessé.e.s après une frappe aérienne israélienne sur une maison du camp de réfugiés de Shaboura, dans la ville de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 17 novembre 2023. (Abed Rahim Khatib/Flash90)
« Il s’agit d’une machine qui, avec l’aide de l’IA, traite beaucoup de données mieux et plus rapidement que n’importe quel humain, et les traduit en cibles d’attaque », a poursuivi Kochavi. « Le résultat a été que lors de l’opération Guardian of the Walls [en 2021], cette machine, dès son activation, a généré 100 nouvelles cibles chaque jour. Vous voyez, dans le passé, il y eut des moments à Gaza où nous pouvions créer au mieux 50 cibles par an. Et voilà que cette machine peut produire 100 cibles en une journée. »
« Nous préparons les cibles automatiquement et travaillons suivant une liste de contrôle », a déclaré, à +972 et à Local Call, l’une des sources qui a travaillé dans la nouvelle Targets Administrative Division. «C’est vraiment comme une usine. Nous travaillons rapidement et nous n’avons pas le temps d’approfondir la cible. Nous sommes plutôt jugés en fonction du nombre de cibles que nous parvenons à générer. »
Un haut responsable militaire en charge de la banque de cibles au Jerusalem Post plus tôt cette année a déclaré que, grâce aux systèmes d’IA de l’armée, pour la première fois, l’armée peut générer de nouvelles cibles à un rythme plus rapide qu’elle n’attaque. Une autre source a déclaré que l’on doit à la doctrine Dahiya cette volonté de générer automatiquement un grand nombre de cibles.
Les systèmes automatisés comme Habsora ont ainsi grandement facilité le travail des officiers du renseignement israélien dans la prise de décisions lors des opérations militaires, y compris lorsqu’il s’agit de calculer les pertes potentielles. Cinq sources différentes ont confirmé que le nombre de civils susceptibles d’être tués lors d’attaques contre des résidences privées est connu à l’avance des renseignements israéliens et apparaît clairement dans le dossier « cibles » dans la catégorie des « dommages collatéraux ».
Selon ces sources, il existe des degrés de dommages collatéraux qui permettent à l’armée de déterminer s’il est possible d’attaquer une cible à l’intérieur d’une résidence privée. « Lorsque la directive générale lit : « dommages collatéraux 5« , cela signifie que nous sommes autorisés à frapper toutes les cibles qui tueront cinq civils ou moins – c’est-à-dire que nous pouvons agir sur tous les fichiers de cibles qui rentrent dans cette case », a déclaré l’une des sources.
Des Palestiniens se rassemblent autour des restes d’une tour abritant des bureaux qui, selon des témoins, a été détruite par une frappe aérienne israélienne dans la ville de Gaza, le 26 août 2014. (Emad Nassar/Flash90)
« Dans le passé, nous ne marquions pas régulièrement les maisons des membres subalternes du Hamas pour les bombarder », a déclaré un responsable de la sécurité qui a participé à des attaques de cibles lors d’opérations précédentes. « À mon époque, si la maison sur laquelle je travaillais portait la mention « dommages collatéraux 5 », elle ne serait pas toujours approuvée [pour attaque] ». On avait le feu-vert, a-t-il expliqué, seulement si l’on savait qu’un haut commandant du Hamas vivait dans la maison.
« D’après ce que je comprends, aujourd’hui, ils peuvent marquer toutes les maisons de [tout membre militaire du Hamas, quel que soit son rang] », a poursuivi la source. « Cela fait beaucoup de maisons. Les membres du Hamas qui ne comptent vraiment pour rien vivent dans des maisons à travers tout Gaza. Alors ils marquent la maison, la bombardent et tuent tout le monde qui s’y trouve. »
Le 22 octobre, l’armée de l’air israélienne a bombardé le domicile du journaliste palestinien Ahmed Alnaouq, dans la ville de Deir al-Balah. Ahmed est un ami proche et un collègue. Il y a quatre ans, nous avons fondé une page Facebook en hébreu intitulée Across the Wall dans le but de faire entendre au public israélien les voix palestiniennes de Gaza.
La frappe du 22 octobre a fait chuter des blocs de béton sur toute la famille d’Ahmed, tuant son père, ses frères, ses sœurs et tous leurs enfants, y compris des bébés. Seule sa nièce de 12 ans, Malak, a survécu dans un état critique, le corps gravement brûlé. Quelques jours plus tard, Malak aussi est morte.
Vingt et un membres de la famille d’Ahmed ont été tués au total, enterrés sous leur maison. Aucun d’entre eux n’était militant. Le plus jeune avait 2 ans ; l’aîné, son père, en avait 75. Ahmed, qui vit actuellement au Royaume-Uni, est désormais le seul membre survivant de sa famille.
L’hôpital Al-Nasser de Khan Younis regorge de corps de Palestiniens et de Palestiniennes tué.e.s ou blessé.e.s pendant la nuit lors de frappes aériennes israéliennes dans la bande de Gaza, le 25 octobre 2023. (Mohammed Zaanoun/Activestills)
Le groupe WhatsApp de la famille d’Ahmed avait pour nom Better Together (« Mieux ensemble »). Le dernier message qui y apparaît a été envoyé par lui, peu après minuit, la nuit où il a perdu sa famille. « Quelqu’un peut-il me dire que tout va bien », a-t-il écrit. Personne n’a répondu. Il s’est endormi, mais s’est réveillé paniqué à 4 heures du matin. Trempé de sueur, il a de nouveau vérifié son téléphone. Silence. Puis il a reçu un message d’un ami lui annonçant la terrible nouvelle.
Le cas d’Ahmed est courant à Gaza ces jours-ci. Dans des interviews à la presse, les responsables des hôpitaux de Gaza ont repris la même description : les familles entrent dans les hôpitaux comme une succession de cadavres, un enfant suivi de son père suivi de son grand-père. Les corps sont tous recouverts de saleté et de sang.
Selon d’anciens officiers des renseignements israéliens, dans de nombreux cas où une résidence privée est bombardée, le but est « l’assassinat de membres du Hamas ou du Jihad », et ces cibles ne sont attaquées que lorsque l’agent du groupe militant entre dans la maison. Les chercheurs en renseignement savent si les membres de la famille ou les voisins de l’agent risquent également de mourir lors d’une attaque, et ils savent comment calculer combien d’entre eux pourraient mourir. Chacune des sources a précisé qu’il s’agit à chaque fois de résidences privées, où, dans la majorité des cas, aucune activité militaire n’est menée.
+972 et Local Call ne disposent pas de données sur le nombre d’agents de la branche militaire des groupes jihadistes qui ont effectivement été tués ou blessés par des frappes aériennes contre des résidences privées au cours de la guerre actuelle, mais il existe de nombreuses preuves que, dans de multiples cas, il n’y avait présent aucun membre du Hamas ou du Jihad islamique, qu’il s’agisse de la branche militaire ou politique de ceux-ci.
Le 10 octobre, l’armée de l’air israélienne a bombardé un immeuble dans le quartier de Sheikh Radwan à Gaza, tuant 40 personnes, pour la plupart des femmes et des enfants. Dans l’une des vidéos choquantes prises après l’attaque, on voit des gens crier, tenant ce qui semble être une poupée retirée des ruines de la maison et la passant de main en main. Lorsque le champ s’élargit, on voit qu’il ne s’agit pas d’une poupée, mais du corps d’un bébé.
Les services de secours palestiniens retirent les corps des membres de la famille Shaaban, tous les six tués lors d’une frappe aérienne israélienne sur le quartier de Sheikh Radwan, à l’ouest de Gaza, le 9 octobre 2023. (Mohammed Zaanoun)
L’un des habitants a déclaré que 19 membres de sa famille avaient été tués lors de la frappe. Un autre survivant a écrit sur Facebook qu’il n’avait retrouvé que l’épaule de son fils dans les décombres. Amnesty a enquêté sur l’attaque et a découvert qu’un membre du Hamas vivait à l’un des étages supérieurs du bâtiment, mais n’était pas présent au moment de l’attaque.
Le bombardement des maisons d’habitation où sont censés vivre des membres du Hamas ou du Jihad islamique est probablement devenu une politique plus concertée de Tsahal au moment de Operation Protective Edge en 2014. À l’époque, 606 Palestiniens et de Palestiniennes – environ un quart des civils tués au cours des 51 jours de combat – étaient membres de familles dont les maisons ont été bombardées. Un rapport de l’ONU de 2015 l’a défini à la fois comme un possible crime de guerre et comme « une nouvelle modalité » d’action qui « a conduit à la mort de familles entières ».
En 2014, 93 bébés ont été tués à la suite de bombardements israéliens contre des maisons d’habitation, dont 13 avaient moins d’un an. Il y a un mois, 286 bébés âgés de 1 an ou moins avaient déjà été identifiés comme ayant été tués à Gaza, selon une liste d’identité détaillée comportant l’âge des victimes publiée par le ministère de la Santé de Gaza le 26 octobre. Depuis, ce nombre a probablement doublé ou triplé. .
Cependant, dans de nombreux cas, et notamment lors des attaques actuelles contre Gaza, l’armée israélienne a mené des attaques qui ont frappé des résidences privées même en l’absence de cible militaire connue ou claire. Par exemple, selon le Comité pour la protection des journalistes, à la date du 29 novembre, Israël avait tué 50 journalistes palestiniens et palestiniennes à Gaza, dont certain.e.s à la maison avec leurs familles.
Roshdi Sarraj, 31 ans, journaliste de Gaza né au Royaume-Uni, a fondé un média à Gaza appelé « Ain Media ». Le 22 octobre, une bombe israélienne a frappé la maison de ses parents où il dormait, le tuant. La journaliste Salam Mema est également morte sous les ruines de sa maison bombardée. Parmi ses trois jeunes enfants, Hadi, 7 ans, est décédé, tandis que Sham, 3 ans, n’a pas encore été retrouvée dans les décombres. Deux autres journalistes, Duaa Sharaf et Salma Makhaimer, ont été tuées avec leurs enfants à leur domicile.
Un avion de guerre israélien survole la bande de Gaza, le 13 novembre 2023. (Yonatan Sindel/Flash90)
Les analystes israéliens ont admis que l’efficacité militaire de ce type d’attaques aériennes disproportionnées est limitée. Deux semaines après le début des bombardements à Gaza (et avant l’invasion terrestre) — après que les corps de 1 903 enfants, environ 1 000 femmes et 187 hommes âgés aient été dénombrés dans la bande de Gaza — le commentateur israélien Avi Issacharoff a tweeté : « Aussi dur que c’est à entendre, au 14e jour de combats, il ne semble pas que la branche militaire du Hamas ait été significativement touchée. Le préjudice le plus important causé aux dirigeants de la branche militaire est l’assassinat du [commandant du Hamas] Ayman Nofal. »
Les militants du Hamas opèrent régulièrement à partir d’un réseau complexe de tunnels construits sous de vastes étendues de la bande de Gaza. Ces tunnels, comme l’ont confirmé les anciens officiers des renseignements israéliens avec qui nous avons parlé, passent également sous les maisons et les routes. Par conséquent, les tentatives israéliennes de les détruire par des frappes aériennes sont susceptibles, dans de nombreux cas, de conduire à la mort de civils. C’est peut-être une autre raison du nombre élevé de familles palestiniennes anéanties lors de l’offensive actuelle.
Les agents du renseignement interrogés pour cet article ont déclaré que la façon dont le Hamas a conçu le réseau de tunnels à Gaza exploite sciemment la population civile et ses infrastructures en surface. Ces affirmations ont également servi de base à la campagne médiatique menée par Israël en ce qui concerne les attaques et raids contre l’hôpital Al-Shifa et les tunnels découverts sous celui-ci.
Israël a également attaqué un grand nombre de cibles militaires : membres armés du Hamas, sites de lancement de roquettes, tireurs d’élite, escouades antichars, quartiers généraux militaires, bases, postes d’observation, etc. Depuis le début de l’invasion terrestre, des bombardements aériens et des tirs d’artillerie lourde ont été utilisés pour soutenir les troupes israéliennes sur le terrain. Les experts en droit international estiment que ces cibles sont légitimes, à condition que les frappes respectent le principe de proportionnalité.
En réponse à une demande du +972 et de Local Call pour cet article, le porte-parole de Tsahal a déclaré : « Tsahal est attaché au droit international et agit conformément à celui-ci. Ce faisant, il attaque des cibles militaires et n’attaque pas des civils. L’organisation terroriste Hamas place ses agents et ses moyens militaires au cœur de la population civile. Le Hamas utilise systématiquement la population civile comme bouclier humain et mène les combats depuis des bâtiments civils, y compris des sites sensibles tels que des hôpitaux, des mosquées, des écoles et des installations de l’ONU. »
Les sources du renseignement qui ont parlé au +972 et à Local Call ont également affirmé que dans de nombreux cas, le Hamas « met délibérément en danger la population civile de Gaza et tente d’empêcher par la force les civils d’évacuer ». Deux sources ont déclaré que les dirigeants du Hamas « comprennent que les dommages causés aux civils par Israël leur donnent une légitimité dans les combats ».
Des destructions causées par les bombardements israéliens sont visibles à l’intérieur du camp de réfugiés d’Al-Shati, au nord de la bande de Gaza, le 16 novembre 2023. (Yonatan Sindel/Flash90)
Cependant, même si c’est difficile à imaginer aujourd’hui, l’idée de larguer une bombe d’une tonne visant à tuer un membre du Hamas qui finira par tuer une famille entière au nom des « dommages collatéraux » n’a pas toujours été aussi facilement acceptée par de larges pans de la société israélienne. En 2002, par exemple, l’armée de l’air israélienne a bombardé la maison de Salah Mustafa Muhammad Shehade, alors chef des Brigades Al-Qassam, la branche militaire du Hamas. La bombe l’a tué, ainsi que sa femme Eman, sa fille Laila, âgée de 14 ans, et 14 autres civils, dont 11 enfants. Ce meurtre a provoqué un tollé public en Israël et dans le monde, et Israël a été accusé de crimes de guerre.
Ces critiques ont conduit l’armée israélienne à décider en 2003 de larguer une bombe plus petite, d’un quart de tonne seulement, sur une réunion de hauts responsables du Hamas – dont l’insaisissable chef des Brigades Al-Qassam, Mohammed Deif – qui avait lieu dans un immeuble résidentiel à Gaza, malgré la crainte qu’il ne soit pas assez puissant pour les tuer. Dans son livre To Know Hamas , le journaliste israélien chevronné Shlomi Eldar a écrit que la décision d’utiliser une bombe relativement petite était due au précédent de Shehade et à la crainte qu’une bombe d’une tonne ne tue également les civils présents dans le bâtiment. L’attaque a échoué et les officiers seniors de la branche militaire ont ont pu fuir les lieux.
En décembre 2008, lors de la première guerre majeure menée par Israël contre le Hamas après sa prise du pouvoir à Gaza, Yoav Gallant, qui dirigeait à l’époque le commandement sud de Tsahal, a déclaré que pour la première fois, Israël « frappait les maisons d’habitation » de hauts responsables du Hamas dans le but de les détruire, mais sans nuire à leurs familles. Gallant a souligné que les maisons ont été attaquées après que les familles aient été averties par une « frappe sur le toit », ainsi que par un appel téléphonique, une fois bien établi qu’une activité militaire du Hamas avait bien lieu à l’intérieur de la maison.
Après Protective Edge en 2014, au cours de laquelle Israël a commencé à frapper systématiquement les maisons d’habitations depuis les airs, des groupes de défense des droits humains comme B’Tselem ont recueilli des témoignages de Palestiniens et de Palestiniennes ayant survécu à ces attaques. Les survivants ont déclaré que les maisons se sont effondrées sur elles-mêmes, que des éclats de verre ont entaillé les corps de ceux et de celles qui se trouvaient à l’intérieur, que les débris « sentaient le sang » et que des gens ont été enterrés vivants.
Cette politique meurtrière se poursuit aujourd’hui – en partie grâce à l’utilisation d’armes destructrices et de technologies sophistiquées comme Habsora, mais aussi grâce à un establishment politique et sécuritaire qui a relâché les rênes qui refrénaient auparavant la machine militaire israélienne. Quinze ans après avoir insisté que l’armée s’efforçait de minimiser les dommages causés aux civils, Gallant, aujourd’hui ministre de la Défense, a clairement changé de ton. « Nous combattons les animaux humains et nous agissons en conséquence », a-t-il déclaré après le 7 octobre.
Source : +972Mag
Traduction BM pour Agence média Palestine. Publié le 03/12/2023
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Rédigé le 08/12/2023 à 20:07 dans Israël, Paléstine | Lien permanent | Commentaires (0)
Dans un récit graphique, Alain Gresh et Hélène Aldeguer racontent plusieurs décennies de relations entre la France, les gouvernements israéliens et la Palestine. On y mesure le courage des positions adoptées par le général de Gaulle et son alignement progressif depuis Nicolas Sarkozy sur la droite coloniale en Israël. Cet ouvrage aussi pédagogique qu’incisif éclaire le recul de la France dans cette région
L’attaque du Hamas, le 7 octobre, en bordure de Gaza, a fait une victime dont il n’est jamais question : l’Histoire. Soudain, la longue tragédie du peuple palestinien n’a plus d’origine ni de généalogie. Le conflit israélo-palestinien serait né le 7 octobre, et c’est le Hamas qui l’aurait inventé. La seule idée qu’il y ait eu un « avant » entraine immédiatement des cris indignés. Qui se risque à évoquer cette longue, trop longue histoire, est complice du Hamas, voire antisémite. C’est peu dire que dans ce contexte (encore un gros mot !), ce Chant d’amour (on expliquera plus loin le pourquoi de ce titre) publié par Alain Gresh et Hélène Aldeguer est un acte politique majeur pour la vérité et la justice.
Cet ouvrage, paru une première fois en 2017, et présenté dans une version actualisée et augmentée, est un grand livre d’histoire. Il y en eut beaucoup sur le sujet, écrits parfois par Alain Gresh lui-même, mais celui-ci est original par sa forme. C’est un récit graphique illustré par Hélène Aldeguer qui ouvre cette triste saga à des publics très larges sous-informés, et souvent désinformés. Le genre permet de scénographier et de montrer ce qu’on ne voit pas dans les ouvrages habituels par une reconstitution méticuleuse qui n’ajoute ni ne retranche pas une virgule à la réalité. Ainsi, on est dans le bureau de l’Élysée, en mai 1967, quand De Gaulle demande au ministre israélien des affaires étrangères, Abba Eban, que son pays ne prenne pas l’initiative d’attaquer l’Égypte. On s’invite à la prophétique conférence de presse de novembre 1967, dont on n’a retenu à tort que les mots polémiques « les Juifs (…) peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur », quand l’essentiel était dans cette autre phrase : « Un État d’Israël guerrier et résolu à s’agrandir ».
On assiste comme si on y était, en 1976, aux premiers contacts officieux entre Issam Sartaoui, l’émissaire de Yasser Arafat, et le général israélien Mattiyahu Peled, dans un appartement parisien. On entend le Palestinien dire à son interlocuteur « je suis un terroriste, (mes) mains sont celles d’un médecin mais elles ont aussi tué des juifs ». Et le général israélien lui répondre « j’ai fait quatre guerre contre des armées arabes et contre les Palestiniens ». Deux guerriers devenus gens de paix. Quand la volonté existe…. On est, bien sûr, aux premières loges quand François Mitterrand reçoit Arafat avec les égards d’un chef d’État, le 2 mai 1989. L’histoire défile comme un film mêlant les épisodes diplomatiques aux grands mouvements de l’opinion.
Car c’est aussi le récit détaillé des passions que déchaine ce conflit dans notre société. La rue pro-israélienne portée à incandescence au moment de la guerre de juin 1967 par une propagande qui ne recule devant aucun mensonge, jusqu’à obtenir de France Soir, le grand quotidien de l’époque, qu’il titre « Les Égyptiens attaquent Israël », alors que c’est l’inverse. On voit bientôt apparaitre des intellectuels médiatiques très efficaces dans le discours pro-israélien. Bernard-Henri Lévy, déjà ! On voit naître aussi les mouvements de solidarité avec les Palestiniens quand les fedayins rejoignent « dans l’imaginaire militant (…) la figure du guérillero latino-américain ou du combattant vietnamien ». On croise Jean Genet, Jean-Luc Godard, et bien sûr, Jean-Paul Sartre qui va jusqu’à justifier l’attentat contre des athlètes israéliens, aux Jeux olympiques de Munich, en 1972, par des mots qu’on ne peut plus entendre aujourd’hui : « Les Palestiniens n’ont pas d’autre choix. Faute d’armes, ils ont recours au terrorisme. »
Le mot « terrorisme » ne faisait pas peur au philosophe. La violence de l’argument non plus. C’est qu’en ce temps là, quelles que soient les fautes politiques et morales des combattants de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), on n’oubliait jamais le « contexte ». Un contexte défini une fois pour toutes par l’orientaliste Maxime Rodinson dans un fameux numéro de la revue Les Temps modernes : « Israël, fait colonial ? ». On le voit, imaginé par le trait d’Hélène Aldeguer, forger son concept devant un Jean-Paul Sartre sceptique. En parlant de « fait colonial », Rodinson donnait à tous ceux qui veulent regarder le conflit en face, aujourd’hui encore, aujourd’hui plus que jamais, une grille de lecture inoxydable.
En vérité, Alain Gresh et Hélène Aldeguer remontent beaucoup plus loin dans le temps, à la déclaration Balfour de 1917, par laquelle le couronne britannique promettait aux juifs un foyer national sur la terre de Palestine. Ils restituent aussi la complexité du débat de 1947 aux Nations unies qui aboutira au partage et à la création d’Israël. Un épisode resté célèbre sous sa forme la plus approximative : les Arabes ont refusé le partage. On nous rappelle ici ce qu’était le « partage », et on nous remet en mémoire que l’affaire s’est soldée par une proclamation unilatérale d’Israël que l’ONU n’autorisait pas. On fait revivre surtout la tragédie palestinienne d’un exode massif forcé, et du massacre de villages palestiniens. Le Hamas n’a pas inventé la barbarie.
On mesure surtout les reculs de la France dans un dossier où elle fut longtemps très influente. Charles de Gaulle d’abord, Georges Pompidou ensuite, Valéry Giscard d’Estaing, même, qui dépêcha son ministre des Affaires étrangères à Beyrouth pour y rencontrer Arafat, et qui ouvrit une représentation officielle de l’OLP à Paris, ont fait entendre une voix singulière. François Mitterrand, à sa manière, assura la continuité. On le voit et on l’entend devant le parlement israélien, en mars 1982, évoquer, certes en termes prudents, les droits des Palestiniens, « qui peuvent, le moment venu, signifier un État ». On revoit ici le charnier de Sabra et Chatila, quand, en septembre de la même année, des miliciens chrétiens libanais massacrèrent entre 1 000 et 3 000 Palestiniens sous le regard complice de l’état-major israélien. Avoir de la mémoire n’est pas inutile pour remettre un peu de raison quand la passion, par ailleurs bien compréhensible, nous submerge. Dans cette longue histoire de feu et de sang, les assassins n’ont pas toujours été islamistes.
La mémoire permet aussi de se rappeler ce que furent vraiment les accords d’Oslo, si déséquilibrés, et tellement illusoires. Rien ne les a torpillés plus que la colonisation. Toujours le « fait colonial » qui ruine encore ces derniers temps les chances de créer un État palestinien. L’histoire peut aussi rallumer l’espoir. Après tout, elle n’a pas toujours été ce qu’elle est aujourd’hui. Les Palestiniens ont été populaires dans notre opinion, en 1987, au moment de la première Intifada, et alors qu’Arafat menait une campagne diplomatique de grande envergure. Mais c’est lui, Arafat, qui avait fait le pari du compromis et de la paix, que les Israéliens ont tué symboliquement en 2000, pour lui préférer un autre adversaire : le Hamas. La cause palestinienne s’en est trouvée abîmée. L’islamisation du conflit, aidée par les attentats du 11 septembre 2001, est devenue la grande imposture du discours occidental.
Et la France dans tout ça ? Elle a perdu son âme gaullienne. Peut-on donner une date à ce « tournant silencieux », comme l’appelle Gresh ? Quand survient ce réalignement de Paris sur Washington et sur la droite israélienne, jusqu’à ne plus être utile en rien ? Gresh a redécouvert une déclaration de Nicolas Sarkozy qui peut servir de repère. En septembre 2006, en voyage aux États-Unis, celui qui n’était encore que ministre de l’Intérieur, affirme devant la communauté juive, et en présence de George W. Bush : « Je veux dire combien je me sens proche d’Israël. Israël est la victime. Il doit tout faire pour éviter de passer pour l’agresseur ». Dix mois plus tard, Sarkozy est à l’Élysée. La France officielle prend définitivement le parti d’Israël. Les attentats de 2015 à Paris, qui n’avaient pourtant rien à voir avec le Hamas, entretiendront la mauvaise fable d’une guerre de religion. Et ce n’est pas le successeur de Sarkozy, le socialiste François Hollande, qui reviendra en arrière.
En visite à Jérusalem, en novembre 2013, il ne pousse pas la chansonnette pour célébrer son hôte, Benyamin Nétanyahou, mais il se dit prêt tout de même à « trouver un chant d’amour pour Israël et ses dirigeants ». L’épisode est si édifiant que Gresh et Aldeguer ont fait de ce « chant d’amour » le titre de leur livre. Ironie mordante. Car ce n’était pas un moment d’ivresse. Hollande renouait la avec Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO) coloniale de la IVe République. Celle de la guerre d’Algérie et de l’expédition de Suez de 1956. On connaît la suite. La France d’Emmanuel Macron, dans le sillage d’Israël, joue de tous les amalgames pour mêler les Palestiniens au Djihad global dans lequel ils ne sont absolument pas impliqués. Pas même le Hamas. Les auteurs citent enfin un rapport d’Amnesty International du 1er février 2022 : « La population palestinienne est traitée comme un groupe racial inférieur et elle est systématiquement privée de ses droits ». La France officielle soutient sans vergogne l’extrême droite raciste au pouvoir en Israël. Tout le livre, superbement pédagogique, de Gresh et Aldeguer nous invite à pratiquer une résistance politique et morale : le conflit résulte toujours du fait colonial.
DENIS SIEFFERT
https://orientxxi.info/lu-vu-entendu/de-de-gaulle-a-macron-l-affligeante-derive-de-la-politique-francaise-au-proche,6828
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Rédigé le 08/12/2023 à 19:26 dans Israël, Palestine | Lien permanent | Commentaires (0)
L’actualité palestinienne depuis le 7 octobre n’est pas sans conséquence sur la scène nationale égyptienne. La solidarité avec la Palestine mobilise le Syndicat des journalistes qui joue les trouble-fêtes pour le rég ime, à la veille d’une élection présidentielle dont le résultat est connu d’avance.
Après des années d’inaction politique, le Comité populaire de soutien à la Palestine refait son apparition en Égypte. Fondé il y a des années par plusieurs mouvances politiques et personnalités publiques, ce comité retrouve de sa vigueur à la lumière de la guerre sur Gaza. Dans la rue égyptienne, on a vu réapparaître les manifestations de solidarité avec la Palestine, réclamant l’ouverture du passage de Rafah et l’affrètement de convois de secours humanitaire à destination d’El-Arich, ou prônant le boycott des marchandises israéliennes ou des produits issus de pays dont les gouvernements soutiennent l’État d’Israël. Le phénomène est tel que même l’élection présidentielle, qui aura lieu du 10 au 12 décembre 2023 et pour laquelle l’État a mobilisé toute sa capacité de propagande politique, a été reléguée au second plan.
Le mouvement de solidarité qui se manifeste en Égypte — et dont le Syndicat des journalistes est à la pointe — n’est évidemment qu’un élément parmi d’autres de la vague de solidarité mondiale qui a mobilisé des centaines de milliers de personnes à l’échelle internationale. C’est ainsi qu’on a vu les dockers et les activistes du mouvement de solidarité avec la Palestine mener une grève et des actions de protestation contre l’envoi de fret et d’armement à destination d’Israël, notamment dans les ports de Barcelone et d’Oakland aux États-Unis. Des incidents ont également eu lieu dans divers ports de Suède, d’Afrique du Sud, du Canada et de Belgique, où les syndicats de dockers ou de manutentionnaires aéroportuaires ont refusé d’effectuer le chargement ou le déchargement de navires ou d’avions chargés d’armes à destination d’Israël, dans des scènes qui rappellent les mouvements d’opposition à la guerre du Vietnam. À l’aune de la frilosité qui régnait auparavant au sein des mouvements de solidarité en Égypte, le rôle primordial du Syndicat des journalistes ressort avec une force particulière.
Le siège du syndicat est en effet devenu le cœur battant du mouvement de solidarité avec Gaza. Au début des bombardements qui ont suivi l’opération du 7 octobre, ce lieu a servi d’avant-poste aux différentes parties qui se sont mobilisées pour apporter soutien et solidarité, et également pour protester contre la fermeture du point de passage de Rafah. Cela en plus de la mission première du syndicat en tant qu’instance professionnelle chargée de la défense des journalistes, mission qu’il exerce depuis deux mois ; soit en condamnant les positions pro-israéliennes adoptées par les médias internationaux ; soit en défendant une couverture objective des événements se déroulant dans la bande de Gaza.
Cette position constitue un tournant important pour cette institution, après le recul que ses activités ont enregistré ces dernières années. Le syndicat est ainsi devenu un havre d’accueil en invitant les journalistes et les activistes à venir manifester devant son siège pour proclamer leur solidarité avec la Palestine.
Le sit-in de protestation du 18 octobre 2023 regroupant des milliers de manifestants issus de tout le spectre des mouvements sociaux a connu, malgré les entraves que connaissent les manifestations qui ne sont pas organisées à l’initiative du régime, une participation massive, une première depuis des années. Dans la foulée, plusieurs marches de protestation ont été organisées après la prière du vendredi 20 octobre au départ de la mosquée d’Al-Azhar et d’autres mosquées au Caire et dans d’autres gouvernorats. Partis de l’intérieur des lieux de culte, les défilés ont emprunté un itinéraire qui les a conduits jusqu’à la place Tahrir.
En plus du sit-in, le siège du syndicat a abrité plusieurs actions de solidarité avec la Palestine, comme la conférence organisée dans les premiers jours des bombardements israéliens afin de dénoncer le parti pris des médias occidentaux. Une deuxième conférence s’est attachée à rendre un hommage posthume aux journalistes assassinés à Gaza, sans oublier la journée de solidarité du 11 novembre et les différentes tables rondes consacrées à la question palestinienne qui ont eu lieu à l’occasion. Le siège du syndicat est également devenu un centre de collecte de dons pour Gaza, avec l’objectif d’en faire partir un convoi jusqu’au point de passage de Rafah, en coordination avec d’autres syndicats professionnels, comme ceux des médecins, des avocats ou des commerçants. « Une caravane pour la conscience du monde » devait d’ailleurs partir du Caire pour rallier le point de passage de Rafah afin de briser le siège imposé sur Gaza. Cette tentative n’a pas été couronnée de succès, malgré les soutiens exprimés en sa faveur, aussi bien localement qu’à l’échelle internationale, faute d’avoir pu obtenir de l’État les autorisations requises.
Depuis 2013, l’Égypte a connu une répression de toute forme d’action politique non initiée par le régime en place, et le mot d’ordre de la « guerre contre le terrorisme » a régné en maître sur la vie publique, au point que toute voix d’opposition s’est vue accusée de soutenir le terrorisme. Le Syndicat des journalistes n’a pas été épargné par ce virage répressif, mais il l’a subi de manière graduelle et avait, dans un premier temps, réussi à maintenir une partie de son action. Il était devenu le dernier espace de protestation après la promulgation de la loi de novembre 2013 qui a drastiquement réduit le droit de manifester pacifiquement. Ceux et celles qui se hasarderaient encore à manifester sans autorisation — une décision qui relève de manière arbitraire du bon vouloir des forces de sécurité — risquaient désormais une peine allant jusqu’à trois ans d’emprisonnement. Ainsi, le 8 avril 2016, il n’y avait que le siège du syndicat pour accueillir la manifestation non autorisée contre l’accord de redéfinition des frontières maritimes entre l’Égypte et l’Arabie saoudite, par lequel l’Égypte renonçait à sa souveraineté sur les îles de Tiran et Sanafir en mer Rouge.
Mais début mai 2016, deux journalistes qui étaient recherchés par les forces de sécurité pour avoir participé à une manifestation illégale trouvent refuge dans les locaux du syndicat. La police décide alors d’envahir les lieux de force et de procéder à leur arrestation. Cet événement marquera un tournant et pour le syndicat et pour la vie politique égyptienne en général. Par la suite, la police a arrêté le président du Syndicat Yahya Qallach, parachevant le verrouillage des espaces de protestation.
Le rôle particulier que le Syndicat des journalistes occupe historiquement dans l’espace public égyptien en a fait une cible pour le régime, qui est allé jusqu’à la confiscation de son siège. C’est ainsi que le bâtiment a été mis en travaux de 2018 jusqu’au début 2023. L’organisme a également été mis sous la tutelle complète du pouvoir auquel les dirigeants et une partie des conseils d’administration étaient acquis.
Le changement a commencé au premier trimestre 2023 avec les dernières élections syndicales, qui ont abouti à un bouleversement radical. Le candidat soutenu par l’État pour diriger le syndicat a perdu face au candidat de l’opposition, Khaled Al-Balchi. Une victoire d’autant plus remarquable que ce dernier n’est autre que l’un des deux journalistes arrêtés en 2016 dans les locaux du syndicat.
C’est également la première fois que les élections sont remportées par un journaliste indépendant non affilié aux grands groupes de presse placés sous tutelle de l’État, lesquels offrent naturellement un réservoir de votes confortable aux candidats issus de leurs rangs. Plus important, l’homme était un opposant classé comme appartenant à la gauche radicale.
Cette élection a eu un impact concret et immédiat sur l’activité de l’institution, qui s’est montrée plus à l’écoute des journalistes et de leurs problèmes. Ainsi a-t-elle joué un rôle essentiel dans le soutien aux grèves et aux protestations qui ont eu lieu dans de nombreuses entreprises de presse, comme la BBC arabe, le bureau de Reuters au Caire ou encore le journal Al-Wafd. Le syndicat a de surcroît pris la tête des négociations menées tant avec les employeurs qu’avec l’État, notamment au sujet du statut des journalistes, et obtenu des avancées extrêmement satisfaisantes. Par ailleurs, il s’est davantage investi dans les affaires publiques, ce qui l’a propulsé au-devant de la scène au moment du déclenchement de la guerre contre Gaza. Cependant, le fait que les autres espaces traditionnels de soutien à la Palestine soient structurellement affaiblis a empêché la propagation, l’intensification et la pérennisation du mouvement de solidarité.
Entre les années 1970 et 2013, les espaces traditionnels de solidarité avec la Palestine étaient disséminés au sein des syndicats professionnels — comme ceux des journalistes, des avocats, des ingénieurs, des médecins —, mais aussi des universités égyptiennes. La question palestinienne a été pendant longtemps le principal moteur du mouvement étudiant. Le mouvement de solidarité a également essaimé dans les quartiers du Caire et d’autres villes à travers les pays, sans parler des partis politiques d’opposition. Cette diversité et cette large diffusion ont assuré au mouvement un degré important de flexibilité et de variété dans ses modes d’action, tout comme elles ont permis sa présence dans tous les milieux sociaux, ce qui lui donnait nécessairement un impact plus fort.
Or, la plupart de ces espaces traditionnels ont disparu ou, à tout le moins, ils se sont considérablement affaiblis. Les universités égyptiennes, qui étaient naguère le foyer du mouvement étudiant n’ont enregistré aucune action notable, à part quelques tentatives dans certaines universités privées qui échappent partiellement à l’emprise des services de sécurité, comme l’Université américaine du Caire. Aux sièges des partis, la solidarité a principalement consisté dans quelques réunions du Comité populaire et la collecte de dons.
Au fond, le mouvement de solidarité avec la Palestine a été un révélateur des maux qui ont frappé la vie politique égyptienne depuis une décennie. Il faut dire que la poigne de fer sécuritaire imposée par le régime a isolé les partis politiques de leur base, et les a cantonnés à l’intérieur de leurs sièges, tout en paralysant presque entièrement le mouvement étudiant et en prohibant toute action collective au sein des syndicats professionnels.
En plus de cette emprise de l’appareil sécuritaire, on ne peut évidemment ignorer le vide laissé par les Frères musulmans, interdits de toute vie politique et publique dans le pays, et qui avait une influence importante — allant dans certains cas jusqu’à la mainmise — dans les syndicats, les universités, les villes et les quartiers. En dépit de ses multiples manœuvres opportunistes, réactionnaires ou réformistes, force est de constater que le vide qu’elle laisse ne fait que bénéficier aux forces les plus opportunistes, les plus réactionnaires, voire les plus despotiques.
La mutation intervenue au sein du Syndicat des journalistes et son rôle moteur dans la solidarité avec la Palestine ont été précédés par des tentatives d’autres syndicats, comme ceux des avocats, des ingénieurs ou des médecins — pour libérer l’action syndicale de l’emprise des appareils étatiques, tentatives qui dans certains cas ont été couronnées de succès. Cela montre bien que la mutation touchant le Syndicat des journalistes n’est pas isolée des changements qui se produisent ailleurs dans la société, quoiqu’à un rythme plus lent. Si un seul syndicat a été en mesure de donner le baiser de la résurrection à l’espace public, il n’est pas interdit de penser que d’autres changements pourraient entraîner un bouleversement plus important de la situation.
MOSTAFA BASSIOUNY
https://orientxxi.info/magazine/egypte-pour-gaza-le-syndicat-des-journalistes-ouvre-une-breche-dans-la-chape-de,6930
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Rédigé le 08/12/2023 à 11:39 dans Israël, Paléstine | Lien permanent | Commentaires (0)
Depuis le 7 octobre, le Proche-Orient s’est embrasé. Nouvelle phase, terrible et meurtrière, d’un conflit vieux de plusieurs décennies. Notre émission en accès libre avec des invités et la rédaction de Mediapart.
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Rédigé le 07/12/2023 à 19:49 dans Israël, Palestine | Lien permanent | Commentaires (0)
Si le ministère de la Santé du Hamas a annoncé que les bombardements israéliens sur Gaza ont déjà causé la mort de 16 000 personnes, il est probable que le bilan total soit deux fois plus élevé, auquel il faudrait ajouter le très grand nombre de blessés et de victimes d'épidémies que la situation sanitaire désastreuse pourrait engendrer. La disproportion de la réponse israélienne aux attaques du Hamas est telle que les ONG sont unanimes à anticiper une aggravation de la situation à Gaza, où la population ne peut ni fuir, ni même se réfugier ou se soigner. Un cessez-le-feu est plus que jamais nécessaire, alors que les puissances occidentales ne condamnent toujours pas fermement le gouvernement israélien pour sa violation du droit international, au risque de former, parmi les proches des victimes des bombardements, les terroristes de demain.
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Rédigé le 07/12/2023 à 16:45 dans Israël, Palestine | Lien permanent | Commentaires (0)
Depuis l'Antiquité, l'Histoire nous a appris que l'olivier occupe une place de choix dans les civilisations méditerranéennes et l'esprit des hommes et des femmes qui les composent. Il symbolise tout au moins pour les trois religions monothéistes : la paix, la sagesse et l'harmonie. En fait, il a toujours été considéré comme l'arbre vital des peuples méditerranéens vivant dans son aire géographique de prédilection, mais aussi, pour de nombreuses communautés dans le monde qui ne cessent d'apprécier fortement son huile et ses vertus médicamenteuses.
C'est dire, que l'acte de conserver, de défendre et d'élargir la culture de l'auguste olivier est un impératif croissant à l'heure où le monde cherche désespérément les moyens et les ressources végétales lui permettant de s'adapter au changement climatique, alors que l'empire du mal avec ses armes de destruction massive, sa stratégie et politiques de non développement global s'entête à dégrader notre planète pour imposer son esprit mercantile, dominateur et destructeur au service d'intérêts égoïstes de sa minorité hégémonique.
Telle est de nos jours, la configuration du monde dans lequel nous vivons et qui nous assemble mais sur des bases profondément inégalitaires, d'injustice et de non-respect des valeurs humanistes. Et pourtant ! L'on nous dit de « bonne foi » semble-t-il, et sans une once de « soupçon », juste par discours ambiant instillé, que la célébration de la journée de l'olivier, le 26 novembre de chaque année, renforce les efforts de la « durabilité environnementale ». A-t-on pourtant cherché à le vérifier, ne serait-ce qu'une seule fois ? L'objectif de cette manifestation internationale, nous a-t-on dit aussi, est celui d'encourager la protection de ce mythique oléastre et les valeurs qu'il incarne, afin d'apprécier son importance sociale, culturelle, économique et environnementale pour l'humanité toute entière. Comment ne pas se mettre à rêver pour y croire, comme l'ont toujours fait nos sœurs et nos frères palestiniens endurants alors que nourris de fausses promesses, tant il est vrai qu'il y a beaucoup à apprendre, à partager et à célébrer lors de cette Journée mondiale de l'olivier !
À priori, tout un chacun est encouragé à y participer par le biais de diverses activités (débats, conférences, ateliers culturels, expositions, chantiers de reboisement ...). C'est pourquoi, nous dit-on avec fermeté : « le patrimoine est notre héritage du passé, ce avec quoi nous vivons aujourd'hui et, ce que nous transmettons aux générations futures ». Faut-il croire à cette assertion qui est celle des gens d'honneur qui souhaitent donner sens à leurs vies en s'ouvrant aux autres ? Car elle ne saurait-être, celle des esprits toxiques qui perturbent la bonne marche et le bon fonctionnement de l'humanité toute entière !
Le Peuple vaillant, courageux et résilient de Palestine occupée, bien que privé de ses droits les plus élémentaires et surtout de sa précieuse liberté, y a cru vraiment. C'est qu'il est beaucoup mieux placé que quiconque pour le savoir, lui qui continue à le payer sans discontinuité depuis la Nakba de 1948, de son sang, de ses larmes, de ses exils et de ses souffrances ! Le moins que nous puissions dire, est que la protection de ce patrimoine oléicole vital pour ce peuple tout particulièrement, devrait-être de plein droit, au cœur de la mission d'instititutions internationales comme l'UNESCO et en tout premier lieu de Madame la Directrice générale, Audrey Azoulay. Mais faut-il être si crédule ou frappé de cécité pour y croire, non sans le vérifier ? Jugez-en par vous-mêmes ! Seule en lice, cette ancienne ministre de la Culture, très proche de l'ex-président français François Hollande, elle, la fille de l'inamovible grand conseiller et protecteur du Makhzen marocain sous les règnes controversés du despote Hassan II et de son fils Mohamed VI, André Azoulay l'ami du tristement célèbre Shimon Pérez indu Prix Nobel de la Paix, de surcroît décoré le 6 septembre 2023 de la médaille d'honneur par le président israélien Isaac Herzog , a été réélue le 9 novembre 2021 pour un second mandat de quatre ans.
Son père a été honoré en reconnaissance de ses efforts au service des intérêts de l'État hébreu (fasciste, sioniste, colonialiste et suprémaciste) et en fidèle agent des États-Unis pour la vassalisation de tout le Moyen-Orient et le Monde Arabe par concrétisation des premiers accords d'Abraham. Quelle misère ! J'entends d'ici la voix frileuse d'un être froussard, calculateur et habitué à raser les murs, lui, le néocolonisé craignant son ombre, me dire: « Fais gaffe à toi »! (Agbad fomek ya khouya!), si tu ne veux pas être taxé toi aussi d'antisémite, alors que tu prends un malin plaisir à défendre le patrimoine oléicole millénaire, source de pitance de tes frères palestiniens.
Avec sa nouvelle nomination, la digne fille de son père bien imprégnée et formatée par l'ADN sioniste de son géniteur, adoubée par la France vassalisée, Israël et les États-Unis, a inspiré le retour de ces deux derniers compères dans ce « cercle de famille » très nuisible et solidaire, agissant sous la houlette du sionisme international qui semble trouver de plus en plus d'émules. Même au sein de certaines de « nos élites » flattées dans leurs égos d'écrivains et de journalistes « hors pairs » (du moins leur fait-on croire), comme aussi chez les pays arabes spécialistes depuis des lustres, de la félonie et de la traîtrise au profit des intérêts de leurs commanditaires occidentaux.
En tête de file, se trouve l'autoproclamé illuminé « Commandeur » des Croyants (Amir al mouminine) et non moins, président du comité « Al-Qods » supposé défendre les intérêts et droits des musulmans sur Jérusalem, la ville sainte de l'Islam. Quelle supercherie, mes amis (es) ! Pour raviver notre mémoire collective, il importe de rappeler à toutes nos lectrices et tous nos lecteurs, que dans un message envoyé à la fille de son mentor, sa majesté Mohamed VI s'était réjouit à bon escient de sa réélection.
Par ce coup de brosse à reluire « téléphoné » avec extrême promptitude à ses protecteurs, il inscrit sa couardise légendaire, dans une attitude du politiquement correct de l'alignement sur les thèses de sa « famille idéologique » sioniste d'adoption qui n'est pas si nouvelle puisqu'étant, celle de ses prédécesseurs et non moins ascendants, Mohamed V et l'autre traître de la cause arabe en 1967, Hassan II, le « khabardji » du Mossad. Alors, dites-moi ! À quoi aurait servi aux palestiniens la journée mondiale de l'olivier, proclamé en 2019 par l'UNESCO, sinon, qu'à prendre le risque de se faire tuer précisément ce jour-là par les colons toujours prompts à tirer sur de paisibles civils Arabes tous sexes et tous âges confondus, sous le regard bienveillant de la soldatesque israélienne lorsqu'ils se rendent sur leurs oliveraies pour ramasser leurs maigres récoltes, fruits de la peur et du sang. Ils sont des centaines (hommes, femmes et enfants) à périr chaque année au beau milieu de leurs vergers copieusement irrigués de leur sang.
C'est vrai qu'Audrey Azoulay n'a rien vu venir depuis, elle qui ne regarde jamais du côté de la Palestine occupée, affamée et meurtrie dans sa chair ! Pourquoi voulez-vous qu'elle ait quelque chose à dire et à se « casser » la tête au sujet du patrimoine oléicole millénaire de ces Palestiniens colonisés par les siens ! Elle laissera à de pauvres diables traités d'antisémites, de réagir à leur risque et péril, en dénonçant les locataires des plateaux de médias français nauséabonds qui roulent pour l'État sioniste en essayant de soigner son image contre vent et marée, en dépit de toute objectivité et bon sens partagé entre gens raisonnables, dotés d'un minimum d'élan humaniste avéré ! Par contre, pour la petite paysannerie palestinienne muselée à l'asphyxie et fortement contrôlée dans ses moindre agissements, cultiver le précieux fruit nourricier relève du calvaire, car depuis l'année 2002, court sur près de 450 kilomètres un mur de séparation entre la Cisjordanie et Israël. Et dire que la construction de ce mur de l'apartheid fut entreprise au lendemain de la démolition du mur de Berlin ! Nul besoin de décodeur pour saisir le message que véhicule ce mur de la honte. Pour le construire, il aura fallu à l'armée israélienne, déraciner des milliers d'oliviers centenaires présents sur son tracé. Depuis, des centaines de petits paysans déguenillés mais très dignes et très fiers, sont coupés de leurs bases agricoles productives que constituent leurs terres ancestrales. Impossible donc pour eux de s'y rendre sans détenir un laissez-passer, ce sésame rarement accordé par les forces occupantes de sécurité israéliennes.
Pis encore ! Leurs oliveraies sont le théâtre quotidien d'attaques des colons israéliens installés, financés et protégés par la puissance occupante israélienne en Cisjordanie dans leur voisinage immédiat. Ils n'hésitent pas à déraciner et à brûler des arbres centenaires. C'est ainsi, que depuis 1967 près de 800.000 oliviers, soit environ 8.000 hectares auraient été arrachés (selon l'organisation palestinienne ARIJ - Institut de recherche appliquée de Jérusalem). Face à cela, il est bien évident, que la petite paysannerie palestinienne est bien désarmée. À celles et ceux parmi nous qui l'auraient oublié en sous-estimant le bonheur d'une liberté retrouvée à la faveur de l'indépendance de notre pays au prix d'un très lourd sacrifice, rappelons qu'une décennie plutôt, les oliveraies de nos zones montagneuses avaient subi grosso-modo, la même sauvagerie destructrice de l'armée coloniale française, à plus grande échelle !
Alors, au diable ces festivités du 26 novembre qui font encore mourir et pleurer ces pauvres gens qui n'ont pour toute source de subsistance que leurs oliviers millénaires, non encore déracinés et brûlés par les colons israéliens et leur armée d'occupation ! Tout cela est fait dans l'impunité la plus totale et gare à celle ou celui qui ose attirer l'attention sur ses massacres et/ou les documenter.
Silence ! « Israël, est la seule démocratie du Moyen-Orient !», tentent de nous faire croire ses affidés largement rémunérés et bien protégés, en porte-voix, agents dociles et zélés au service du sionisme maison. Ils osent même nous dirent et nous faire croire qu'« Il n'y a de vraies tueries, que lorsque Israël cherche à se protéger contre l'islamisme barbare ! » C'est tout comme ces crimes perpétrés contre des dizaines de milliers de civils innocents (hommes, femmes, jeunes, enfants et vieillards) à Gaza le 7 octobre 2023. Et cela continue, dans l'indiférence totale des dirigeants des pays occidentaux ! Quel malheur que cette injustice !
À bien regarder la photo et expliquer sa signification, elle nous suggère une tout autre lecture de la Journée internationale de l'olivier. Elle nous montre une vieille Palestinienne de Cisjordanie en pleine détresse, « schotchée » à son olivier. Les médias français de la honte et du suivisme aveugle sur les thèses sionistes de leurs commanditaires de Tel-Aviv, devenus maîtres dans la désinformation, pourraient la faire passer elle aussi, pendant qu'ils y sont, pour une « terroriste ». Cette bonne femme extrèmement peinée par la perte de sa source de subsistance est plongée dans une douleur sans limite.
Pour cette paysanne toute éplorée et bien accrochée au tronc de son olivier, comme pour les milliers d'autres paysans des territoires palestiniens occupés, la manifestation internationale de l'olivier reste plutôt celle de la destruction de leurs oliveraies par des colons racistes et fascistes, Mme la Directrice générale, sous le regard bienveillant et encourageant de la soldatesque israélienne. Dans le coeur de cette pauvre femme qui refuse de quitter sa terre, cet olivier robuste et millénaire se dresse fièrement et majestueusement au rang d'emblème national et de symbole de la Résistance à l'occupation sioniste.
Il faut dire que ce symbole d'identité et de rattachement à la terre sainte de Palestine n'a jamais été du goût des Israéliens et/ou de leurs alliés occidentaux qui lui ont préféré le pin, cet arbre à croissance rapide, à l'image de l'État hébreu naissant et indu occupant. Il fallait alors faire disparaître l'olivier, trace d'une civilisation sur une terre « vacante » qui devait être sans « peuple ». C'est pourquoi, en moins d'un siècle, des centaines de milliers d'oliviers ont été déracinés et à leur place furent plantés à la va-vite des millions de pins par le Fonds national juif (gestionnaire de milliers d'hectares de terre en Israël).
De la sorte, l'espace vital pour la population palestinienne fut réduit pour permettre la construction et/ou l'aménagement de centaines de kilomètres de pistes d'accès aux colonies israéliennes, de murailles encerclant les villages et zones d'habitation et de vie des Palestiniens, de postes de contrôles et d'établissements militaires rendant impossible la viabilité et le continuum de l'espace du futur État de Palestine à mettre en place.
Et voilà comment les Israéliens sionistes propagandistes et faussaires d'une réalité historique cherchent à anéantir et à effacer des mémoires, toute référence matérielle à la Palestine arabe éternelle. Et comme il leur est impossible de gommer complètement les symboles palestiniens comme l'olivier, ils tentent de se l'approprier jusqu'à ce qu'il devienne pour eux le signe du lien qui unit l'État sioniste créé artificiellement sur l'espace millénaire de la population palestinienne, à l'histoire des Juifs sur cette terre. Ce mythe fabriqué de toute pièce tant en Occident qu'en Israël, en tant qu'entité coloniale, raciste et suprémaciste a pour objectif le nettoyage ethnique en Palestine d'abord ...
Mais l'occupant semble ignorer ce que dit un proverbe bien de chez-nous : « Li yahseb wahdeh y chitlah »! Par son action destructrice, la France coloniale a elle aussi fait la sourde oreille à ce dicton, en procédant à l'isolement des populations rurales de leurs champs et vergers dévastés et brûlés. Plus de trois millions d'Algériens furent parqués à ciel ouvert sous des abris de fortune, dans des espaces délimités par des clôtures en fil de barbelé. Comme pour nos frères Gazaouis, nos ainés (es) privés de liberté de circuler et de communiquer avec l'extérieur, ont souffert du manque de nourriture et d'eau. Tout comme en Palestine, l'armée d'occupation française en Algérie et ses supplétifs se conduisaient en agresseurs impitoyables, en dehors de tout respect à l'égard de l'être humain traité de manière permanente avec mépris et violence. Le plus terrible, étaient les descentes de soldats à toute heure du jour ou de la nuit. Ils arrivaient en conquérants, défonçaient les portes et jetaient les familles dehors. Des arrestations s'ensuivirent et finissaient toujours dans la torture. En fin de compte, après biens des sacrifices, l'Algérie a vaincu la France et a chassé ses colons. La Palestine payera elle aussi le tribut du sang et finira par vaincre l'État sioniste d'Israël en faisant déguerpir ses colons « In challah ! » Tel est mon vœu ! Telle est ma croyance et ma profonde conviction ! Et que vive la Palestine libre et indépendante !!!
par Abdelkader Khelil
Jeudi 7 decembre 2023
http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5325724
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*Professeur
Rédigé le 07/12/2023 à 11:04 dans Israël, Palestine | Lien permanent | Commentaires (0)
La question est légitime quand on considère les contradictions, les non-dits, la rétention de l'information visuelle, les invraisemblances, les bizarreries de l'information délivrée à ce sujet par les autorités israéliennes.
Les autorités israéliennes, au plus haut niveau, décrivent des visions d'horreur, «des bébés décapités, des femmes violées et éventrées, des corps coupés en morceaux». Le récit est relayé largement par les medias occidentaux. On ajoute même chaque fois de nouveaux détails macabres, sans même que les personnes, et elles l'avouent parfois elles-mêmes, n'aient vu des images de ces horreurs. Elles racontent ce que racontent ceux... à qui on a raconté. Et c'est là où le bât blesse. Il y a peu d'images vraiment significatives, du moins à la hauteur du récit des descriptions faites. On a l'impression que chaque fois qu'il est promis des images, qu'il y a esquive et que la vérité s'éloigne, que pour un prétexte ou un autre, on ne voit pas ces images.
L'argument donné sans cesse, par les autorités israéliennes pour la rétention de l'information en images, c'est qu'elles sont «insoutenables».
Ceux critiques, qui demandent des preuves concrètes, des images, des témoignages en nombre, sont accusés systématiquement de «relativisme», un terme qui rappelle étrangement ceux de révisionnisme, de négationnisme, c'est-à-dire des éléments de langage employés concernant la Shoah. Mais ce qui fait la réalité des massacres de la Shoah, de ce génocide historique, ce sont précisément les images, les témoignages. On n'a pas hésité à montrer, à des générations entières, des images terribles, des corps squelettiques empilés, des crânes, des cheveux, des dents stockés comme des matières premières, les images des déportations dans les trains, celles des rescapés de la Shoah etc... Pourquoi? Parce que la Shoah est vraie. On n'a pas craint à ce moment-là de choquer les gens. Ils avaient besoin de savoir. Personne n'en a fait le reproche. Ce discours sur «les images qu'on ne montre pas car insoutenables» est bien suspect.
Une vidéo officielle de 43 minutes
Les autorités israéliennes ont probablement senti le danger pour leur crédibilité et elles ont organisé, relativement tard, à partir du 7 novembre, des projections d'une vidéo officielle sur les évènements du 7 Octobre, des projections destinées à lever les doutes qui commençaient à se développer autour de leur récit. Mais cela n'a fait que renforcer la suspicion.
Ces projections, ont été entourées d'un luxe de précautions. Elles ont été organisées soit par l'armée israélienne soit par les ambassades d'Israël. Ensuite, il a été interdit aux participants de conserver leur smartphone ou un quelconque appareil d'enregistrement. Le public a été trié sur le volet. Il y aurait donc des gens qu'on a jugés plus capables de «supporter» ces «images insupportables». Mais pourquoi ces gens seraient-ils plus à même de les voir, de les «supporter». Sur quels critères ont-ils été sélectionnés. En France ce sont des députés qui sont invités par l'association «France-Israël» pour voir la projection qui a lieu à l'Assemblée nationale française.. On craint de le comprendre, le seul critère n'a pas été la neutralité mais la partialité, la position vis-à-vis d'Israël. Toutes ces précautions sont étonnantes.
La vidéo montée et produite par les services de l'armée israélienne serait une vidéo de 43 minutes. Elle serait le résultat d'une compilation de vues prises par les assaillants eux-mêmes sur leur smartphones et par des caméras de surveillance ou embarquées, dit-on, «dans des voitures». D'après les présents aux séances de projection de la vidéo, il y aurait peu de scènes nouvelles par rapport à ce qui a circulé sur les réseaux sociaux. C'est ce que dit Michel Scott, grand reporter à TF1, qui a assisté le 7 Novembre à une projection organisée par l'ambassade d'Israël à Paris (1), :»les trois quarts des scènes avaient déjà été diffusées sur les réseaux sociaux, notamment via les canaux du Hamas, ou sur le fil Télégramme de membres des premiers secours israéliens» . De manière générale, ceux qui ont vu cette vidéo donnent les impressions qu'ils ont ressenties devant ces atrocités mais pas de descriptions. C'est le cas aussi d'une vidéo diffusée sur Europe 1 (2). On reste sur notre faim d'informations exactes.
La «Rave- Party» tout à côté de Gaza
La principale vidéo, le principal témoignage visuel public, donc contrôlable, des massacres qui auraient été commis par les combattants du Hamas est, semble-t-il, celle qui concerne la fameuse «Rave-party» du festival «Tribe of Nova», dans le désert de Be'eri aux alentours de Gaza. Le journal «Le Monde», entre autre médias, a publié le 11 Octobre cette vidéo (3). Les images parlent très peu d'elles-mêmes et seul le commentaire, inséré dans le média par le journal, leur donnent vraiment un sens. On a des images de l'ordre donné par la sécurité de quitter les lieux, et de la panique qui s'ensuit. On a alors un commentaire qui dit que «Hamas tire dans la foule» mais pas d'images correspondant à ce commentaire.
On a surtout des images d'un grand désordre de voitures des participants à la party, laissées dans cette fuite générale. Il y a une seule séquence forte, celle d'abord de quelqu'un qui est décrit comme un milicien de Hammas, armé, et qui entraine un homme prisonnier, et celle en même temps d'une forme floutée couchée à côté d'une voiture et dont le commentaire dit que c'est un homme blessé et qu'il va être abattu froidement. Ce sont les images les plus dures. . Elles se trouvent en fin de vidéo, sans qu'il y ait une continuité filmée avec les précédentes.
Cette vidéo de la «rave-party» semble d'ailleurs être effectivement la pièce essentielle car elle est reprise par l'organisation Human Rights Watch qui précise qu'elle l'a «vérifiée» (4) . L'organisation dit qu'elle montre « trois incidents d'assassinats délibérés». Mais là aussi, c'est surtout le commentaire qui dicte la compréhension des évènements, et les images ne prouvent pas la tuerie systématique dont fait état le récit officiel israélien.
Par contre, une vidéo d'enquête du journal «Le Monde» (5) montre bien que l'essentiel de l'action de Hamas ce 7 Octobre est une attaque militaire où le Hamas était surtout préoccupé par l'assaut des installations de l'armée israéliennes autour de Gaza.
Les autorités parlent, au sujet de cette «Rave-party» de champs jonchés de morts. Mais aucune image à ce sujet dans la vidéo, rien, strictement rien.. Pourquoi ? Rien n'empêchait pourtant de prendre des images plus tard, à l'arrivée des secours. Les informations de cette vidéo sont, sur ce point, contradictoires. Ainsi, par exemple, le 8 novembre, le journal français «les Échos» (6) décrit dans son commentaire «des amoncellements de corps brûlés, suppliciés, ou couverts de sang, un policier israélien arpentant le lieu de la rave party dont 240 participants ont été exécutés en demandant en vain «y a-t-il quelqu'un de vivant ?». Mais toujours pas d'images publiques. Les autorités israéliennes parlent de milliers de participants à cette «Rave-party». Il n'y a pourtant que peu de témoignages de ceux- ci. Un article du quotidien israélien Haaretz dit qu' « un hélicoptère de l'armée israélienne aurait tiré sur les participants à cette rave- party» (7) . Est-ce la raison de l'absence d'images ?
Dans la vidéo projetée dans les ambassades, «ceux qui ont vu» citent surtout, parmi les images nouvelles, «celles particulièrement horribles, disent-ils, de deux enfants qui sont debout à côté du corps de leur père touché par l'explosion d'une grenade tandis qu'un assaillant ouvre calmement un frigidaire pour boire un coca-cola. (Michel Scott, témoignage sur TF1, (1).
C'est cette scène dont on parlera beaucoup comme principal point d'appui à «un massacre sans précèdent historique».
Un récit sans images
D'après le récit officiel israélien une grande partie des massacres auraient été commis dans les Kibboutz (villages communautaires ) alentour, particulièrement à «Be'eri» et «Kfar Aza». Un reportage de TF1 (8) ) à Kfar Aza rapporte les propos du général de division Itai Veruv, présent sur les lieux :»des mères, des pères, des bébés, de jeunes familles ont été tués dans leur lit, leurs abris, leurs salles à manger et leurs jardins». Le général précise «les «terroristes leur ont coupé la tête». Mais c'est encore uniquement un récit. Le reportage montre l'entrée de soldats et de journalistes dans le Kibboutz et trois ou quatre formes de cadavres dans une housse noire. Rien d'autre. Les reporters ont tenté de se rendre à Be'eri mais impossible d'y accéder, «L'armée évoque une zone de guerre» disent-ils. D'autres reporters confirment que l'armée israélienne «tient à distance de ces kibboutz les journalistes» (9) Pourquoi ? Dans un reportage de France info du 11 Octobre (10), le journaliste note:» Contrairement à ce qui s'était passé à Boutcha, en Ukraine, aucun journaliste n'a pu voir des cadavres ni les compter sur un seul lieu».
Dans un autre reportage (11), le 10 Octobre, un reporter de I24 news, chaine continue israélienne, parle du Kibboutz de Kfar Azza, à 800 m de la bande de Gaza. Il dit qu'il y a eu «d'âpres combats pendant 36 heures» et qu'il y a les corps «de 70 terroristes». Aurait-on là l'explication des corps qui gisent, qui pourraient ne pas être en réalité des civils, ce qu'on ne peut savoir puisqu'ils sont recouverts. Mais aussi l'explication des maison brulées, détruites, présentées partout comme le résultat des actes terroristes. Une question vient naturellement à l'esprit alors: quelle responsabilité a l'armée israélienne dans les morts de civils au cours de combats où elle a probablement tiré à l'arme lourde sur les endroits où les combattants de Hamas s'étaient retranchés?
Dans un autre reportage daté du 9 novembre (12) un journaliste du journal français «»Le Point» est lui aussi au kibboutz de Kfar Aza . Il montre du sang sur les murs, sur des coussins. Mais il dit «qu'on ne sait pas s'il s'agit du sang de combattants de Hamas ou d'israéliens». Au sujet du sang sur les coussins, les officiels présents de l'armée israélienne expliquent que «des enfants ont essayé de se protéger de leurs coussins et ont été abattus». Rien, évidemment ne permet de l'affirmer si ce n'est le récit qu'ils font.
Un seul article de presse français donne beaucoup de détails sur «l'horreur des massacres». C'est celui du journal français «Libération», paru le 2 novembre (13). Il s'agit de la correspondance d'un journaliste, Nicolas Rouger, qui dit, lui, avoir vu cette vidéo officielle à Tel Aviv même. Il parle lui d'une vidéo de 48 minutes et non de 43 minutes. Étrangement, le journal «Libération» est le seul à donner ces détails précis que n'ont pas donnés ceux qui ont assisté à la vidéo, supposée être la même, projetée en France. Mais, là aussi, il s'agit du récit du journaliste sur la vidéo, et non pas d'images.
Pourquoi donc cette absence d'images publiques ? La question est lancinante. Les autorités israéliennes préféraient-elles mettre en jeu leur crédibilité plutôt que de montrer des preuves visuelles, matérielles, concrètes, irréfutables, par crainte, comme elles le disent, d'images «insoutenables» qui risqueraient de choquer le public ? Il y a là, pour le moins une incohérence, un mystère.
La moisson faite par cette vidéo officielle israélienne, offerte à l'attention d'un public sélectionné dans différents pays occidentaux pour la plupart (pourquoi occidentaux ?) est finalement bien maigre, et en tout cas absolument pas à la mesure du récit officiel apocalyptique israélien des massacres.
Beaucoup de questions
Beaucoup de questions restent alors posées.
Les autorités israéliennes ont à cor et à cris parlé de «'40 bébés décapités». 40 bébés, cela fait autant de familles, le double de parents, de grands parents, un grand nombre de proches. Les a-t-on vus ? A-t-on vu au moins des funérailles ?
Le moment, semble-t-il, où cette «information» nait est le reportage du 10 Octobre, déjà mentionné, celui d'un journaliste de la chaine en information continue israélienne I24 news. Il y dit:» «On parle de femmes, d'enfants à qui on a coupé la tête, de dizaines de maisons brulées...». Il n'a rien vu, il dit «on parle», mais il le dit avec des sanglots dans la voix, avec une émotion communicative. Désormais, cette «information» va se répandre partout et devenir une vérité. La nouvelle de ces «bébés décapités» est lancée, sur aucune base, par ce reporter de la chaine israélienne.
Pour sa part, France info (10) signale que les gradés de l'armée israélienne présents sur les lieux, dont le major-général Itai Veruv, ne parlent pas explicitement de plusieurs cas d'enfants décapités» et la chaine française ajoute: «un porte-parole du Maguen David Adom, l'équivalent israélien de la Croix-Rouge, indique qu'il n'est pas en mesure de confirmer les informations, notamment, des décapitations de dizaines de bébés, comme cela a été diffusé par certains médias.»
Cette affaire des bébés décapités n'est aucunement documentée. Cela deviendra, pourtant, un des éléments centraux de la propagande israélienne, des médias et des hommes politiques qui la relaient. Même le président Biden s'est laissé aller à reprendre cette information, le mercredi 11 Octobre, en affirmant en «avoir vu les photos», avant qu'un porte-parole de la Maison blanche ne le contredise quelques heures après. C'est grave, très grave. Ce n'est pas sans rappeler à la fois l'affaire de la tuerie des bébés dans leur couveuse au Koweït et qui a joué un rôle déclencheur dans la guerre américaine contre l'Irak, et celle du tube brandi par le Secrétaire d'État Colin Powell avant le déclenchement de la deuxième guerre contre l'Irak. Autre temps, mêmes mœurs ?
Où sont «les tètes décapitées, les corps coupés en morceaux, les femmes violées, les femmes enceintes éventrées», décrites à longueur de medias. Aucune vidéo n'en porte la trace. On l'a dit, l'attaque a été essentiellement militaire. Des combattants pressés par l'ennemi, ayant si peu de temps, auraient pris tout leur temps à se livrer à ces horreurs ? D'autre part, ces images d'horreurs auraient pu être filmées après par les sauveteurs. Au moins comme archives. L'ont-elles été ? Rien n'indique, jusqu'à présent, leur existence
On parle officiellement de 3000 combattants de Hamas (journal «Les Échos», 8 novembre) et que 2000 auraient été tués. Aucune image, même pas d'éventuels combats. Ses combattants se seraient-ils évanouis, leurs corps auraient-ils disparu ?
Les autorités israéliennes parlent de 300 soldats israéliens tués. Y a-t-il des officiers parmi eux ? Silence radio. Ce nombre de morts ahurissant s'explique-t-il parce que les soldats n'ont pas combattu, peut- être à cause de l'effet de surprise.
Cela aurait été donc une véritable humiliation et expliquerait la rage, le désir de vengeance tel qu'il s'est exprimé à Gaza. Mais alors pourquoi cette discrétion incroyable à ce sujet, pas d'images, pas même celles des nombreuses funérailles et honneurs officiels qu'il y aurait dû avoir. Rien de tout cela. Cela reste un comportement dont la signification échappe encore.
On retrouve ici l'atmosphère de suspicions de mensonge qui avait entouré les guerres américaines, Irak, Lybie pour les toutes dernières. On sait les ravages qu'ont fait les mensonges américains pour la guerre en Irak. Ce qu'il y a de terrible c'est qu'ils n'ont pas empêché la guerre en Irak comme aujourd'hui les bombardement sur Gaza. Mais ces mensonges des États-Unis leur ont fait perdre stratégiquement la guerre en Irak auprès du reste du monde. Ils y ont perdu à jamais leur crédibilité.
Et puis aujourd'hui il y a les réseaux sociaux. Il est bien difficile de tuer à huis clos. Ce n'était pas le premier mensonge des États-Unis, mais c'était le premier post révolution technologique de l'information, un mensonge du Secrétaire d'État américain, Colin Powell filmé en direct. Il s'est déshonoré. On peut imaginer la peur panique d'Israël, devant la gravité du fait et de ses conséquences, s'il s'avère qu'il y a tromperie sur les évènements du 7 octobre.
En Israël, et ailleurs, beaucoup certainement se sont mis à croire à la description faite des «horreurs commises par le Hamas», sans même songer qu'ils n'en avaient pas la preuve tangible. Ils étaient prêts à croire. Il fallait probablement que cette description puisse légitimer l'incroyable cruauté des bombardements de Gaza.
Aujourd'hui une Commission d'enquête internationale sur ce qui s'est passé le 7 Octobre est indispensable. Elle s'impose d'urgence. Le temps perdu se compte désormais, chaque jour, en victimes. Le monde entier assiste, incrédule, horrifié, à tout simplement l'exécution de toute une population, condamnée déjà à mort sans qu'elle puisse se défendre.
Il faut faire la vérité inlassablement sur ce qui se passe à Gaza, sur ce qui se passe en ce moment, comme sur ce qui s'est passé vraiment le 7 Octobre.
Notes :
(1) https://www.tf1info.fr/international/israel-diffuse-des-images-du-massacre-du-7-octobre-un-rappel-terrifiant-de-ce-qu-il-s-est-passe-ce-jour-la-2275506.html
(2) https://www.youtube.com/watch?v=JLCvw6t2rlY
(3) https://www.hrw.org/fr/news/2023/10/18/israel/palestine-videos-verifiees-dattaques-menees-par-le-hamas
(4) https://www.youtube.com/watch?v=_u6C5LnuBmc
(5) https://www.lesechos.fr/monde/afrique-moyen-orient/israel-diffuse-dans-ses-ambassades-le-film-des-massacres-du-hamas-2027457
(6) (https://www.lalibre.be/international/moyen-orient/2023/11/20/guerre-israel-hamas-larmee-israelienne-a-t-elle-tue-des-participants-a-la-rave-party-lors-de-lattaque-du-7-octobre-HR2MHZ2N25C5XLTAOBXE6V2RPE/
(7) (https://www.tf1info.fr/international/video-tf1-reportage-kibboutz-kfar-aza-be-eri-israel-decouvre-l-horreur-des-massacre-apres-attaque-du-hamas-2272578.html
(8) https://www.humanite.fr/monde/attaque-du-hamas/israel-beeri-le-kibboutz-decime-par-le-hamas
(9) https://www.francetvinfo.fr/monde/proche-orient/israel-palestine/attaques-du-hamas-contre-israel-ce-que-l-on-sait-des-massacres-dans-les-kibboutz-de-kfar-aza-et-bee-ri_6115224.html
(10) https://www.bfmtv.com/international/moyen-orient/israel/c-est-un-massacre-l-emotion-d-un-journaliste-d-i24news-a-kfar-aza-un-kibboutz-attaque-par-le-hamas_AV-202310100716.html
(11) https://www.lepoint.fr/editos-du-point/si-je-t-oublie-kfar-aza-09-11-2023-2542475_32.php,
(12) https://www.liberation.fr/checknews/crimes-du-hamas-quy-a-t-il-dans-la-video-de-48-minutes-dhorreur-que-montre-tsahal-a-la-presse-etrangere-20231102_MD2JVN3AH5C6JKE5T7TGXYS5DE/
par Djamel Labidi
Jeudi 7 decembre 2023
http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5325723
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Rédigé le 07/12/2023 à 10:24 dans Israël, Palestine | Lien permanent | Commentaires (0)
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