S’il est un moment bien oublié de l’histoire de la guerre de Libération nationale, c’est assurément l’action menée par la cellule FLN d’Es-Sénia (Oran) contre un avion d’Air France qui effectuait la liaison entre Oran et Paris.
J’exprime ici toute ma reconnaissance à Mohamed Fréha qui, il y a quelques années déjà, avait attiré mon attention sur cet événement, alors hors champ historique, personne n’en avait fait mention. En effet, ni le récit national, ni les historiens, ni les journalistes n’ont évoqué «l’explosion en plein vol d’un avion commercial d’Air France !». Mohamed FREHA est bien le seul. Dans son ouvrage J’ai fait un choix, (Editions Dar el Gharb 2019, tome 2) il lui consacre sept pages. Ses principales sources étaient la mémoire des acteurs encore en vie, celle des parents des chouhada et la presse d’Oran de l’époque, (L’Echo d’Oran en particulier). Les archives du BEA (Bureau d’enquêtes et d’analyses pour la sécurité de l’aviation civile), Fonds : Enquête sur les accidents et incidents aériens de 1931 à 1967 et plus précisément le dossier Accidents matériels de 1957 intitulé à proximité de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), Armagnac (F-BAVH) 19 décembre 1957, conservées aux Archives nationales de France, ne sont pas encore consultables. Qu’en est-il des archives de la Gendarmerie française ? Qu’en est-il de celles de la Justice civile et militaire là-bas dont celles des Tribunaux permanents des forces armées (TFPA). Et ici ? Et chez nous ? Il reste à retrouver et travailler les minutes du procès.
C’est ainsi que le jeudi 19 décembre 1957, à 14 heures, affrété par Air France, un quadrimoteur « Armagnac SE » numéro 2010, immatriculé F-BAVH appartenant à la Société auxiliaire de gérance et transports aériens (SAGETA), avait quitté l’aéroport d’Oran-Es-Sénia pour Paris qu’il devait atteindre vers 20 heures. A 18 heures 15, il fut brusquement détourné vers Lyon alors qu’il survolait Clermont-Ferrand. Une déflagration venait de se produire à l’arrière de l’avion au niveau du compartiment toilettes. Selon le témoignage d’un passager, la vue des stewards et hôtesses de l’air, qui couraient dans l’allée centrale vers la queue de l’appareil avec des extincteurs à la main, inspira un moment d’inquiétude. Le vol se poursuivit normalement malgré une coupure d’électricité et la baisse soudaine de la température dans la cabine.
Un petit travail de recherches nous apprend que l’aéronef, l’Armagnac SE, avait une excellente réputation de robustesse. Il était le plus grand avion de transport français jamais construit à ce jour et avait la réputation d’avoir «servi à de très nombreux vols entre Paris et Saïgon (actuellement Ho-Chi-Minh-Ville) lors de la guerre d’Indochine, principalement dans le rapatriement des blessés et des prisonniers». A-t-il été repéré et choisi pour cela ?
Il n’en demeure pas moins que le commandant de bord décida alors de se poser à l’aéroport de Lyon-Bron, rapporte le journaliste du Monde (édition datée du 21 décembre 1957). Toujours selon le commandant de bord : «La robustesse légendaire de l’Armagnac nous a sauvés, car d’autres appareils dont la queue est plus fine auraient certainement souffert davantage ». Une photographie montre bien cette brèche de deux mètres carrés.
Débarqués, les passagers comprennent qu’ils ne sont pas à Orly et l’un d’entre eux remarque une « grande bâche qui recouvre le flanc droit du fuselage ». Ils apprennent qu’ils sont à Lyon et qu’il y avait eu une explosion dans l’arrière de l’avion. Ils sont tous interrogés par les enquêteurs de la police de l’Air. L’hypothèse d’un accident technique est écartée et celle d’une action (un attentat, disent-ils) du FLN s’impose, ce qui provoque l’intervention des agents du SDECE. Et pour cause, c’est bien une bombe qui avait explosé.
Mais il y avait aussi le fait que cet avion transportait 96 passagers et membres d’équipage parmi lesquels 67 étaient des militaires de tous grades, venus en France pour les fêtes de Noël. L’enquête reprend à l’aéroport d’Es-Sénia qui se trouvait, à cette époque encore, au sein d’une base de l’armée de l’Air. Elle est confiée dans un premier temps à la gendarmerie d’Es-Sénia et s’oriente vers le personnel civil algérien, femmes de ménage comprises. Mais les soupçons se portent vers les bagagistes qui étaient dans leur grande majorité des Algériens. Elle aboutit à la découverte d’une cellule FLN à Es-Sénia à laquelle appartenaient, entre autres, des bagagistes.
Dans son récit construit sur la base des témoignages, Mohamed Fréha nous donne des noms et un narratif assez détaillé de l’action de ces militants. Le chef de l’Organisation urbaine FLN d’Oran avait transmis à un membre de la cellule dormante d’Es-Sénia, un ordre du chef de Région. Ils devront exécuter «une action armée spectaculaire.» Lors d’une réunion, le 15 décembre, la décision fut prise de «détruire un avion de ligne en plein vol». Mais il fallait «trouver une personne insoupçonnable de préférence avec un faciès européen». Ce fut un Européen, Frédéric Ségura, militant du Parti communiste, bagagiste à l’aéroport. Mohamed Fréha nous donne six noms des membres de la cellule auxquels il ajoute un septième, Frédéric Ségura. Madame Kheira Saad Hachemi, fille d’Amar Saad Hachemi el Mhadji, condamné à mort et exécuté pour cette affaire, nous donne treize noms dont celui de F. Ségura et présente un autre comme étant le chef du réseau. Ce dernier n’est pas cité par Mohamed Fréha.
Lorsque les militants du réseau avaient été arrêtés l’un après l’autre suite à des dénonciations obtenues après de lourdes tortures, Frédéric Ségura, qui avait placé la bombe, est torturé et achevé dans les locaux de la gendarmerie. Selon un policier algérien présent lors de l’interrogatoire, Ségura n’avait donné aucun nom. «Je suis responsable de mes actes !» avait-il déclaré à ses tortionnaires du SDECE. Son corps n’a jamais été retrouvé. Après l’indépendance, le statut de martyr lui fut certes reconnu, mais son sacrifice n’est inscrit nulle part dans l’espace public d’Es-Sénia. Rien non plus sur cette action. La mémoire est impitoyable quand elle est courte et qu’elle laisse la place à l’oubli. Quant au chef de la cellule, Lakhdar Ould Abdelkader, il aurait trouvé la mort au maquis.
Lors du procès, fin mai 1958, Amar Saad Hachemi el Mhadji, gardien de nuit à l’aéroport, fut condamné à mort et guillotiné le 26 juin 1958. Il avait introduit la bombe, crime impardonnable. Dehiba Ghanem, l’artificier, qui avait fabriqué la bombe artisanale, fut condamné à la prison à perpétuité. Les quatre autres impliqués, Kermane Ali, Bahi Kouider, Zerga Hadj et Salah Mokneche, furent condamnés à de lourdes peines de prison. Quant aux quatre autres, la justice a condamné trois à des peines légères et en a acquitté un. Non seulement ils étaient dans l’ignorance de ce qui leur était demandé (transporter la bombe ou la cacher dans leur local) mais de plus ils n’étaient pas membres de la cellule FLN. Des questions restent en suspens faute d’avoir accès aux archives : l’avion a-t-il été choisi à dessein, à savoir le fait qu’il transportait des militaires ? L’objectif était-il vraiment de donner la mort aux passagers ? Sur cette question, Mohamed Fréha rapporte que, réprimandé par sa hiérarchie, l’artificier répondit : « Non seulement que le dosage n’était pas conforme à la formule, mais également la poudre utilisée était corrompue par l’humidité».
Pourtant, Le correspondant du Monde à Lyon avait alors écrit : «Des dernières portes de la cabine jusqu’à la cloison étanche, le parquet était éventré. Il s’en fallait d’une dizaine de centimètres que les gouvernes n’eussent été touchées, ce qui eut entraîné la perte du quadrimoteur». Enfin et curieusement, le passager avait conclu son témoignage en établissant un lien avec un autre événement survenu une année plus tôt: «Réagissant à la piraterie de la «France coloniale» le 22 octobre 1956, lorsqu’un avion civil qui conduisait Ahmed Ben Bella du Maroc à la Tunisie, en compagnie de Mohamed Boudiaf, Hocine Aït Ahmed, Mohamed Khider et Mostefa Lacheraf est détourné par les forces armées françaises, le FLN voulait une réciprocité spectaculaire».
Spectaculaire ? C’est bien ce qu’avait demandé le chef FLN de la Région. L’action le fut et à un point tel qu’aujourd’hui rares sont ceux qui croient qu’elle a vraiment eu lieu. Il est triste de constater que cette opération qui a causé la mort de deux militants : Frédéric Ségura et Amar Saad Hachemi, n’est inscrite ni dans notre récit national ni dans la mémoire locale. Il nous faut visiter le musée créé par Mohamed Fréha au boulevard Emir Abdelkader à Oran pour y trouver des traces. Ces martyrs et leurs frères du réseau d’Es-Sénia méritent la reconnaissance de la Nation. Peut-être alors que leurs frères d’Es-Sénia et d’Oran leur rendront hommage à leur tour. Inch’a Allah !
par Fouad Soufi
Sous-directeur à la DG des Archives Nationales à la retraite - Ancien chercheur associé au CRASC Oran
Journaliste et écrivain, Jean-Louis de La Vaissière a fait carrière à l’Agence France-Presse. Il a occupé divers postes à l’étranger, de l’Allemagne à l’Iran en passant par le Vatican.
"Ô France, voici venu le jour où il te faudra rendre des comptes!" Ce couplet a été rétabli par décret présidentiel dans l'hymne algérien Kassaman. Il pourra désormais être chanté lors de cérémonies officielles.
Provocation antifrançaise? En tout cas, une sacrée complication dans des relations déjà ultrasensibles et en dents de scie entre le plus grand pays du Maghreb et l'ancienne puissance coloniale.
La formule ne peut que profiter à tout président dans un pays gouverné depuis l'indépendance par les héritiers du Front de libération nationale (FLN). Or, des élections attendent Abdelmadjid Tebboune fin 2024. Depuis la sinistre décennie noire marquée par des violences islamistes inouïes, la population très jeune manque de débouchés et la corruption n'est pas maîtrisée. Le Hirak (mouvement) de 2019, qui avait suscité un espoir, a fait long feu, le Covid et les arrestations aidant.
Le passé reste si pesant – dix fois plus de victimes du côté algérien que du côté français pendant la guerre d'indépendance (1954-1962), selon des estimations fiables – qu'il est aisé de rallumer la mèche. Et en 2021, une vive crise avait opposé Paris et Alger autour de l'une des nombreuses petites phrases d'Emmanuel Macron. Il avait reproché à Alger de faire de son passé une "rente mémorielle". Le président français est pourtant sincèrement désireux de réconciliation, il l'a démontré par divers gestes novateurs.
Sa visite à Alger, en août dernier, avait calmé le jeu. Mais en février, Amira Bouraoui, journaliste francoalgérienne recherchée par l'Algérie, était exfiltrée en France via la Tunisie! Alger a rappelé un temps son ambassadeur et, depuis, la visite du président algérien à l'Élysée est sans cesse reportée, alors même que ce dernier a été reçu en grande pompe au Kremlin. D'autres pommes de discorde, notamment sur l'immigration, complexifient encore le dialogue.
Une tâche titanesque attend donc la commission mixte d'historiens sur la mémoire. Comment pardonner, faire justice à tous les camps meurtris, sans rallumer les mèches de la discorde?
Publié le 28/06/2023 à 15h00 par Jean-Louis de La Vaissière
Le quatrième recueil des textes des moines de Tibhirine relate la conversion patiente à l’hospitalité. Fidèle à la tradition cistercienne, la communauté trappiste accueillait les visiteurs dans son hôtellerie. « Priants parmi les priants », en terre d’islam, les moines étaient aussi les hôtes du peuple algérien.
Christophe Henning,
Heureux ceux qui accueillent, vivre l’hospitalité
Moines de Tibhirine
Quatrième recueil des textes des moines de Tibhirine, ce volume est consacré à l’hospitalité, vertu cardinale de la vie monastique et expérience concrète d’une communauté contemplative au cœur d’un pays musulman. C’est ce qu’on retiendra de la lecture de ce nouveau volume de 352 pages qui, à partir de larges extraits, relate la conversion patiente à l’hospitalité.
De fait, présents à Tibhirine depuis leur fondation en 1938, les moines avaient l’impression d’être ceux qui accueillent, obéissant en cela à la Règle de saint Benoît. « Cette communauté monastique, rompue à l’accueil de l’autre (…) a fait la découverte qu’elle était accueillie dans la “maison de l’islam” et qu’elle était appelée à vivre dans la maison de l’autre », explique en introduction dom Thomas Georgeon, abbé de La Trappe et postulateur de la cause des dix-neuf bienheureux martyrs d’Algérie, parmi lesquels les sept moines de l’Atlas. L’hospitalité s’impose comme la porte d’entrée de la rencontre : « Mettre Dieu au cœur de l’hospitalité est tout à fait normal dans la culture musulmane, comme dans la règle monastique », rappelle dans la postface Mgr Claude Rault, évêque émérite du Sahara.
Renversement d’hospitalité, vécue au quotidien, qui bouleverse la vie monastique ordinaire : « Le martyre ne se ramène pas à un acte héroïque, écrit Christian de Chergé, prieur de Tibhirine. Mais il se déploie au quotidien, dans la vie donnée au coude-à-coude et au goutte-à-goutte. » Une expérience vécue avec l’autre, celui du village d’à côté, le visiteur, mais aussi avec le frère moine, qu’il faut chaque jour accueillir tel qu’il est : « Il peut être plus facile d’accueillir des hôtes de passage que de refaire chaque jour l’alliance nouée au sein de la vie commune », ajoute Mgr Rault.
L’hospitalité traverse un demi-siècle de vie monastique
Les textes assemblés sont pour une bonne part signés par Christian de Chergé, complétés de courriers, notes et écrits divers des autres moines. Si l’on s’arrête souvent aux deux années durant lesquelles les frères étaient menacés avant même d’être enlevés et assassinés au printemps 1996, la question de l’hospitalité traverse ici un demi-siècle de vie monastique, comme en témoignent les textes parfois anciens. « Accueille les autres comme tu voudrais être toi-même accueilli… et, tu verras que ça changera, mais c’est long… », écrit le frère Michel Fleury en 1968. La menace n’atténue pas l’accueil de l’autre : « Dans la mesure où nous accueillons le pauvre, le malheureux, avec Amour, nous trouvons Dieu et au-delà de nos angoisses nous lui confions notre vie », écrit Frère Luc en décembre 1994.
« L’hospitalité est un rituel par lequel l’autre est accueilli en tant même qu’autre, et est respecté dans sa différence », commente dom Georgeon. Les moines se nourrissent de la rencontre : « L’autre me concerne. C’est en tant qu’il est autre, étranger, musulman, qu’il est “mon frère”», écrit Christian de Chergé. L’autre qui vient, « l’autre que nous attendons », insiste le prieur de Tibhirine. L’accueil à la porterie, à l’hôtellerie, mais aussi au jardin quand frère Christophe travaille avec des hommes du village, ou au dispensaire alors que frère Luc accueille soixante patients chaque jour… Cette expérience concrète de l’hospitalité est méditée et approfondie avec le Ribât el Salam, ce groupe de partage avec des musulmans soufis.
Comme l’annonce Marie-Dominique Minassian, dans la présentation de l’ouvrage qu’elle a coordonné, « l’hospitalité n’est pas un thème, mais un style de vie que cette communauté a su mettre au centre de son quotidien ». L’hospitalité, comme expression d’une théologie de la rencontre, au cœur de Tibhirine, jusqu’au martyre. « L’espérance est à vivre ensemble, écrit frère Christophe, la veille de leur enlèvement, le 26 mars 1996. On a besoin des autres pour espérer. Ça ne peut pas se vivre tout seul. »
Ce documentaire s’inscrit dans un projet pédagogique mené avec 110 élèves de 3ème du collège Ferdinand Clovis Pin de Poitiers, au cours de l’année scolaire 2022-2023. Basé sur les témoignages de 4 anciens soldats français envoyés en Algérie, entre 1956 et 1962, ce film expose leurs différents parcours de guerre, au croisement de l’histoire et de la mémoire, puis nous éclaire sur un lieu du souvenir symbolique : le mémorial AFN de la Vienne.
Monsieur le Docteur FrantzFanon Médecin des Hôpitaux Psychiatriques Médecin-Chef de service à L’Hôpital Psychiatrique de BLIDA-JOINVILLE
A Monsieur le Ministre Résident Gouverneur Général de l’Algérie ALGER
Monsieur Le Ministre,
Sur ma demande et par arrêté en date du 22 octobre 1953, Monsieur le Ministre de la Santé Publique et de la Population a bien voulu me mettre à la disposition de Monsieur le Gouverneur Général de l’Algérie pour être affecté à un Hôpital Psychiatrique de l’Algérie. Installé à l’Hôpital Psychiatrique de Blida-Joinville le 23 novembre 1953, j’y exerce depuis cette date les fonctions de Médecin-Chef de service. Bien que les conditions objectives de la pratique psychiatrique en Algérie fussent déjà un défi au bon sens, il m’était apparu que des efforts devaient être entrepris pour rendre moins vicieux un système dont les bases doctrinales s’opposaient quotidiennement à une perspective humaine authentique. Pendant près de trois ans je me suis mis totalement au service de ce pays et des hommes qui l’habitent. Je n’ai ménagé ni mes efforts, ni mon enthousiasme. Pas un morceau de mon action qui n’ait exigé comme horizon l’émergence unanimement souhaitée d’un monde valable.
Mais que sont l’enthousiasme et le souci de l’homme si journellement la réalité est tissée de mensonges, de lâchetés, du mépris de l’homme ? Que sont les intentions si leur incarnation est rendue impossible par l’indigence du cœur, la stérilité de l’esprit, la haine des autochtones de ce pays ?
La Folie est l’un des moyens qu’a l’homme de perdre sa liberté. Et je puis dire, que placé à cette intersection, j’ai mesuré avec effroi l’ampleur de l’aliénation des habitants de ce pays. Si la psychiatrie est la technique médicale qui se propose de permettre à l’homme de ne plus être étranger à son environnement, je me dois d’affirmer que l’Arabe, aliéné permanent dans son pays, vit dans un état de dépersonnalisation absolue.
Le statut de l’Algérie ? Une déshumanisation systématique.
Or le pari absurde était de vouloir coûte que coûte faire exister quelques valeurs alors que le non-droit, l’inégalité, le meurtre multi-quotidien de l’homme étaient érigés en principes législatifs. La structure coloniale existant en Algérie s’opposait à toute tentative de remettre l’individu à sa place.
Monsieur le Ministre il arrive un moment où la ténacité devient persévération morbide. L’espoir n’est plus alors la porte ouverte sur l’avenir mais le maintien illogique d’une attitude subjective en rupture organisée avec le réel ?
Monsieur le Ministre, les événements actuels qui ensanglantent l’Algérie ne constituent pas aux yeux de l’observateur un scandale. Ce n’est ni un accident, ni une panne de mécanisme.
Les événements d’Algérie sont la conséquence logique d’une tentative avortée de décérébraliser un peuple. Il n’était point exigé d’être psychologue pour deviner sous la bonhomie apparente de l’Algérien, derrière son humilité dépouillée, une exigence fondamentale de dignité. Et rien ne sert, à l’occasion de manifestations non simplifiables, de faire appel à un quelconque civisme. La fonction d’une structure sociale est de mettre en place des institutions traversées par le souci de l’homme. Une société qui accule ses membres à des solutions de désespoir est une société non viable, une société à remplacer.
Le devoir du citoyen est de le dire. Aucune parole professionnelle, aucune solidarité de classe, aucun désir de laver le linge en famille ne prévaut ici. Nulle mystification pseudo-nationale ne trouve grâce devant l’exigence de la pensée.
Monsieur le Ministre, la décision de sanctionner les grévistes du 5 juillet 1956 est une mesure qui, littéralement, me paraît irrationnelle. Ou les grévistes ont été terrorisés dans leur chair et celle de leur famille, alors il fallait comprendre leur attitude, la juger normale, compte tenu de l’atmosphère.
Ou leur abstention traduisait un courant d’opinion unanime, une conviction inébranlable, alors toute attitude sanctionniste était superflue, gratuite, inopérante.
Je dois à la vérité de dire que la peur ne m’a pas paru être le trait dominant des grévistes. Bien plutôt il y avait le vœu inéluctable de susciter dans le calme et le silence une ère nouvelle toute de dignité et de paix.
Le travailleur dans la cité doit collaborer à la manifestation sociale. Mais il faut qu’il soit convaincu de l’excellence de cette société vécue. Il arrive un moment où le silence devient mensonge.
Les intentions maîtresses de l’existence personnelle s’accommodent mal des atteintes permanentes aux valeurs les plus banales.
Depuis de longs mois ma conscience est le siège de débats impardonnables. Et leur conclusion est la volonté de ne pas désespérer de l’homme, c’est-à-dire de moi-même.
Ma décision est de ne pas assurer une responsabilité coûte que coûte, sous le fallacieux prétexte qu’il n’y a rien d’autre à faire.
Pour toutes ces raisons, j’ai l’honneur, Monsieur le Ministre, de vous demander de bien vouloir accepter ma démission et de mettre fin à ma mission en Algérie, avec l’assurance de ma considération distinguée.
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FRANTZ FANON
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Suite à cette lettre, Frantz Fanon fut expulsé D'Algérie...
Le préfet de la commission nationale sur les Harkis s'est rendu ce samedi 24 juin sur la stèle en mémoire du camp de la forêt de Lanmary, en Dordogne. Une trentaine de familles harkis y ont été amenées par l'Etat à la fin de la guerre d'Algérie, dans des conditions de vie indignes.
Un préfet en Dordogne sur les vestiges de l'ancien camp harki de Lanmary, c'est pratiquement une première. Ce samedi 24 juin, Marc Del Grande, préfet nommé par Emmanuel Macron pour travailler sur l'indemnisation des harkis, a visité les vestiges de l'ancien camp Harki d'Antonne-et-Trigonant, en pleine forêt de Lanmary. Un travail également mémoriel, puisqu'il ne reste plus aujourd'hui que 4.000 à 5.000 Harkis en France qui peuvent raconter.
En 1962, à la fin de la guerre d'Algérie, ces supplétifs algériens qui avaient aidé l'armée française, ont été massacrés par dizaines de milliers. Certains ont été amenés en France, et notamment en Dordogne, par deux préfets de l'époque qui avaient servi en Algérie, Jean-Marie Robert et Jean Taullèle. A l'époque, ils le font presque en désobéissant à la politique officielle, qui ne veut pas entendre parler des Harkis.
"Eviter que les Français nous voient"
"Je me rappelle qu'en arrivant devant le bateau, ils nous ont mis au fond de la cale. On avait peur de se faire massacrer si on restait en Algérie donc on était contents, mais on est arrivés dans des conditions pas possibles", se souvient Mohamed Akcha. Il a fui l'Algérie avec sa famille en 1963, il avait alors 14 ans.
Arrivé à Sète, il a passé quelques mois dans un camp des Pyrénées avant d'être emmené à Lanmary : "Les voyages on ne les faisait que de nuit, pour éviter que les Français de France ne nous voient". La France crée des camps "forestaux", où les familles, la plupart du temps paysans en Algérie, vont travailler pour l'office national des forêts comme élagueurs.
Des conditions de vie très dures
Des conditions de vie très dures. A Lanmary, le camp est en pleine forêt, fait en préfabriqués pour accueillir une trentaine de familles. Une école est spécialement créée, dont l'instituteur a témoigné aux archives départementales de la Dordogne. "Moi je ne parlais que kabyle, les parents travaillaient dans les bois, on était loin de tout, sans sortie. Le Français, on l'a appris sur le tas. On n'avait aucune perspective d'avenir, aucune chance de s'intégrer", raconte Mohamed Akcha. "On nous a cachés. Beaucoup de Périgourdins ne connaissaient pas le camp, ils ne savaient pas que ça existait".
Il trouvera sa chance en s'engageant dans l'armée qui lui apprendra la langue et le reste. D'autres partiront dans les usines de Condat ou de Bergerac, en allant vivre dans les HLM de Terrasson ou du Gour de l'Arche. Les deux préfets qui avaient voulu sauver les Harkis avaient pensé le camp comme le plus temporaire possible, pour maximiser les chances d'intégration.
Un autre camp "privé" près des Eyzies
Le camp de Lanmary a été officiellement reconnu comme un camp Harki, ce qui ouvre les familles à des indemnisations de l'Etat français. Un second camp "privé", dans une ferme de Sireuil près des Eyzies vient d'être reconnu par l'Etat il y a quelques semaines. Une dizaine de familles y ont été accueillies entre 1963 et 1968.
C'est un ancien haut-gradé Harki qui l'avait fondé en faisant venir des Harki réfugiés dans la ferme qu'il avait acheté après la guerre.
Des débuts en 1954 aux derniers brasiers de 1962, les grandes étapes sont racontées par des acteurs directs dans un va et vient permanent entre les situations personnelles et les évènements : la pacification, le FLN, les émeutes du Constantinois en 1955, les embuscades, les représailles, la bataille d’Alger, les DOP, les commandos de chasse, la liquidation des harkis…
J’ai parlé de Michèle Tabarot depuis longtemps sur mon blog, l’article que vous pourrez lire ci-dessous date du 13 avril 2016, écrit par le regretté François Nadiras de la Ligue des Droits de l'Homme de Toulon, mais il y a 2 jours à l’Assemblée nationale elle a « ramenée sa fraise » commençons donc par cela :
L'Hymne algérien a été un sujet de la séance du 20 juin 2023 à l'Assemblée Nationale
QUI EST MICHELE TABAROT ?
Michèle Tabarot fille de Robert Tabarot qui crée en 1960 le noyau OAS d’Oran avec Athanase Georgopoulos, patron de bar dit “Tassou” et Georges Gonzales dit “Pancho”. L’organisation terroriste sème la terreur, et, comme à Alger, n’hésite pas à assassiner des soldats français, notamment…
Le Chef de bataillon Bardy, le Commandant de gendarmerie Boulle, le Lieutenant Ferrer, le Général de corps d’armée Ginestet, le Médecin-colonel Mabille, le Lieutenant-colonel Mariot, le Chef de bataillon Maurin, le Sous-lieutenant Moutardier, le Lieutenant-colonel Rançon.
Le député Jean Léonetti raconte que, à l’occasion d’une réunion de rapatriés, une femme âgée lui a déclaré : « nous voudrions que vous arriviez, un jour, à dire à l’Assemblée nationale que ce que nous avons fait collectivement, en Algérie, c’était bien. »
On comprend cette personne qui, comme beaucoup d’autres ayant vécu ce drame, n’a pas de responsabilité individuelle dans les inégalités du système colonial ni dans les atrocités commises à l’occasion de cette guerre. Mais ceux qui aujourd’hui détiennent un mandat politique ont le devoir, sinon de dire la vérité, du moins de ne pas énoncer des contre-vérités.
En raison du rôle qu’elle a joué dans l’adoption de la loi du 23 février 2005, Michèle Tabarot porte une lourde responsabilité dans la réécriture mensongère de la période coloniale en Algérie.
« Certains veulent convertir leur mémoire en histoire officielle »Éric Savarese
Robert Tabarot dit “Rocher”, le père de Michèle Tabarot, est né à Paris en 1928. Il passe toute sa jeunesse à Oran dont ses parents sont originaires. Champion de boxe, il constitue avec Conessa et Villeneuve un des premiers groupes “contre-terroristes”.
En 1960, il crée le noyau OAS d’Oran avec Athanase Georgopoulos, patron de bar dit “Tassou” et Georges Gonzales dit “Pancho”. L’organisation terroriste sème la terreur, et, comme à Alger, n’hésite pas à assassiner des soldats français.
« L’accord F.L.N. (ou Exécutif Provisoire)-O.A.S. du 17 juin 1962 à Alger n’a aucun effet sur Oran, pas plus que les premiers rapprochements organisés à Tlemcen et surtout à Sidi-Bel-Abbès. Bien au contraire. Vendredi 22, samedi 23 et surtout lundi 25 et mardi 26 juin tout brûle à Oran. On ne leur laissera rien. […] Les destructions continuent et sont imputées à Robert Tabarot et Charles Micheletti. »
Le 27 juin, Tabarot fuit l’Algérie et se réfugie à Alicante où il ouvre une pizzeria et devient « une sorte de maire occulte pour quelque trente mille exilés d’Algérie, surtout des oranais ». Athanase Georgopoulos est à Torremolinos … Ils rentreront s’installer en France en 1969, bénéficiant de l’amnistie de 1968.
Assemblée générale de la Maison
du Pied-Noir du Cannet
Le Cannois N° 0200 du jeudi 2 janvier 2003 (extraits)
A l’extrême droite : Robert Tabarot
En présence de Robert Tabarot, président national de “La Maison du pied-noir”, Manuel Alenda, président de la section du Cannet, a déclaré : « Que notre passé aide notre avenir, que notre créance ne soit pas une dette d’honneur car, nous, nous n’en avons aucune envers qui que ce soit, sauf envers nos parents. Si cette mémoire n’est pas transmise aux générations futures, si elle ne rentre pas dans l’histoire officielle, alors les “pieds noirs” seront nés pour rien et disparaîtront définitivement. C’est pourquoi nous avons raison et devons revendiquer avec force et conviction nos droits à l’histoire avec un grand H. ».
Thierry Ollive
Née à Alicante (Espagne), le 13 octobre 1962, Michèle Tabarot, qui se définit pourtant comme une « Française d’Algérie », n’avait toujours pas mis les pieds en Algérie en octobre 2004 !
Maire du Cannet (Alpes-Maritimes) depuis 1995, elle est élue députée (UMP) de la 9ème circonscription des Alpes-Maritimes en juin 2002. Autant par fidélité familiale que par intérêt électoral — sa circonscription compte environ 10% de pieds-noirs — elle s’inscrit au Groupe d’étude sur les rapatriés, dont elle devient vice-présidente. Ce groupe de 57 députés agira comme un lobby. Comme tout groupe de pression, il transcende les clivages politiques : on y trouve six socialistes, à côté d’une forte majorité d’élus UMP et UDF.
Lors de l’élaboration du projet de loi en faveur des rapatriés, en 2004, Michèle Tabarot a défendu l’indemnisation des quelques centaines d’anciens membres civils de l’OAS qui avaient fui à l’étranger pour échapper à la justice française. L’article 13 de la loi du 23 février 2005 leur permettra de récupérer les points de retraite non acquis au cours des années 60. « En plus de l’effort d’indemnisation des harkis, il était normal de réparer cette injustice », estime Michèle Tabarot. Elle considère sans doute également comme “normal” le fait que l’ami Athanase Georgopoulos ait été nommé, le 30 décembre 2005, membre de la commission chargée de gérer cette indemnisation.
Cet ancien membre de l’OAS, élevé à la dignité de Commissaire aux gratifications, au côté d’un conseiller d’Etat, a ainsi portes ouvertes aux ors des ministères. Nul doute que, au moment de l’examen de sa propre demande, ses pairs apportent [aient apporté ?] une juste compensation financière à son « inactivité » exercée tant dans le cadre de l’OAS à Oran, que dans celui de sa florissante boite de nuit, l’Eldorado, à Torremolinos.
Michèle Tabarot a soutenu sans hésiter l’amendement de Christian Vanneste qui demandait aux programmes scolaires de souligner « le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord » « Il y en a marre de la repentance permanente ! dit-elle. Tant que nous ne serons pas fiers de notre histoire, nous ne pourrons pas favoriser l’intégration des jeunes générations. »
Adopté sans bruit dans la loi du 23 février 2005, cet amendement a fini par réveiller les consciences : une proposition de loi du PS visant à l’abroger est soumise à l’Assemblée nationale le 29 novembre 2005. Quelques extraits du discours prononcé par Michèle Tabarot à cette occasion méritent d’être repris.
Discours de Michèle TABAROT le 29 novembre 2005 à l’Assemblée Nationale pour la reconnaissance des aspects positifs de la colonisation [8]
Le 10 février dernier, lors que notre Assemblée venait d’adopter la loi portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés, mes collègues et moi-même quittions cet hémicycle avec la légitime fierté d’avoir oeuvré, 40 ans après, à la réhabilitation de la mémoire française en Algérie, la légitime fierté de pouvoir dire à la communauté rapatriée, qu’en dehors de toute considération matérielle la Nation avait tenu à lui rendre un hommage solennel et ô combien mérité. [...]
Je ne peux m’expliquer qu’après plusieurs mois de silence l’opposition ait décidé de remettre en cause cette avancée, si ce n’est pour satisfaire une partie de son électorat et une minorité d’enseignants signataires d’une pétition contre l’article 4 de la loi du 23 février 2005.
Pour ma part, je n’oublie pas que les enseignants qui aujourd’hui demandent l’abrogation de l’article 4, sous un prétexte d’objectivité et de neutralité sont les mêmes qui arrivaient avec des roses à la main dans l’enceinte de nos salles de classe le 11 mai 1981.
Les mêmes qui nous ont enseigné pendant toutes ces années que les modèles communistes, de Moscou, Pékin ou Phnom Penh, permettaient à l’être humain de s’épanouir dans une société juste, égalitaire, et dans le respect des droits de l’homme.
Le bilan de ces régimes tyranniques est pourtant sans appel.
Les mêmes qui aujourd’hui, désemparés de ne plus pouvoir enseigner leur modèle de démocratie, font quotidiennement à leurs élèves le procès de la colonisation.
Mes chers collègues,
Il est bien trop réducteur d’avoir de l’Histoire une vision manichéenne.
Notre passé se compose de multiples facettes, certaines sont glorieuses, d’autres moins. Pour sa part, la France coloniale a permis d’éradiquer des épidémies dévastatrices, grâce aux traitements dispensés par les médecins militaires, Les Français d’Outre-mer ont permis la fertilisation de terres incultes et marécageuses, la réalisation d’infrastructures que les Algériens utilisent encore aujourd’hui. La France a posé les jalons de la modernité en Algérie, en lui donnant les moyens d’exploiter les richesses naturelles de son sous-sol. [...]
Il ne s’agit pas, comme cela a pu être dit, de réécrire l’histoire officielle. [...]
Il s’agit simplement, pour la représentation Nationale de donner son opinion sur un événement historique comme elle a pu le faire par le passé pour l’esclavage ou en reconnaissant le génocide arménien.
Au moment où l’on s’interroge sur ce qui compose l’identité nationale sur ce qui doit favoriser notre cohésion plus que jamais les jeunes Français doivent connaître l’histoire de leur pays, dans toute sa réalité et en être fiers.
Il faudra attendre le 15 février 2006, pour que, par le moyen d’une manoeuvre procédurale, à l’initiative du président de la République, l’article 4 finisse par disparaître de la loi.
Un dernier baroud d’honneur devait rassembler, le 3 février 2006, à Saint-Laurent-du-Var, la classe politique locale qui ne voulait rien perdre de son électorat. Les écharpes tricolores étaient légion et tous les partis de Droite étaient représentés, de l’UDF au FN en passant par l’UMP, le MPF, et le MNR.
« Nous n’avons à nous excuser de rien ! »
du Commissariat général au Plan, « la population musulmane d’âge scolaire est évaluée, pour le terme de la période de 20 ans, à 2.500.000 enfants de 6 à 14 ans. Déjà, en 1954-55, cette population s’élève effectivement à 1.990.000 enfants. Avec 307.000 élèves inscrits dans les écoles du premier degré, le taux de scolarisation atteint 15,4 % à la veille de la guerre d’indépendance. »
Dans l’enseignement supérieur, en 1954, « il n’y avait que 1.200 étudiants musulmans algériens dont un peu plus de la moitié à Alger, qui suivaient surtout des études formant à des professions libérales comme médecins ou avocats, qui les mettraient dans une situation de relative indépendance par rapport à l’administration. En 1954 donc, on comptait seulement quelque 600 Algériens musulmans pour 5.000 étudiants en Algérie, les universités françaises n’ayant formé à cette date qu’un seul architecte et un seul ingénieur algérien des travaux publics. »
Pouvons-nous en être fiers ?
L’histoire apprend, au premier chef, que le système colonial, en contradiction avec les principes fondateurs de la République française, a entraîné des massacres de centaines de milliers d’Algériens ; et qu’il les a dépossédés, « clochardisés » - pour reprendre le terme de Germaine Tillion - à une grande échelle, exclus de la citoyenneté, soumis au Code de l’indigénat, et sous-éduqués, au déni des lois en vigueur. Mais, aussi, qu’il y eut de multiples souffrances de Français, parfois déportés en Algérie pour raisons politiques, ou embrigadés dans les guerres coloniales, ou encore pris dans un système dont ils sont devenus, à son effondrement, les victimes expiatoires - comme l’ont été les harkis, enrôlés dans un guêpier qu’ils ne maîtrisaient pas, puis abandonnés, relégués en France et discriminés en Algérie.
« François Nadiras tu as écrit ce texte et je ne t’oublie pas »
Dans son ouvrage « Cinquante clés pour l'indépendance », dont la traduction vers l'Arabe vient d'être publiée, le regretté historien et sociologue Abdelmadjid Merdaci, retrace, à travers 50 éclairages historiques, les principales stations qui ont marqué le combat libérateur.
Paru aux éditions « Hibr », l'ouvrage de 161 pages traduit par Khalsa Goumazi, revient, sous forme d'articles de presse, sur le « mouvement indépendantiste », défini comme un mouvement politique qui revendique l'indépendance de l'Algérie au début du XXe siècle, notamment sous la houlette de l'Etoile nord-africaine (ENA), parti interdit puis dissout pour ses positions en faveur de l'indépendance.
Son porte-parole et un des fondateurs de cette formation politique fondée en 1926, Messali Hadj, a défendu la légitimité de l'indépendance de l'Algérie, selon l'auteur qui explique que le Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD), façade légitime du Parti populaire algérien (PPA), a joué un rôle important, avant le déclenchement de la Guerre de libération en 1954, dans la mobilisation pour la lutte armée contre le colonialisme français.
L'ouvrage revient également sur le « Groupe des 22 », majoritairement membres de l'Organisation spéciale (OS), réuni à Alger en juin 1954 pour approuver à l'unanimité la nécessité de la lutte armée".
L'auteur relève que le déclenchement de la lutte armée le 1er novembre 1954, a confirmé « l'aboutissement d'une organisation parfaitement coordonnée à travers tout le pays » et a permis à « reconfigurer le champ politique algérien. »
Sur le plan extérieur, l'ouvrage met en lumière la participation des représentants du FLN à la Conférence de Bandung (18-24 avril 1955) en Indonésie, considéré comme un prélude à l'internationalisation de la cause nationale.
L'ouvrage revient également sur les offensives du Nord Constantinois, le 20 août 1955 menés par Zighoud Youcef, une étape importante dans le parcours libérateur, en apportant un nouveau souffle à la Révolution naissante et un « changement radical dans la nature du conflit. »
Un autre 20 août est également abordé dans l'ouvrage, celui de la tenue du Congrès de la Soummam, en aout 1956 à Ifri-Ouzellaguene (Béjaia), un « tournant décisif » sur le chemin de la Révolution, estime l'auteur qui le considère comme un congrès qui allait jeter les jalons d'une nouvelle organisation de la Révolution et les fondements institutionnels de l'Algérie indépendante".
L'ouvrage s'intéresse également à d'autres thèmes en lien avec la Révolution, notamment la « Fédération du FLN en France », dont la création répondait, selon l'auteur, « au besoin politique de mener les combats sur le sol ennemi. »
L'auteur évoque par ailleurs les exactions de l'armée coloniale qui ont usé de la torture comme un « outil de guerre », contre les Algériens, mais aussi contre les Européens soupçonnés engagés en faveur de la cause nationale.
La création Gouvernement provisoire de la République Algérienne (GPRA), l’organe de direction du FLN qui a eu notamment à conduire les négociations qui avaient abouti aux accords d’Evian, est un autre fait historique relevé par l'auteur, qui s'est aussi intéressé aux manifestations du 11 décembre 1960 et aux massacres du 17 octobre 1961 à Paris, à la Zone autonome d'Alger ou encore à la Bataille d'Alger.
Auteur de plusieurs ouvrages sur l'histoire de la ville de Constantine et la Guerre de libération nationale, Abdelmadjid Merdaci (1945-2020) a signé également nombre de contributions dans la presse nationale sur la culture et l'histoire.
Son parcours est jalonné de plusieurs ouvrages notamment « Le dictionnaire des musiques et les musiciens de Constantine », « GPRA, un mandat historique (19 septembre 1958-3 août 1962) », « Novembre 1954, de l’insurrection à la guerre d’indépendance » et « Constantine, citadelle des vertiges. »
Les revenus au titre des droits d'auteur de l'édition de cet ouvrage, paru en 2013 en langue française, seront reversés au profit d'une association d'aide aux personnes aux besoins spécifiques, précise l'éditeur.
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