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Le préfet de la commission nationale sur les Harkis s'est rendu ce samedi 24 juin sur la stèle en mémoire du camp de la forêt de Lanmary, en Dordogne. Une trentaine de familles harkis y ont été amenées par l'Etat à la fin de la guerre d'Algérie, dans des conditions de vie indignes.
Les anciens du camp de Lanmary, qui a existé de 1963 à 1965, avec les familles devant la stèle en mémoire du camp à Antonne-et-Trigonant. © Radio France - M. B.
Un préfet en Dordogne sur les vestiges de l'ancien camp harki de Lanmary, c'est pratiquement une première. Ce samedi 24 juin, Marc Del Grande, préfet nommé par Emmanuel Macron pour travailler sur l'indemnisation des harkis, a visité les vestiges de l'ancien camp Harki d'Antonne-et-Trigonant, en pleine forêt de Lanmary. Un travail également mémoriel, puisqu'il ne reste plus aujourd'hui que 4.000 à 5.000 Harkis en France qui peuvent raconter.
En 1962, à la fin de la guerre d'Algérie, ces supplétifs algériens qui avaient aidé l'armée française, ont été massacrés par dizaines de milliers. Certains ont été amenés en France, et notamment en Dordogne, par deux préfets de l'époque qui avaient servi en Algérie, Jean-Marie Robert et Jean Taullèle. A l'époque, ils le font presque en désobéissant à la politique officielle, qui ne veut pas entendre parler des Harkis.
"Eviter que les Français nous voient"
"Je me rappelle qu'en arrivant devant le bateau, ils nous ont mis au fond de la cale. On avait peur de se faire massacrer si on restait en Algérie donc on était contents, mais on est arrivés dans des conditions pas possibles", se souvient Mohamed Akcha. Il a fui l'Algérie avec sa famille en 1963, il avait alors 14 ans.
Arrivé à Sète, il a passé quelques mois dans un camp des Pyrénées avant d'être emmené à Lanmary : "Les voyages on ne les faisait que de nuit, pour éviter que les Français de France ne nous voient". La France crée des camps "forestaux", où les familles, la plupart du temps paysans en Algérie, vont travailler pour l'office national des forêts comme élagueurs.
Des conditions de vie très dures
Des conditions de vie très dures. A Lanmary, le camp est en pleine forêt, fait en préfabriqués pour accueillir une trentaine de familles. Une école est spécialement créée, dont l'instituteur a témoigné aux archives départementales de la Dordogne. "Moi je ne parlais que kabyle, les parents travaillaient dans les bois, on était loin de tout, sans sortie. Le Français, on l'a appris sur le tas. On n'avait aucune perspective d'avenir, aucune chance de s'intégrer", raconte Mohamed Akcha. "On nous a cachés. Beaucoup de Périgourdins ne connaissaient pas le camp, ils ne savaient pas que ça existait".
Il trouvera sa chance en s'engageant dans l'armée qui lui apprendra la langue et le reste. D'autres partiront dans les usines de Condat ou de Bergerac, en allant vivre dans les HLM de Terrasson ou du Gour de l'Arche. Les deux préfets qui avaient voulu sauver les Harkis avaient pensé le camp comme le plus temporaire possible, pour maximiser les chances d'intégration.
Un autre camp "privé" près des Eyzies
Le camp de Lanmary a été officiellement reconnu comme un camp Harki, ce qui ouvre les familles à des indemnisations de l'Etat français. Un second camp "privé", dans une ferme de Sireuil près des Eyzies vient d'être reconnu par l'Etat il y a quelques semaines. Une dizaine de familles y ont été accueillies entre 1963 et 1968.
C'est un ancien haut-gradé Harki qui l'avait fondé en faisant venir des Harki réfugiés dans la ferme qu'il avait acheté après la guerre.
- Marc Bertrand
Marc BertrandFrance Bleu Périgord
https://www.francebleu.fr/infos/societe/on-a-voulu-nous-cacher-60-ans-apres-les-enfants-du-camp-de-harkis-en-dordogne-se-souviennent-3790367
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