Published date: Dimanche 16 octobre 2022 - 11:26 | Last update:5 hours 29 secs ago
325Shares
Le drame a choqué toute l’Algérie. Le 26 septembre, en Kabylie, Ryma Anane, 28 ans, enseignante de français, a été attaquée par son voisin alors qu’elle s’apprêtait à prendre le bus pour aller à son travail. Il l’a aspergée d’essence et brûlée vive à l’aide d’un briquet.
La nouvelle s’est répandue très vite sur les réseaux sociaux. Selon des sources locales, l’agresseur a fini par se rendre à la police quelques heures après l’attaque. D’après ses aveux, il aurait agi ainsi parce que la jeune femme avait refusé de se marier avec lui et choisi un autre futur époux.
« Son dos et son cou en flammes, Ryma s’empresse d’aller chercher de l’aide. Arrivée chez elle, elle s’effondre, et bredouille quelques mots : ‘’Il a brûlé mon avenir !’’ », rapporte le site d’information TSA.
Après son transfert à l’hôpital de Tizi Ouzou (Kabylie), les médecins ont jugé que son état nécessitait une prise en charge rapide à l’étranger au regard de la gravité des brûlures (60 % de son corps).
Rapidement, la solidarité s’est organisée à travers les réseaux sociaux et une cagnotte a été lancée pour payer les frais d’un transfert en Europe.
« La famille s’est d’abord tournée vers l’hôpital Saint-Louis à Paris, connu pour son expertise des grands brûlés. D’après le devis consulté par France 24, l’hôpital demandait plus de 316 000 euros pour 70 jours d’hospitalisation en réanimation », relate France 24.
Mais l’établissement n’a pas accepté l’échelonnement de la facture. « Qui peut faire ça ? Cela a retardé la prise en charge de Ryma à l’étranger. Et pendant ces quelques jours, elle aurait pu y passer », témoigne toujours sur France 24 un ami de la victime.
Faute d’avoir pu obtenir un visa pour la France, l’entourage de Ryma s’est tourné vers l’Espagne, qui a accepté de lui en délivrer un. Et grâce à une société d’assistance médicale, ADM international, la famille a pu trouver un hôpital à Madrid qui proposait un devis moins onéreux, avec par ailleurs la possibilité de payer par tranches.
Ryma a donc été transférée en Espagne par avion médicalisé grâce aux efforts de ses proches et des nombreux donateurs en Algérie et à l’étranger. Selon les dernières informations, son état se serait stabilisé.
La cellule de veille indépendante Féminicides Algérie relève qu’une jeune femme, mère de quatre enfants, a été assassinée, brûlée vive, par son époux le 16 avril 2022. Depuis le début de l’année, 32 cas de féminicides ont été recensés par les militantes.
Par
MEE
Published date: Dimanche 16 octobre 2022 - 11:26 | Last update:5 hours 29 secs ago
Parfois, je me dis que le personnage Meursault dans l'Etranger d'Albert Camus a raison. Enfin, il a résumé tout ce que beaucoup n'osent pas faire : s'en foutre de tout ! Tout jeter derrière soi. N'avoir ni esprit ni raison. Un peu de folie, ça aide un peu. L'indifférence un peu plus. Le silence, beaucoup davantage. Pourquoi se casser la tête pardi, à arrêter le moulin à vent ? Pourquoi ne pas vivre l'instant présent sans se soucier du lendemain ? Pourquoi ne pas regarder la vie comme un florilège de couleurs que nos yeux peuvent mélanger et varier à bon escient, s'ils savent en tirer les belles nuances ? Le destin de Don Quichotte me paraît si banal qu'il me donne de la nausée en y pensant. S'asseoir sur un banc public et ne voir dans la foule qui passe devant soi qu'une transparence inspiratrice n'est-il pas un don du ciel ? C'est un privilège pour tous ceux qui connaissent la valeur des choses. Lâcher prise, disent les psychologues, sagesse, leur rétorquent les éprouvés du quotidien, recul méditatif, répètent les philosophes. Recul pour voyager à l'intérieur de soi, creuser le fond de ses pensées, y aller jusqu'au rez-de-chaussée et même plus de ses émotions, pour enfin s'écouter. Savoir s'écouter est un art. Un ancien délinquant d'une banlieue française m'a dit un jour : «Je ne me suis écouté qu'une fois et c'était devant un juge, au tribunal, quand mon avocat a déroulé mon CV à problèmes devant l'assistance ! Et c'était trop tard..., trop tard !» Dans nos sociétés d'aujourd'hui, on ne s'écoute pas ou presque, mais on écoute plutôt ce que disent les autres. Et écouter ce que disent les autres, sans que l'on ne s'écoute soi-même cause des ennuis, et parfois des tragédies. Tragédies intimes d'abord, puis tragédies sociales ensuite. C'est l'effet de foule : on court derrière ceux qui courent, sans que l'on ne sache pourquoi on court ni dans quelle direction on court ! Cela me rappelle les métros parisiens : tout le monde court, allez, on va tous courir, en avant ! Or, tout un chacun a oublié que le plus malin être vivant sur la terre, c'est la tortue. Et la tortue ne court pas. Et pourtant, elle survit à ses besoins, résiste au changement de climat et vit le plus longtemps ! J'aime le mot «insensibilité sensible», le terme semble à la fois confus et contradictoire : un oxymore presque. Mais un oxymore d'une parfaite cohérence car seule l'insensibilité lucide étant à même de raisonner les contradictions de la vie. Devant la difficulté, rares sont ceux qui y résistent, d'autant que la résistance nécessite calme, persévérance et une dose d'insensibilité...
Montage Camille Durand/M Le magazine du Monde d’après des photos de : France 24/INA ; France 3/INA ; France 2/INA ; Thomas Samson/GAMMA-RAPHO ; Erez Lichtfeld/SIPA
EnquêteEpinglé par le rapport du Sénat sur le fonds Marianne dont il a bénéficié, le journaliste franco-algérien s’est imposé comme une figure de la lutte contre l’islam radical, adoubée par une partie de la gauche. Depuis son exil en France en 1999, son parcours dessine un personnage clivant et intéressé.
Avant de prendre la parole, il a posé ses mains sur les accoudoirs de son fauteuil et il a donné une grande impulsion, balançant son buste en avant. Comme s’il lui fallait se jeter à l’eau. Puis, d’un geste sec et précis, il a tiré sur la veste de son costume trois-pièces bleu nuit, pour en effacer les plis. Au Sénat, ce jeudi 15 juin, le journaliste Mohamed Sifaoui s’apprête à témoigner devant la commission d’enquête constituée à la suite des supposées irrégularités du fonds Marianne. Lancée par Marlène Schiappa, alors ministre de la citoyenneté, cette enveloppe de 2,5 millions d’euros a été créée au printemps 2021 en réaction à l’assassinat du professeur Samuel Paty, le 16 octobre 2020, dans le but de financer une riposte aux discours séparatistes sur les réseaux sociaux.
Principal bénéficiaire du fonds, le Franco-Algérien est soupçonné d’avoir utilisé, par le biais d’une obscure association, l’Union fédérative des sociétés d’éducation physique et de préparation militaire (USEPPM), une large part de cet argent pour se rémunérer, lui et son associé, un curieux homme d’affaires, Cyril Karunagaran, patron d’une petite entreprise de maroquinerie de luxe. Deux jours plus tôt, le 13 juin, les policiers sont venus frapper à la porte du journaliste, vers 6 heures, pour une perquisition dans le cadre d’une information judiciaire ouverte par le Parquet national financier pour « détournement de fonds publics par négligence », « abus de confiance » et « prise illégale d’intérêts ».
Devant les sénateurs, plutôt que de chercher à se défendre, Mohamed Sifaoui a choisi d’attaquer. S’en prenant à un invisible chiffon rouge que personne n’a encore pris la peine d’agiter, il donne des coups de corne, à droite et à gauche. Une première pique adressée au sénateur écologiste Daniel Breuiller, qui, pour résumer l’affaire du fonds Marianne, avait dénoncé « la République des copains ». « Le premier copinage qui devrait être dénoncé est celui qui lie votre courant politique, celui des écologistes, à l’islamisme, et ce dans plusieurs villes de France », décoche Mohamed Sifaoui.
Il dénonce ensuite le rapport « pathétique » de l’inspection générale de l’administration « instruit exclusivement à charge, avec des approximations, des insinuations graves et des mensonges ». Puis, emporté par son élan, il poursuit son réquisitoire contre « des systèmes médiatiques sclérosés globalement médiocres qui alimentent le populisme ». Convaincu de son innocence, il se dit ligoté à un bûcher médiatique. Il se vit comme une victime expiatoire condamnée, à l’avance, pour son combat contre l’islamisme politique.
Alors qu’il le regarde se débattre par écran interposé, Dominique Sopo, le président de SOS Racisme, qui l’a côtoyé longtemps, n’est pas surpris par sa violence verbale. Et encore moins de cette étonnante stratégie de défense. « Mohamed ne peut pas baisser la tête, il est incapable de faire un mea culpa en public. Quand il est attaqué, il attaque. Il aimerait tellement être un héros.
Mohamed Sifaoui, lors de son audition au Sénat, le 15 juin 2023. ALBERT FACELLY / DIVERGENCE
Quatre semaines plus tard, la commission d’enquête sénatoriale rend ses conclusions. Elles sont impitoyables. Les sénateurs estiment que l’association méconnue dont s’est servi Mohamed Sifaoui, l’USEPPM, qui a reçu 266 250 euros de subventions dans le cadre du fonds Marianne, « n’avait pas d’expérience notable dans la lutte contre le séparatisme ». Plus grave, alors que le journaliste a été payé 3 500 euros net par mois pendant un an, de juin 2021 à juin 2022, grâce à ce fonds, ils jugent le travail fourni « très largement en deçà de ce qui aurait pu être attendu » et soulignent « un bilan insignifiant au regard de la subvention » perçue. Contactés par M, ni Mohamed Sifaoui ni son avocat n’ont répondu à nos sollicitations.
Un cortège de polémiques
Si Mohamed Sifaoui est un héros, c’est au minimum un héros controversé. Difficile de trouver un homme qui traîne derrière lui un tel cortège de polémiques et d’oxymores. Il serait tout à la fois courageux et menteur, arrogant et amical, vénal et désintéressé. Un homme aux mille ennemis et aux amis fidèles, lancé à corps perdu dans un combat contre l’islamisme radical, le racisme et l’antisémitisme.
Ami de la journaliste Caroline Fourest, soutien de l’ex-premier ministre socialiste Manuel Valls, proche de Bernard-Henri Lévy, et compagnon de route de Charlie Hebdo, il a été l’un des rares à oser témoigner à l’occasion du procès, en 2007, pour la publication des caricatures danoises de Mahomet par l’hebdomadaire satirique. Un journaliste engagé qui se dit à gauche mais qu’une grande partie de la gauche déteste. Pour les uns, c’est un Salman Rushdie algérien dont la vie est, elle aussi, menacée par les islamistes. Pour les autres, un méprisable mystificateur qui instrumentalise la laïcité. Le jour de son audition, devant les sénateurs, celui qui vit sous protection policière depuis vingt ans, déclare dans son préambule : « Je n’ai pas eu le droit à une vie normale. La mienne a été jonchée de cadavres, elle a été jonchée de sang. La mienne a été alimentée de menaces de mort. » Il est au choix un rempart ou un danger.
C’est loin de toute attention médiatique que Mohamed Sifaoui quitte Alger pour Paris le 28 octobre 1999. Avec son épouse, ils sont deux anonymes dans le flot de passagers fuyant la guerre civile qui fait rage en Algérie depuis près de huit ans. En cet automne 1999, le journaliste de 32 ans doit d’abord demander le statut de réfugié politique. Se créer un réseau, aussi, dans ce pays où il n’a jamais travaillé. Il vient toquer à la porte de Reporters sans frontières (RSF) d’abord, où l’on accueille ce jeune confrère qui se dit harcelé et menacé par le pouvoir algérien. Francophile, cultivé, blagueur, Mohamed Sifaoui se fait vite des amis chez RSF.
Il trouve, avec son épouse et leur fille qui vient de naître, une chambre au modeste Hôtel Rhin et Danube, dans le nord-est de la capitale. Dans ce quartier de la Mouzaïa, la famille Sifaoui habite à deux pas de l’appartement de Vincent Brossel, alors directeur du département Asie à RSF. Assez vite, Mohamed est invité aux fêtes régulières que Vincent Brossel organise chez lui avec son colocataire, Matthieu Chanut, qui devient vite un ami. De quoi s’aérer l’esprit et sortir du huis clos familial à l’hôtel.
Un « mec extrêmement drôle »
Qui est, à l’époque, le jeune Mohamed Sifaoui ? Matthieu Chanut se souvient aujourd’hui d’un « mec extrêmement drôle ». Gros fumeur et amateur de vin, ce fils de la bourgeoisie algéroise, né à Kouba, à l’est de la capitale, le 4 juillet 1967, est un « bon vivant ». Mais il y a aussi une part plus sombre, mystérieuse. Celle du journaliste exilé, ancien correspondant pour Jeune Afrique et passé par L’Authentique et Le Soir d’Algérie, entre autres, qui s’intéresse aux « questions sécuritaires » – autrement dit, la lutte armée contre les islamistes.
Peu après la victoire dans les urnes du Front islamique du salut, en décembre 1991, les généraux algériens ont interrompu le processus électoral. A Vincent Brossel et Matthieu Chanut, Mohamed Sifaoui parle souvent de ce chaos algérien et de ce pouvoir de l’ombre des militaires. En février 1996, Le Soir d’Algérie, pour qui Mohamed Sifaoui travaillait, est visé par une attaque à la voiture piégée. Trois membres du journal meurent. Mohamed Sifaoui, lui, n’était pas dans les locaux.
Il ne quittera son pays que trois ans plus tard. Certains de ses articles auraient déplu au régime, assure-t-il. « Il disait qu’il avait révélé des choses, se remémore Vincent Brossel. Mais je n’ai jamais su ce qui lui avait valu le désamour des autorités. » Une chose saute néanmoins aux yeux des deux colocataires, le journaliste trentenaire a « une énorme envie de revanche ». Un Rubempré algérois animé par une insatiable soif de reconnaissance.
Guéguerre avec un sous-lieutenant
En ce printemps 2000, il vient de faire une rencontre. De celles qui peuvent marquer une vie et lancer une carrière. L’homme qu’il vient de croiser dans les locaux de RSF est un ancien sous-lieutenant algérien. Habib Souaïdia, le visage émacié, a déjà une vie de souffrances derrière lui. Né en 1969 à l’est du pays, il s’est engagé dans l’armée à 20 ans. Il a traqué les « barbus » dans les montagnes, en a même tué. Sans prendre le parti des islamistes, il veut dénoncer les « atrocités », les exactions et les manipulations des militaires qu’il a vues. Mohamed Sifaoui se propose de l’aider à écrire. Le patron des éditions La Découverte, François Gèze, rencontre les deux hommes, il est emballé. L’éditeur, qui s’intéresse à l’Algérie depuis les années 1980, est bien placé pour saisir la valeur d’un tel témoignage.
Avant même la publication du livre, Mohamed Sifaoui introduit Habib Souaïdia auprès de nombreux médias. A l’époque, le journaliste n’a pas de mots assez durs contre l’armée algérienne, comme lors de cet entretien le 22 avril 2000 avec Jean-Baptiste Rivoire, alors à l’agence Capa, et dont M a pu voir les rushs. A propos des généraux algériens « archi-milliardaires », Mohamed Sifaoui glisse à Habib Souaïdia qu’ils sont « les premiers bénéficiaires » de la guerre et du terrorisme dont ils « sont directement ou indirectement responsables ». Et le journaliste algérien de résumer : « Je ne veux pas le justifier, mais le terrorisme en Algérie, il a une cause : c’est le comportement des responsables au sein de l’armée qui ont volé tout le pays. »
Lorsque, le 8 février 2001, sort le livre La Sale Guerre, c’est une déflagration. Le Monde en fait sa « une » le jour même. C’est une victoire pour Habib Souaïdia… et un camouflet pour Mohamed Sifaoui. Car, une semaine avant sa sortie, le journaliste a tenté de s’opposer à sa publication. En vain.
Autrefois alliés, Habib Souaïdia et Mohamed Sifaoui se sont déchirés au cours de l’élaboration du texte. Dans plusieurs ouvrages qu’il écrira ensuite, dont La Sale Guerre. Histoire d’une imposture (Chihab, 2003), publié par une maison d’édition algérienne, Mohamed Sifaoui racontera sa version. Il accuse François Gèze d’avoir fait pression sur Habib Souaïdia pour charger le régime de tous les maux et exonérer les islamistes. Totalement faux, s’indignent Habib Souaïdia et François Gèze. Ils assurent au contraire que Mohamed Sifaoui a cherché à modifier à plusieurs reprises le témoignage original de l’ancien sous-lieutenant, y ajoutant des erreurs factuelles, dans le but, selon eux, de décrédibiliser son témoignage et donc le livre.
Retournement de veste
A cela s’ajoute une mesquine histoire d’argent que le prolixe Sifaoui n’a jamais évoquée dans ses récits. Aux deux Algériens, François Gèze avait versé 50 000 francs d’à-valoir. Charge à Sifaoui, alors le seul à détenir un compte bancaire en France, de reverser la moitié de la somme à Souaïdia. On sera loin du compte, assurent l’ex-sous-lieutenant et l’éditeur. Souaïdia demandera son dû à son compatriote à plusieurs reprises. Sans succès. Un coup tordu qui n’est jamais passé pour Matthieu Chanut et Vincent Brossel : « Habib avait besoin de cet argent pour vivre et Mohamed la lui a faite à l’envers. »
Peu importe à Mohamed Sifaoui, qui intente dans la foulée un procès aux éditions La Découverte : il s’indigne que son nom apparaisse sur la première édition du livre, qu’il considère « comme un tissu de mensonges », et réclame tout de même sa part de droits d’auteur – le livre, vendu à 70 000 exemplaires, est un succès de librairie. Le journaliste obtient 6 000 euros de dommages et intérêts, mais perd sur la question des droits d’auteur.
Mohamed Sifaoui aura sa vengeance un peu plus tard, et de façon magistrale, lorsque le général Khaled Nezzar, ancien homme fort du régime algérien, attaque Habib Souaïdia pour diffamation. Le journaliste, qui quelques mois auparavant n’avait pourtant pas de mots assez violents pour dénoncer ce régime, vole au secours du général. Conscient de l’invraisemblance de la situation, Mohamed Sifaoui s’en expliquera lors du procès en rendant hommage à Nezzar et à ses collègues militaires « pour avoir arrêté le processus électoral et pour avoir empêché des islamistes, des intégristes, de faire de l’Algérie un autre Afghanistan. »
Plus de vingt ans après, le discret Habib Souaïdia, qui tient aujourd’hui un magasin de vêtements chics à Paris, est convaincu que le journaliste a été « retourné » par les services algériens. L’ex-spécialiste de l’Algérie à Libération, José Garçon, a longtemps soupesé cette hypothèse, avant de se faire sa propre idée : « Pour moi, cette histoire est d’abord la démonstration que c’est avant tout un effroyable opportuniste. »
Depuis le procès intenté par Nezzar contre Souaïdia, Mohamed Sifaoui a définitivement choisi son camp. Il devient l’opposant intransigeant et acharné aux islamistes du monde entier, d’autant plus valeureux qu’il est lui-même musulman. A l’époque directeur de la rédaction de Marianne, Jean-François Kahn lui met le pied à l’étrier : « Mohamed nous a beaucoup aidés dans notre combat éditorial contre tous ceux, et notamment Libération, qui avaient tendance à relativiser la responsabilité des islamistes dans les atrocités commises en Algérie. »
Jean-François Kahn lui commande ses premiers papiers. Sa carrière de journaliste est relancée. Et, le 11 septembre 2002, un an après les attentats aux Etats-Unis, il sort son premier livre, La France malade de l’islamisme. Menaces terroristes sur l’Hexagone, avec une préface du patron de Marianne (Le Cherche Midi). Sa thèse tient en une phrase : « Au cours des vingt dernières années, l’idéologie islamiste s’est propagée dans les couches de l’immigration comme se propage une maladie endémique et contagieuse, sans que la société française ait eu le temps de s’en apercevoir. »
Et déjà pointe son obsession sur le port du voile, « un signe d’appartenance à une idéologie extrémiste ». Elle ne le quittera pas. La machine Sifaoui est lancée : une vingtaine de livres, presque autant de documentaires, deux bandes dessinées et même un scenario de film. Tout tourne autour de ses thèmes de prédilection : l’islamisme, la menace terroriste, le communautarisme. Avec souvent un parfum de scandale et de controverses.
Un tuyau percé dans l’affaire Estelle Mouzin
Son premier documentaire, Enquête sur un réseau (islamiste), réalisé avec la journaliste Florence Bouquillat et diffusé le 27 janvier 2003 sur France 2 – qu’il déclinera dans la foulée en livre au titre plus accrocheur, Mes “frères” assassins. Comment j’ai infiltré une cellule d’Al-Qaida (Le Cherche Midi) – fait immédiatement polémique. Le film suit un dénommé Karim Bourti, un salafiste déjà condamné par la justice, qui évoque, en caméra cachée, l’hypothèse d’un attentat contre la tour Eiffel. Même si le documentaire ne parvient pas à démontrer son appartenance à la mouvance Al-Qaida, l’effet de buzz est immédiat.
Mohamed Sifaoui est invité à « Tout le monde en parle », le talk-show de Thierry Ardisson. « Arrêt sur images » y consacre une émission. Sur le plateau de Daniel Schneidermann, Florence Bouquillat semble émettre, à demi-mot, des réserves sur sa collaboration avec son collègue : « J’ai fait attention dans ma manière de travailler avec lui, par exemple à toujours garder les cassettes avec moi. » Publiquement, elle en restera à cette phrase sibylline.
Sauf à de très rares proches, la journaliste n’a jamais raconté que, quelques jours avant la diffusion du documentaire, elle a reçu un coup de fil des policiers du Quai des Orfèvres l’invitant à venir les voir. Intriguée, elle s’y rend. Et découvre qu’ils connaissent les moindres détails des entretiens réalisés. Pour elle, cela ne fait guère de doute que Sifaoui les avait tenus informés de l’état d’avancement de leur enquête.
Contactée, Florence Bouquillat n’a ni infirmé ni confirmé cet épisode. En parallèle de ses activités de journaliste, Sifaoui travaillait-il avec la police française ? Patron de la Crim’ à l’époque, Frédéric Péchenard ne le confirme pas, sans pour autant l’exclure : « A ma connaissance, jamais M. Sifaoui ne nous a donnés d’informations, mais il se disait qu’il en donnait aux RG [Renseignements généraux], mais je ne sais pas si c’était vrai. » Quoi qu’il en soit, Florence Bouquillat et Mohamed Sifaoui ne se parleront plus jamais.
MONTAGE CAMILLE DURAND/M LE MAGAZINE DU MONDE D’APRÈS DES PHOTOS DE ALAIN GUILHOT/DIVERGENCE ; MICHEL STOUPAK/NURPHOTO/AFP ; ALBERT FACELLY/DIVERGENCE ; ALAIN GUILHOT/DIVERGENCE ; JOHN FOLEY/OPALE PHOTO
Les polémiques se suivent mais ne se ressemblent pas. Quatre ans plus tard, en marge de son enquête J’ai infiltré le milieu asiatique (Le Cherche Midi), qui a aussi fait l’objet d’un documentaire diffusé sur TF1, Mohamed Sifaoui est d’abord accusé d’avoir tenu des propos racistes en déclarant que « la majorité des Asiatiques que j’ai fréquentée n’a absolument rien à foutre de la communauté nationale. Ils sont là pour gagner de l’argent ».
Mais, surtout, le journaliste a confié à la police avoir recueilli, pendant son enquête, des informations décisives selon lesquelles le corps d’Estelle Mouzin, une fillette disparue depuis 2003, se trouverait sous un restaurant chinois. Après la garde à vue de dix personnes, la démolition du sol du restaurant et la découverte d’ossements… d’animaux, la piste se révèle un tuyau percé. Ce genre de mésaventure aurait dû ruiner la crédibilité de n’importe quel journaliste. Mais pas celle de Mohamed Sifaoui.
Le messie d’une gauche à cheval sur la laïcité
L’homme sait rebondir. Grâce notamment au soutien de l’essayiste Caroline Fourest, il va assez vite se constituer un réseau d’amitiés et de fidélités assez puissant. De gauche, mais d’une gauche très à cheval sur la laïcité, hostile, par principe, au port du voile et très en soutien d’Israël. De Philippe Val, le patron de Charlie Hebdo puis de France Inter à l’ex-premier ministre Manuel Valls, en passant par l’ancien leader de SOS Racisme Malek Boutih. Tous ont refusé de répondre à nos questions. Sauf Bernard-Henri Lévy.
Lui se souvient d’avoir découvert Mohamed Sifaoui à la télévision en 2003. Une sorte d’apparition. « J’ai rêvé toute ma vie de trouver des ponts vivants entre le monde musulman et le monde juif. C’est tellement important un musulman qui de l’intérieur condamne l’islamisme radical et l’antisémitisme et promeut la fraternité avec les juifs. Mohamed fait partie des grandes voix qui expriment cela et il n’y en a pas beaucoup. »
e télévision, il parle fort et de façon péremptoire. Multipliant les formules parfois blessantes, pour ne pas dire insultantes envers la communauté musulmane. « Il fait partie de ces gens qui, par ignorance ou intérêt, ont fait de l’islam un sujet noir ou blanc. Il a pris la place du musulman qui dit du mal de l’islam, car il a bien vu que c’était vendeur », dénonce Hakim El Karoui, essayiste, chercheur associé à l’Institut Montaigne, auteur d’un rapport sur l’islam de France.
Cela ne l’a pas empêché d’intégrer le bureau national de SOS Racisme entre 2009 et 2012, puis celui de la Licra (Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme) en 2016. Dominique Sopo, le président de SOS Racisme, le défend encore aujourd’hui : « Même si ses analyses sont un peu mécaniques, il connaissait très bien le sujet de l’islam politique. Ce n’est pas l’escroc intellectuel que ses détracteurs veulent dénoncer… »
Vrai faux croyant
Le procès contre Charlie Hebdo, en 2007, va être son moment. « C’est lui qui nous propose de nous soutenir, se souvient un ex-Charlie qui souhaite rester anonyme. Il était l’un des rares à dire : “Je m’appelle Mohamed Sifaoui et je n’ai aucun problème à soutenir la démarche de Charlie.” » A la sortie de l’audience, les caméras et les micros se ruent vers lui. « Vous, en tant que musulman croyant et pratiquant, vous ne vous êtes pas sentis offensé par les caricatures ? », lui demande un journaliste. Réponse : « Non, je suis offensé quand des musulmans tirent en mon nom, au nom de l’islam et au nom de ma religion. »
Croyant, Sifaoui ? Quatre ans plus tôt, sur le plateau de Thierry d’Ardisson, il déclarait déjà : « Moi, je suis croyant, il ne pourra m’arriver que ce que Dieu m’aura prescrit. » Pourtant, tous ceux qui l’ont bien connu nous ont tous affirmé la même chose : Mohamed Sifaoui n’est ni croyant ni pratiquant. Ce n’est que dans son livre Une seule voie : l’insoumission (Plon, 2017), qu’il reconnaîtra que s’il a été croyant quand il était enfant, il a ensuite longtemps cru en son « agnosticisme », « avant d’être finalement convaincu de ne croire en aucun Dieu ».
De gauche à droite, Mohamed Sifaoui aux côtés de Philippe Val, alors patron de « Charlie Hebdo », la journaliste Caroline Fourest et son confrère danois Flemming Rose, lors d’une conférence de presse organisée à Paris, le 6 février 2007, la veille du procès contre l’hebdomadaire satirique. THOMAS SAMSON/GAMMA-RAPHO
Il faut parfois nuancer ce que dit Mohamed Sifaoui en public. Y compr
is devant les sénateurs. « Tous ceux qui défendent la République et la laïcité sont tous mes copains », a-t-il par exemple déclaré le 15 juin. Ce serait trop simple. Car l’homme a un immense talent pour se faire des ennemis, y compris avec des gens censés défendre les mêmes idées que lui.
Le 18 novembre 2015, il est en plateau sur France 2 pour une émission spéciale sur les attentats du Bataclan, lorsqu’il se lance, de façon aussi soudaine que brutale, dans une diatribe contre Latifa Ibn Ziaten, la mère d’un militaire assassiné par Mohamed Merah en 2012, qui depuis s’est engagée dans un travail de sensibilisation dans les écoles contre les fanatismes de toutes sortes : « Ce n’est pas parce qu’une personne perd son fils (…), qu’on doit la sortir de ses fourneaux pour en faire une égérie de la lutte contre le terrorisme. » Trois ans plus tard, le 12 février 2018, il récidive, encore plus violent : « Le voile qu’elle porte est porté par l’idéologie qui a tué son propre fils. »
Latifa Ibn Ziaten, qui se couvre les cheveux avec un foulard depuis la mort de son fils, en signe de deuil, dépose plainte pour diffamation. Mal lui en a pris. « Je suis sortie du tribunal en pleurant, se rappelle-t-elle aujourd’hui. Il n’a même pas fait l’effort de s’excuser… Franchement, je n’ai rien compris. » Mohamed Sifaoui est finalement relaxé. « Cette affaire de Latifa l’a rendu fou, décrypte un ancien ami. Pour lui, c’était insupportable que cette mère en deuil incarne ce qu’il est censé incarner : la vraie victime de l’islamisme politique. Et, en tant que victime, il considère que tout le monde a une dette envers lui. »
L’éphémère association Onze janvier
Même avec le Printemps républicain, ce mouvement fondé en 2016 sur l’idée d’une laïcité de « combat », avec laquelle il est, a priori, parfaitement aligné, il va réussir à se brouiller de façon incompréhensible. « C’est toujours compliqué de bosser avec Mohamed, répond une vieille amie. Je pense qu’il a un comportement autodestructeur, qui est lié à son syndrome post-traumatique. Le fait d’être tout le temps en bataille depuis l’attentat d’Alger contre son journal. Il ne parle que de salafisme du matin au soir. Quand on a été à ce niveau de menaces, d’emmerdes, de polémiques, ça rend à fleur de peau. »
L’ancien président de la Licra Alain Jakubowicz reconnaît bien volontiers que Mohamed Sifaoui, appelé en 2016 au sein du bureau exécutif de l’association, n’est pas un partenaire facile. « Ce n’est pas toujours un homme de dialogue. Pour lui, sa position est non négociable. » Là encore, le compagnonnage avec la Licra se termine dans les drames, en septembre 2017, avec un communiqué de presse rageur. « Je trouvais que l’histoire de Mohamed était une belle histoire personnelle, poursuit Alain Jakubowicz. On a toujours considéré que ce qu’il avait vécu, ses combats, expliquait – ne justifiait pas forcément, mais expliquait – ses outrances. »
Le journaliste franco-algérien Mohamed Sifaoui, devant le supermarché Hyper Cacher de la Porte de Vincennes, à Paris, le 10 janvier 2015. ALAIN GUILHOT/DIVERGENCE
De l’aveu de ses proches, les attentats de 2015 ne lui ont pas fait du bien. Ce qu’il pressentait et redoutait, presque seul, depuis plus de dix ans est advenu. Consacré par le « je vous l’avais bien dit », « il s’est radicalisé dans ses positions », relève Jean-François Kahn, qui nuance aussitôt : « Il a eu jusqu’au bout le mérite de ne pas basculer à droite. »
L’islamisme n’a jamais autant tué en France, Mohamed Sifaoui veut plus que jamais faire feu de tout bois. Il mobilise ses amis, active ses réseaux. Au printemps 2015, il annonce créer l’association Onze janvier, pour lutter contre les fanatismes religieux et l’extrême droite. En mai, une assemblée générale à Paris réunit une cinquantaine de membres fondateurs, dont les essayistes Raphaël Glucksmann et Fiammetta Venner – par ailleurs compagne de Caroline Fourest –, le journaliste et fondateur du site Conspiracy Watch, Rudy Reichstadt, ou encore le directeur général de l’Association française des victimes de terrorisme (AFVT), Guillaume Denoix de Saint Marc.
Les statuts sont déposés en préfecture le 6 juin ; l’adhésion est fixée à 50 euros. « Si des gens qui ont des moyens ne sont pas capables de mettre 50 euros sur la table, explique Mohamed Sifaoui lors d’un séminaire organisé en juin 2015 par La Règle du jeu, la revue de Bernard-Henri Lévy, ils n’ont rien à faire dans un combat qui doit les opposer à des gens qui mettent souvent leur vie sur la table. » Il promet des embauches, mais l’ambitieux projet fait long feu. Guillaume Denoix de Saint Marc résume aujourd’hui : « Il y a eu des prémisses, mais ça a fait pschitt. » Aucun des interlocuteurs sollicités par M n’a été en mesure de dire combien d’argent avait été récolté par l’association Onze janvier. Encore moins à quoi il a pu servir.
Un emploi « peu transparent »
Auprès de l’AFVT, Mohamed Sifaoui va tout de même faire fructifier son combat contre l’islamisme. Avec les attentats de janvier 2015, cette petite association croule sous les demandes et voit ses subventions grimper. Dès avril 2015, le journaliste est embauché. « Guillaume [Denoix de Saint Marc] nous dit qu’il est extraordinaire, qu’il a un carnet d’adresses et va nous aider, nous conseiller », se remémore un administrateur. Après une première prolongation de contrat, Mohamed Sifaoui signe un CDI – trente-deux heures par semaine, 2 250 euros brut, en février 2016.
Pour quelles missions effectuées ? Difficile à dire. Il y a, certes, ces quatre sessions de prévention de la radicalisation auprès d’élus et de cadres municipaux à Sarcelles, en février et mars 2016, facturées 25 000 euros par l’AFVT. Pour le reste, l’apport de Sifaoui dans l’association reste « très mystérieux, et peu transparent », selon le même administrateur. En 2017, le conseil d’administration de l’AFVT s’interroge sur la réalité de son travail, une majorité des membres souhaite son départ. Une rupture conventionnelle est signée en mars 2018.
Mohamed Sifaoui collectionne alors les projets aussi ambitieux que fugaces. Le 11 janvier 2018, il lance la revue Contre-terrorisme, conçue comme un trimestriel. Le juge d’instruction Marc Trévidic ou l’historienne Jacqueline Chabbi font partie des contributeurs bénévoles. Avec une douzaine d’autres personnalités, ils ont même mis quelques centaines d’euros pour aider à la création d’une société éditrice. Las, après deux numéros, le magazine s’arrête, sans aucune explication. Les abonnés – Mohamed Sifaoui en revendiquait 1 500 – en sont pour leurs frais. Tout comme ceux de la chaîne Web Islamoscope TV, lancée par le journaliste à l’été 2020 et qui diffusait, contre un abonnement mensuel de 4,99 euros, du « contenu exclusif » et des « grands entretiens » sur l’islam politique et le terrorisme. Une promesse qui ne dure que quelques mois.
Un passage par la Ligue 1
Puisque aucun de ses projets ne décolle, Sifaoui va cumuler les missions. Entre la fin 2020 et 2022, il signe un premier contrat de consultant (de 39 500 euros) avec le comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation, qui dépend en partie de Beauvau et dont il connaît bien le nouveau secrétaire général, Christian Gravel, un intime de Manuel Valls. Et, quand Marlène Schiappa a l’idée de lancer son fonds Marianne, son cabinet se tourne à nouveau vers Mohamed Sifaoui, que la ministre connaît. Par l’intermédiaire de l’USEPPM, dont il est devenu administrateur le 20 mai 2017, il recevra environ 60 000 euros.
« La grande phrase de Sifaoui, c’était : “Il faut mutualiser les sources de revenus” », se remémore Raphaël Saint-Vincent, un formateur en close-combat qui l’a fait rentrer à l’USEPPM avant de s’en mordre les doigts. Alors Sifaoui « mutualise », y compris sur des terrains improbables. Il est un temps salarié de la société de maroquinerie de luxe de Cyril Karunagaran, un étrange touche-à-tout, par ailleurs président de l’USEPPM.
Comme si cela ne suffisait pas, il rédige une dizaine d’articles pour Le Journal du dimanche, puis, entre novembre 2021 et mai 2022, une dizaine d’autres pour l’hebdomadaire dirigé par Caroline Fourest Franc-Tireur. Quitte à se retrouver parfois en situation de potentiel conflit d’intérêts avec sa principale source de revenus, le ministère de l’intérieur. « Je n’ai jamais cru que des gens de mon profil puissent se suffire des trente-cinq heures », expliquera-t-il aux sénateurs.
Mohamed Sifaoui, au Sénat, le 15 juin 2023. ALAIN GUILHOT / DIVERGENCE
Dans cette course aux contrats, l’été 2022 marque une accalmie. Mais, dès octobre, une opportunité inattendue et lucrative se présente. « Je range ma carte de presse », annonce alors Sifaoui – façon de parler, lui qui n’a jamais eu de carte de journaliste professionnel. Il devient, à la surprise générale, directeur de la communication du club de football d’Angers, alors dernier de Ligue 1. Loin, très loin de ses terrains habituels. En quelques semaines et à coups de phrases chocs, il réussit à se mettre à dos supporteurs et joueurs. Les journalistes aussi, à qui il reproche, dans des textos insultants, leur « flatulence médiatique ». « Il n’avait ni les codes de la communication ni ceux du football », résume le correspondant de L’Equipe, cible du courroux du dircom’. L’erreur de casting – environ 7 000 euros par mois – prendra fin en avril.
L’argent, tout autant que les idées, voilà peut-être l’un des fils rouges de Mohamed Sifaoui. Il a donné l’impression de courir après toute sa vie. A RSF, il y a vingt ans, ils sont plusieurs à lui avoir prêté quelques centaines d’euros, sans en revoir la couleur. Depuis, les anecdotes de généreux déçus se sont accumulées. Un jour, au tournant des années 2010, c’est un dirigeant associatif qui envoie plusieurs fois son RIB, dans l’espoir de récupérer les 1 850 euros prêtés, en vain. Une autre fois, c’est une avocate parisienne qui fait un scandale en demandant son dû. « Je ne veux pas accabler Mohamed. Mais je connais plusieurs amis communs et il nous a tous tapé un peu de pognon », résume un autre avocat qui lui a prêté « des milliers » d’euros.
Sans rancune : « Pour les gens à qui il s’est adressé, l’argent n’est pas un sujet majeur. » Devant les sénateurs, le 15 juin, Mohamed Sifaoui ne s’est pas étendu sur les questions pécuniaires. Il a souligné qu’il n’est « pas un rentier ». Avant d’ajouter : « Je suis un père de famille avec des enfants à élever, il me faut gagner ma vie (…) mais pas pour un enrichissement personnel. Cela n’a jamais été ma quête d’existence. » Les sénateurs, dans leur rapport, se sont tout de même « étonnés » de son niveau de rémunération. Et l’inspection générale de l’administration, elle, a demandé le remboursement de près de la moitié de la subvention perçue.
Par Yann Bouchez et Grégoire BiseauPublié aujourd’hui à 17h11, modifié à 20h01https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2023/07/07/de-l-algerie-au-fonds-marianne-les-zones-d-ombre-de-l-intrigant-mohamed-sifaoui_6181007_4500055.html..
Les humains sont des superprédateurs qui exploitent un tiers des espèces de vertébrés
Une étude, publiée jeudi, quantifie les différents usages que les hommes font des animaux et leur impact global sur la biodiversité.
Livraison de volaille dans un restaurant de Bombay (Inde), le 14 juin 2023. INDRANIL MUKHERJEE / AFP
Il y a le lion, le tigre, le jaguar, l’aigle d’Eurasie ou le grand requin blanc. Des animaux charismatiques, au sommet de la chaîne alimentaire, qui ont pour proies un grand nombre d’autres vertébrés. Et puis il y a les êtres humains, des superprédateurs hors catégories : une étude, publiée jeudi 29 juin dans la revue Communications Biology, démontre qu’ils utilisent, pour une multitude d’usages, près du tiers des espèces de vertébrés de la planète. Au-delà des risques directs qu’elle fait peser sur les animaux concernés, cette exploitation massive peut avoir des conséquences écologiques majeures sur le fonctionnement des écosystèmes.
« Nous avons imaginé que nous venions d’une autre planète et que nous voulions en savoir plus sur les prédateurs de la Terre, explique Chris Darimont, chercheur à l’université de Victoria, au Canada, et principal auteur de l’article. Nous avons cherché à comprendre en quoi les humains se distinguent des autres espèces prédatrices et quelles sont les implications de la surexploitation. »« L’action de prédation de l’homme s’est accrue avec la mondialisation et l’industrialisation, ajoute Rob Cooke, chercheur au UK Centre for Ecology & Hydrology et l’un des coauteurs de l’article. Nous voulions donc quantifier l’étendue de ces usages et de leur impact. »
La prédation par les humains est ici entendue au sens large : elle prend en compte les animaux tués pour être mangés (chasse, pêche…) mais aussi tous les usages qui conduisent à prélever des individus de populations sauvages – par exemple pour être vendus comme animaux de compagnie –, qu’ils soient létaux ou non. Pour réaliser leur étude, les chercheurs ont utilisé la base de données de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).ctions
Résultat, sur les quelque 47 000 espèces de vertébrés étudiées, les humains en exploitent environ 15 000, dont près de 80 % sont des oiseaux et des poissons. Viennent ensuite les mammifères et les poissons cartilagineux, puis les reptiles et les amphibiens. La majorité des « proies » humaines sont des espèces marines (43 % des espèces évaluées), avant les espèces d’eau douce (35 %) et terrestres (26 %).
L’équivalent de « 300 espèces de léopards »
Surtout, seules 55 % de ces espèces sont tuées à des fins alimentaires. Si 72 % des espèces d’eau douce ou marines sont mangées, c’est le cas de 39 % des vertébrés terrestres exploités, 74 % étant prélevés dans la nature pour devenir des animaux de compagnie. Environ 8 % sont destinés à la chasse sportive ou à la collecte de trophées ou d’ornements. « Ces utilisations très variées, et en particulier le nombre énorme de vertébrés utilisés comme animaux de compagnie, nous ont vraiment surpris », admet Chris Darimont.
Newsletter
« Chaleur humaine »
Comment faire face au défi climatique ? Chaque semaine, nos meilleurs articles sur le sujet
S’inscrire
« Ce travail documente non seulement l’impact quantitatif, mais aussi la vaste gamme de vertébrés que les humains utilisent, insiste Sandra Diaz, biologiste spécialiste de l’écologie des communautés et des écosystèmes, qui n’a pas contribué à ces travaux. Ce que je trouve le plus inquiétant, c’est le fait que le commerce des animaux de compagnie et de la médecine affecte presque autant d’espèces que l’alimentation. C’est une illustration frappante du coût que les modes de consommation dominants imposent à la nature. »
Dans cette étude, les chercheurs établissent également que les humains exploitent jusqu’à 300 fois plus de vertébrés que les espèces prédatrices non humaines dans des zones de taille équivalente – 80 fois plus que le lion, 113 fois plus que le grand requin blanc et 300 fois plus que le jaguar. « L’impact des humains est très important ; cela reviendrait presque à avoir 300 espèces de léopards dans la même zone géographique », précise Rob Cooke.
En juillet 2022, une évaluation mondiale réalisée par la Plate-forme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) avait montré qu’à l’échelle de la planète quelque 50 000 espèces non domestiquées, animales et végétales, étaient utilisées dans les secteurs de l’alimentation, de l’énergie, de la médecine, des matériaux ou encore des loisirs. Quelques années plus tôt, cette instance avait déjà établi que l’exploitation naturelle des ressources était le deuxième facteur de perte de biodiversité, après la destruction et la fragmentation des habitats. Un résultat confirmé par une vaste méta-analyse, publiée en novembre 2022 dans la revue Environmental studies.
Prédation « démesurée »
Cette exploitation a un impact direct sur les espèces, bien identifié, par exemple, par la liste rouge des espèces menacées de l’UICN. Sur les quelque 15 000 espèces utilisées par l’homme, 39 % sont considérées comme menacées par ces usages et 13 % risquent de disparaître. Mais ce phénomène a d’autres conséquences. Pour les préciser, les chercheurs se sont penchés sur les principales caractéristiques des « proies » (masse corporelle, superficie de l’habitat, taille de la portée…). « Les humains ciblent les espèces les plus grandes, qui vivent plus longtemps, ont un régime alimentaire plus herbivore et des habitats plus larges que les espèces non utilisées », écrivent les auteurs. Les espèces à risque d’extinction, en raison notamment de cette exploitation, sont également surreprésentées. Autant d’éléments qui font que les êtres humains auraient un impact écologique jusqu’à 1 300 fois supérieur à celui des autres prédateurs.
« Les prédateurs humains utilisent une part du gâteau beaucoup plus grosse, ils prélèvent une plus grande partie de la diversité écologique, détaille Rob Cooke. Et nous observons un fort chevauchement entre les espèces que les humains prennent et celles utilisées par les grands prédateurs. » « Ces espèces que les humains surexploitent ont des fonctions très importantes, et souvent uniques, dans les écosystèmes, ajoute Chris Darimont. Nous risquons donc de perdre non seulement des espèces mais aussi les nombreux processus dans lesquels elles sont impliquées au sein de leurs communautés écologiques. »
Selon l’étude, la « niche prédatrice de l’humanité » affecte ainsi probablement un plus grand nombre d’espèces, de zones et de processus que ceux actuellement identifiés. Les chercheurs appellent ainsi la société à reconnaître pleinement les effets globaux que leur activité de prédation « démesurée » peut avoir sur l’ensemble de la biodiversité. « L’humanité doit changer de cap, et vite, ou elle risque de perdre bien plus que des espèces, insiste Chris Darimont. La bonne nouvelle est qu’il existe de nombreuses preuves que les populations peuvent exploiter les proies de manière durable. »
Sur les réseaux sociaux, une vidéo du sauvetage d’un mouton sur le point de tomber du dernier étage d’un immeuble fait le buzz depuis lundi soir en Algérie.
Dans la séquence publiée par la chaîne El Hayat, on constate que l’opération de sauvetage du mouton est très délicate. On voit une personne retenir un mouton pour empêcher sa chute qui lui aurait certainement été fatale. La bête suspendue dans le vide semble inerte.
La vidéo fait le tour des groupes et des pages Facebook. Des milliers d’internautes l’ont déjà visionnée.
🤔
Le mouton fait le buzz. Pour le sauver, il a fallu l’intervention de plusieurs personnes. D’après les images visiblement filmées par des voisins, le mouton a bondi de la fenêtre de l’appartement et a été retenu in extremis par son propriétaire.
Ce dernier tenait difficilement le mouton mais était sur le point de lâcher prise. Une deuxième personne est intervenue depuis le même appartement pour tenter de faire remonter la bête. Les deux sauveteurs ont pris des risques pour ne pas perdre le mouton. L’un d’eux avait carrément un pied suspendu dans le vide.
Suspendu dans le vide, le mouton semble très lourd et difficile à manipuler. Même le voisin du dessous est venu épauler les sauveteurs en essayant de pousser le pauvre mouton vers le haut pour permettre à ses propriétaires de le récupérer.
Les images sont impressionnantes. Un certain suspense s’installe au fur et à mesure qu’on avance dans la vidéo. On a peur que le mouton tombe à tout moment. Depuis l’appartement, une troisième personne a apporté son aide.
Le mouton a finalement été sauvé grâce à un travail d’équipe qui a nécessité bien des efforts. L’opération était très difficile. La situation aurait pu mal tourner.
L’incident assez insolite pose la problématique de l’aménagement dans les cités en Algérie. Les habitants des cités sont contraints de garder les moutons destinés au sacrifice le jour de l’Aïd Al Adha à l’intérieur des appartements qui ne sont pas adaptés à accueillir des bêtes.
Pendant quelques jours, ils sont obligés de faire avec les déchets et les odeurs. Les appartements font office d’écurie durant la période d’avant l’Aïd. « Il n’y a pas d’espace prévu pour garder les moutons. On les mets soit dans les balcons. Les laisser dehors revient à les surveiller toute la nuit », explique un habitant d’une cité AADL à Alger.
Mis en cause par la justice dans l’affaire du fonds Marianne, Mohamed Sifaoui était entendu le 15 juin 2023 par une commission d’enquête du Sénat. Le journaliste et éditeur Thomas Deltombe, qui avait démasqué les méthodes de Sifaoui dès 2005 dans L’Islam imaginaire, analyse la complaisance médiatique dont l’« expert » franco-algérien a bénéficié pendant deux décennies.
À la faveur de l’affaire du fonds Marianne1, les portraits de Mohamed Sifaoui fleurissent dans les médias français. Mais ces papiers, ravageurs pour la plupart, esquivent généralement les premiers pas du journaliste sur la scène médiatique française, au début des années 2000. C’est pourtant à cette époque que se situe l’une des clés du scandale qui éclate aujourd’hui au grand jour. Car la mission que Mohamed Sifaoui s’est vu confier par les services de Marlène Schiappa au lendemain de l’assassinat de Samuel Paty correspond peu ou prou à la tâche que lui avaient assignée les grands médias audiovisuels français deux décennies plus tôt : combattre un « islamisme » aux contours flous et traquer jusqu’au dernier ses supposés complices.
PROFITEUR DE DÉSASTRES
Les attentats du 11 septembre 2001 apparurent comme une aubaine pour Mohamed Sifaoui, journaliste algérien réfugié en France au terme de la guerre civile qui avait ravagé son pays au cours des années 1990. La sidération mondiale provoquée par l’attaque du World Trade Center et du Pentagone lui permit de vendre aux médias et aux éditeurs hexagonaux une analyse susceptible de lui ouvrir bien des portes : ce que l’Algérie a vécu pendant une décennie, et dont il fut, dit-il, un témoin privilégié, allait désormais s’étendre au monde entier (et à la France en particulier). Tel est le sous-texte de ses interventions télévisées qui se multiplient dans les mois suivant la parution en 2002 de son livre La France, malade de l’islamisme. Menaces terroristes sur l’Hexagone (Le Cherche-Midi éditeur, 2002).
Exploitant à fond son expérience de la « sale guerre » algérienne des années 1990, qui fait d’ailleurs l’objet de vives polémiques, Mohamed Sifaoui signe son premier coup d’éclat, sur France 2, le 27 janvier 2003 avec une « enquête » dans laquelle il affirme avoir filmé de l’intérieur, en caméra cachée, une « cellule d’Al-Qaida » en plein Paris. Diffusé dans l’émission « Complément d’enquête » et décliné dans un livre intitulé Mes « frères » assassins : comment j’ai infiltré une cellule d’Al-Qaïda (Le Cherche-Midi éditeur, 2003), ce « reportage » à sensation suscite l’admiration de bien des commentateurs. « Un coup de génie ! » s’extasie par exemple Thierry Ardisson, qui invite immédiatement le téméraire journaliste dans son émission « Tout le monde en parle ».
Mais l’« enquête » provoque également quelques remous. La journaliste Florence Bouquillat qui l’avait assisté dans cette curieuse « infiltration » souligne à demi-mot, dans l’émission « Arrêt sur images », sur France 5, les méthodes douteuses de son confrère algérien (9 février 2003). Cette infiltration à la barbe des services de renseignement paraît, pour de nombreuses raisons, totalement invraisemblable, comme nous le documentions dans L’Islam imaginaire2. Interrogé par « Complément d’enquête », Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur, se montre lui-même incrédule. « Vous savez, des menaces, j’en reçois tous les jours », balaie-t-il d’un revers de main.
Qu’à cela ne tienne : M6, en quête d’audimat, diffuse deux mois plus tard… la même « enquête », en version longue. Cette version remaniée vaut de nouveaux éloges à ce « journaliste dont le courage inspire le respect » (Le Parisien, 23 mars 2003). Mieux : il est récompensé quelques mois plus tard par le Grand Prix Jean-Louis Calderon au festival du scoop d’Angers. « Je trouve que le travail qu’il a fait, c’est vachement gonflé, applaudit alors le créateur du festival. C’est du bon journalisme d’investigation » (Ouest-France, 1er décembre 2003).
ENQUÊTES RACOLEUSES
Mohamed Sifaoui, adoubé, se lance alors dans une nouvelle enquête, plus ambitieuse encore : il décolle avec un compère vers le Pakistan et l’Afghanistan afin d’y débusquer Oussama Ben Laden ! « Vous êtes convaincu que les Américains savent où se trouve Ben Laden… Vous, vous l’avez pratiquement retrouvé en trois semaines ! » s’extasie le présentateur de l’émission « Zone interdite » sur M6, qui accueille le reporter sur son plateau. [C’est une] « enquête remarquable et qui vraiment montre ce qu’on peut faire avec la télévision aujourd’hui, surtout quand c’est fait avec autant de talent et de courage », abonde l’ancien ministre des affaires étrangères Hubert Védrine dans la même émission, le 9 novembre 2003.
Si la thèse défendue par le reportage n’a rien d’original, reconnaît pour sa part Le Monde, puisque nul n’ignore en réalité dans quelle région se terre le patron d’Al-Qaida, « le document, d’une grande qualité » mérite tout de même quelque éloge en raison« des risques énormes [pris] par ses auteurs — qui y ont bel et bien failli y laisser leur vie » (Le Monde, 1er novembre 2003). Le Club de l’audiovisuel du Sénat a décerné au documentaire le prix Patrick-Bourrat du grand reportage.
Malgré les mises en garde et le scepticisme grandissant qu’inspirent ses reportages aux téléspectateurs attentifs3, Mohamed Sifaoui, consacré expert en « islam » et en « terrorisme », a désormais micros ouverts et reçoit le soutien d’une bonne partie de la profession. Il sera même sollicité en février 2005 par le Centre de formation des journalistes (CFJ) afin de partager avec la future élite du journalisme français ses bons tuyaux pour enquêter « sur le terrain de l’islam de France ».
Plus rien ne semble dès lors devoir arrêter Mohamed Sifaoui, qui enchaîne les reportages à sensation, pour diverses chaînes de télévision, et les ouvrages racoleurs : Lettre aux islamistes de France et de Navarre (Cherche-Midi, 2004), L’affaire des caricatures : dessins et manipulations (Privé, 2006) , Combattre le terrorisme islamiste (Grasset, 2007), etc. En 2007, Arte lui consacre même un portrait onctueux, intitulé « Un homme en colère ».
Chaque nouvel attentat — et ils sont nombreux — sonne pour le journaliste comme une divine surprise : ces attaques confirment son statut de « spécialiste » doté d’une prescience quasi prophétique et l’autorisent à fustiger ses détracteurs, dont il souligne avec morgue la « naïveté » et la « lâcheté »4. Ceux qui critiquent ses méthodes sensationnalistes et ses grotesques mises en scène refusent de regarder la réalité en face, argumente-t-il, et se font complices du « terrorisme » et du « nazisme islamiste »5. Rhétorique habituelle des profiteurs de désastres.
« AUX RACINES DU MAL »
L’ambition de Mohamed Sifaoui n’est pas tant de traquer les poseurs de bombes que de débusquer les « islamistes » et leurs « idiots utiles ». C’est ce qu’il explique clairement dans La France malade de l’islamisme : « Il ne s’agit pas uniquement de parer à des attaques terroristes, mais de faire barrage à cette idéologie intégriste, source de tous les dangers ». Il faut donc, ajoute-t-il, s’attaquer « aux racines du mal ».
Mohamed Sifaoui se met ainsi au diapason de tous ceux qui, profitant de la lutte indispensable contre les violences commises au nom de la religion musulmane, cherchent à engager la société tout entière dans un « combat idéologique ».
La polémiste Caroline Fourest, qui partage les mêmes motivations et dont la carrière médiatique démarre sensiblement à la même période, devient au milieu des années 2000 l’indéfectible alliée de Sifaoui6. Avec une habile répartition des rôles : tandis que la première s’impose comme l’égérie « féministe » de la grande croisade des élites françaises contre l’« islamisme », le second sert de caution musulmane. Exploitant à fond son statut de « native informant », il se propose de dépister l’islam de l’intérieur et de révéler le double discours des islamistes prétendument tapis dans l’ombre.
Cette notion d’islamisme devient ainsi l’arme fatale du courant islamophobe qui prolifère dans les années 2000-2010. Jamais définie précisément, cette notion d’apparence scientifique permet d’amalgamer toutes sortes de personnes ou d’organisations qui n’ont la plupart du temps rien en commun, sinon la détestation de ceux qui veulent les réduire au silence.
C’est cette confusion qui fait toute l’efficacité de cette bombe à fragmentation idéologique : on peut, en collant partout l’étiquette « islamiste », associer subrepticement n’importe quel musulman aux pires djihadistes. « Le voile n’est pas islamique : le voile est islamiste », affirmait ainsi Mohamed Sifaoui sur RTL lors de la promotion médiatique de son énième opus, (Taqiyya ! Comment les Frères musulmans veulent infiltrer la France, L’Observatoire, 2019).
Comme le notent les sociologues Abdellali Hajjat et Marwan Mohammed dans Islamophobie (La Découverte, 2013), le soupçon se répand ainsi par capillarité.
SOUS LE TERRORISME, LA GAUCHE
Car Mohamed Sifaoui et ses amis ne se contentent pas de coller des étiquettes infamantes sur les musulmans qui leur déplaisent. Pour éradiquer « le mal », il convient de chasser tous ceux qui contestent cette stigmatisation : de la Ligue de l’enseignement à l’Observatoire de la laïcité, de la Ligue des droits de l’homme (LDH) au Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), de la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE) à l’Union nationale des étudiants de France (Unef), on ne compte plus les associations — et les personnalités — que Mohamed Sifaoui a placées dans son viseur au cours des années.
Par capillarité donc, tous ceux qui ne partagent pas ses vues deviennent une « menace pour notre démocratie », ainsi qu’il l’affirme dans son avant-dernier livre Les Fossoyeurs de la République, paru en mars 2021, tout entier consacré à l’« islamo-gauchisme », c’est-à-dire à peu près toute la gauche. La gauche française et européenne, en adoptant un discours « victimaire », est devenue l’instrument de l’« islamisme », ressasse-t-il sur quatre cents pages. « Il faut à la fois casser cette gauche et la forcer à reconfigurer son logiciel idéologique », plaide-t-il dans Le Point7, lors de la promotion du livre, que son éditeur présente comme un outil indispensable de « réarmement idéologique ».
Dès lors, ce n’est guère surprenant que Mohamed Sifaoui, infiltré au sein l’Union des sociétés d’éducation physique et de préparation militaire (Useppm), ait utilisé le fameux « fonds Marianne » pour lancer une opération de cyberharcèlement contre des personnalités et des associations qui n’ont strictement rien à voir avec la mort de Samuel Paty. Dans sa vision complotiste du monde, Rokhaya Diallo ou Edwy Plenel sont, in fine, un peu responsables de cette barbarie. « Ils peuvent sauter au plafond s’ils le souhaitent, mais je le répète : le discours victimaire des milieux indigénistes et islamistes, souvent relayé, de bonne ou de mauvaise foi, par des gauchistes, arme la main de criminels », assène-t-il encore dans Le Point en avril 2021 (loc. cit.).
L’ART DE SE POSITIONNER
S’il a fallu vingt ans et un scandale d’État pour que Mohamed Sifaoui perde enfin son rond de serviette sur les plateaux télé (temporairement ?), c’est évidemment parce qu’une bonne partie de l’intelligentsia française, des journalistes vedettes et des responsables politiques partagent ses obsessions. L’argumentaire de Sifaoui n’a d’ailleurs rien d’original ni de nouveau : il était déjà omniprésent dans les années 1990 et n’a cessé de prospérer depuis lors.
C’est sans doute pour cette raison que le journaliste est sorti presque sans dommages de la sordide affaire Estelle Mouzin, en 2008 : cette année-là, il avait fourni un « tuyau » bidon à la police judiciaire de Versailles, qui avait fait démolir un restaurant chinois en croyant, sur la foi de ce « renseignement », retrouver le corps d’Estelle Mouzin. Elle n’a retrouvé que des ossements d’animaux et l’État a dû verser plusieurs centaines de milliers d’euros de dédommagement au restaurateur lésé. Malgré ses affabulations, le fantassin de la lutte contre l’« islam politique » navigue, insubmersible, sur la vague conservatrice qui inonde la France depuis plusieurs années.
Notre homme, il faut le dire, a le don de se positionner. Se présentant comme un éternel insoumis, il ne rechigne pas à faire des appels du pied au pouvoir. « Emmanuel Macron a été le président qui a fait le plus, notamment depuis 2020, dans la lutte contre l’islam politique »,expliquait-il par exemple le 26 avril 2022, en saluant le vote de la loi contre le séparatisme. Flirtant avec les discours les plus réactionnaires, il prend soin en parallèle de revendiquer son appartenance à la gauche et de critiquer les figures de proue de la fachosphère. Un « en même temps » qui ne manque pas d’intéresser ceux qui, du côté de Manuel Valls ou d’Emmanuel Macron notamment, entendent séduire l’électeur d’extrême droite avec la conscience tranquille.
Le livre qu’il a consacré à Éric Zemmour en 2010, alors que son étoile commençait à pâlir, participe de cette stratégie d’équilibriste. Ce portrait lui valut en tout cas les hommages en ombre chinoise de Laurent Joffrin dans Libération : « Dans le petit monde de Zemmour, tout en catégories sommaires, Sifaoui n’existe pas : il est musulman et républicain. C’est un journaliste lui aussi controversé, attaqué, parfois imprudent, Algérien d’origine, vétéran du combat anti-islamiste, réfugié politique, devenu français, à la fois musulman, laïque, démocrate, intégré, critique des siens et admirateur de la culture française » (11 septembre 2010). En d’autres termes : le musulman idéal susceptible de séduire n’importe quel idéologue d’extrême droite…
« D’UN BOUT À L’AUTRE, LA PROBITÉ » : SIFAOUI BÉATIFIÉ PAR BHL
De fait, l’identité musulmane de Mohamed Sifaoui est fréquemment convoquée par ses défenseurs, qui y voient manifestement l’authentique certificat de leur propre antiracisme et un passe-droit pour briser quelques prétendus tabous. On le constate une nouvelle fois dans l’ahurissant éloge que lui dresse Bernard-Henri Lévy, dans son bloc-notes du Point, le 5 octobre 2017, à l’occasion de la publication par Mohamed Sifaoui de son autobiographie (Une seule voie : l’insoumission). Ce dernier, en plus d’être « l’un de nos meilleurs journalistes d’investigation », est « un musulman qui habite avec bonheur un prénom — Mohamed — dont le poids symbolique n’échappera à personne ». Ce qui rend bien sûr d’autant plus méritoires — héroïques même — ses audacieuses prises de positions sur l’islam, la gauche ou la politique israélienne.
Au terme de cette béatification éditoriale, BHL presse ses lecteurs de se procurer les « mémoires » (sic) de son ami journaliste qui marie avec bonheur « la rigueur déontologique exigée par le métier et les partis-pris idéologiques qu’impose l’engagement ». « Au total, conclut-il, c’est un bel autoportrait qui se dessine au fil de ce livre tour à tour lassé, attristé, désemparé, puis, de nouveau, combatif, enragé, plein d’alacrité et respirant, d’un bout à l’autre, la probité ».
C’est cette probité qu’interroge aujourd’hui la commission sénatoriale sur le fonds Marianne qui a auditionné Mohamed Sifaoui le 15 juin. Mais si l’on voulait s’attaquer aux racines du « mal », peut-être faudrait-il également entendre ceux qui pendant vingt ans l’ont soutenu, encouragé, défendu et financé — malgré les alertes qui se sont multipliées durant tout ce temps
Le berger belge malinois de six ans s’est égaré dans la jungle amazonienne où il avait participé à retrouver les quatre rescapés. L’armée colombienne a insisté sur le fait que l’opération ne s’arrêtera pas tant que Wilson ne se présentera pas.
Le Le chien Wilson, berger belge malinois de l’armée colombienne (capture d’écran). (COMPTE TWITTER DE L’ARMÉE COLOMBIENNE)
Un miracle n’arrivant jamais seul… Après le prodigieux sauvetage de quatre enfants rescapés d’un crash d’avion, qui ont erré pendant 40 jours dans la jungle amazonienne du sud-est de la Colombie, l’armée a annoncé samedi 10 juin qu’elle continue de chercher le chien Wilson égaré en cherchant la fratrie.
« La recherche n’est pas terminée. Notre principe : on ne laisse personne derrière », a assuré sur son compte Twitter l’armée colombienne.
« Les soldats poursuivent l’opération pour retrouver Wilson », ajoute ce communiqué, photo à l’appui de ce magnifique berger belge malinois de six ans.
Le chien désorienté par le terrain et la météo
Le chien s’est égaré ces derniers jours dans la jungle amazonienne hostile et à l’épaisse végétation, alors qu’il participait aux recherches de quatre enfants indigènes de 13, 9, 4 et un an, survivants d’un accident d’avion. Retrouvés vendredi après-midi, les enfants, affaiblis mais vivants, ont été rapatriés dans la nuit sur Bogota où ils ont été hospitalisés.
L’une des hypothèses qui explique la disparition du chien est qu’il a été désorienté en raison du terrain difficile, de l’humidité et des conditions météorologiques défavorables dans la région, indique le quotidien « El País ».
L’armée colombienne a insisté sur le fait que l’opération Hope, nom de la recherche dans la jungle, ne s’arrêtera pas tant que Wilson ne se présentera pas. Le quotidien espagnol précise que le général Pedro Sánchez, qui commande l’opération, a assuré samedi que les militaires ont pris contact avec le chien à deux reprises, sans jamais le trouver.
Des dizaines de nourrissons nés de parents inconnus sont abandonnés devant des mosquées, des hôpitaux, ou en pleine rue, un phénomène qui s'est accentué avec la guerre dans ce pays.
Par une soirée d'hiver glaciale il y a trois ans, Ibrahim Osman a recueilli un nouveau-né tremblant de froid devant la mosquée de son village en Syrie : une petite fille qu'il a appelée "Don de Dieu".
"C'était le 11 février 2020. J'étais venu à la mosquée pour la prière du soir et l'imam m'a dit : regarde ce que j'ai trouvé, se souvient M. Osman, 59 ans, un habitant du village de Hazano, dans le nord-ouest de la Syrie. Je l'ai emmenée chez moi et j'ai dit à ma femme : "Je t'ai apporté un cadeau"", ajoute-t-il. Il a appelé un médecin qui a certifié que le bébé venait de naître, et estimé que c'était probablement un prématuré. "J'ai décidé de recueillir cette enfant innocente et de l'élever avec mes propres enfants et mes petits-enfants", ajoute Ibrahim Osman, qui a appelé la petite orpheline Hibatullah (Don de Dieu en arabe).
L'adoption étant interdite dans l'islam, il a présenté une demande pour pouvoir élever le bébé aux autorités locales de sa région, sous contrôle des formations rebelles combattant le régime de Damas.
La petite a aujourd'hui trois ans, et appelle Ibrahim "grand-papa". "J'ai prévenu mes enfants que si je venais à mourir, elle devra hériter tout comme eux", même si elle ne figure pas sur le livret de famille, assure-t-il, la voix nouée par l'émotion
"Les conditions difficiles de la guerre ont poussé des gens à abandonner leurs propres enfants"
EN IMAGESQUE RESTE-T-IL DU PATRIMOINE EN SYRIE ?
Selon des responsables locaux et des experts, le phénomène des enfants abandonnés a pris de l'ampleur avec le conflit déclenché il y a plus de 12 ans. Le soulèvement pacifique qui a dégénéré en guerre civile a fait environ un demi-million de morts, et près de la moitié des Syriens sont désormais des réfugiés ou des déplacés.
"Les conditions difficiles de la guerre ont poussé des gens à abandonner leurs propres enfants", reconnaît Abdallah Abdallah, un responsable des affaires civiles des autorités rebelles de la province d'Idleb. Depuis sa création en 2019, la "Maison de l'enfant", le principal orphelinat d'Idleb, a accueilli 26 nouveau-nés, neuf d'entre eux depuis le début de l'année 2023.
Pour le directeur des programmes de ce centre, Fayçal al-Hamoud, le moment le plus dur a été lorsqu'une petite fille qui venait de naître a été retrouvée sous un olivier en 2021, alors qu'"un chat la griffait. Le sang coulait sur son visage", se souvient-il. Son établissement a traité le nourrisson qui a ensuite été recueilli par une famille d'accueil.
Mais même dans de tels cas, la "Maison de l'enfant" suit la situation du bébé pour s'assurer qu'il est bien traité et "qu'il n'y a pas de cas de trafic d'enfants", affirme M. al-Hamoud. "Ce sont des victimes de la guerre", souligne-t-il.
L'abandon de nourrissons en augmentation
Selon le Centre syrien de justice et de responsabilité (SJAC), basé à Washington, qui compile les atteintes aux droits humains en Syrie, plus de 100 nouveau-nés ont été retrouvés dans les différentes régions de Syrie en 2021 et 2022.
Mais le nombre réel est beaucoup plus élevé, estime le centre, et l'abandon de nourrissons a "augmenté de façon effroyable" depuis le début de la guerre. Les causes ? La pauvreté, les déplacements forcés ou encore les mariages précoces, énumère notamment le centre.
Une responsable du domaine de la protection de l'enfance à Idleb, citée dans le rapport, estime que 20% des cas des bébés abandonnés sont nés de "femmes ayant été soumises à un chantage sexuel ou ayant eu des relations extramaritales" dans une société très conservatrice.
Dans les régions contrôlées par le régime syrien, 53 nouveau-nés - 28 garçons et 25 filles - abandonnés au cours des dix premiers mois de 2022 ont été enregistrés, selon un responsable du département de la Santé à Damas, Zaher Hejjo. Ces enfants ont été retrouvés dans des parcs, des champs ou même dans un puits, selon le ministère de l'Intérieur.
Le président syrien, Bachar al-Assad, a promulgué début 2023 un décret régulant l'enregistrement des enfants nés de parents inconnus et créant des structures d'accueil qui leur sont dédiées, les "Maisons du chant de la vie". Selon ce décret, ces enfants abandonnés sont automatiquement enregistrés comme "Syriens" et "musulmans", et le lieu de naissance est l'endroit où ils ont été retrouvés.
Lire aussi :
Guerre en Syrie : « Ce conflit est aussi une fracture entre villes et campagnes »
La guerre en Syrie, une “apocalypse culturelle” pour les joyaux du patrimoine
“En Syrie, restaurer Palmyre est encore possible”
GEO (avec AFP)
À DÉCOUVRIREN IMAGES
Que reste-t-il du patrimoine en Syrie ?
Les soldats, nouveaux gardiens de Palmyre
Destructions volontaires par les djihadistes de Daech, pillages… Ce fabuleux site antique, héritage de 4000 ans d’histoire, a payé un lourd tribut, entre 2015 et 2017, au conflit qui ensanglante le pays. Reportage dans cette cité qui a toujours fasciné l’Occident.
Ce soldat se fait prendre en photos sur le site de Palmyre, près du théâtre romain dont la façade a été endommagée par les djihadistes de Daech. Avant la guerre, quelque 150 000 touristes visitaient chaque année le site de Palmyre. Cette cité érigée il y a plus de deux mille ans dans le désert syrien, à mi-chemin entre l’Euphrate et la Méditerranée, fit fortune grâce au commerce caravanier et connut son apogée durant la période romaine. Aujourd’hui, on n’y croise plus que des soldats.
Triste spectacle que les éboulis de ces colonnes qui se dressaient à l’entrée de la cité. Cette ancienne oasis caravanière, à mi-chemin entre l’Euphrate et la Méditerranée, connut son âge d’or à l’époque romaine.
Cette grande colonnade a été la principale victime des dynamitages
Longue de 1 100 mètres, l’artère principal de Palmyre reliait l’Arc de triomphe et le temple de Bêl. Ces deux monuments ont été mis à bas par l’Etat islamique, en octobre 2015.
En 2017, l’armée syrienne a repris définitivement Palmyre aux soldats de Daech. Et découvert que seule une infime partie de l’Arc monumental tenait encore debout.
Au musée de Damas, Qasim al-Mohammad (gauche), curateur, et Houmam Saad (droite), archéologue, inspectent un bas-relief de Palmyre endommagé par l’organisation terroriste Etat islamique (EI ou Daech). Les djihadistes se sont emparés à deux reprises du site antique, de mai 2015 à mars 2016, puis de décembre 2016 à avril 2017. Des centaines de statues et objets ont pu être mis à l’abri à Damas avant qu’ils ne soient pris pour cible par l’EI.
Le temple de Bêl de Palmyre n’est plus qu’un souvenir
Ici se dressait le temple de Bêl. C’était le principal sanctuaire de la cité antique de Palmyre. Et l’un des mieux conservés. Il fut pris pour cible par les djihadistes de Daech en 2015.
À Palmyre, des soldats syriens veillent sur les décombres de l'ancienne cité caravanière
Triste spectacle que les éboulis de l'Arc de triomphe qui se dressait à l'entrée de la colonnade de Palmyre. Il a été détruit en 2015 par Daech. Le site, cette oasis caravanière à mi-chemin entre l’Euphrate et la Méditerranée, connut son âge d’or à l’époque romaine. Il fut occupé deux fois par les djihadistes.
Le site de Palmyre a été repris à l’EI en avril 2017 mais rien ne semble avoir bougé depuis. Le musée archéologique, qui se tient en lisière de la cité antique, porte les stigmates des occupations de Daech. Les djihadistes causèrent d’énormes dommages, au nom de leur vision de l’islam, qui considère les représentations humaines ou animales comme de l’idolâtrie.
À l'intérieur du musée de Palmyre, ce chapiteau corinthien de l’époque romaine repose au sol à côté d’une cuisinière utilisée par les gardiens, qui, depuis la seconde libération du site en 2017, vivent dans les locaux à la demande des autorités.
Quelque 300 000 objets ont pu être sauvés des saccages et pillages à travers le pays grâce à Maamoun Abdulkarim, l’ancien directeur de la Direction générale des antiquités et musées (DGAM) de Syrie. Dès sa prise de fonction en août 2012, il ordonna la fermeture et l’évacuation des musées. À Damas, les archéologues syriens s’attellent désormais à ouvrir des caisses remplies d’objets, ici rapatriés du musée de Homs, pour travailler à leur indexation et restauration.
À Alep, les deux-tiers de la vieille ont été gravement endommagés ou détruits
Les dégâts déplorés dans la Grande Mosquée d’Alep (sur l’image), qui a été amputée de son minaret de cinquante mètres de haut et datant de la fin du XIe siècle, témoignent de la violence des combats. Avant la guerre, Alep était la capitale économique du pays. Une ville arabe médiévale marquée par la dynastie ayyoubide, fondée par le conquérant kurde Saladin au XIIe siècle, puis par le sultanat mamelouk, qui régna jusqu’au début du XVIe siècle. Mais aujourd’hui, l’endroit offre un spectacle de désolation. Selon Mahmud Hamud, de la DGAM, 60% de la vieille ville a été gravement endommagée.
Cette statue du musée d’Alep a été recouverte de sacs de sable pour la protéger des tirs d’artillerie. La ville, cœur économique du pays, a été reprise aux rebelles par l’armée syrienne en décembre 2016, après plus de quatre ans de combats, qui ont détruit 60 % du cœur historique.
Avec son dédale de treize kilomètres de venelles voûtées, c’était le plus grand marché couvert du monde. L’édifice, érigé en grande partie au XIVe siècle, a presque entièrement été détruit. L’armée a repris le contrôle des quartiers est de la ville d’Alep en décembre 2016, au terme d’une bataille contre des groupes rebelles qui a duré quatre ans et cinq mois. Bilan : au moins 21 500 civils tués. Et une ville mutilée.
La capitale syrienne a été relativement épargnée par les combats. Au petit matin, le souk de Damas s’anime à mesure qu’ouvrent les échoppes et les terrasses des cafés du quartier de la Grande Mosquée (sur l’image) se remplissent peu à peu. Mais la guerre n’est pas finie, comme en témoigne la présence de ce soldat en permission.
Le Krak des chevaliers, un des rares sites faisant l’objet d’une restauration
De 2012 à 2014, plusieurs centaines de rebelles se retranchèrent dans ce château-fort, un des mieux conservés de l’époque des croisades. L’enceinte de la forteresse est intacte, mais l’intérieur, lui, a souffert : les djihadistes ont fait sauter un grand escalier et ont agrandi les meurtrières de la tour royale pour pouvoir y passer leurs armes automatiques. C’est une équipe d’archéologues hongrois, seule mission étrangère permanente restée en Syrie, qui travaille à sa restauration.
Au pied de la citadelle d’Alep, la promenade est à nouveau fréquentée par les habitants qui viennent s’y balader. "Le peuple syrien est fort et fier, affirme Thalal Khudeer, président de la chambre de tourisme d’Alep. Même un genou à terre, il se met à l’ouvrage et se redresse pour se tenir debout."
C’était le plus grand marché couvert au monde. Et l’un des plus animés du pays. Jusqu'en 2011, le souk Al-Madina d’Alep grouillait de vie de sept heures du matin jusque tard le soir. Quelque 4 000 échoppes s’égrenaient le long des treize kilomètres de venelles voûtées, construites essentiellement au XIVe siècle. On venait y acheter de la soie, des tapis, des meubles, de la viande, des fruits, des légumes, des pâtisseries à base de pâte d’amande, de pistache et de sucre. Et aussi le fameux savon d’Alep, fabriqué à partir d’huile d’olive et de baies de laurier.
Dans les villages chrétiens autour du Krak des chevaliers, résonnaient les cloches des églises. Aujourd’hui, ces trois lieux, inscrits sur la liste du patrimoine mondial, ont été endommagés, voire détruits, et de nombreux hameaux chrétiens abandonnés.
L’enceinte du Krak des chevaliers, un des châteaux forts les mieux préservés de l’époque des croisades et inscrit au patrimoine mondial en 2006, est intacte. Mais l’intérieur a souffert : des djihadistes s’y étaient retranchés de 2012 à 2014.
Dans ce quartier de la ville dévastée de Homs, la rutilante mosquée Khalid ibn al-Walid est une anomalie. Embargo oblige, rares sont les sites qui ont bénéficié d'une restauration.
Les archéologues commencent à indexer les vestiges venus de Homs
Les archéologues syriens commencent à ouvrir les caisses remplies d’objets pour les indexer et les restaurer. Une tâche qu’ils assument seuls. Leurs confrères européens, notamment français, ne sont plus là pour les aider, la rupture des relations diplomatiques en 2012 ayant entraîné le gel de la coopération scientifique sur le terrain syrien.
Impossible de pénétrer dans le palais médiéval fortifié qui surplombe la jadis très touristique vieille ville d’Alep – il sert de quartier général aux forces armées gouvernementales.
Au musée de Damas, les archéologues (Houmam Saad au premier plan) examinent les objets venus de Palmyre, en vue de les restaurer avant de les exposer dans la capitale syrienne.
Le quartier de Al-Khalidiya, à Homs, a été sévèrement endommagé
Ce charpentier du quartier de Al-Khalidiya, bastion rebelle dans le nord de Homs, est resté dans son échoppe, bien que le quartier ait été sévèrement endommagé par une pluie d’obus avant d’être repris par le gouvernement en 2013.
Face à la citadelle d’Alep, des immeubles éventrés. Mais la vie reprend son cours et la promenade est à nouveau fréquentée par les habitants qui viennent s’y balader.
Les commentaires récents