Published date: Dimanche 16 octobre 2022 - 11:26 | Last update:5 hours 29 secs ago
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Le drame a choqué toute l’Algérie. Le 26 septembre, en Kabylie, Ryma Anane, 28 ans, enseignante de français, a été attaquée par son voisin alors qu’elle s’apprêtait à prendre le bus pour aller à son travail. Il l’a aspergée d’essence et brûlée vive à l’aide d’un briquet.
La nouvelle s’est répandue très vite sur les réseaux sociaux. Selon des sources locales, l’agresseur a fini par se rendre à la police quelques heures après l’attaque. D’après ses aveux, il aurait agi ainsi parce que la jeune femme avait refusé de se marier avec lui et choisi un autre futur époux.
« Son dos et son cou en flammes, Ryma s’empresse d’aller chercher de l’aide. Arrivée chez elle, elle s’effondre, et bredouille quelques mots : ‘’Il a brûlé mon avenir !’’ », rapporte le site d’information TSA.
Après son transfert à l’hôpital de Tizi Ouzou (Kabylie), les médecins ont jugé que son état nécessitait une prise en charge rapide à l’étranger au regard de la gravité des brûlures (60 % de son corps).
Rapidement, la solidarité s’est organisée à travers les réseaux sociaux et une cagnotte a été lancée pour payer les frais d’un transfert en Europe.
« La famille s’est d’abord tournée vers l’hôpital Saint-Louis à Paris, connu pour son expertise des grands brûlés. D’après le devis consulté par France 24, l’hôpital demandait plus de 316 000 euros pour 70 jours d’hospitalisation en réanimation », relate France 24.
Mais l’établissement n’a pas accepté l’échelonnement de la facture. « Qui peut faire ça ? Cela a retardé la prise en charge de Ryma à l’étranger. Et pendant ces quelques jours, elle aurait pu y passer », témoigne toujours sur France 24 un ami de la victime.
Faute d’avoir pu obtenir un visa pour la France, l’entourage de Ryma s’est tourné vers l’Espagne, qui a accepté de lui en délivrer un. Et grâce à une société d’assistance médicale, ADM international, la famille a pu trouver un hôpital à Madrid qui proposait un devis moins onéreux, avec par ailleurs la possibilité de payer par tranches.
Ryma a donc été transférée en Espagne par avion médicalisé grâce aux efforts de ses proches et des nombreux donateurs en Algérie et à l’étranger. Selon les dernières informations, son état se serait stabilisé.
La cellule de veille indépendante Féminicides Algérie relève qu’une jeune femme, mère de quatre enfants, a été assassinée, brûlée vive, par son époux le 16 avril 2022. Depuis le début de l’année, 32 cas de féminicides ont été recensés par les militantes.
Par
MEE
Published date: Dimanche 16 octobre 2022 - 11:26 | Last update:5 hours 29 secs ago
Le mot califat circule à Hambourg. C’est ce qu’on appelle un compte à rebours… où il n’est guère question de grand remplacement mais de guerre de succession… Au suivant chantait la chanson pour nous suggérer que ceux qui étaient derrière veulent nous passer devant ! Parce qu’ils n’ont pas les mêmes valeurs que nous.Qui sont-ils ? Qui sommes-nous ? Ils ne sont pas avec nous, donc ils sont contre nous.Que font-ils chez nous ?A vouloir vivre comme s’ils étaient chez eux… à dévaloriser nos valeurs en y mettant le feu… même à sciences-Pô, ils ont cherché à nous faire la peau.Ils prétendent que nos lumières n’ont rien de lumineux. Elles font du bruit, mais ça sonne creux. Il est clair qu’elles n’éclairent plus personne en imposant l’oubli de Dieu. C’est laïc et tragique en même temps. Parce qu’il n’y a plus de référent, de référent absolu. Les islamistes sont partout. Avec ou sans atouts, ils sont entrain de mettre tout sens dessus-dessous. Ce n’est plus un secret : aucun de nos décrets n’en saurait venir à bout. Ils sont venus, bien ou mal venus, nous dire que dans notre vision du monde : rien ne tient debout… c’est du moins, ce qu’ils se disent de nous : que même si nous avons nos raisons d’être fous, nous n’avons aucune raison de nous en prendre à ceux qui ne sont pas comme nous.
Récit HISTOIRES D’EXILS. Mai 1944. Sous le prétexte d’une collaboration d’une partie des Tatars de Crimée avec les nazis pendant l’occupation allemande de la Crimée, Joseph Staline décide de déporter la totalité de la population. Les Tatars appellent cette période : « Sürgünlik », l’exil. Parmi eux, Halide, 6 ans. Soixante plus tard, Vladimir Poutine annexe la Crimée, et c’est au tour de sa petite-fille Elnara de partir.
Par Marie Vaton
Publié le
Trois petites filles tatares, dans les années 1910. Au milieu, Menli Adjer Gazi, l’une des grand-tantes du côté paternel de Lia Gazi.
Le 8 février dernier, Elnara Gazi, 45 ans, et sa fille Lia, 22 ans, allument leur télévision pour regarder sur la chaîne du Kremlin l’interview de Vladimir Poutine par le journaliste américain Tucker Carlson – un proche de Donald Trump. Médusées, elles entendent le président russe dérouler son exposé du grand roman historique de la nation, des invasions de Gengis Khan aux conquêtes de Catherine la Grande, sa vision de l’Ukraine comme Etat artificiel et de la Crimée comme terre historique russe. Pas un mot pour son peuple, les Tatars de Crimée, déportés par Staline une première fois, envahis par Poutine soixante plus tard.Un bis repetita qui n’a pas ému grand monde, hormis les concernés.« Notre existence, nos souffrances sont à nouveau niées, comme si nous n’avions jamais existé », dit Lia, 22 ans, étudiante en histoire et qui milite pour la reconnaissance des droits des Tatars criméens.
Quelles traces les guerres laissent-elles ? Quels sillons creusent-elles, pour toujours, dans les mémoires ? Que reste-t-il aujourd’hui de la culture tatare dans la Crimée annexée par Poutine en 2014 ? Des espoirs avortés et du cœur brisé d’Halide, la grand-mère d’Elnara, déportée avec toute sa famille en 1944 alors qu’elle n’avait que 6 ans.Celle qui avait réussi à retourner dans son pays natal, à 51 ans, n’a pas vécu l’angoisse de l’annexion de la Crimée en 2014. Elle est morte de maladie en 2007, à 71 ans, heureuse d’avoir autour d’elle ses enfants et petits-enfants. C’est à eux qu’elle a confié tous ses souvenirs. Peu de dates, mais des images, du bruit, des sensations qu’elle avait enfoui dans son corps de petite fille de 6 ans.
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La peur, d’abord, lorsque de grands coups sont frappés à la porte de sa maison, ce matin du 18 mai 1944. Les vêtements qu’on enfile à la hâte, la sidération dans les yeux de ses parents, le départ dans la précipitation. Puis le « voyage de la mort » dans des wagons à bestiaux, sans rien à manger ni à boire. Un train aux fenêtres condamnées qui ne s’arrête jamais, sauf pour se débarrasser des cadavres en décomposition que des gardes laissent sur les voies. Les cris de sa mère, Zaide, qui accouche de jumeaux, dont un seul survivra. Et tout au bout, cette forêt immense, déserte, où le train finit par jeter ses passagers, après trois semaines d’enfer. Loin, très loin du port de Kertch sur la mer d’Azov où vivait la famille d’Halide. C’est là, dans la péninsule deCrimée reliée à l’Ukraine par une mince bande de terre, qu’étaient installés depuis le XVIIIe siècle les Tatars criméens, une minorité turcophone musulmane de confessionsunnite, avant d’en être bannis par ordre de Staline.
Le destin d’Halide épouse celui de leur exil forcé. Staline tente d’étendre son influence en Asie mineure, en Crimée, maisles prétentions nationalistes et territoriales des « comités musulmans », qui organisent la communauté tatare, l’inquiètent et lui font craindre un rattachement de la péninsule à la Turquie. Au mois d’avril 1944, lorsque l’Armée rouge reprend aux Allemands le territoire qu’ils ont occupé pendant trois ans, Staline donne l’ordre de « nettoyer » la région de tous ses éléments « hostiles » : espions, traîtres ou complotistes antisoviétiques. Les soldats tatars sont d’abord accusés de désertion. Puis de trahison. Bientôt, c’est toute la population tatare qui est visée. Le 11 mai, leur bannissement vers l’Asie centrale est ratifié par une ordonnance signée de la main de Staline, qui entérine les accusations de collaboration. Dans la nuit du 18 mai 1944, des milliers de soldats se déploient dans la presqu’île à la recherche des familles tatares qui, une fois regroupées, sont acheminées par camions dans les principales gares de Crimée. En trois jours à peine, 238 500 personnes sont déportées dans les kolkhozes du Kazakhstan et de l’Ouzbékistan en Asie centrale. Mal préparée par l’administration russe, cette expulsion massive se solde par un lourd bilan : la moitié d’entre eux périssentde faim et de maladie.
Halide et sa famille survivent. Ils sont acheminés vers une région montagneuse de l’Oural et réquisitionnés pour travailler dans une usine de construction. Dans le camp de travail, qui dépend du Goulag, le père, Seifulla, débite du bois à la chaîne, comme les autres internés. La mère, Zaide, récupère les épluchures de pommes de terre dans la cantine et en fait de la soupe pour nourrir la famille. Halide est de corvée de linge, elle doit le laver dans la rivière, où elle a peur de se noyer. L’année suivante, la République socialiste soviétique autonome de Crimée fondée en 1921 est transformée en un simple oblast (unité administrative) de Crimée au sein de la République socialiste fédérative soviétique de Russie (RSFSR). Les statues tatares sont déboulonnées, les mosquées détruites, le nom des rues et des localités « russifiés » : l’URSS veut imposer un nouveau narratif où leur statut de peuple indigène de la péninsule est remis en cause et son influence dans la région gommée ou marginalisée. Les propriétés des Tatars sont occupées par des colons slaves, que l’administration russe encourage à venir s’installer en masse.
Pour les déportés, il n’y a plus d’espoir de retour. La vie dans les « colonies de peuplement » s’organise, dans la faim et les épidémies. La moitié d’entre eux périssent dans les cinq premières années de leur exil forcé. En 1956, Halide a 18 ans et vit toujours dans le camp avec ses parents lorsque, après la publication du rapport secret de Nikita Khrouchtchev, dénonçant les crimes du stalinisme, un décret annule la restriction des droits liée au régime de « peuplement spécial » des minorités déportées. Les Tatars recouvrent leurs droits individuels, mais leur statut de victime n’est pas reconnu et leur retour en Crimée est toujours prohibé. Les parents d’Halide décident alors de quitter le camp et de rejoindre Samarcande, en Ouzbékistan, où leurs frères et sœurs ont été déportés.
Une nouvelle vie commence, un peu plus légère. Halide se marie avec Seidinan, un Tatar déporté comme elle. Elle devient couturière, puis coiffeuse. Son fils Rustem (pour des raisons de sécurité liées à la situation en Crimée, les prénoms ont été changés) naît en Ouzbékistan et fréquente l’école russe. Mais le soir, on ne parle que le tatar à la maison. La langue, le chant, les vêtements sont de maigres remparts contre l’entreprise de russification que Staline a imposée à toutes les minorités de l’Union soviétique. Quand Rustem grandit, sa mère Halide lui répète : « Il faut que tu te maries dans notre communauté. » Sans quoi, il ne restera plus rien de la culture tatare et «Staline aura gagné ».
Alors Rustemobéit. Et transmet à son tour à sa fille Elnara la mémoire tatare, les persécutions de Staline, et l’ordre revendiqué par ce dernier d’une « Crimée sans Tatars ». Elnara a une dizaine d’années lorsque Mikhaïl Gorbatchev, en pleine « perestroïka » (période de réformes économiques et sociales à la fin des années 1980)reconnaît « les actions criminelles du régime stalinien » et autorise enfin les Tatars de Crimée à rentrer chez eux. Pour tous, l’espoir de retour se concrétise enfin. En 1989, Halide décide de rentrer, seule, dans sa région natale. Comme elle, environ 200 000 Tatars exilés prennent la route du retour.
La maison de famille est toujours là, mais elle a été transformée par le régime soviétique en « kommounalka » (appartement communautaire) que se partagent quatre familles soviétiques. Halide part s’installer à Krasnoperekopsk (Yani Qapi, en tatar) sur les bords du lac Stare, où les tensions avec les russophones opposés au retour des Tatars sont moins vives. Avec ses économies, elle achète une maison et un petit terrain où son fils Rustem, qui l’a rejointe, cultive des roses qu’il vend sur les marchés.
Elnara a 13 ans quand elle quitte l’Ouzbékistan avec sa mère, pour rejoindre son père en Crimée. Vingt quand elle tombe amoureuse d’Eduard, un Ukrainien avec qui elle aura deux enfants. Sa fille Lia apprend à parler le tatar à l’école. Pas longtemps. En 2014, la révolution de Maïdan sonne le glas de l’autonomie de la Crimée. Les jours suivant la fuite du président ukrainien prorusse Viktor Ianoukovytch, des véhicules blindés russes sont déployésprès des frontières ukrainiennes. Le 26 février, à Simferopol, capitale de la Crimée, une manifestation de soutien à l’Ukraine sur la place centrale est attaquée par des centaines d’activistes prorusses. Bilan : un mort et des dizaines de blessés. Le lendemain, le siège du Parlement est pris d’assaut, le drapeau russe hissé et un nouveau premier ministre prorusse élu, contre l’avis de la majorité des députés.
« J’ai compris qu’il n’y avait plus d’issue et qu’il fallait trouver un moyen pour fuir vers l’Ukraine », raconte Elnara. En quelques jours, tous les ponts et les accès à la frontière ukrainienne sont bloqués par des blocs de béton et des soldats russes. Les protestations, pourtant, continuent de plus belle : « Pendant trois mois, les Tatars de Crimée ont manifesté contre le référendum, avec de grands drapeaux ukrainiens, devant toutes les administrations russes », se souvient Elnara. Mais la répression est féroce. « Certains des activistes anti-russes les plus virulents ont été arrêtés ou enlevés. On retrouvait leur cadavre dans les champs, avec des traces de torture », poursuit Elnara. Et puis, les tanks russes sont arrivés dans leur petite ville. « Les Russes ont installé leur administration dans le centre agricole et, en quelques jours, tous les drapeaux ukrainiens ont été remplacés par des drapeaux russes. »
Elnara et son mari refusent de prendre la nationalité russe et s’enfuient à Kherson, en Ukraine, comme environ 50 000 Tatars, selon certaines estimations. Les parents d’Elnara restent, et sont forcés de prendre la nationalité russe, comme tous les Tatars de Crimée.A la rentrée 2014, Lia est entrée au collège en Ukraine. Eduard a retrouvé du travail comme exploitant agricole. Une paix, relative, s’est installée. Avant que le bruit des tanks ne se rapproche à nouveau dans le Donbass. « En 2018, on a compris que Poutine ne se contenterait pas de la Crimée et du Donbass. Qu’il irait plus loin et viserait cette fois Kherson, ou même Kyiv. »
« Histoires d’exil »
Avec cette série, nous avons donné la parole à ceux qui ont hérité, parfois malgré eux, de l’identité d’exilé. Ils nous racontent la petite histoire dans la grande. Les ombres de leur mémoire, leur géographie ordinaire, leur langue :
Eduard et Elnara rêvaient d’un endroit ensoleillé, au bord de la mer, qui ressemblerait au paradis perdu de la Crimée. C’est en Espagne qu’ils ont obtenuen 2021 un statut de réfugiés avec une protection internationale, en tant que Tatars de Crimée. Une identité sur papier, mais une identité retrouvée, enfin.
Ce dimanche, à 16 heures, le chanteur Enrico Macias assurera un concert salle Ravel au Touquet. L’inusable artiste de 85 ans devrait chanter ses plus grands tubes. Rencontre avec celui qui aime les gens du Nord.
Enrico Macias sera en concert au Touquet ce dimanche. Photo repro «La Voix».
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Temps de lecture:3 minPartage :
Enrico Macias, depuis 60 ans vous accompagnez nos vies avec vos chansons. Après tant de voyages, tant de succès, que reste-t-il du petit Gaston que vous étiez en Algérie ?
« Je suis toujours le petit garçon de Constantine. J’ai eu une enfance extraordinaire, avec beaucoup de rires et de joie. Ma jeunesse a été beaucoup plus difficile et nous avons subi de plein fouet la violence de la guerre d’Algérie. J’ai vécu l’histoire de ce moment douloureux, ma vie comme beaucoup a connu des joies et de grandes peines. »
Deux ou trois dates de votre vie, celles dont vous voudriez qu’on se souvienne ?
« La première, 1961. C’est la date où j’ai quitté mon pays. C’était une tragédie, un moment de tristesse extrême. C’est le propos de mon premier succès : “J’ai quitté mon pays, j’ai quitté ma maison, ma vie, ma triste vie se traîne sans raison.” La seconde 1964. J’ai fait la première partie des compagnons de la chanson à l’Olympia. C’est le début d’une carrière qui ne s’est jamais interrompue depuis. La dernière, 1979. J’ai rencontré Anouar el Sadate après les accords israélo-égyptiens, la victoire de la paix sur la guerre. En octobre 1981, la violence a repris le pouvoir en assassinant ce berger de la paix. »
Une chanson dont vous êtes fier au vu de son message ?
« J’ai redécouvert un titre écrit en 1977, «La Folle espérance». C’est vraiment un titre prémonitoire : “ C’est la folle espérance, il faut faire tout ce que l’on peut, un jour dans ce désert, nous pourrons être heureux, chaque main tendue est un pas de plus vers tout ce que l’on croyait perdu. ” La musique est pour moi un autre langage. Elle est indispensable à ma vie depuis mes débuts sur scène, à 15 ans, avec mon futur beau-père. »
La scène reste-t-elle toujours importante pour vous ?
« Quand je suis sur scène, je ne suis plus fatigué. C’est mon oxygène, ma raison de vivre. Je donne beaucoup mais je reçois tellement en retour. »
Pensez-vous toujours que les gens du nord ont dans le cœur le soleil qu’ils n’ont pas dehors ?
« Bien sûr ! Tout ce que j’ai chanté dans cette chanson reste véridique. Je m’y sens chez moi. J’y ai toujours un accueil extraordinaire. J’y suis en confiance, en totale sécurité. Je sens l’amour des gens. Je me fais un plaisir de venir au Touquet, à la rencontre d’un public que je sais fidèle. »
Quelle trace voudriez-vous laisser ?
« Avec de petites choses, on peut faire des choses extraordinaires. Je suis un ami du public, un ami de la famille. Je continue pour ceux qui s
Un ami qui habite New York, métropole cosmopolite par excellence, m'a rapporté la scène suivante, en précisant qu'elle a fortement marqué son esprit et suscité son propre examen de conscience : à l'heure de la pause déjeuner, à chaque fois qu'il faisait beau, un homme d'origine indienne, cadre dans une banque internationale, descendait de son bureau perché en haut d'un de ces buildings qui dominent le quartier d'affaires de Wall Street, pour aller s'asseoir en position du lotus sur la pelouse d'un parc situé à proximité, puis restait immobile, les yeux fermés, pendant un laps de temps assez long, plongé dans une intense méditation inspirée par sa foi bouddhique, sourd aux bruits et à la fureur de la ville qui l'entourait.
Cette façon de s'affranchir du poids des jours, de s'inscrire momentanément aux abonnés absents, de se mettre provisoirement en congé du monde, bref, de fermer les yeux comme on baisse le rideau, pour remettre son sort entre des mains bienveillantes, est aussi le propre de la prière et de la méditation en islam (ainsi que dans les autres religions monothéistes). Chaque chercheur de sens, quand il emprunte un chemin de vérité, est accompagné par le silence et la sobriété et il se déleste de cette «insupportable légèreté de l'être» dont parle dans un de ses livres un écrivain célèbre.
On aperçoit parfois au fond d'une mosquée un homme au visage grave qui lit le Coran jusqu'à ce que ses yeux se ferment de fatigue et de reconnaissance. Il connaît peut-être un secret que nous ne connaissons pas. Il a renoncé progressivement à toutes ces choses dérisoires qui encombrent une vie. Il a construit sa maison à côté d'une source et s'est constitué au plus profond de lui-même un socle plus solide que l'acier et plus précieux que l'or. Lorsqu'on lui demande pourquoi les hommes ferment les yeux, il dit que fermer les yeux, ce n'est pas forcément faire comme si l'on n'avait pas vu ou bien sceller une porte ou avoir peur de l'avenir; fermer les yeux, c'est aussi faire confiance, c'est regarder avec les yeux de l'intuition et du cœur, c'est voir de l'intérieur. «Si l'homme parfois ne fermait pas souverainement les yeux, il finirait par ne plus voir ce qui vaut d'être regardé», écrivait le poète et prix Nobel de littérature René Char.
Au royaume de l'aveugle. Roman de Mocrani Hamdane. Editions La Pensée, Tizi Ouzou, 2018, 203 pages*
Un petit village de Kabylie. Là-haut sur la montagne. Un point minuscule avec ses cinq mille habitants. Une population vivant en paix et dans la fraternité sous la tutelle d'un comité du village présidé par un homme plein de sagesse. Une nature généreuse. Tout pour être heureux !
Hélas, un jour, un pauvre hère apparaît, aveugle, cherchant son chemin. Il est accueilli, aidé... et il lui est même offert une hospitalité sans limites par la famille la plus aisée.
Grâce à sa «culture» religieuse subtilement distillée, en raison d'un sens psychologique aiguisé, il s'impose peu à peu... et s'installe définitivement, prenant femme et se faisant même construire une maison. Peu à peu, il s'érige en véritable «marabout». Tous les sceptiques sont écartés lorsqu'ils ne sont pas mystérieusement éliminés physiquement.
Il prend ainsi le pouvoir du village. Ses sbires (venant d'ailleurs pour les «missions spéciales») s'en iront même jusqu' à molester et à humilier les femmes (non voilées).
Au départ, les réactions sont timides... mais la résistance va, peu à peu, et clandestinement s'organiser. Pour «éradiquer» définitivement le problème. Aux grands maux... les grands moyens.
L'Auteur : Né en décembre 1943 à Tizi-Gheniff (Tizi-Ouzou). Longue carrière dans l'enseignement (instituteur, directeur d'école primaire, prof' de collège, prof' de lycée, directeur de collège...). Déjà auteur de deux autres romans (en 2023 et 2016)
Table des matières : Première partie : Une vallée riche et paisible/ Deuxième partie : Le complot/ Troisième partie : A quel saint se vouer ?
Extraits : «La vie réserve bien des surprises. Consciemment ou inconsciemment, peu importe, nous sommes en train de scier la branche sur laquelle nous sommes assis. La désillusion est grande quand cette branche tombera et nous entraînera dans sa chute. Nous regarderons alors avec regret les multiples blessures que nous aurons subies» (p 33), «Soyez honnêtes, braves, généreux, simples, tolérants, aidez les démunis si vous le pouvez, soutenez le faible dans sa détresse, défendez la veuve et l'orphelin, dites toujours la vérité quand elle peut apporter quelque chose de positif. Si on oublie tout cela, la pratique religieuse n'est alors qu'un simple rituel absurde» (p121)
Avis - Une actualité peut-être dépassée (celle du radicalisme islamiste et terroriste)... mais les plaies ne sont pas encore totalement cicatrisées car la bête immonde est toujours là, tapis, à l'affût de la moindre faiblesse. A lire, ne serait-ce que pour se souvenir et pour ne pas baisser la garde.
Citations : «Le soleil se moque des querelles des uns et des autres, encore moins de l'enfer ou du paradis. Il brille quand il a envie de briller...Il brille effectivement quand il en a envie, mais la lumière n'est pas la même pour tous. Pour certains, hélas, le jour n'est que la suite de la nuit» (p 109) , «L'instituteur et l'institutrice n'ont pas seulement pour tâches d'inculquer des connaissances aux élèves qui leurs sont confiés. Ils ont aussi le devoir de former des hommes et des femmes de demain. Des hommes et des femmes conscients de leurs devoirs et de leurs droits, responsables à différents niveaux, qui réfléchissent, analysent et font la part des choses pour déceler le vrai du faux avant de prendre une décision, avant d'agir. Une erreur d'analyse conduit à un défaut de jugement qui peut faire beaucoup de mal surtout que, parfois, le mal ne peut être réparé» (p 146), «La première place exige savoir, savoir-faire et savoir-être. Quand on n'a pas ces qualités, on ne peut que commettre des erreurs lesquelles, en s'accumulant, conduisent inévitablement à l'anarchie» (p 184), «Le virus du mal ne disparaît jamais tout à fait. Il est toujours là, tapi dans l'ombre, prêt à frapper à la moindre occasion, à Luda ou ailleurs, le lieu importe peu» (p201)
* (Note : Lorsque le prix n'est pas indiqué, cela veut seulement dire qu'il n'est pas noté -pour plusieurs raisons dont certaines assez objectives et compréhensibles - en quatrième de couverture comme le veut la réglementation)
De nos sœurs égorgées Roman de Rachid Ezziane. Editions Les presses du Chélif, Chlef 2022. 153 pages, 800 dinars (Fiche de lecture déjà publiée en avril 2022. Extraits, pour rappel. Fiche de lecture complète in www.almanach-dz.com/bibliotheque/d'almanach/défense/
Ils étaient 12. Tous enseignants. Tous issus de familles modestes et/pauvres. Tous habitaient à Sfisef, un «village néant», un «sosie à l'insignifiance». Tous devaient se rendre chaque jour de l'année scolaire 1997, en minibus (un vieux fourgon) ou en taxi «clandestin», en aller-retour à des heures fixes, à quinze kilomètres, à leur établissement scolaire situé à Ain Adden. Parmi les douze, il y avait onze femmes (... )
Toutes heureuses de se retrouver et de retrouver leurs classes et leurs élèves. Mais, le visage crispé et la peur au ventre. Car... Au maquis terroriste, il y avait une «fatwa» interdisant aux femmes d'enseigner ou d'aller à l'école. Émise par un «fou de Dieu» au surnom sanguinaire : «Dhib El-Djiâane», le loup affamé, déjà coupable, par égorgement, de mille et meurtres, toujours d'innocents (femmes, vieillards, bergers, automobilistes, enfants...).
Après une journée d'enseignement bien remplie, c'est le retour au domicile, toujours dans le même fourgon, suivi par un taxi avec quatre passagères.
Sur le chemin de retour, elles seront toutes (ainsi qu'un instituteur) égorgées par la horde sauvage.(...) Plusieurs années après, Sfisef a quelque peu pansé ses blessures... à un prix très, très fort. Puis vint Bouteflika qui, sous l'effet de discours «magiques», a imposé la «Concorde» et la «Réconciliation», comme si la «Rahma» ne suffisait pas...» avec un peuple devenu masse qui suivit les «enjeux» sans rien comprendre». On en a oublié les victimes...»
L'Auteur : Né en 1955 à Zeddine (Ain Defla). Ancien professeur de philosophie, journaliste chroniqueur. Plusieurs ouvrages à son actif (romans, essais, nouvelles)
Extraits : (...) «Cette réconciliation avait surtout profité plus aux assaillants qu'à leurs victimes. «Cette paix à sens unique» avait fait naître chez tous ceux qui ont été écorchés dans leur chair comme une deuxième mort des leurs» (p115)
Avis - Emouvant. Se lit d'un trait...
Citations : «Comme le vampire qui se nourrit de sang, le loup affamé se désaltère de la peur des femmes» (p47), «Seule l'instruction libère l'esprit. Donne des ailes aux racines. Ouvre les chemins de l'avenir» (p 57), (...),«Il n'y a pas de lucidité sans liberté, et de liberté sans courage « (pp 115-116)
Au sein de la richesse du lexique algérien, un mot se démarque par son pouvoir évocateur : «t'sentih». Bien au-delà d'une simple obstination, cette expression incarne une détermination farouche, une résilience sans faille, une persistance indomptable face aux défis de la vie.
D'origine profondément enracinée dans la culture algérienne, le «t'sentih» n'est pas seulement valorisé, mais vénéré comme un trait de caractère essentiel. Associé à une fermeté inébranlable et à une constance sans faille, il symbolise l'essence même de la volonté humaine. Dans les périodes de doute et d'adversité, les Algériens trouvent en ce concept une force infinie pour surmonter les obstacles qui ponctuent leur existence.
Pourtant, derrière cette détermination inébranlable, se cachent parfois des réalités plus sombres. La poursuite aveugle de certitudes absolues peut, en effet, se révéler être le terreau fertile du désastre. En s'enfermant dans ses convictions, l'homme risque de perdre de vue les nuances changeantes qui entourent son quotidien, refusant d'accepter les changements nécessaires pour s'adapter aux nouvelles circonstances. Dans cette obstination non réfléchie, se trouve alors le germe du malheur.
Cependant, cette dualité du «t'sentih» ne doit pas être vue comme une fatalité. Au contraire, elle offre une opportunité de réflexion et de croissance. L'incertitude se présente alors comme un contrepoids nécessaire, une lueur d'espoir au cœur de l'obscurité de l'obstination. Elle ouvre la voie à une remise en question salutaire, à une adaptation aux circonstances changeantes, permettant ainsi d'éviter les désastres potentiels.
L'image du «montagnard têtu», bien que souvent teintée de connotations péjoratives, illustre parfaitement cette idée. C'est un cliché qui va bien au-delà de l'obstination pour révéler une fierté intrinsèque, une résistance farouche face à l'adversité, un refus déterminé de s'incliner devant les défis. De même, d'autres expressions telles que «tête de Turc» ou «tête de laitier; Ras el Hallab» témoignent de cette obstination, parfois mal comprise, mais qui révèle une force intérieure indéniable. Malgré ces nuances, le «t'sentih» demeure un pilier fondamental dans la quête de sens et d'existence de l'homme. Confronté à la perspective sombre du néant, son drame réside moins dans la contemplation de cette fatalité que dans son refus intrépide de s'y soumettre.
Dans cette lutte contre l'obscurité, une multitude de termes viennent enrichir la palette des émotions humaines. L'acharnement, l'aveuglement, la constance, la détermination, la ténacité, la volonté convergent tous vers une idée commune : la capacité de l'homme à défier les forces qui cherchent à le dominer.
Ainsi, le «t'sentih» devient le symbole même de la résilience humaine, la preuve vivante que même dans les périodes les plus sombres, l'homme peut puiser en lui une force inépuisable. Face à la certitude du néant, il persiste, insufflant à son existence une volonté farouche, démontrant ainsi la puissance incommensurable de l'esprit humain dans sa quête incessante de sens et de vérité.
Invitée de notre émission « À l’air libre », l’actrice et chanteuse franco-iranienne Golshifteh Farahani livre à Mediapart une puissante leçon de liberté et de courage.
ansDans un livre collectif paru aux éditions du Faubourg, seize femmes iraniennes prennent la plume en écho au puissant soulèvement Femme, vie, liberté en Iran. Elles clament haut et fort : « Nous n’avons pas peur », depuis l’exil ou les geôles de la dictature islamique.
Parmi elles, une voix emblématique de l’émancipation des femmes en Iran et au-delà : l’actrice et chanteuse Golshifteh Farahani. Invitée de notre émission « À l’air libre » aux côtés de l’éditrice Sophie Caillat, elle livre à Mediapart une puissante leçon de liberté et de courage.
« Si l’ange de la mort se présente à vous et vous apprend que votre heure a sonné et que le seul moyen que vous ayez pour la reporter c’est de sacrifier votre conjoint… Vous diriez quoi ? Quel serait votre choix ? C’est vous ou c’est lui ? »
Quelle soirée… la moins sacrée peut-être mais sans doute la plus ancrée dans le paysage audiovisuel français… où des Césars sont sacrifiés ou sanctifiés.
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