iL esconstant qu'à la veille de toutes les élections présidentielles françaises, outre la récurrente thématique de l'immigration , éternelle bouc-émissaire, l'Histoire fait également irruption pour certains candidats qui espèrent engranger les voix d'une partie de l'électorat sensible à la démagogie. Ici, rappel des faits d'Histoire démontrant les méfaits de ce qu'il a été convenu d'appeler «le système colonial».
Force donc est de revenir à un réel débat sur les réalités historiques significatives qui exigent plus que des «excuses» et appelant une juste réparation («excuses» que d'autres pays ont officiellement formulées : Canada, Australie...) ; ainsi : restitution du Trésor d'Alger ayant servi à l'industrialisation de la France et aujourd'hui évalué à plusieurs milliards d'euros, restitution des archives non accessibles aux chercheurs et encore moins au commun des mortels (notamment celles des périodes coloniale et ottomane, indemnisation de centaines de milliers de familles d'Algériens ayant subi le génocide du système colonial de tout un peuple (enfumades, napalm, tortures...) et des Algériens du Sud suite aux essais nucléaires de l'ancienne puissance coloniale...
Ainsi, selon une légende tenace, le «coup de l'éventail» datant de 1827 a été le coup d'envoi du blocus maritime d'Alger par la marine royale française. L'aventure coloniale avait pour objectif de consolider l'influence française dans le bassin occidental de la Méditerranée. Le 5 juillet, les Français occupèrent Alger ; le même jour, le dey Hussein signa l'acte de capitulation. Premières conséquences : l'effondrement du pouvoir ottoman, le pillage des caisses de l'État, l'expulsion des janissaires d'Alger vers l'Asie Mineure et l'accaparement par la France de toutes les terres du Beylik. Le 1er décembre 1830, Louis-Philippe nomma le duc de Rovigo chef du haut-commandement en Algérie pour mettre en œuvre la colonisation dont la violence est notoire. Après avoir battu Abd-El-Kader, le général Desmichels signa avec ce dernier un traité qui reconnut l'autorité de l'émir sur l'Oranie et permit à la France de s'installer dans les villes du littoral. Officiellement, le 22 juillet, la Régence d'Alger devint «Possession française d'Afrique du Nord». Abd-El-Kader battit le général Trézel dans les marais de la Macta, près de Mascara. Il put également encercler la ville d'Oran durant une quarantaine de jours. Arrivé en renfort de métropole, le général Bugeaud infligea une défaite à celui-ci. Courant janvier 1836, le général Clauzel s'empara de Mascara et de Tlemcen. Le traité de la Tafna fut signé le 30 mai 1837 entre le général Bugeaud et l'émir Abd El Kader. Ce dernier établit sa capitale à Mascara. Le comte de Damrémont, devenu gouverneur général de l'Algérie en 1837, se mit en rapport avec le bey de Constantine pour obtenir une Convention similaire se heurtant au rejet de Ahmed Bey. Courant octobre 1837, ledit gouverneur général se mit en marche sur Constantine fort de dix mille hommes. Après sept jours de siège au cours desquels le comte de Damrémont fut tué, la ville fut conquise.
En 1839, l'armée française ayant entrepris d'annexer un territoire situé dans la chaîne des Bibans, (chaîne de montagnes du Nord d'El DjazaÏr), l'Emir Abdel El Kader considéra qu'il s'agissait d'une rupture du traité de Tafna. Il reprit alors sa résistance ; il pénétra dans la Mitidja et y détruisit la plupart des fermes des colons français. Il constitua une armée régulière (dix mille hommes, dit-on) qui reçut leur instruction des Turcs et de déserteurs européens. Il aurait même disposé d'une fabrique d'armes à Miliana et d'une fonderie de canon à Tlemcen. Il reçut également des armes provenant de l'Europe. Nommé gouverneur général de l'Algérie française en février 1841, Bugeaud arriva à Alger avec l'idée de la conquête totale de l'Algérie. Par l'entremise des «bureaux arabes», il recruta des autochtones tout en encourageant l'établissement de colonies.
Il a pu dire alors : «Le but n'est pas de courir après les Arabes, ce qui est fort inutile ; il est d'empêcher les Arabes de semer, de récolter, de pâturer, [...] de jouir de leurs champs [...]. Allez tous les ans leur brûler leurs récoltes [...], ou bien exterminez-les jusqu'au dernier.» Ou encore : «Si ces gredins se retirent dans leurs cavernes, imitez Cavaignac aux Sbéhas !
Fumez-les à outrance comme des renards». De fait, en mai 1841, l'armée française occupa Tagdemt (situé à Tiaret qui fut capitale des Rustumides), puis Mascara pratiquant la razzia et détruisant récoltes et silos à grains. Il semble que l'Emir Abd-El-Kader fit en vain appel au sultan ottoman. C'est ainsi que, courant mai 1843, le duc d'Aumale prit par surprise la «smala» d'Abd-El-Kader faisant trois mille prisonniers (smala : «réunion de tentes abritant les familles et les équipages d'un chef de clan arabe qui l'accompagnent lors de ses déplacements»).
En février 1844, la France mit en place une Direction des Affaires Arabes pour contrôler les bureaux arabes locaux dans les provinces d'Alger, d'Oran et de Constantine avec le dessein de disposer de contacts avec la population autochtone. Fin mai 1844, des troupes marocaines prirent d'assaut les troupes françaises installées dans l'Oranais, mais furent repoussées par le général Lamoricière. Réfugié au Maroc, l'Emir Abd-El-Kader a pu décider le sultan Moulay Abd-El-Rahman d'envoyer une armée à la frontière algéro-marocaine provoquant ainsi des incidents qui, après d'infructueux pourparlers, décida le général Bugeaud de repousser l'armée du sultan marocain qui fut défaite (bataille d'Isly). L'armée marocaine dut se replier en direction de Taza, obligeant le sultan à interdire son territoire à Abd-El-Kader qui finit par se rendre aux spahis (à l'origine, les spahis furent un corps de cavalerie traditionnel du dey d'Alger, d'inspiration ottomane ; lors de la conquête de l'Algérie par la France, ils furent intégrés à l'Armée d'Afrique qui dépendait de l'armée de terre française). L'Emir Abd-El-Kader fut d'abord placé en résidence surveillée durant quatre ans en France (il fut libéré par Napoléon III), puis résida en Syrie jusqu'à la fin de sa vie. C'est ainsi que la Constitution française de 1848 fit de l'Algérie une partie intégrante du territoire français, notamment par l'institution de trois départements français : Alger, Oran et Constantine, les musulmans et les juifs d'Algérie étant considérés des «sujets français» avec le statut d' «indigènes». La résistance continua d'être vive en Kabylie et dans l'oasis des Zaatcha dans l'actuelle wilaya de Biskra. Plus tard, la domination française s'étendit à la Petite Kabylie. Jusqu'en juillet 1857, le la résistance continua dans le Djurdjura avec Lalla Fatma N'Soumer.
Révoltes constantes
A la veille du début de la conquête française, on estimait la population algérienne à trois millions d'habitants. La violente guerre de conquête, notamment entre 1830 et 1872, explique le déclin démographique de près d'un million de personnes. On évoque également les invasions de sauterelles entre 1866 et 1868, les hivers très rigoureux à la même période (ce qui provoqua une grave disette suivie d'épidémies tel le choléra). Pour les Européens d'alors, cette donnée était bénéfique dès lors qu'elle diminuait le déséquilibre démographique entre les «indigènes» et les colons. Ce, outre que le nombre important de constructions détruites avait pour dessein de gommer l'identité d'El Djazaïr. L'objectif était de détruire matériellement et moralement le peuple algérien. Sous Napoléon III, il fut question d'un «royaume arabe» lié à la France avec celui-ci comme souverain. A la même période, on a estimé que quelques deux cent mille colons, français ou européens, possédaient environ sept cent mille hectares. D'un point de vue législatif, il y eut le sénatus-consulte du 14 juillet 1865 inspiré par le Saint-Simonien Ismaël Urbain, ayant trait au statut personnel et la naturalisation de l'«indigène musulman» et de l'«indigène israélite» (voire à la naturalisation des «étrangers qui justifient de trois années de résidence en Algérie», appelés plus tard «pieds noirs»). Force est de constater qu'en décembre 1866, furent créés des conseils municipaux élus par quatre collèges séparés : français, musulmans, juifs et étrangers européens, les Français disposant des deux tiers des sièges.
La révolte de 1871 est considérée comme la plus importante insurrection contre le pouvoir colonial français. Ainsi, plus de deux cent cinquante tribus se soulevèrent (environ un tiers de la population de l'Algérie d'alors). Elle fut menée depuis la Kabylie (les Bibans ou Tiggura) par le cheikh El Mokrani, son frère Boumezrag et le cheikh Haddad (chef de la confrérie des Rahmanya). Après cette révolte, plus de cinq cent mille hectares furent confisqués et attribués aux «émigrés hexagonaux» suite à la défaite française de 1870 face à l'Allemagne. C'est ainsi que de 245.000, le nombre des colons aboutit à plus de 750.000 en 1914. A la même date, le nombre des Djazaïris («indigènes») passa de deux millions à cinq millions. Après la chute de Napoléon III, les tenants de la Troisième République préconisèrent une politique d'assimilation, notamment par la francisation des noms et la suppression des coutumes locales. Le 24 octobre 1870, en vertu des décrets du Gouvernement provisoire, le gouvernement militaire en Algérie céda la place à une administration civile. La nationalité française fut accordée aux Juifs d'Algérie (décret Crémieux) qui furent néanmoins soumis à l'antisémitisme des colons. En accordant aux juifs algériens le même statut que les Français d'Algérie, ce décret divisa les autochtones qui continuèrent de vivre dans une condition de misère accentuée par de nombreuses années de sécheresse et de fléaux. Les biens des insurgés Algériens de 1871 furent confisqués. Ainsi, une loi du 21 juin 1871 attribua quelque cent mille hectares de terres en Algérie aux «migrants d'Alsace-Lorraine».
Et le 26 juillet 1873, fut promulguée la loi Warnier qui eut pour objectif de franciser les terres algériennes. Le 28 juin 1881, fut adopté le code de l'indigénat qui distingua deux catégories de citoyens : les citoyens français et les sujets français («indigènes»). Ces derniers furent soumis au code de l'indigénat qui les priva de leurs libertés et de leurs droits politiques (seul fut conservé le statut personnel, d'origine religieuse ou coutumière).
Lors de la première guerre mondiale, la France mobilisa les habitants des départements français d'Algérie : Musulmans, Juifs et Européens. C'est ainsi que les tirailleurs et spahis musulmans combattirent avec les zouaves (unités françaises d'infanterie légère) européens et juifs d'Algérie. Il semble que près de 48.000 Algériens furent tués sur les champs de bataille lors de la première Guerre mondiale, ayant été de toutes les grandes batailles de l'armée française (notamment à celle de Verdun). Plus tard, en 1930, la célébration par la France du centenaire de la «prise d'Alger» fut ressentie comme une provocation par la population. Le projet de loi Blum-Viollette (Front populaire) pour l'attribution de droits politiques à certains musulmans sera rejeté à l'unanimité lors du congrès d'Alger du 14 janvier 1937. Au cours de la seconde guerre mondiale, plus de 120.000 Algériens furent recrutés par l'armée française. Avec l'occupation allemande (1940-1944), plusieurs centaines de musulmans («Nord-Africains») installés en France furent engagés pour constituer ce qui a été appelé la «Légion nord-africaine». De trois millions en 1880, la population d'El Djazaïr passa à près de dix millions en 1960 pour environ un million d'Européens.
Il semble qu'à la veille du déclenchement de la guerre d'indépendance, «certaines villes sont à majorité musulmane comme Sétif (85 %), Constantine (72 %) ou Mostaganem (67 %)». L'essentiel de la population musulmane était pauvre, vivant sur les terres les moins fertiles. La production agricole augmenta peu entre 1871 et 1948 par rapport au nombre d'habitants, El Djazaïr devant alors importer des produits alimentaires. En 1955, le chômage était important ; un million et demi de personnes était sans emploi (la commune d'Alger aurait compté 120 bidonvilles avec 70 000 habitants en 1953). Dans ce cadre, l'Algérie était composée de trois départements, le pouvoir étant représenté par un gouverneur général nommé par Paris. Une Assemblée algérienne fut créée ; elle était composée de deux collèges de 60 représentants chacun : le premier élu par les Européens et l'élite algérienne de l'époque et le second par le «reste de la population algérienne».
Le Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques en Algérie (MTLD) de Messali Hadj avait alors obtenu une large victoire lors des élections municipales de 1947 ; ce parti devint la cible de la répression des autorités françaises. Il y eut ensuite des fraudes massives lors de l'élection de l'Assemblée algérienne. Il est vrai qu'au début du XXe siècle, les leaders algériens réclamaient alors tantôt le droit à l'égalité, tantôt l'indépendance. C'est ainsi que plusieurs partis furent créés : l'Association des Oulémas musulmans algériens, l'Association de l'Étoile Nord-Africaine, le Parti du Peuple Algérien (PPA), les Amis du Manifeste des Libertés (AML), le Parti communiste algérien (PCA)...
Le 8 mai 1945, prélude à la révolution
Le 8 mai 1945, eurent lieu des manifestations d'Algériens dans plusieurs villes de l'Est du pays (notamment à Sétif, Kherrata et Guelma) ; ce, à la suite de la victoire des Alliés sur le régime nazi. A Sétif, la manifestation tourna à l'émeute. La répression par l'armée française fut des plus brutales provoquant la mort de plusieurs centaines de milliers de morts parmi les Algériens. Cette férocité sans nom eut pour conséquence davantage de radicalisation. Certains historiens ont pu estimer que ces massacres furent le début de la guerre d'Algérie en vue de l'indépendance.
Devant l'inertie des leaders qui continuaient de tergiverser, apparut l'Organisation spéciale (OS) qui eut pour but d'appeler au combat contre le système colonial devenu insupportable. Elle eut pour chefs successifs : Mohamed Belouizdad, Hocine Aït Ahmed et Ahmed Ben Bella. Un Comité révolutionnaire d'unité et d'action (CRUA) fut créé en mars 1954 et le Front de libération nationale (FLN) en octobre 1954. En Algérie, le déclenchement de la guerre de libération nationale est caractérisé comme étant une Révolution (en France, on utilisa le terme de «guerre d'Algérie» après l'avoir désigné comme étant des évènements d'Algérie jusqu'en 1999). L'action armée intervint à l'initiative des «six historiques» : Rabah Bitat, Mostefa Ben Boulaïd, Mourad Didouche, Mohamed Boudiaf, Belkacem Krim et Larbi Ben M'hidi lors de la réunion des 22 cadres du CRUA. La Déclaration du 1er novembre 1954 fut émise depuis Tunis par radio.
La guerre d'Algérie débuta le 1er novembre 1954 avec quelques soixante-dix attentats dans différents endroits d'Algérie. La réponse de la France ne se fit pas attendre ; des mesures policières (arrestations de militants du MTLD), militaires (augmentation des effectifs) et politiques (projet de réformes présenté le 5 janvier 1955). François Mitterrand a pu alors déclarer : «L'Algérie, c'est la France». Il déclencha la répression dans les Aurès ; ce qui n'empêcha pas à l'Armée de libération nationale (ALN) de se développer.
De quelques cinq cent hommes, elle augmenta ses effectifs en quelques mois pour atteindre quinze mille et plus tard plus de quatre cent mille à travers toute l'Algérie. Les massacres du Constantinois des 20 et 21 août 1955, notamment à Skikda (alors Philippeville) constituèrent une étape supplémentaire de la guerre. La même année, l'affaire algérienne fut inscrite à l'ordre du jour à l'Assemblée générale de l'ONU, tandis que plusieurs chefs de l'insurrection de l'armée furent soit emprisonnés, soit tués (Mostefa Ben Boulaïd, Zighoud Youcef...). Des intellectuels français aidèrent le FLN, à l'instar du réseau Jeanson, en collectant et en transportant fonds et faux papiers.
Le 22 octobre 1956, eut lieu le détournement de l'avion qui transportait la Délégation des principaux dirigeants du FLN : Mohamed Khider, Mohamed Boudiaf, Aït Ahmed, Ahmed Ben Bella, Mostefa Lacheraf.
Ce fut là un acte caractérisé de piraterie aérienne. De même, il y eut l'opération d'intoxication de la bleuite (1957-1958) menée par les services secrets français ; le colonel Amirouche Aït Hamouda mit alors en place des purges internes (Wilaya III) qui firent de très nombreux morts dans différentes wilayas. Plus tard, le France déclencha de grandes opérations (plan Challe 1959-1961), les maquis ayant été sans doute affaiblis par ces purges internes.
Ce plan amoindrit davantage les maquis. Arrivé au pouvoir, Charles de Gaulle engagea une lutte contre les éléments de l'Armée de libération nationale algérienne (ALN). Il semblerait que le plan Challe ait entraîné, en quelques mois, la suppression de la moitié du potentiel militaire des wilayas. Les colonels Amirouche Aït Hamouda et Si El Haouès furent tués lors d'un accrochage avec les éléments de l'Armée française. En 1959, à sa sortie de prison, Messali Hadj fut assigné à résidence.
En France, les Algériens organisèrent des manifestations en faveur du FLN. En 1960, le général de Gaulle annonça la tenue du référendum pour l'indépendance de l'Algérie ; certains généraux français tentèrent en vain un putsch en avril 1961. Il n'est pas anodin de rappeler qu'en février 1960, la France coloniale a procédé à un essai nucléaire de grande ampleur dans la région de Reggane (sud algérien). Avec 17 essais nucléaires opérés par la France entre les années 1960 à 1966, il semble que 42.000 Algériens aient trouvé la mort ; des milliers d'autres ont été irradiés et sujets à des pathologies dont notamment des cancers de la peau.
Le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) fut proclamé avec à sa tête Ferhat Abbas. Le colonel Houari Boumediene était alors le chef d'état-major de l'Armée de libération nationale. En 1960, l'ONU annonça le droit à l'autodétermination du peuple algérien. Des pourparlers avec le GPRA furent organisés pour aboutir aux accords d'Évian (18 mars 1962). Ce qui ne mit pas fin aux hostilités puisqu'il y eut une période de violence accrue, notamment de la part de l'OAS. Près d'un million de Français (Pieds-noirs, Harkis et Juifs) quitta l'Algérie entre avril et juin 1962. Le référendum d'autodétermination (1er juillet 1962) confirma les accords d'Évian avec 99,72 % des suffrages exprimés.
Le bilan de cette guerre, en termes de pertes humaines, continue de soulever des controverses des deux côtés de la Méditerranée. Si El Djazaïr se considère avec fierté comme le pays du million et demi de chahids, en France circulent d'autres chiffres qui oscillent entre 250.000 à 300.000 morts. Outre cette comptabilité macabre, bien d'autres sujets continuent de constituer un contentieux entre les deux pays. Il est vrai aussi que la guerre fratricide entre le FLN et le MNA (mouvement de Messali Hadj) fit quelques centaines de morts tant en France qu'en Algérie (notamment à Melouza), outre le nombre de harkis tués après le cessez-le-feu. Ce, sans oublier les luttes pour le pouvoir : d'un côté, le pouvoir civil avec le GPRA présidé par Ferhat Abbas appuyé par les wilayas III et IV, et de l'autre côté le pouvoir militaire (le «clan d'Oujda») et l'«armée des frontières») avec à sa tête Houari Boumediene.
A l'indépendance, El Djazaïr est sortie exsangue des suites de la guerre, des conflits internes et du départ massif des Européens ayant servi d'encadrement durant la période coloniale. L'armée française évacua ses dernières bases en Algérie (enclaves autorisées par les accords d'Évian) : Reggane et Bechar (1967), Mers el-Kébir (1968), Bousfer (1970) et B2-Namous (1978). Ainsi, nonobstant l'indépendance, la France continua d'avoir des bases en Algérie.
Le GPRA de Ferhat Abbas fut évincé par l'ALN au profit d'Ahmed Ben Bella qui fut ainsi le premier président de l'Algérie indépendante du système colonial français. Le FLN devint parti unique et prôna un socialisme à l'algérienne marqué par le populisme et le culte de la personnalité. Et, depuis le coup d'Etat du 19 juin 1965 à ce jour, El Djazaïr ne cesse de s'interroger sur son destin à travers l'Histoire, y compris jusqu'au Hirak dont on peut encore espérer un antidote au pouvoir politique marqué par l'échec de la gérontocratie.
Qu'émerge enfin une nouvelle élite de jeunes, organisés et conscients des enjeux et des défis à relever par El Djazaïr, au-delà des «excuses» de l'ancienne puissance coloniale ! Les gesticulations électoralistes outre-méditérranée ne sauraient faire oublier la barbarie du «système colonial».
Entre la France et l'Algérie, la relation bilatérale a toujours été passionnelle. Des deux côtés de la Méditerranée, les susceptibilités sont à fleur de peau et le nationalisme ombrageux. Depuis 1962, c'est un peu une histoire d'amour-haine ponctuée de crises de nerfs.
Par micheldandelot1 dans Accueil le 16 Octobre 2021 à 08:22
OUI mais,
LES FORCES DU DÉSORDRE
« Ce geste qui me rend si fier m’engage et engage en même temps l’humanité entière »
Les forces du désordre ré-enchantent tous les matins qui précèdent et succèdent au grand soir.
Les forces du désordre réinventent une autre manière de voir et de concevoir l’histoire.
D’où nous viennent ces forces du désordre... souvent anarchiques… toujours anachroniques ?
- De la providence ? Peut-être.
- De la volonté de puissance ? Sans doute.
- De la quête d’un autre sens ? Certainement.
Et ça t’oblige à être désobligeant envers tous les dirigeants, avec ton bras d’honneur, tu leur dis :
« Ce geste qui me rend si fier m’engage et engage en même temps l’humanité entière ».
Dans son livre Le Trauma colonial, Karima Lazali nous plonge dans la période sombre de l’histoire algérienne que fut la colonisation française en analysant ses effets dévastateurs.
Souad, 16 ans, seule survivante d’une famille de dix personnes tuées la nuit du 12 novembre 1996, est consolée par un voisin le 13 novembre à Oued El Alleug, au sud d’Alger (AFP)
Karima Lazali, psychologue clinicienne et psychanalyste exerçant à Paris et à Alger, s’est penchée sur les effets psychiques et politiques de la colonisation en Algérie. Dans son livre Le Trauma colonial, Karima Lazali nous plonge dans une période sombre de l’histoire algérienne qui fut la colonisation française en analysant ses effets dévastateurs. L’effacement, la douleur, la disparition et la destruction sont parmi les traumas d’un passé qui déchire encore le présent de l’Algérie et même son avenir.
Middle East Eye : Comment est née cette enquête ?
Karima Lazali : Ce travail est né des difficultés que je rencontrais dans ma pratique de la psychanalyse à Alger, constatant que de nombreuses femmes et de nombreux hommes étaient empêchés de se libérer subjectivement. Les symptômes récurrents indiquaient un mal-être qui excédait la personne en tant que telle : sentiments d’abattement, d’asphyxie, d’immobilisation, d’inertie, liés en grande partie au fait de se vivre interdit d’être soi.
La parole et la pensée étaient sous la surveillance quasi permanente des censures internes sans que la personne porteuse de ces interdits ne puisse s’en rendre compte. De cela découlait un embarras dans ce que je proposais, les instruments habituels de l’analyse étaient insuffisants pour rendre compte et surtout traiter ce que chaque personne portait en elle, à savoir un collectif très atteint et abîmé qui était hébergé par chaque individu.
La libération subjective peinait à se produire et lorsque cela avait lieu, la personne se sentait en porte-à-faux avec le collectif. En effet, la libération de la personne mène à ne plus pouvoir obéir aux injonctions politiques consistant à se maintenir dans l’interdit d’être soi-même, c’est-à-dire un être de désir singulier qui peut contrarier et mettre en péril le projet d’une société homogénéisée par la morale religieuse, le silence sur la guerre intérieure…
Par conséquent, c’est en m’interrogeant patiemment sur ces entraves clairement construites par le politique, le social, le familial, la morale religieuse, que peu à peu, ces interrogations se sont transformées en enquête.
Il y eut une longue histoire de destruction du collectif en Algérie
Dans un premier temps, je pensais que ces situations d’accablement subjectif faisaient partie des incidences de la guerre intérieure (1990-2000) et du fait que lui soit refusé encore à ce jour un véritable travail mémoriel, subjectif, historique, social, anthropologique et plus politique.
Or finalement, ce premier constat ne rendait pas assez compte de ce qui s’était transmis et véhiculé sur plusieurs générations. Voilà comment a commencé l’enquête qui adonné lieu à ce livre.
Je suis donc entrée dans l’histoire par le biais de l’actuel et du contemporain pour aller à la recherche de ce qui s’est vécu au fil des générations mais qui est resté hors des récits et des mémoires. Dit autrement, quelque chose de la destruction s’est inscrit mais en « blanc », il est donc difficile de le relater, de le situer et de l’identifier en tant que tel.
En réalité, il y eut une longue histoire de destruction du collectif en Algérie qui a commencé dès les débuts de la conquête française du territoire et qui n’a pas cessé, avec et malgré l’indépendance. Cette situation a fortement impacté les subjectivités mais aussi la structure du pouvoir politique dès son émergence.
MEE : Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées dans votre pratique en France et en Algérie sur la question du colonialisme ?
KL : En Algérie et en France, les individus, tout comme le politique, sont aux prises avec un trouble de l’inscription mémorielle. La mémoire de l’histoire coloniale est en permanence agissante et pourtant brouillée, à tel point qu’elle rend difficile les véritables questions concernant les responsabilités des uns et des autres et la manière dont les héritiers ici et là de cette histoire peuvent commencer un travail d’appropriation et d’interprétations diverses de cette histoire.
Les historiens ont accompli un immense travail et malgré cela, ces travaux sont confisqués en Algérie et en France par le politique. L’histoire perd son autonomie sur la question coloniale. Ce qui fait qu’elle ne permet pas de transformer les mentalités, les discours et les pratiques.
Pour être plus claire, la colonialité en Algérie s’est construite sur un projet d’effacement qui au départ s’adressait aux « indigènes » : effacement des meurtres de masse, effacement de la confiscation féroce des biens et des terres et enfin plus grave, effacement des généalogies pour les Algériens musulmans.
Cet effacement qui est une constante du projet colonial perdure encore à ce jour et il s’est répandu de part et d’autre sur la masse coloniale, qu’il s’agisse des ex-colonisés ou des ex-colons.
Il s’agit bien d’entendre que le politique tente en permanence de délivrer à ses populations une version officielle de l’histoire, plutôt positive : en Algérie par la glorification des martyrs et autres combattants ; en France par un glissement permanent où il s’agirait de capitaliser les bienfaits de la colonisation, que cela soit à travers le projet de loi sur les effets positifs de la colonisation, ou bien à travers la manière dont l’enseignement de cette histoire est grandement amputé afin que jamais la population française d’origine ne puisse entrer en contact avec sa propre histoire et se poser des questions sur ce qui se transmet de blanc et de silence dans les familles qui étaient durant la colonialité désignées du terme d’Européens.
Les patients français que je reçois en France sont aux prises avec de la douleur, de la honte et de l’incompréhension sur ce que leurs grands-parents ont vécu, sans que cette histoire ait pu leur être transmise.
À défaut de parole et de travail de mémoire, grand est le risque que pour certains, ils basculent dans l’idée d’une monstruosité de leurs ascendants sans pouvoir ni en parler, ni comprendre dans quels mythe et idéologie politiques se sont faites les premières arrivées d’Européens en Algérie.
En Algérie, les patients sont pris dans une autre histoire : à force de glorification et d’une vision totalisante et binaire de l’histoire, les singularités et les diversités des positionnements dans les familles sont complètement écrasées.
Dans les deux sociétés, les individus sont en lutte avec ce que je nomme un brouillage mémoriel qui se transmet de génération en génération. L’actualité de la ségrégation dans la société française est aussi en partie liée à ce brouillage.
À ce jour encore, d’obscures forces poussent à ce que la colonialité, dans son fonctionnement cruel et antirépublicain, relève encore du non-lieu. Tout se passe en France comme si ce qui s’était produit n’avait pas existé.
La mémoire est piégée entre le déni et le désaveu. Le premier tente de poursuivre un effacement des traces du crime. Quant au second, le désaveu, il est de plus en plus fréquent dans les discours singuliers et politiques : en réalité, il consiste à reconnaître ce qui s’est passé pour aussitôt y revenir en l’annulant.
D’obscures forces poussent à ce que la colonialité, dans son fonctionnement cruel et antirépublicain, relève encore du non-lieu
MEE :Vous évoquez souvent la douleur dans votre livre. La douleur, est-ce le sentiment qui caractérise le plus le trauma colonial ?
KL : Oui, il s’agit d’une douleur corporelle liée à ce qui de la mémoire a été amputée et continue de l’être. Il arrive très souvent que pour éviter cette douleur s’impose un terrible silence. Un silence lourd et difficile à déchiffrer.
En effet, lorsque nous avons affaire à un effacement de l’histoire, alors ce sont les corps réels qui se mettent à archiver ce qui est refusé des récits. En ce qui concerne mon travail à Alger, j’ai pu accéder à cette douleur grâce à la littérature algérienne de langue française qui constitue un témoignage extraordinaire sur la spécificité de cette douleur corporelle où manque l’inscription psychique dans les subjectivités par le biais des récits.
La littérature permet de retrouver du récit concernant cette douleur de l’amputation. Pour le dire brièvement, la douleur est accompagnée d’un profond sentiment de honte d’exister et d’un ressenti d’offense très vivace.
Remarquons que c’est là ce qui caractérise le mieux ce trauma colonial. Ces sentiments sont pleinement partagés des deux côtés. Nous retrouvons là le fonctionnement de la colonialité par le clivage et la binarité. La douleur, la honte d’exister et l’offense n’ont cessé d’être vécues par les Algériens et cela reste actuel.
Cependant, nous parlons plus rarement du fait que ces sentiments sont aussi très vivaces côté européen, que cela soit reconnu et admis ou désavoué. Les départs d’Algérie ont été offensants et très douloureux.
L’idée la plus répandue consiste à penser que cette offense a été liée à l’indépendance. C’est en partie juste. Mais un autre fait important est très souvent tu. Ces Européens devenus « pieds-noirs » ont été trahis par ce que la colonialité leur avait garanti et promis. Le mythe de l’éternité du territoire conquis s’est révélé n’être que tromperie et mensonge alors qu’ils y étaient, pour beaucoup, depuis de très nombreuses générations.
Les juifs d’Algérie, à leurs dépens, ont aussi vécu une situation encore plus catastrophique, devenant apatrides d’ancestralité. Je peux donc dire que douleur, offense et honte d’exister sont les effets subjectifs laissés par la trahison coloniale. Ils concernent tous les membres de la colonialité. La population harkie a connu cela de manière encore plus paroxystique car s’y sont ajoutés de part et d’autre le rejet et la ségrégation sur déjà trois à quatre générations.
MEE : Vous expliquez qu’une des conséquences du colonialisme est bien l’effacement, vous soulignez notamment « la disparition du père comme référent symbolique ».
KL : L’Algérie a été une colonie de peuplement. Ce qui signifie que le projet d’expansion consistait à pleinement occuper le territoire aussi en inversant le nombre de naissances d’Européens par rapport au nombre de naissances des « indigènes ».
Il fallait selon le terme d’Alexis de Tocqueville « comprimer la masse arabe » sur le plan réel, mais aussi anéantir ce qui rappelait l’antériorité de l’occupation française en détruisant les fondations symboliques du vivre ensemble et tout ce qui ordonnait la société traditionnelle.
Le code de l’indigénat a entrainé la perte de l’ancrage et des référents généalogiques. Les Algériens ont été renommés et il est plus juste de dire qu’ils ont été a-nommés car cela s’est produit sans référence avec la généalogie familiale, l’Histoire et la terre, comme cela était le cas dans le système usuel traditionnel.
Le but de l’administration française était de casser le régime de propriété collective pour faciliter les expropriations de terre et aussi en attribuant aléatoirement des noms pour contrôler la population car ils s’y perdaient dans le système de nomination traditionnel qui fonctionne en situant l’individu par rapport à son père : vous êtes fils/ fille de tel père, lui-même fils de tel autre père, lui-même fils de tel père, etc.
La colonialité s’est instituée sur plusieurs effacements : effacement de l’histoire du territoire, effacement des généalogies et effacement des crimes. Les enfumades, les meurtres de masse destituant les morts de leurs noms, reposaient sur la fabrique d’une masse anonyme « d’indigènes » à abattre et à réduire pour installer dans la durée la francisation du territoire.
Les enfumades, les meurtres de masse destituant les morts de leurs noms, reposaient sur la fabrique d’une masse anonyme « d’indigènes » à abattre et à réduire
« L’indigène » relevait du statut d’exception, il était éjecté de toute participation politique et de ce fait, comptait au rang d’objet déchet de la République, ceci à partir de la IIIème République.
Nous voyons bien là comment les vivants et les morts ne comptaient pas pareillement selon qu’ils disposaient ou non de l’exercice de la citoyenneté. Côté français, de tout temps, chaque assassinat était une offense faite à la République qui devait être sévèrement punie, alors que côté « indigène », la masse innombrable de morts sans nom était une arme d’expansion.
Pour accéder à une pleine prise du territoire géographique, mental, social et politique, la colonialité a pratiqué la disparition des pères et la destruction du lien tribal. Le fratricide a été largement utilisé comme une arme de guerre puisqu’il permettait l’élimination de l’indigène dans l’entre-soi.
Ce qui avait l’avantage d’effacer les traces de responsabilité. La pratique de la disparition a été une constante de la politique coloniale. Durant la guerre de libération, elle se poursuivra et atteindra également les « Européens » pro-indépendance.
C’est de cela dont témoigne l’affaire Maurice Audin. Constatons qu’il a fallu près de 60 ans pour que la République Française par le biais de son président reconnaisse cette pratique de la torture et de la disparition sur ses citoyens au motif ils menaçaient la politique coloniale.
La pratique de la disparition vise l’effacement des traces du crime. Là est le véritable trauma colonial, trauma lié à l’effacement de ce qui a eu lieu, laissant les individus se débattre dans un blanc de mémoire. Morts et vivants dans ce contexte comptent comme masse à comprimer, pour reprendre la forme de Tocqueville.
MEE : Comment la littérature algérienne francophone a contribué à la renaissance de cette identité « effacée », « confisquée » par le colonisateur ?
KL : La littérature algérienne est née d’un refus de l’asservissement et du meurtre colonial. Elle constitue aussi un véritable témoignage et une mise en récit de ce qui s'est déroulé dans la colonialité comme crime et dessaisissement de la dimension humaine des individus.
D’emblée, cette littérature est animée par le souci de se constituer comme lieu d’archivage et de pensée pour ce qui était pris dans l’effacement. Nous pouvons dire que cette littérature a produit des récits pour les générations à venir afin qu’elles puissent, au sens plein, penser et panser cette histoire.
Entrer dans un travail de la langue et mettre en marche la possibilité de faire quelque chose de cette histoire qui porte de l’invention et de la création et non une glorification à l’infini des martyrs.
Reconnaître enfin les crimes de la colonisation française
Cette littérature a donc été un véritable remède pour l’individu et pour le collectif. Remarquons que jusqu’à ce jour, les écrivains algériens continuent à se situer dans cette lignée-là de refus de toute forme d’asservissement politique, idéologique, historique, etc. Hélas, il est peu tenu compte de cette dimension remarquable de leurs productions.
MEE : Aujourd’hui, dans certains débats en France, la focalisation est passée de l’Algérien au musulman, quel rôle joue le trauma colonial dans cette vision ?
KL : Les « indigènes » étaient aussi nommés « sujets français » ou « Français musulmans ». Vous voyez donc que ces termes disposent d’une très longue histoire en France.
Si vous ne le savez pas, rien ne vous permet d’entendre cette implacable continuation de la colonialité dans la société française actuelle. Mais imaginez la violence que ces termes produisent pour des individus qui ont l’impression que leur religion les met en position de sous-citoyenneté dans la société actuelle alors que cela a été le cas pour leurs ascendants colonisés.
Il est important de savoir que la religion était dans la colonialité un élément de citoyenneté discriminant. Les débats actuels sur la compatibilitéde l’islam et de la République sont anciens et étaient déjà au cœur de la colonialité. Ajoutons à cela que malgré le temps qui passe, le discours politique reste inchangé.
La question du voile dans notre actualité est aussi un élément ancien du discours politique. La volonté de dévoiler les femmes dans la colonialité était présentée comme une victoire de l’expansion coloniale. Frantz Fanon en parle déjà en 1957 dans L’An V de la Révolution algérienne.
Ajoutons à cela que le terme d’intégration a été très largement utilisé dans les années 1940 au moment où le politique français cherchait à détourner l’imminence de la revendication d’indépendance. Il y a eu à un moment le projet d’attribuer la pleine citoyenneté aux Algériens afin de les dissuader de mener une révolution.
La religion était dans la colonialité un élément de citoyenneté discriminant
MEE : Le nationalisme algérien joue toujours le rôle de l’épouvantail dans l’imaginaire français. Cette manifestation de « l’identité » algérienne en France, comme les drapeaux algériens affichés dans les stades, le fait de porter les couleurs de l’Algérie, est devenue l’objet d’une polémique. Manifester cette « identité » ou cette appartenance à l’Algérie est-il un trauma colonial ?
KL : Oui, ces manifestations s’apparentent à une résurgence quasi fantomatique du trauma colonial qui très souvent vise deux choses : premièrement, prendre place dans l’espace public en faisant de l’Algérie une sorte de résurgence spectrale pour la société française. De l’inoubliable qui vient se rappeler aux bons souvenirs de la République.
Il arrive que cela se fasse dans la violence, à la mesure de ce qu’a été l’histoire franco-algérienne. Deuxièmement, ces apparitions viennent comme un refus de l’effacement de cette histoire dans les discours et les pratiques en France. Pour être plus précise, en France l’histoire coloniale est soit frappée de déni, soit de désaveu (c’est-à-dire reconnue et annulée aussitôt).
Il suffit de se pencher sur la manière dont l’enseignement de cet épisode de l’histoire est mis sous contrôle dans la hantise que cela mène les « jeunes de banlieue » à se révolter. Or, c’est l’inverse qui pourrait se produire : le fait d’avoir l’impression d’être reconnus dans leur histoire, même si elle a été violente, et que les discours aident ces jeunes à élaborer du récit là où leurs parents n’ont pas pu en transmettre pour cause de brouillage mémoriel, pourrait fabriquer un sursaut de citoyenneté pour ces jeunes, évitant ainsi de vivre l’hymne et le drapeau national comme une offense.
Ces jeunes reconnus pourraient se mettre, de leur place d’héritiers au même titre que tous les autres Français, qui sont aussi héritiers de cette histoire, à participer activement à l’écriture d’une nouvelle histoire qui porte un rapport tranquille à l’altérité et à la différence.
MEE :En 2019, nous parlons encore de traumatisme colonial alors que le traumatisme suite à la guerre civile l’a dépassé. Certains disent qu’il faudrait dépasser le conflit colonial pour mieux résoudre les conflits entre Algériens eux-mêmes...
KL : Bien entendu que rester figé à cette histoire est source d’une immobilisation et d’un désœuvrement certains. Cependant, le traitement de l’histoire ne peut relever de l’injonction à la dépasser.
Pour dépasser quelque chose encore faut-il savoir ce qui s'est produit, quelles en sont les séquelles et comment des pans entiers de cette histoire coloniale continuent à orienter les discours, les pratiques et les imaginaires des sociétés algérienne et française.
Le rapport de Benjamin Stora sur la colonisation et la guerre d’Algérie peine à dissimuler le véritable enjeu pour le président Macron : une réconciliation franco-française.
Le vœu du général de Gaulle en 1958 (sur cette photo, à Alger) : « Tous Français, de Dunkerque à Tamanrasset » (AFP)
Comme Benjamin Stora, je fais partie d’une espèce en voie de disparition : la dernière génération de celles et ceux qui ont vécu leur enfance dans ce que l’on nommait alors les départements français d’Algérie. Qu’ils soient issus du côté des Européens ou de celui des indigènes, pour employer le vocabulaire de cette époque. Après l’extinction de cette génération, la mémoire de cette période ne sera plus jamais orale mais uniquement documentaire.
Je me suis donc lancé avec intérêt dans la lecture du rapport de l’historien Benjamin Stora sur les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie.
Son commanditaire, Emmanuel Macron, actuel président de la République française, est né en 1977. Quinze ans après la proclamation de l’indépendance de l’Algérie. C’est le premier chef de l’État français à n’avoir pas vécu durant la « guerre de libération nationale » (1954-62).
Des Algériens arrêtés lors d’une opération militaire dans la région de Tablat et Bir Rabalou (centre du pays), le 21 avril 1956 en Algérie (AFP)
France-Algérie : Paris promet des « actes symboliques », mais il n’y aura « ni repentance ni excuses »
J’aurais pu me dire que cette particularité lui avait fait ressentir le besoin de s’informer auprès d’un historien afin d’être guidé dans ses relations avec la République algérienne démocratique et populaire. Le fait qu’il ait donné à cette consultation d’un historien un caractère public et largement médiatisé m’incite à me demander s’il ne s’agit pas plutôt d’une démarche ayant une finalité électoraliste franco-française.
Comment inciter les électeurs nationalistes et nostalgiques de l’Algérie française à voter pour lui sans pour autant s’aliéner les suffrages de ceux qui condamnent le passé colonial de leur pays ?
Comment s’attirer les voix des quelque quatre millions de « Français musulmans » tout en ménageant les sentiments des « Français de souche » qui ne voient en l’islam qu’un vivier de terroristes ?
La lecture des 160 pages du rapport aurait tendance à me faire pencher en faveur de l’hypothèse politicienne. Sans accuser leur auteur d’être un sous-marin macroniste, il ne m’en apparaît pas moins que la construction qu’il a adoptée et surtout ses préconisations ne peuvent que satisfaire les objectifs de son commanditaire.
La délicate question des « excuses » habilement écartée
Le retour sur l’histoire de la colonisation de l’Algérie dans le rapport est si bien équilibré entre les récits qu’en ont donné les historiens français (Benjamin Stora fait abondamment référence à ses propres œuvres) et algériens qu’il pourrait aisément servir de trame à un discours du président français qui serait prononcé à l’occasion d’une rencontre officielle avec son homologue algérien.
« Dans sa lettre de mission qu’il m’avait adressée, le président Emmanuel Macron indiquait vouloir s’inscrire dans une volonté nouvelle de réconciliation des peuples français et algérien », écrit Benjamin Stora.
Raphaëlle Branche : « J’essaie de regarder le passé colonial comme quelque chose qui nous constitue collectivement »
La délicate question des « excuses » demandées par l’Algérie est habilement écartée par l’historien au profit de l’élaboration d’un potentiel traité diplomatique « Mémoires et vérité » entre les deux pays. Afin de parvenir à cet objectif qui mettrait enfin un point final à un passé commun et conflictuel de plus de 130 ans, Benjamin Stora suggère de nombreux « gestes politiques et symboliques »venant des deux anciens protagonistes.
Du côté algérien, il suffirait de faciliter les visites des harkis et de leurs familles, de préserver les cimetières européens et juifs et d’organiser un échange d’historiens.
Du côté français, les suggestions sont bien plus nombreuses. Au point de faire ressembler leur liste à l’inventaire de la verroterie que les colons offraient aux indigènes pour les amadouer.
Dans le colis figureraient, entre autres merveilles, un canon enlevé lors de la prise d’Alger et installé à Brest, l’épée de l’émir Abdelkader ainsi que les corps de sa famille enterrés à Amboise, où serait construite une stèle commémorant leur détention. Sans oublier les squelettes des combattants algériens du XIXe siècle conservés au Museum d’histoire naturelle de Paris, la liste des lieux sahariens où la France a enfoui les déchets radioactifs provenant de ses essais nucléaires et l’emplacement des corps des condamnés à mort guillotinés durant la guerre.
Sur son territoire, la France transformerait en lieu de mémoire un des camps où furent enfermés des moudjahidine (anciens combattants algériens), donnerait à des rues le nom de militants indépendantistes français et ferait entrer au Panthéon l’avocate Gisèle Halimi, qui défendit nombre de militantes et militants du Front de libération nationale (FLN).
Il serait injuste d’omettre dans la liste de ces préconisations celles qui relèvent de l’Histoire et non des commémorations qui plaisent tant à Emmanuel Macron. En l’occurrence, un travail d’investigation historique commun avec les Algériens sur les archives écrites, filmées ou sonores détenues par la France.
« Une réconciliation mémorielle entre la France et l’Algérie », enseigne Benjamin Stora à son commanditaire, « passe par une circulation des images, des représentations réciproques, des découvertes mutuelles. »Dans ce domaine qui est le sien, l’auteur du rapport pose des questions pertinentes et fait des suggestions qui, si elles ne sont pas nouvelles, faciliteraient en particulier l’accès aux archives encore couvertes par le « secret défense ».
Une préconisation, la toute première de la liste, est pourtant à ma connaissance inédite : la création d’une commission intitulée Mémoires et vérité « chargée d’impulser des initiatives communes entre la France et l’Algérie sur les questions de mémoires ».
« La réussite du métissage, un enjeu majeur »
Si Benjamin Stora cite les noms de quelques personnalités qui pourraient en faire partie, il n’évoque pas l’identité du secrétaire général de cet organisme qui, précise-t-il, « sera chargé d’assurer la mise en œuvre et le suivi des décisions prises par cette commission ».Il est trop modeste. Qui mieux que lui, en effet, pourrait assumer cette difficile mission ?
L’historien devenu conseiller occasionnel du président de la République revient à son métier en rêvant à la rédaction d’un « récit commun franco-algérien acceptable par tous ».Non sans avoir noté qu’« à cause de la fabrication de cet imaginaire nationaliste si puissant et si différent, il est difficile d’envisager la mise en œuvre d’un manuel scolaire franco-algérien, capable de produire un récit commun ».
Karima Lazali : « La colonialité en Algérie s’est construite sur un projet d’effacement »
La lecture de ces lignes m’a remis en mémoire le manuel d’Histoire de France et d’Algérie que j’étudiais à l’école Vétillard de Sétif lorsque j’avais une dizaine d’années.
Page de gauche (France) : « Les Gaulois étaient grands et forts. C’étaient de gros mangeurs et de bons buveurs […] Ils savaient déjà cultiver la vigne et les céréales. Ils élevaient des porcs dont ils mangeaient la viande. »
Page de droite (Algérie) : « Il y a 2 300 ans, l’Algérie était peuplée d’hommes très ignorants qui s’appelaient les Berbères. Ils vivaient pauvrement à l’intérieur du pays. Ils habitaient des huttes en pierres sèches ou en branchages. »
Un message clair à l’intention des écoliers « européens » et à ceux des « indigènes » qui avaient le privilège de suivre les cours de l’école française.
« Le métissage [le vivre ensemble] a échoué dans l’Algérie coloniale », constate l’historien Benjamin Stora. « Mais dans la France d’aujourd’hui, ajoute le conseiller du président, sa réussite est un enjeu majeur. »
Le vœu du général de Gaulle en 1958 : « Tous Français, de Dunkerque à Tamanrasset » revisité en : « Tous Français, de Dunkerque à Bonifacio ».
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.
Mercredi 3 février 2021 - 08:13 |
Francis Zamponi
Francis Zamponi est né à Constantine (Algérie) le 8 avril 1947 d’un père policier corse et d’une mère institutrice pied-noir. Il vit en Algérie jusqu’à l’âge de 11 ans. En 1975, il débute une carrière de journaliste à l’agence de presse Fotolib. En 1988, il commence à travailler au service Société de Libération. Depuis 1996, il vit à Montpellier, où il est journaliste honoraire et écrivain. Il est l’auteur de plusieurs romans, dont Mon colonel (Actes Sud, 1999. Adapté pour le cinéma par Costa-Gavras et Jean-Claude Grumberg. Mis en scène par Laurent Herbiet en 2006), In nomine patris (Actes Sud, 2000), Le Don du sang (Actes Sud, 2001, Actes Sud-Babel junior, 2008) et, enfin, Le Boucher de Guelma (Seuil, 2007). Il est également l’auteur d’une série radiophonique pour Radio France, en 2002, De Dunkerque à Tamanrasset.
Par Jacques Myard, membre honoraire du Parlement et maire de Maisons-Lafitte
C’est avec une certaine stupéfaction que nous avons pris connaissance des propos du président de la République sur l’Algérie et ceux en réaction au discours du Premier ministre malien à la tribune de l’ONU.
Le 30 septembre dernier, devant des « petits-enfants » de la guerre d’Algérie réunis à l’Élysée, Emmanuel Macron dénonce le discours des autorités algériennes qui « repose sur la haine de la France », il accuse une propagande portée par les Turcs qui réécrit l’Histoire et, surtout, il s’interroge sur la nation algérienne : « Est-ce qu’il y avait une nation algérienne avant la colonisation française ? » Il poursuit en pointant la Turquie qui fait oublier le rôle de colonisateur qu’elle a joué en Algérie. Quant au système algérien, il le juge « fatigué ».
Des déclarations mises au point pour être divulguées
On pourrait croire que ces propos bien peu diplomatiques, pour ne pas dire « cash » et brutaux, n’étaient pas destinés à être divulgués. Eh bien, non ! On apprend, par un article du Monde renseigné aux meilleures sources, que les déclarations du Président avaient été mises au point avec précision afin qu’elles soient divulguées, bref, qu’elles aient l’impact maximal. La cible a été atteinte, le gouvernement algérien est furieux et prend des mesures de rétorsion.
Après l’Algérie, le Mali. À peine le Premier ministre malien est-il descendu de la tribune de l’Assemblée générale de l’ONU qu’Emmanuel Macron fustige ses déclarations et le voue sans appel et publiquement aux gémonies antidémocratiques. Mais les initiatives iconoclastes ne se limitent pas à des commentaires persifleurs, il vient de réinventer le traditionnel sommet France-Afrique sans inviter les chefs d’État africains ; et il le fait savoir, conseillé par un nouveau gourou contempteur de la Françafrique, le politologue Achille Mbembe.
Il propose de remplacer le sommet de chefs d’État par des tables rondes de la société civile française et africaine qui pourront ainsi réinventer tout à loisir l’Afrique en dénonçant les affreux colonialistes et, surtout, en mettant en porte-à-faux les chefs d’État africains qui vont remercier la France : beau gâchis en perspective ! Il se propose, enfin, de remplacer les sommets France-Afrique par des sommets Europe-Afrique, ainsi nos intérêts seront-ils mieux défendus par Bruxelles et l’Allemagne…
De l’huile sur le feu
Est-ce le rôle du président de la République de se lancer dans des interrogations historiques sur l’existence réelle de la nation algérienne avant la colonisation ou de traiter publiquement le régime algérien de « régime fatigué » ? Est-ce le rôle du président de la République de répondre par un « smash » au Premier ministre malien ? En d’autres termes, est-ce le rôle du Président de jeter de l’huile sur le feu ?
Sur le fond, Emmanuel Macron n’a pas tort dans les reproches qu’il adresse à l’Algérie, il a même raison ; il en va de même pour ses commentaires sur le Premier ministre malien. Mais dans l’ordre international, Emmanuel Macron agit en amateur et même en incendiaire ; loin de calmer le jeu, il l’aggrave au détriment de nos intérêts, sans possibilité de trouver de solution à brève échéance en raison du paroxysme des tensions qu’il provoque. Dans l’ordre international, les chefs d’État constituent le sommet des relations internationales, il n’y a rien au-dessus d’eux pour rattraper, corriger leurs fautes et éviter l’affrontement. Évincer les chefs d’État des réunions diplomatiques pour les organiser autour de palabres estudiantins est-il un grand pas en avant sur la compréhension du monde ? Bel amateurisme !
Les bouches de canons du roi de France portaient une devise célèbre et fort instructive : Ultima ratio regum (« La force est le dernier argument des rois »). Emmanuel Macron devrait la méditer car c’est toujours dans cet adage que s’inscrit la géostratégie mondiale, loin, très loin de ses utopies et de ses commentaires oiseux qui nous brouillent avec l’Afrique !
La réponse à cette question ne souffre d'aucun doute pour l'ancien ministre du Travail de la République Algérienne Démocratique et Populaire, qui a qualifié la France « d'ennemi éternel et traditionnel » le 7 avril 2021 lors d'une question parlementaire sur le déficit actuel de la Caisse de retraite algérienne.
Un vrai vent de franchise et de courage qui tranche avec la langue de bois dont usent tous les responsables algériens depuis la disparition de Boumediène et la soumission frisant la servilité qu'ils ont adoptée devant l'ancien colonisateur. C'est peut-être pour cela que son expression a suscité cette incroyable levée de boucliers en France et aussi, bizarrement, en Algérie où on lui a reproché d'avoir fait intrusion dans un domaine qui n'était pas celui de ses compétences ministérielles. Comme si, lorsqu'on on est ministre, on devait se départir de ses convictions et même de ses attributs d'homme et de citoyen !
Définitions
Selon le dictionnaire " Le Robert ", l'amitié est un sentiment réciproque d'affection et de sympathie qui ne se fonde ni sur les liens du sang, ni sur l'attrait sexuel. Quand il s'agit de relations entre pays ou entre collectivités, " Le Larousse ", définit l'amitié comme " des relations fondées sur une bonne entente ", au contraire de l'ennemi entre nations, celui à qui on s'oppose constamment.
A la lecture de ces définitions données par les références mêmes de la langue française, il est évident que, sans parler d'éternité, la France n'a jamais été une amie de l'Algérie à n'importe quel moment de l'Histoire et de quelque manière que ce soit. Et surtout après l'indépendance algérienne, tout en minimisant l'ampleur de sa défaite et sa piteuse débâcle, cherchant même à les transformer en acte volontaire conforme au " courant de l'Histoire ", avatar français du fameux " déterminisme historique " marxiste.
Jusqu'à nos jours, la France n'a jamais donné sa voix à une seule initiative menée par l'Algérie indépendante dans le cadre de ses activités diplomatiques et de sa participation dans les instances internationales. Elle a toujours voté contre et, dans les cas où c'était incompréhensible, sinon indécent de voter contre, elle s'abstenait.
Aux origines de cette hostilité
L'Histoire nous dit que tout cela a commencé il y a bientôt 1000 ans, en novembre 1095 plus exactement, après le concile de Clermont mené sous la houlette du pape français Urbain II, et au cours duquel la religion chrétienne subit la plus profonde métamorphose de son histoire : son passage d'une religion de paix et de fraternité en la religion la plus belliqueuse, la plus violente et la plus cupide de toutes les religions monothéistes.
C'est là que fut initiée et lancée, sous couvert de l'alibi religieux, la plus grande agression impérialiste jamais menée contre le monde arabo-musulman par l'Occident chrétien : les Croisades. Le concile de Clermont, par la voix du pape Urbain II, dit " Le Bienheureux ", a transformé la religion chrétienne, cette religion dont la devise était " Tu ne tueras point ", en une religion qui autorisait et poussait ses adeptes à tuer en son nom ; et même de bénéficier des récompenses divines pour avoir tué d'autres humains qui ne partageaient pas leur foi, les Musulmans en l'occurrence. Les Croisades seront le précurseur de l'autre génocide planétaire, celui des peuples amérindiens, toujours mené sous l'égide de la " vraie religion " et son corolaire, l'or et l'argent. Les Croisades durèrent deux siècles et se terminèrent officiellement en 1270 après la mort peu glorieuse du roi de France Louis IX, dit " Saint-Louis ", (dont les Francs ramenèrent le squelette, démembré après avoir bouilli le corps pour le débarrasser des parties putrescibles afin de résister aux aléas du transport et éviter ainsi qu'il ne soit enterré en terre d'Islam), même si deux autres expéditions furent mises sur pied ultérieurement et qui firent long feu. Et, convenons-en, même si elle revêt d'autres formes, la série est actuellement toujours en cours avec les drames irakiens, libyens, syriens, afghans, yéménites, l'agression continue contre l'Iran et les catastrophes annoncées au Mali, Burkina-Faso, Tchad et Niger et, bien sûr, le drame palestinien dans lequel la France est, proportionnellement à sa taille et à sa population de confession hébraïque, le premier soutien mondial de l'Entité sioniste, tant sur le plan diplomatique, technique ou financier, que sur celui de la fourniture de conscrits au service de l'entreprise génocidaire que le monstre sioniste mène contre le peuple palestinien. Ces croisades, même si elles ont bénéficié d'une participation européenne, ont, en réalité, toujours eu pour principal maître d'œuvre le royaume des Francs. Et, d'ailleurs, les Musulmans ne se sont jamais trompés sur l'identité réelle de leurs agresseurs qu'ils ont toujours nommés " al Franj ", " les Francs ".
Pierre, tout comme Aïssa (Jésus), était palestinien, Paul et Jean étaient syriens, Constantin était romain, Augustin était algérien et Clovis, le premier roi de France chrétien ne s'est converti au christianisme qu'au début du VIème siècle, soit plus de 500 ans après la mort du christ, mais c'est la France qui se proclame jusqu'à ce jour " fille aînée de l'Eglise " et défenseuse d'une religion venue d'autres lieux, appartenant à d'autres peuples et à l'émergence de laquelle elle n'a que très peu contribué. Cela semble anecdotique et incroyable aujourd'hui mais la " défense " de la religion catholique face à la montée en puissance de l'Islam et la lutte implacable et sans merci que mène le monde occidental chrétien depuis des siècles contre l'émergence d'un Etat arabe ou musulman puissant, n'importe où qu'il soit dans le monde, et surtout au sud de la Méditerranée, reste un des moteurs principaux de la politique extérieure actuelle de la France et d'une partie du monde occidental chrétien et, certainement, pour longtemps encore. Mais cette persistance et ces réminiscences du passé ne peuvent expliquer à elles seules toute l'hostilité que la France a toujours manifestée à l'encontre de l'Algérie indépendante. Et les explications simplistes, naïves, voire infantiles, avancées par l'Algérie officielle à propos de l'existence d'un lobby pied-noir revanchard et nostalgique du paradis perdu qui imposerait ses quatre volontés à la France, cet Etat puissant, centralisé et jacobin, disposant d'une administration et de forces de sécurité hors du commun, dans ses relations avec un pays majeur, ne tiennent pas la route à notre époque. En fait, les enjeux sont ailleurs.
Pour comprendre les enjeux
Sur le plan historique, notre pays a constitué depuis des siècles une cible privilégiée pour la France, comme pour d'autres puissances en désir d'hégémonie, parce qu'il est le mieux doté par la nature de ce côté-ci de la Méditerranée, disposant de très grands espaces regorgeant de ressources et, surtout, défendu depuis des millénaires par son propre peuple, quel que soit le nom que les uns et les autres lui ont donné. Sans négliger les motivations religieuses avec leur désir aussi féroce qu'insensé de faire revenir à la foi chrétienne ce rivage sud de la Méditerranée, cette patrie de Saint Augustin, le père de l'Eglise latine dont la France nous envie tant la paternité jusqu'à nous la dénier, et, surtout, celle de Tarik ibnou Ziyad, le conquérant de la Péninsule Ibérique et de la France méridionale. Cela sans oublier les motivations bassement cupides et leur soubassement raciste et suprématiste, et que la France n'a jamais formellement reniés malgré les oripeaux humanistes dont elle se drape. Et, aussi, malgré le fait que, durant des siècles, la France ait bénéficié de généreuses concessions commerciales accordées par les différents pouvoirs algériens, comme l'établissement de comptoirs, ces zones franches avant l'heure,sur de nombreux points de la côte algérienne, rien ne l'a empêchée de mener l'agression ultime qui a débuté un certain juillet 1830 et qui ne s'est achevée que 132 années plus tard après qu'elle ait dévasté le pays, volé tout ce qui pouvait l'être et saboté tout ce qui ne pouvait pas être emporté. Pour rappel, la France a emporté tous les plans des VRD (voiries et réseaux divers) des grandes villes algériennes, incendié la bibliothèque universitaire d'Alger après l'avoir délestée de ses trésors, des ouvrages et manuscrits uniques et emporté avec elle les plans de minage de milliers de kilomètres carrés qui continueront à faire des milliers de victimes avant que l'Armée Nationale Populaire ne parvienne à nettoyer la terre des chouhada.
Que craint donc la France de l'Algérie ?
Objectivement, que peut craindre la France de l'Algérie aujourd'hui ? Que peut craindre une des premières puissances économiques, industrielles, financières, militaires et impérialistes du monde actuel de la part d'un pays empêtré dans les affres du sous-développement et du réchauffement climatique, submergé par sa démographie, trahi par ses propres dirigeants, cerné de toutes parts par des ennemis féroces ; bref, un pays qui a gâché la quasi-totalité des valeurs fondatrices de son identité, qui a perdu deux fois son élite en l'espace de 40 années (l'hécatombe de la guerre coloniale et celle de la folie islamiste), dont 87% des étudiants ne rêvent que de partir ailleurs, une fois leurs études (entièrement gratuites et même rémunérées !) terminées ? Sans parler de cette tragique propension à jouer son avenir à la roulette russe à chaque échéance électorale depuis bientôt 33 années. Pas grand-chose mais cela ne veut pas dire que la France n'a rien à craindre de l'Algérie. Là est la nuance.
L'Algérie constitue un des centres de préoccupation et de fixation les plus importants de sa politique étrangère, un pays qu'elle scrute et surveille comme le lait sur le feu, une obsession qui arrive juste derrière les grands complexes existentiels qu'elle nourrit envers quelques rares autres pays, l'Allemagne et les U.S.A. en tête.
Depuis 1830, l'exploitation effrénée de l'Algérie a permis à la France de se renflouer alors qu'elle était en faillite, traversant une phase de déclin dramatique, menacée de dépeuplement après des décennies de guerres qui ont exterminé une grande partie de sa population mâle. Elle a trouvé dans l'eldorado algérien tous les ingrédients pour sa survie et même pour sa renaissance : argent, espaces, main d'œuvre laborieuse et rustique et des contingents militaires qui ont constitué le fer de lance de toutes ses aventures guerrières ou coloniales, depuis la guerre de Crimée au milieu du XIXème siècle jusqu'à la seconde guerre mondiale en passant par la guerre de 1870 contre la Prusse, la première guerre mondiale ou la conquête de Madagascar, sans oublier les aventures mexicaines de Napoléon III (1862-1867).
Les 132 années de relations extrêmement intenses, même si elles ont été imposées par les crimes les plus atroces qu'un être humain pouvait imaginer ont tissé des liens innombrables, variés et intenses qui ont rendu la situation inextricable et complexe des deux côtés de la Méditerranée. Mais, une fois le divorce prononcé, au lieu que ces relations soient refondées et les liens renforcés sur une base apaisée, c'est l'inverse qui s'est produit car, visiblement, la France ne conçoit d'autres relations avec un pays faible, proche d'elle et musulman de préférence, que dans un rapport de suzerain face à des vassaux.
Cependant, personne ne peut effacer d'un trait de plume les conséquences incommensurables que ce passé commun a laissées sur le plan humain, social et culturel et on nous dit aujourd'hui que l'Algérie est le deuxième pays francophone du monde et que la France compte aujourd'hui 5 à 6 millions, sinon plus, de citoyens d'origine algérienne, un chiffre énorme qui montre que, jamais la population française ne s'est autant mélangée à une autre population depuis l'Antiquité et la fameuse période gallo-romaine.
Les Algériens sont présents en masse dans le pays et y sont vitaux en termes économiques, démographiques et culturels. Dans le climat de méfiance, voire d'hostilité permanente, qui sévit depuis des décennies, que faire pour éviter qu'une telle force sociale et économique aussi imposante par son nombre, et irrépressible dans sa progression, ne se double d'une force politique capable d'influer sur la marche du pays comme le font actuellement les citoyens juifs au profit de l'Entité sioniste alors qu'ils sont dix fois moins nombreux que les Algériens?
La parade française
La France a rapidement pris conscience de l'arme redoutable que constituait pour l'Algérie cette présence massive de citoyens d'origine algérienne chez elle, et elle est passée à l'action dès que Boumediène a commencé à afficher sa volonté de construire un état puissant, respectable et respecté et totalement dégagé de son emprise, la nationalisation des hydrocarbures ayant constitué le déclencheur de sa parade et de sa riposte . En plus des mesures économiques et financières tant médiatisées, celles-ci comportaient des mesures anodines ou anecdotiques en apparence, mais redoutables dans leurs effets :
- Limitation puis suspension de l'appel à la main-d'œuvre algérienne, qui sera rapidement remplacée par l'immigration portugaise et marocaine,
- Détection, isolement et élimination du champ politique ou associatif français, de toute personnalité française d'origine algérienne pouvant contribuer, par son action ou ses positions, à créer un lobby français en faveur de l'Algérie ;
- Et, sur le long terme : saturation médiatique, désinformation tous azimuts, campagnes de dénigrement continues, mise en exergue des échecs algériens, même les plus minimes, et négation de tous les succès et de toutes les réussites. Et pourtant, Dieu sait que ces réussites sont innombrables, ne serait-ce que par le taux d'alphabétisation de la population qui est passé de 7% d'hommes et 3% de femmes alphabétisées en 1962, à 97% et 95% aujourd'hui !Avec un nombre d'étudiants dans les universités algériennes équivalent à celui de la France.
Même si les moyens mis en œuvre étaient exclusivement puisés dans la panoplie de qu'on appelle aujourd'hui la " soft-power ", la France venait de déclarer la guerre à l'Algérie de Boumediène et qui ne s'arrêtera pas à la disparition de ce dernier.
Bien au contraire, celle-ci n'a jamais cessé de prendre de l'ampleur et d'user les armes nouvelles que le monde occidental chrétien ne cesse de mettre au point dans ses labos et d'expérimenter sur ses cibles, la France cherchant visiblement toujours à porter l'estocade à l'occasion des crises qui ont secoué et secouent périodiquement l'Algérie.
Pour cela, elle a accueilli et accueille toujours sur son sol tout ennemi de la République Algérienne, tout voleur avec son butin, tout traître ou gredin ayant nui, ou voulant nuire d'une façon ou d'une autre à l'Algérie, tout en lui assurant la protection et toute l'assistance politique, administrative, policière et financière nécessaire à la poursuite de ses nuisances ; du terroriste islamique le plus sanguinaire au séparatiste le plus enragé.
La diaspora algérienne et surtout sa descendance, a subi de plein fouet les effets de cette politique et, lentement, imperceptiblement, elle est passée d'un soutien sans failles au pays de ses racines pour glisser dans un scepticisme méfiant et critique, avant d'arriver à l'hostilité féroce envers tout symbole des institutions algériennes, en premier lieu celles qui sont à leur service immédiat, tout en limitant leur apports, surtout pécuniaires, déjà historiquement bien maigres, en les immergeant dans le circuit informel, cet autre redoutable ennemi de la RADP.
L'Algérie, par l'arrogance et la suffisance de ses dirigeants auxquelles s'ajoutent la myopie et la servilité de leurs assistants, par la trivialité des discours et du comportement de la majorité de ses représentants à l'étranger qui ont reproduit le schéma de ce qui se pratiquait au pays, a fini par retourner contre elle l'arme absolue dont elle disposait face à l'ancien colonisateur.
En plus de ça, et comme un malheur ne vient jamais seul, la pandémie du Covid 19, avec toutes les restrictions de déplacement, même si elles sont tout à fait logiques, légitimes et justifiées qui en ont découlé, ont été perçues comme des mesures d'hostilité supplémentaires de l'Algérie vis-à-vis de sa diaspora, diaspora qui voue aujourd'hui une haine de plus en plus marquée au pays de ses racines, pays qu'elle dit par ailleurs tant aimer. Quel gâchis! La France a compris tout ça et ne tardera pas à user de cette arme qu'elle a patiemment construite depuis des décennies.
La situation actuelle
Après avoir vécu de bout en bout et sans trop de dégâts la première phase du processus dit " démocratique " et exécuté dans ses moindres détails le scénario pensé et écrit il y a des décennies par l'Occident féroce, l'Algérie est à nouveau en train de vivre une période extrêmement difficile car assaillie de toutes parts : pandémie, sécheresse, incendies canicule, crise financière, voisinage instable et même souvent agressif, le tout dans un climat de défiance interne que le pays n'a jamais connu auparavant, même du temps du FIS. Pris en étau, le pouvoir clame et affiche sa bonne foi, son patriotisme, son engagement de faire de l'Algérie un pays fort, respectable et social.
Il donne des gages et promet d'exécuter toutes les demandes et desiderata du peuple, lequel peuple voudrait bien s'extirper de la situation de citoyen d'un pays sous-développé et arriéré dans beaucoup de domaines dans laquelle il se réveille et qu'il découvre un peu tard, une fois le festin du baril à plus de 100 dollars terminé.
Malheureusement, tous ces signaux sont perçus comme des signes de faiblesse, très loin du message que le pouvoir voudrait faire passer. Le peuple veut que tout change sans que lui ne change d'un iota.
Et sans faire d'efforts, sans examen de conscience : personne n'est coupable à partir du moment où d'autres le sont parce qu'ils ont commis des actes plus répréhensibles que les siens, personne n'a volé à partir du moment où d'autres ont volé plus que lui, et seul l'Etat est chargé d'en faire ! Comment sortir de ce cauchemar? La tentation autoritaire est là, elle est latente et elle se manifeste d'une manière sporadique, parfois brutale mais, visiblement, elle n'a aucune portée réelle sur l'état d'esprit de la majorité du peuple et, surtout, de la jeunesse. Et, plus grave, l'Etat a perdu le contrôle de l'administration locale, celle qui constitue la courroie de transmission et le fer de lance de la volonté centrale pour faire appliquer les lois et les règles de la République au pays profond.
Ses lois, ses instructions et ses ordres ne sont même pas pris en compte et quand ils le sont, ils sont accommodés à la volonté du fonctionnaire ou de l'employé qui est chargé de les appliquer. Cela n'est pas nouveau et a toujours survenu dans les Etats défaillants ou trop présomptueux de leur force.
Personne ne sait ni n'ose prédire sur quoi tout cela va déboucher. Même la France, notre ennemi éternel et traditionnel, semblait à un moment indécise et quasi désemparée : que faire si l'Algérie basculait à son tour dans le chaos après la cuisante désillusion subies en Afrique et ailleurs ?Mais ces interrogations ne sont que passagères et ont été vite balayées par des motifs de politique interne, d'échéances électorales et, bien sûr, l'élément central et structurant qu'est la haine que l'ancien colonisateur a toujours vouée à ses anciens départements une fois indépendants.
Et la France a repris comme jamais ses manifestations ouvertement hostiles, insultantes et mensongères par la bouche même de son premier magistrat.
Et pis, elle dévoile au grand jour sa volonté d'utiliser la descendance de l'émigration algérienne comme arme de destruction de l'Etat algérien ! Du côté algérien, un président qui essaie de calmer le jeu et qui louvoie face à un ennemi puissant et féroce, quelques réactions de la part de quelques responsables politiques ou personnalités intellectuelles exaspérés par la férocité des médias et hommes politiques français, mais qui ne restent que des réactions individuelles, isolées et ne relevant aucunement d'un plan global étudié et mis en œuvre pour contrer notre ennemi éternel et traditionnel. Même l'expression " se regarder en chiens de faïence " ne peut plus qualifier les relations entre les deux pays car, parmi eux, il y a un chien méchant, féroce et agressif, celui de la France.
L'Algérie possède chez elle et ailleurs les femmes et les hommes qui peuvent la sortir la tête haute du caniveau dans lequel ses dirigeants et son peuple l'ont enfoncée. Il suffit de leur faire confiance et de les écouter et, surtout, de les associer à la réflexion et à l'élaboration de la décision politique, économique et culturelle.
Parmi les urgences, il faudra renouer les liens et le dialogue avec la diaspora algérienne, les rétablir avec elle, partout où elle se trouve dans le monde et particulièrement en France, là où elle est la plus nombreuse, et la former, la politiser, lui faire comprendre les enjeux pour former une ligne de front capable de défendre les intérêts de l'Algérie et d'endiguer les manœuvres agressives de ses ennemis à la tête desquels se trouve l'ancien colonisateur.
Nous sommes loin de l'explication infantile de l'existence d'un lobby pied-noir qui s'opposerait et bloquerait la soi-disant volonté française d'établir des relations saines et amicales avec l'Algérie.
Décidément, l'indépendance de notre pays, chèrement acquise, est restée en travers de la gorge des nostalgiques de l'Algérie française qui ne ratent aucune occasion pour faire des déclarations toxiques qui transpirent le mépris des réalisations d'un peuple au demeurant laminé par 132 années d'une colonisation des plus barbares et des plus cruelles.
Elles ont toutes pour dénominateur commun, rabaisser son prestige et ses réalisations pour faire croire que c'était mieux sous la gouvernance colonialiste. Naturellement les déclarations de personnalités politiques, médiatiques n'ont rien à voir avec des logorrhées prononcées dans un moment d'égarement, de perte de ses esprits ou d'énervement. Elles sont au contraire bien élaborées et orientées. J'en veux pour preuve, s'il en fallait une, les dernières déclarations dégradantes faites le 30 septembre par le Président de la République Français devant 18 jeunes français, médusés.
Aussi, chaque patriote est invité à se remémorer les attaques verbales visant notre pays, son peuple, ses institutions, son histoire..., de cet acabit pour se faire une idée des dangers qui guettent notre patrie et à rester vigilent car les ennemis de l'intérieur qui gangrènent notre pays, identifiables à leurs comportements antinationaux, gravitant tels des charognards autour de gites de corruption, de détournements des biens du peuple, de sabotage de notre économie... etc et bien sûr la traîtrise et la lâcheté opèrent cachés, en catimini, constituent une pénétrante aux ennemis extérieurs.
En effet, comme il fallait s'y attendre au regard de la portée historique de notre Révolution, admirée par les peuples et maladivement jalousée par des nostalgiques, notre pays ne cesse d'enregistrer depuis son accession à l'indépendance de manière cyclique à la veille de chaque date marquante de notre histoire récente, essentiellement : le premier novembre 1954, le 20 août, le 19 mars et le 05 juillet, des déclarations troublantes faites de manière péremptoire par des personnalités politiques, médiatiques, publiques assez influentes pour troubler les esprits des concitoyens. Il faut admettre que l'avènement de « présidents cocotte-minute », produits dans les laboratoires de la haute finance et des lobbies et vendus par des médias lourds transformés en de redoutables machines à propagande, grassement financés par ces derniers, ce genre de dérapage mis en scène et de propos nauséabonds chargés de mépris à l'égard de l'autre, semble favoriser ce type de comportement dévalorisant la fonction.
TAPAGE MÉDIATIQUE POUR FAIRE DIVERSION
C'est pour servir de relais que l'aboyeur de service et mercenaire à la parole aisée, Eric Zemmour pour ne pas le nommer, qui ne recule devant rien au point de faire passer des mensonges pour des vérités, qui fait feu de tout bois pour faire passer ses messages, est dans son rôle de rabatteur de voix. De fait, il est là pour exécuter un mandat de ses commanditaires qui le rétribuent grassement. Pour donner l'illusion que ce qu'il débite est partagé par des français à la recherche de solutions de rechange, les marionnettistes l'appuient par des sondages orientés et gonflés à l'hélium pour leur donner l'illusion qu'il caracole au-dessus de tous les autres, au point de le présenter comme candidat à l'élection présidentielle de 2022.
Le fiel qu'il déverse quasi quotidiennement à grand flot sur les immigrés et leurs pays d'origine (comprendre les Algériens et l'Algérie) aidé en cela par des médias en quête de l'audimat semble se transformer en miel pour lui. En fait, son discours racoleur, démagogique et stigmatisant, construit sur le rejet sélectif de l'autre, instillant dans le corps social beaucoup de haine et de méfiance, n'est autre que la synthèse de la pensée et des échecs de la droite dans toutes ses nuances et déclinaisons les plus abjectes. C'est à ce redoutable aboyeur qui fait office de porte-voix des droites réactionnaires, qu'échoit le rôle de dire tout haut ce que pense tout bas cette dernière.
LES VISAS COMME MOYEN DE PRESSION ET DE CHANTAGE
L'angle d'attaque de notre pays privilégié par la France officielle, une mesquinerie de plus, est celui de la délivrance de visas. Cette arme des visas que les pouvoirs politiques français dégaine de manière intempestive, est devenue cette rengaine lassante, utilisée comme moyen de pression voire de marchandage et de chantage. Elle vise un double objectif qui est celui de priver les Algériens de leurs droits universels à la libre circulation des personnes et des biens garantie par la déclaration universelle des droits de l'homme dont la France, comble de l'ironie, s'arroge la paternité, d'humilier nos compatriotes et de chercher par cette pratique ignoble, à soulever le peuple contre ses gouvernants.
Pourtant, ils ne sont pas sans savoir que les visas de circulation régis par une stricte réglementation ne doivent pas être soumis à des quotas comme c'est le cas pour les visas de travail et/ou d'émigration. Autrement dit, chaque citoyen demandeur de visa de circulation ayant satisfait à toutes les formalités réglementaires doit obtenir son visa. Mieux encore, en cas de refus, la réglementation oblige l'autorité consulaire à motiver son refus et permet au demandeur, s'il s'estime lésé dans son droit, d'introduire un recours et si besoin est, de saisir les juridictions compétentes en la matière pour recouvrer son droit.
Seulement, la France officielle, en faisant fi de sa propre réglementation en vigueur en la matière, a choisi d'infliger arbitrairement une punition collective à tout un peuple au motif que les pouvoirs politiques de ces ex colonies (c'est ce complexe dont les gouvernants de l'ex puissance coloniale n'arrivent pas à se départir) n'acceptent pas de reprendre des délinquants jugés et détenus en France pour, entre autre, terrorisme. La question qui se pose ; En quoi un citoyen algérien désireux de rendre visite à sa famille et à ses amis, ou de voyager en France est-il responsable des agissements de ces délinquants ?
Ce qui revient à dire que les pouvoirs politiques français considèrent que tous les Algériens sont des clandestins potentiels, ce qui, de mon point de vue, est ressenti par nos compatriotes comme une insulte suprême. Ils se gardent bien évidemment de parler des millions d'Algériens qui ont fait de nombreux voyages en aller-retour nullement intéressés par l'immigration fut-elle légale. L'idée de braquer l'opinion publique travaillée au corps à corps par un tapage médiatique qui n'a rien à envier à celui des États totalitaires et abreuvés de sondages dirigés sur la poignée de délinquants présentés d'ailleurs comme la source de tous les maux quitte à terroriser les potentiels électeurs, est privilégiée.
Pourquoi l'État algérien souverain, doit-il servir de base pour soulager les prisons françaises ? Cette histoire de délivrance de visas agitée souvent par l'ex colonisateur à des moments bien choisis pour troubler les esprits de nos concitoyens et rassurer un certain électorat, n'est en fait que l'expression d'une volonté de certains réactionnaires de remettre en cause les prétendus avantages accordés indument aux Algériens par l'accord de 1968 régissant l'immigration algérienne conclu entre les deux États en application des accords d'Evian. C'est souvent que nos compatriotes entendent dire par des fonctionnaires haineux: « vous avez voulu votre indépendance, alors restez chez vous ! » Et dire que ces décisions sont le fait de gouvernants prétendument démocrates d'un pays revendiquant la paternité de la déclaration universelle des droits de l'homme !
À noter que dans un premier temps, c'étaient toutes les catégories de demandeurs de visas qui sont touchées par cette mesure arbitraire ; il s'en est suivi un rétropédalage pour préciser que seuls les dirigeants ayant bénéficié jusque-là de faveurs et d'un traitement privilégié sont concernés, une manière de jeter l'opprobre sur ces derniers et de les désigner à la vindicte populaire. En fait, le corrupteur c'est qui ?Très clairement, il est anormal et injuste de faire payer les insuffisances de gestion des administrations chargées de gérer le flux et le reflux des voyageurs aux demandeurs de visas sous prétexte qu'une poignée d'entre eux pourraient resquiller. Ce jugement de valeur fait d'à priori, qui considère sans aucun discernement, que tout demandeur de visa est, jusqu'à preuve du contraire, un resquilleur est arbitraire, infamant et indigne d'un État de droit. Il est juste instructif de se poser la question pour comprendre pourquoi les pouvoirs politiques français n'avaient pas retenu l'angle d'attaque, comme cela se passe au niveau mondial, la sanction économique ? La réponse est certainement dans la structure de nos échanges commerciaux largement favorables à l'économie française. La France nous achète des hydrocarbures indispensables à son économie, a implanté depuis les années 1980 quelques 450 entreprises pour pomper les devises que nous procurent le gaz et le pétrole et écouler en Algérie ses produits manufacturés.
ÉLÉMENTS DÉCLENCHEURS DE CETTE SALVE DE DÉCLARATIONS
Nonobstant les questions liées à la campagne électorale qui s'annonce rude et dont l'issue est des plus incertaines, un certain nombre de faits et évènements pourraient avoir agacé le Président français pour le faire sortir de ses obligations de réserve, de perdre son sang-froid au point de quitter la diplomatie (science des rapports internationaux) pour calomnier, invectiver, dénoncer, outrager, manipuler l'histoire. Parmi ces événements qui rognent sérieusement l'emprise que la France officielle avait sur notre pays durant de longues années, il convient de citer :
- le retour en force, tant attendu, sur la scène internationale de la diplomatie algérienne caractérisée par sa constance et son indépendance, qui rappelle fièrement celle conduite par le regretté Mohamed Seddik Benyahia, dont le point d'orgue fut la libération des diplomates américains retenus en otage par les Ayatollah iraniens ;
- la rupture inattendue des relations diplomatiques avec son protégé royaume marocain qui vivait depuis longtemps en concubinage avec l'entité sioniste avait décidé d'officialiser cette relation contre nature par les liens sacrés du mariage contre une promesse faite par un président sans pouvoirs, la reconnaissance du droit de propriété du Maroc sur le Sahara occidental ;
- la déclaration officielle des autorités algériennes signifiant clairement que la rupture des relations diplomatiques avec le makhzen est sans appel et qu'elle n'est sujette à aucune médiation, ferme définitivement la porte aux tentatives de l'Elysée de se saisir de ce dossier ;
- la fin de l'attribution de juteux marchés de gré à gré selon la procédure accélérée, le renouvellement des contrats de service et la remise en cause des avantages mirobolants accordés à certaines sociétés françaises, inquiète les milieux d'affaires et politiques.
- La décision inattendue des autorités algériennes de fermer le gazoduc MEDGAZ alimentant le Maroc en gaz algérien, (gaz fourni à prix d'ami 20% moins cher), pose de sérieux problèmes aux entreprises françaises installées au Maroc.
DIVISER POUR GAGNER : LA STRATÉGIE DE RECONQUÊTE DU PERDU
En politique rien ne se fait au hasard surtout quand on a à sa disposition une armada de conseillers et d'experts en tout genre et dans tous les domaines qui arrivent à qualifier une attaque virulente contre un pays et ses institutions, que rien ne justifie en dehors de la campagne électorale française de simple dérapage, un euphémisme qui ne passe pas. C'est pourquoi de prime abord, les propos rapportés par le journal « le Monde » tenus par le Président de la République Française devant 18 jeunes médusés, ne peuvent et ne doivent être interprétés autrement que comme une attaque en règle contre nos institutions et au-delà. Il a usé et abusé de sa posture présidentielle, convaincu qu'il est, pour faire non sans arrogance, dans le déni de notre histoire plusieurs fois millénaires en déclarant que l'Algérie est une « création française » rejoignant ainsi, la cohorte de nostalgiques de l'Algérie française, dont l'aboyeur en est le porte étendard.
« Macron excelle dans l'art de diviser pour régner » (dixit une intellectuelle malienne) ! On ne peut mieux dire. En effet ses dernières déclarations et actions entreprises qu'il convient de rappeler succinctement par ce dernier, corroborent cette affirmation et semblent s'inscrire dans le cadre d'un plan murement réfléchi visant à rassurer un électorat déçu par son bilan et au-delà. Pour arriver à ses fins, se faire réélire et peu importe la moralité des procédés, il s'autorise de passer outre les règles de bienséance que tout responsable se doit d'observer dans ses relations avec l'autre, de s'ingérer dans les affaires intérieures de ses voisins, de juger et de noter les responsables de pays de son ancien empire. Tel un enfant gâté, il transforme le majestueux palais de l'Elysée qui a vu défiler des personnalités hors du commun en une vaste cour de récréation où l'on peut se lâcher sans retenu ni respect pour les lieux et ses camarades. Pourquoi tout ça et en ce moment précis ? Là est la question !Pour avoir une idée plus précise de la stratégie mise en place en vue de l'élection présidentielle prochaine, il est utile de rappeler les éléments saillants, qui de notre point de vue, font partie intégrante de ce plan de reconquête de l'électorat :
Le rapport Stora sur les questions mémorielles attendu par des crédules comme une avancée, a accouché après plusieurs mois de gestation, d'un sapin de noël enveloppé du burnous de l'Emir AEK, orné de la panthéonisation de Madame Halimi, de la reconnaissance de l'assassinat par la France de notre Grand Ali Boumendjel,... pour cacher une montagne d'horreurs commises à l'endroit de la nature et des humains commises durant 132 ans de colonisation française. Il a aussi permis de remettre en cause les déclarations faites par le candidat Macron à Alger en 2017 et de renoncer à demander pardon au peuple Algérien.
- le recul et le renoncement à la panthéonisation de Madame Gisèle Halimi, présentée pourtant comme mesure phare préconisée par le rapport Stora. Pour glaner les voix des harkis il n'a pas hésité à accéder à la demande des femmes de harkis qui s'opposaient à la panthéonisation de cette dame courage, dont le seul tort est d'avoir défendu des indigènes.
- Réception en grande pompe et au palais de l'Elysée de quelques 300 harkis pour leur demander au nom de la France pardon de les avoir parqués comme des sous êtres (en vérité et dans toutes les cultures les « colabos » désignés sous le vocable de harkis, dans des conditions inhumaines dans des endroits grillagés avec barbelés et miradors pendant de longues années. En même temps, il s'obstine à refuser de demander pardon aux descendants des 45.000 indigènes massacrés le 08 mai 1945 dont des parents et proches, furent mobilisés pour chasser les nazis de la France.
- Rencontre avec les 18 jeunes français au somptueux palais de l'Elysée, à la veille de la commémoration des massacres perpétrés par Papon le 17 octobre 1961 et du déclenchement de la révolution de libération nationale. Le public cible ; 18 jeunes français choisis sur des critères que seul leur auteur en détient le secret. L'objet de cette rencontre est la réécriture l'histoire de la guerre d'Algérie. Cela renseigne sur l'importance de cette messe qui a servi de décor au Président de la République Française pour lancer sa campagne électorale et faire des déclarations inacceptables visant notre pays qui, le moins que l'on puisse dire, déshonorent sa fonction.
- Et ce n'est certainement pas par hasard que parmi ces jeunes convoqués à cette messe on y trouve le petit fils du sanguinaire Salan et le petit fils de notre grand patriote Ali Boumendjel assassiné par la France (assassinat que le président de la république française en place venait de reconnaître) pour entendre leur Président dire que leurs parents leur ont menti sur l'histoire de la guerre d'Algérie et qu'il leur promet dela réécrire.
- Les déclarations, le Président de la République Française, par certains aspects, envoient un signal clair aux organisations classées comme organisations terroristes qu'il héberge déjà, en leur promettant des émissions destinées à diffuser la vraie histoire de l'Algérie (comprendre par-là que celle écrite par ses historiens est entachée de contre-vérités). Soucieux du détail, il n'oublie pas de préciser que ces dernières seront diffusées en langue en arabe et en langue kabyle ! la précision est édifiante !
- Le sommet Afrique-France :hier, c'était les descendants de gaulois, partis coloniser des contrées lointaines pour agrandir leur empire qui avaient fait appel, voire obligé, de pauvres indigènes analphabètes pur porter la tenue de « colabo » harki, pour les aider à coloniser et à piller leurs pays. Les temps ont changé, mais les procédés demeurent globalement les mêmes. Aujourd'hui, fidèles à leurs ancêtres, les enfants de ces rustres gaulois, dont l'actuel Président de la République Française en serait le digne héritier, tout en ne dérogeant pas à ce qu'ils conçoivent comme une règle, ayant évolué en néocolonialistes, avaient décidé de convoquer 3.000 personnes triées sur le volet pour assister à une messe organisée à Montpellier, baptisée pour la circonstance « sommet Afrique-France ». Le but affiché est de dresser ce qu'ils nomment pompeusement « société civile » contre les dirigeants de leurs pays qualifiés de vieillissants, de corrompus...etc, et de recruter des« harkis » modernisés, bardés de diplômes, de connaissances, pour servir de têtes de pont au néocolonialisme et gérer directement l'aide extérieure. Pour les promoteurs de ce rendez-vous qui semble avoir bénéficié d'une préparation minutieuse, il n'y pas l'ombre d'un doute que les jeunes africains allaient adhérer allégrement à cette démarche visant à court-circuiter les États et qu'ils dégageront leurs dirigeants pour permettre à leur mentor de régenter leurs pays respectifs. Aveuglés qu'ils sont, ces apprentis néocolonialistes oublient d'admettre que cette ère est définitivement révolue et que les aspirations des Africains en général et de sa jeunesse en particulier n'est pas de servir de suppôts aux visées néocolonialistes mais de support au développement et à l'émancipation de leurs pays.
- Le Président de la République Française, non repu avec tout ce qu'il s'est permis de déverser comme fiel sur notre pays et ses institutions, affirme de manière péremptoire, que l'Algérie est une « création française » confortant ainsi, les promoteurs et les défenseurs de la colonisation positive. Et pour caresser dans le sens du poil et rassurer l'électorat de droite réactionnaire, il franchi sans état d'âme le Rubicon en passant par perte et profit, les quelques cinq millions d'indigènes victimes de la colonisation française et la dévastation de notre écosystème par l'atome et le napalm.
L'INSTRUMENTALISATION DE L'ALGÉRIE POUR DES BESOINS DE POLITIQUE INTÉRIEURE
À travers les faits historiques saillants rappelés ci-après pour souligner le fait que notre pays a de tout temps été utilisé par les pouvoirs politiques français pour faire diversion, sauvegarder leurs privilèges et faire prospérer leur économie. Deux siècles plus tard, pour sauver le soldat Macron, ou à défaut, son clone idéologique, à l'élection présidentielle prochaine, ses promoteurs n'ont pas dérogé à la règle en choisissant de s'en prendre, sans raison, à notre pays pour mobiliser leurs électeurs.
- Décidée en conseil des ministres le 31janvier 1830, l'expédition d'Alger, pour sauver l'autorité chancelante du roi de Charles X, opération en préparation depuis 1827, a permis au roi de garder pour quelque temps son trône et à la France de s'affranchir du paiement du blé qu'elle avait reçu d'Algérie, faire mains basse sur les richesses et les réserves d'or évaluées par des historiens et des chancelleries à environ 3.000.000 or, éloigner les officiers présentant un danger, agrandir son empire. Évidemment, la prise d'Alger fut fêtée dans l'allégresse et la joie par le gotha de la classe politique et bien naturellement l'église.
-1ière et 2ième guerres mondiales, notre pays occupé avait servi de base arrière pour la métropole occupée, fourni de la chair à canon, approvisionné la population et l'armée françaises, au détriment bien évidemment de la population indigène décimée par les maladies et la faim, fournir des matières premières pour faire fonctionner son industrie.
1954, Les gouvernants de la 4ième République très chancelante, avaient, pour sauver les meubles, du moins ce qui reste de cette dernière, pris comme mesure de sauvegarde, le transfèrement des officiers défaits dans la bataille de Dien Bien Phu au Vietnam, humiliés par le Général Giap, directement en Algérie pour leur offrir en guise de consolation un champ de tir où ils pouvaient canarder à volonté des indigènes, chose qu'ils avaient faite avec l'extrême sauvagerie pour assouvir leur soif de sang, laver leur honneur et se réhabiliter aux yeux des tenants de la colonisation. Ils subiront, en Algérie, une 2ième humiliation dont ils se souviendront à jamais pour transmettre à leur descendance un récit orienté.
-1962, Pour sauver la France, isolée diplomatiquement au niveau mondial grâce à la diplomatie agressive, engagée et patriotique menée par le FLN qui avait rallié à notre cause un grand nombre de pays et la guerre que lui avait livrer sur le terrain notre ALN, soutenues par tout un peuple, les gouvernants français, contraints et forcés, avaient entrepris de s'asseoir à la table des négociations qui ont débouché sur les accords dits d'EVIAN. Effectivement, l'indépendance de notre pays a permis à la France de repartir économiquement et diplomatiquement à la reconquête de sa place sur la scène mondiale.
-1982 ; La visite officielle, d'ailleurs très folklorisée, effectuée en France en 1982 par le président algérien (soit vingt ans après notre indépendance), une France dirigée alors par celui qui avait dit que l'Algérie c'est la France et n'avait pas hésité à faire actionner à trois reprises, (ce qui en droit est interdit), la guillotine sur le coup de notre Zabana, s'était soldée par une moisson de contrats juteux qui ont permis à la France de se redresser économiquement, de se replacer premier fournisseur de notre pays devenu poubelle de cette dernière (les voitures de moins de trois ans) et d'ouvrir le marché algérien aux entreprises françaises pour le siphonner. Le néocolonialisme, c'est aussi ça !
Conclusion
Affirmer péremptoirement que le peuple algérien cultive la haine, histoire de justifier les bouillons de culture de la haine anti ex colonisés (particulièrement visés les algériens), est une façon tendancieuse de faire passer aux yeux de l'opinion publique française, les Algériens pour ce qu'ils ne sont pas. Ce que l'auteur de cette avalanche de déclarations méprisantes indignes d'un chef d'État, doit savoir, au minimum, deux choses :
-1- Pour le peuple algérien, la haine c'est péché et de fait, il la rejette et la combat car elle est tout bonnement contraire à ses croyances et à ses valeurs intrinsèques.
-2- La famille et l'esprit de famille qui caractérisent le peuple algérien constituent la ligne rouge qu'il n'est pas permis de franchir. Ce qui est permis aux membres de la famille à l'intérieur de celle-ci ne l'est pas forcément aux étrangers. Autrement dit, quand la famille est attaquée même verbalement, tous ses membres, transcendent leurs éventuels différents pour se dresser comme un seul homme pour défendre l'honneur de la famille à l'exception de quelques uns : comme Boualem SANSAL dont Eric Zemmour le haineux nous dit compter comme son ami en s'appuyant sur son argumentaire, pour ne pas dire sa « prophétie » de voir la France plongée dans la guerre civile si la droite et son extrême ne récupère pas le pouvoir pour nettoyer la France de la « vermine » algérienne en premier. Il y a aussi Addi Lahouari « l'inventeur » de la régression féconde (à propos du FIS) qui dans son statut « d'intello de service », a volé au secours de Macron par son écrit dans le journal le Monde. Ils ne sont malheureusement pas les seuls, ces « colabos » qui ont vendu leur dignité et celle de « leur » peuple en contrepartie d'une reconnaissance éphémère, pour qu'il soit utile d'en établir la liste exhaustive... Faut-il encore remercier Zemmour et Macron pour avoir débusquer ces « lièvres honnis » ? Les Algériennes et les Algériens sauront se souvenir ! Et l'Histoire de l'Algérie en marche retiendra !
Pour conclure il est toujours utile de rappeler une des sagesses de notre terroir que nos aïeux à travers nos parents, nous ont enseignées ; Ne jamais oublier que la personne que vous avez humiliée publiquement cherchera à se venger, il faut s'en méfier. Et si par le fait d'une force majeure vous devez faire un bout de chemin ensemble, il faut la mettre devant ou à défaut sur le côté et garder des distances de sécurité. Les colonialistes français, administration et armée, humiliés par des indigènes, n'oublient pas et semblent, si l'on juge à travers les déclarations de l'actuel Président de la République Française et pas que, pas prêts d'oublier. C'est pourquoi cette sagesse que nous ont léguée par nos aïeux est plus que jamais d'actualité et mérite d'être observée dans nos relations avec l'ex puissance coloniale. Ne dit-on pas à toute chose malheur est bon !? Les déclarations du Président de la République Française doivent nous interpeler et nous incitent à rester vigilants et unis pour signifier clairement aux nostalgiques de l'Algérie Française que nous somme une famille.
Je reste persuadé que les déclarations intempestives et autres provocations sus-rappelées, auxquelles il faut ajouter toutes celles qui ne sont pas rendues publiques, qui ont heurté profondément les patriotes attachés à leur indépendance très chèrement acquise, produiront un effet contraire à celui attendu par leurs auteurs et ne manqueront pas de booster notre cohésion nationale, déjà au beau fixe, comme vient de le démontrer le mémorable mouvement populaire authentique de février 2019.
Le 17 octobre 1961, des dizaines de milliers d’Algériens manifestaient pacifiquement à Paris contre le couvre-feu discriminatoire qui leur avait été imposé par le gouvernement de l’époque dont le Premier ministre, Michel Debré, était hostile à l’indépendance de l’Algérie, et le Préfet de Police Maurice Papon sous ses ordres. Ils défendaient leur droit à l’égalité, leur droit à l’indépendance et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Ce jour-là, et les jours qui suivirent, des milliers de ces manifestants furent arrêtés, emprisonnés, torturés – notamment par la « force de police auxiliaire » – ou, pour nombre d’entre eux, refoulés en Algérie. Des centaines perdirent la vie, victimes d’une violence et d’une brutalité extrêmes des forces de police parisiennes.
60 ans après, la Vérité est partiellement en marche. Cependant, la France n’a toujours pas reconnu sa responsabilité dans les guerres coloniales qu’elle a menées – en particulier la Guerre d’Algérie – non plus que dans le cortège de drames et d’horreurs qu’elles ont entraînés, comme ce crime d’État que constitue le 17 octobre 1961. Le 17 octobre 2012, le Président de la République (François Hollande) avait certes fait un premier pas important, en déclarant : « Le 17 octobre 1961, des Algériens qui manifestaient pour le droit à l’indépendance ont été tués lors d’une sanglante répression. La République reconnaît avec lucidité ces faits. Cinquante et un ans après cette tragédie, je rends hommage à la mémoire des victimes. » Mais le terme de crime n’est pas repris, et la responsabilité, sous entendue, n’est pas clairement définie. Nous demandons une parole claire aux autorités de la République, au moment où certains osent encore aujourd’hui continuer à parler des « bienfaits de la colonisation », à célébrer le putsch des généraux à Alger contre la République, à « honorer » les criminels de l’OAS.
Dans ce domaine, il est donc nécessaire que des mesures significatives soient prises :
Que la lumière soit faite sur les soi-disant « retours vers leurs douars d’origine » des Algériens survivants du 17 octobre envoyés en fait dans des camps de la mort de l’Algérie coloniale.
Que la création d’un lieu de mémoire voué à cet événement, demandée dans la résolution votée par le Sénat en octobre 2012 qui reconnaissait elle aussi ce massacre, soit rapidement mise en œuvre par les autorités de l’État, de la Ville de Paris et la Région Île-de-France.
Pour être fidèles à leur mission scientifique, les historiens ont besoin de pouvoir accéder librement aux archives, échapper aux contrôles des pouvoirs ou des groupes de pression et travailler ensemble, avec leurs collègues algériens
La vérité doit être dite sur l’organisation criminelle de l’OAS que certains au sein de la droite et extrême droite politique veulent réhabiliter.
Faute d’une telle reconnaissance, le système de ce type de violence policière se reproduit.
Ce n’est qu’à ce prix que pourra disparaître la séquelle la plus grave de la Guerre d’Algérie, à savoir le racisme, l’islamophobie et les discriminations dont sont victimes aujourd’hui nombre de citoyennes et citoyens, ressortissants d’origine maghrébine ou des anciennes colonies, y compris sous la forme de violences policières récurrentes, parfois meurtrières.
On ne construit pas la démocratie sur des mensonges et des occultations. Après plus d’un demi-siècle, il est temps :
Que le Président de la République, au nom de la France, confirme, par un geste fort, la reconnaissance et la condamnation de ce crime d’État. Comme il l’a fait en septembre 2018 pour l’assassinat de Maurice Audin, et en mars 2021 pour celui de maître Ali Boumendjel par l’armée française et pour l’existence d’un système de torture généralisé. Cette reconnaissance doit s’étendre aux milliers d’Algériens qui en ont été victimes (voir le site www.1000autres.org)
Que l’État français reconnaisse sa responsabilité dans l’internement arbitraire, pendant la Guerre d’Algérie, d’Algériens dans des camps ;
Que la liberté d’accès aux archives soit effective pour tous, historiens et citoyens ;
Que la recherche historique sur ces questions soit encouragée, dans un cadre franco-algérien, international et indépendant.
Et puis M. le Président Macron n’oubliez pas cette autre mémoire
Rendre hommage aux victimes de l’OAS ?
Dans l’éditorial du Monde daté du 22 septembre, on lit : « Emmanuel Macron […] déploie une politique cohérente destinée à cicatriser, en France même, les mémoires de la colonisation de la guerre d’Algérie ». Le 24 janvier 2020, le président de la République avait évoqué sa politique mémorielle en ces termes :
« Les sujets mémoriels sont au cœur de la vie des nations. Qu’ils soient utilisés, refoulés ou assumés, ils disent quelque chose de ce que vous voulez faire de votre pays et de votre géopolitique. […] La guerre d’Algérie est sans doute le plus dramatique. Je le sais depuis ma campagne. […] La guerre d’Algérie c’est ce qui fait la Ve République ».
Le 20 septembre 2021, Emmanuel Macron fait ce qu’il a dit ; il rend hommage à des hommes qui ont combattu au côté de l’armée en Algérie : les harkis. C’est juste et légitime. On pourrait donc s’attendre, dans le cadre d’une « politique cohérente destinée à cicatriser les blessures de la guerre d’Algérie en France même », que l’État rende aussi hommage aux 2 700 victimes algériennes et françaises tombées en Algérie et en France aux derniers mois du conflit sous les coups de l’OAS (Organisation de l’armée secrète). Or il semble qu’il n’en sera rien.
Pour quelle(s) raison(s) l’État n’honore-t-il pas la mémoire des militaires restés au côté de la République lorsqu’elle fut en danger et assassinés de ce fait par l’OAS ? Pourquoi serait-il plus difficile de rendre hommage aux appelés du contingent et aux officiers supérieurs lâchement abattus par une organisation criminelle qu’aux membres des forces supplétives de l’armée ?Pourquoi priver de tout témoignage officiel de gratitude, les élus, les magistrats, les fonctionnaires assassinés par les membres de l’OAS pour avoir respecté, servi la République et défendu ses valeurs au péril de leur vie ?
Ce serait pourtant suivre en cela le complément apporté par l’historien Benjamin Stora à la recommandation n° 2 de son rapport remis au service compétent de l’Élysée pour le suivi des sujets mémoriels sur la guerre d’Algérie. Refuser de rendre hommage aux victimes civiles et militaires de l’OAS, c’est refuser de condamner clairement leurs assassins et leurs crimes. Au bout du compte, c’est leur trouver une certaine justification. « Qu’ils soient utilisés, refoulés ou assumés, [les sujets mémoriels] disent quelque chose de ce que vous voulez faire de votre pays».
Jean-Philippe Ould Aoudia président de l'association des Amis de Max Marchand, Mouloud Feraoun et de leurs Compagnons.
Le 60e anniversaire de l’entrée en guerre
de l’OAS, c’est ce jour 25 janvier 2021
La longue série des commémorations de la période 1961-1962 de la guerre d’Algérie commence avec le soixantième anniversaire de l’assassinat à Alger de Maître Pierre Popie, avocat libéral, tué par l’OAS quelques jours avant l’acte de naissance officiel de ce groupe armé qui ne tardera pas à s’ériger en authentique partie belligérante dans le cadre de ce conflit.
Vont prochainement revenir à la surface :
– le 31 mars, le souvenir de Camille Blanc, maire d’Évian ;
– le 22 avril, celui de Pierre Brillant, maréchal des logis, victime du putsch des généraux à Ouled Fayet ;
– le 31 mai, celui de Roger Gavoury, commissaire central du Grand Alger ;
– et puis, et puis de tant d’autres, par centaines, pour atteindre quelque 2.700 morts (et d’innombrables blessés !). Les dix-huit mois à venir seront une épreuve insupportable pour les descendants de victimes de l’OAS si la République et la Nation ne prennent pas enfin conscience de la nécessité de leur rendre justice en reconnaissant officiellement la douleur et en honorant leurs pères et leurs mères à la hauteur de leur sacrifice.
De l’affront du 6 octobre, rachetez-vous avant le 8 février prochain, Monsieur Emmanuel Macron, et jouez le jeu de la pluralité des mémoires, fût-ce contre l’avis de vos collaborateurs (conseilleurs, ministres), fût-ce contre les positions affichées par des historiens eux-mêmes oublieux ou, plus prosaïquement, appelés (par je ne sais qui !) à occulter la souffrance desdites victimes.
Jean-François Gavoury
Président de l’Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS (ANPROMEVO)
« La réappropriation des symboles et de la mémoire sociale de la guerre d’indépendance est l’un des aspects les plus impressionnants du hirak » — James McDougall (AFP)
La mémoire de la guerre d’Algérie électrise toujours autant le débat public français. Dernière séquence en date, les déclarations d’Emmanuel Macron.
Alors qu’il recevait, jeudi 30 septembre, dix-huit jeunes ayant un lien avec la guerre d’Algérie et impliqués dans la démarche de réconciliation et de mémoire, chantiers du quinquennat, le président s’est fait l’auteur de saillies, provoquant la furie d’Alger.
Peut-on écrire l’histoire de l’Algérie contemporaine ?
Les autorités algériennes, accusées par Macron de profiter de « la rente mémorielle », ont fermé l’espace aérien militaire aux avions français.
En attribuant la paternité de la nation algérienne à la France mais aussi en ciblant la domination ottomane, minorée selon lui par les Algériens, Emmanuel Macron a montré une méconnaissance étonnante mais répandue de l’histoire algérienne.
Dans A History of Algeria (Cambridge university press, 2017), James McDougall, historien britannique, relate le chemin de la société algérienne de 1516, année du début de la régence d’Alger, jusqu’aux années 2000 et au Printemps arabe.
Si cette œuvre, disponible en langue anglaise uniquement, est aussi salvatrice que foisonnante, c’est qu’elle dresse un séquençage documenté et analytique de la construction de la nation algérienne. Avec une approche inédite et fondamentale pour saisir l’Algérie moderne, à savoir une plongée au cœur de la vie culturelle des Algériens mais aussi leur relation au « beylik » (État) et aux mondes extérieurs.
Comprendre l’Algérie contemporaine suppose d’inclure l’étude de son peuple, de la régence d’Alger à la fin de la décennie noire de la guerre civile, en passant par la naissance du nationalisme.
Souvent reléguée au second plan d’une histoire écrite par le colonisateur français, la société algérienne est, plus que les batailles et les conquêtes, le ferment principal de l’Algérie moderne, le cœur de cette histoire dont certains se disputent encore la primauté.
A History of Algeria est un préalable pour comprendre les ressorts des manipulations idéologiques autour de l’histoire de la nation algérienne. Une œuvre majeure qui gagnerait à être traduite en français tant elle éclaire, par les faits – et c’est un comble – la société française.
Middle East Eye : Jeudi 30 septembre, le président Macron recevait, à l’Élysée, dix-huit jeunes liés à l’Algérie et à son histoire. Tout d’abord, que pensez-vous du travail de mémoire qu’il tente de conduire de manière assez énergique ?
James McDougall : On ne peut que se féliciter qu’un président de la République prenne ces questions au sérieux, ce travail fait partie d’ailleurs d’une lente progression dans la reconnaissance publique en France des épisodes de l’histoire coloniale : on se rappellera qu’en 2001 et en 2012, Bertrand Delanoë, alors maire de Paris, et François Hollande, à la tête de l’État, avaient fait des pas dans ce sens par rapport à [la répression meurtrière du] 17 octobre 1961, par exemple.
MEE : Paradoxalement, Emmanuel Macron a franchi des pas plus significatifs…
JMD : Évidemment, ce que l’on voit chez Emmanuel Macron, par rapport à la reconnaissance de la responsabilité de la République dans les assassinats d’Ali Boumendjel et de Maurice Audin, ou dans le traitement réservé aux anciens harkis, c’est une meilleure manière de traiter la question.
Il ne cherche pas à faire de la mémoire un cheval de bataille revanchard comme on a vu avec la fameuse loi du 23 février 2005 [sous Jacques Chirac], dont l’article 4 reconnaissait le « rôle positif de la colonisation » (abrogé depuis), qui avait tenté d’imposer un récit officiel des prétendus bienfaits de la colonisation.
MEE : Pourtant, plus on avance sur ce sujet et plus le débat semble se crisper…
JMD : On peut tout de même se demander si un travail de mémoire public en France, qui engage l’État français dans ses rapports avec la société française aujourd’hui, peut vraiment effectuer une « réconciliation » avec l’Algérie.
VIDÉO : La France reconnaît avoir torturé et assassiné Ali Boumendjel
Là, il est question de politique étrangère et de relations bilatérales. On glisse rapidement d’une question sociale et mémorielle qui engage la vie publique française à une question de « ce que les autres », les Algériens, « devraient faire ».
Cette approche se transforme en un moyen de faire pression sur Alger. Moyen d’ailleurs très peu efficace, comme on a pu le constater au regard de la réaction d’Alger après ses déclarations face aux dix-huit jeunes.
MEE : Justement, lors de de cette rencontre, Emmanuel Macron s’est dit « frappé » de voir à quel point l’histoire et les mémoires de la guerre d’Algérie restaient au cœur des traumatismes de la société française. Comment s’expriment ces traumas dans les deux sociétés ?
JMD : Il y a peut-être une façon précise, utile, de parler de « traumatismes » induits et même hérités de l’expérience de la colonisation et de la guerre.
Il y a d’ailleurs des tentatives en psychologie et en psychanalyse pour rendre compte de cela. Les mieux connues évidemment étant les travaux de Frantz Fanon. Il y a, également, le livre récent de Karima Lazali, Trauma colonial [La Découverte] à ce sujet.
Parler de traumatismes, surtout pour la société française, c’est aussi une façon d’éviter les responsabilités historiques
Concrètement, pour certaines familles en Algérie dont l’état civil a été abusivement utilisé par l’État colonial, qui leur avait infligé des noms déshonorants hérités par leurs descendants, ou pour certains anciens combattants victimes de tortures, ou pour leurs familles, on peut vraiment parler de trauma.
MEE : Vous pensez, en revanche, que le terme « trauma » est galvaudé concernant ce sujet. Pourquoi ?
JMD : En tant qu’historien, je trouve qu’on utilise trop facilement et trop souvent ce mot dès que l’on parle de l’Algérie, surtout en France, mais aussi dans les médias internationaux. C’est devenu un stéréotype assez paresseux, pour dire : bon, l’Algérie, en gros, c’est la violence.
MEE : Et donc de ne pas aller au fond du sujet et de contourner les responsabilités ?
JMD : Là, il y a deux problèmes. C’est un moyen de dire, voilà, cette histoire-là est tellement difficile, on ne peut pas la comprendre, y toucher même serait pénible.
Et bien si, on peut écrire et comprendre cette histoire, on peut d’ailleurs la dédramatiser. On peut voir que l’Algérie, ce n’est pas un récit d’épouvante, c’est un pays avec des gens qui y vivent et une histoire que l’on peut comparer à d’autres.
MEE : Un propos au cœur de votre ouvrage A History of Algeria…
JMD : C’est tout l’enjeu de mon livre. Parler de traumatismes, surtout pour la société française, c’est aussi une façon d’éviter les responsabilités historiques. Parler de souffrances, de blessures, de traumatismes des deux côtés… permet trop souvent de ne pas dire d’où venait la violence à ses origines, par qui et à qui elle était infligée.
Karima Lazali : « La colonialité en Algérie s’est construite sur un projet d’effacement »
Or, la violence, systémique – physique, juridique, symbolique, etc. –, c’était sur cela que fut bâti l’État colonial, c’était le système qui était infligé à ceux qui y étaient soumis. On peut parler de douleurs « partagées » en quelque sorte au moment de la guerre et de l’indépendance. Or, c’est souvent un moyen d’esquiver, à nouveau, le fond de la question.
MEE : L’expression « rente mémorielle », utilisée par Emmanuel Macron – et qui a déclenché la colère d’Alger –, en est un exemple.
JMD : Il y avait en effet un récit « unanimiste » de l’histoire nationale qui avait passé sous silence une grande partie de l’histoire même du mouvement national, récit qui a été décortiqué depuis les années 1970 par les historiens, à commencer par les tout premiers travaux de Mohamed Harbi et de Benjamin Stora.
Et pour ce qui est de son emprise idéologique, tout cela a volé en éclats en Algérie par la suite dans les années 1990.
MEE : Cet affranchissement du récit officiel algérien a d’ailleurs éclaté au grand jour lors du hirakné en 2019 par opposion à un 5e mandat du président Bouteflika…
JMD : La réappropriation, justement, des symboles et de la mémoire sociale de la guerre d’indépendance par la rue et par le peuple est l’un des aspects les plus impressionnants du hirak depuis février 2019.
L’idée qu’il y aurait en Algérie « une rente mémorielle » qui rapporte quoi que ce soit au pouvoir actuel me paraît donc un peu surannée.
JMD : En France, dans les lycées et les universités, grâce en grande partie au travail de longue haleine d’historiens comme Benjamin Stora, de ses collègues – je pense surtout à Omar Carlier, à Raphaëlle Branche, à Sylvie Thénault – et leurs étudiants, on enseigne depuis longtemps une histoire beaucoup plus critique et beaucoup plus riche. Plus juste, en tout cas.
La France a sans doute inventé « son » Algérie (française). Ce qui est plus vrai, c’est que l’Algérie comme unité territoriale telle qu’elle existe aujourd’hui est bien l’héritage des découpages spatiaux de l’époque coloniale
Mais c’est cette histoire, et ces historiens et historiennes, qui sont sans cesse attaqués par les idéologues à droite, des polémistes comme Robert Ménard par exemple, qui veulent justement une histoire officielle taillée à leurs revendications mémorielles. Ils ont assez souvent trouvé des relais, pour des raisons de clientélisme électoral, à l’échelle nationale en France.
MEE : Emmanuel Macron est, donc, dans une posture d’équilibriste entre volonté de solder ce passif et bénéfices électoraux…
JMD : Emmanuel Macron tente peut-être de récupérer le dossier mémoriel pour éviter que ce soit un terrain occupé par l’extrême droite et ce serait très bien.
Mais encore faut-il se demander si l’usage politique qu’on en fait vise à assumer la réalité ou simplement à faire un consensus factice pour dire, en somme, que nous, on reconnaît que cela a été très difficile pour tout le monde et puis vous, vous arrêtez de nous demander de rendre des comptes.
MEE : Autre déclaration du président Macron lors de cette rencontre, l’allusion à la Turquie et l’Empire ottoman. Il s’est dit « fasciné de voir la capacité qu’a la Turquie de faire oublier […] la domination qu’elle a exercée. Et d’expliquer qu’on est les seuls colonisateurs ». Peut-on placer les deux présences, ottomane et française, sur le même plan ?
JMD : Absolument pas. Dans les propos d’Emmanuel Macron, on voit bien plus une façon de s’attaquer à la Turquie qu’autre chose. Le président français qualifie la période de la Régence ottomane d’Alger de « précédente colonisation » ignorée en Algérie.
Tensions entre Paris et Ankara : « La France est irritée par sa perte d’influence »
Ce faisant, il ne fait malheureusement que répéter une des idées fixes des auteurs coloniaux qui aimaient dire que l’Algérie n’avait jamais été autonome, et que la domination française avait apporté du progrès là où la domination ottomane n’avait été qu’une tyrannie.
MEE : S’agit-il donc d’une contre-vérité historique ?
JMD : Qualifier la période ottomane de « colonisation » est un non-sens. La Régence ottomane d’Alger, qui a duré de 1516 à 1830, était un État souverain reconnu, quoique formellement tributaire de l’Empire ottoman, État qui a été créé par l’alliance d’une partie de l’élite algéroise avec les Ottomans contre la menace d’invasion espagnole.
Offrir la souveraineté d’Alger au sultan Selim III était un moyen pour les Algérois d’obtenir une protection pour maintenir leur indépendance de fait face aux dernières séquences des « croisades » en Méditerranée. C’est tout le contraire de l’expérience de l’invasion, de l’occupation et de la dépossession qu’a été la colonisation française.
MEE : D’ailleurs, quand il doute de l’existence de la « nation algérienne » avant 1830, il prolonge le non-sens historique…
JMD : Est-ce qu’il y avait une « nation algérienne avant la colonisation française », comme se le demande Emmanuel Macron, n’est pas du tout la question. L’idée même de nation était toute fraîche, et encore révolutionnaire, pour la plupart des pays dans l’Europe des années 1830.
MEE : Justement, comment se caractérise la période 1516-1830 du point de vue de l’organisation hiérarchique de la société et de l’État ?
JMD : Comme je l’explique dans mon livre, A History of Algeria, qui commence avec la période ottomane, les fondements de la société algérienne dans ses relations avec un État central établi à Alger se sont développés à cette époque.
La Régence ottomane exerçait, comme tout État à l’époque moderne, une souveraineté à géométrie très variable, laissant des marges de manœuvre assez larges aux élites régionales, les grandes familles, les populations des montagnes ou des zones semi-arides. Mais la souveraineté était reconnue jusque dans le nord du Sahara et, évidemment, par des puissances étrangères, à commencer par les Anglais et les Français, les Américains aussi.
MEE : Un cadre qui tranche avec les propos du président et plus globalement avec les représentations répandues au sujet de l’Algérie, donc…
JMD : La société était très hiérarchisée, assez morcelée entre régions, communautés linguistiques et généalogiques, mais reliée par des marchés, des échanges, l’appartenance aux réseaux d’enseignement religieux, les pèlerinages, etc. Mais elle n’était nullement anarchique ou tenue en ordre par ce despotisme oriental que les images d’Épinal de l’époque coloniale ont aimé imaginer.
MEE : La nation algérienne créée par la France est une vieille antienne, souvent reprise par l’extrême droite. D’où vient cette croyance ?
JMD : On aime à dire que c’est la France qui aurait « créé » l’Algérie. Souvent, on fait référence aux premières utilisations du mot « Algérie » – en français, évidemment – pour justifier cela, ce qui, d’un point de vue historique, est assez ridicule.
Ce sont les nationalistes algériens qui ont créé la nation algérienne, en voulant faire de leur société, qui existait déjà, une communauté politique, dont on avait nié le droit à la souveraineté. Et ils ont fait cela tout à fait contre la volonté de la France et contre une furieuse répression
La France a sans doute inventé « son » Algérie (française). Ce qui est plus vrai, c’est que l’Algérie comme unité territoriale telle qu’elle existe aujourd’hui est bien l’héritage des découpages spatiaux de l’époque coloniale, surtout au Sahara, comme d’ailleurs partout en Afrique.
Mais même là, comme les historiens l’ont démontré, les acteurs locaux bien plus que la volonté de l’État colonial jouaient les premiers rôles.
De toute façon, l’Algérie qu’imaginaient les Français – et les Français d’Algérie tout d’abord puisqu’ils y habitaient – existait toujours adossée à une autre Algérie, mais ils faisaient tout pour ne pas la voir. C’était une Algérie plus ancienne et plus profonde, c’est-à-dire la société algérienne qu’ils avaient essayé de détruire mais qui leur échappait et qui finirait par les déloger.
Évidemment, dans la mesure où l’idée même de la nation et le nationalisme comme pratique politique se sont développés dans le carcan de la politique coloniale, et avec les influences de la vie politique française (syndicalisme, socialisme, communisme, les idées républicaines et même les idées de nationalistes français comme Charles Maurras), les nationalistes Algériens y ont pris ce qu’il y avait à prendre.
Mais ce sont les nationalistes algériens qui ont créé la nation algérienne, en voulant faire de leur société, qui existait déjà, une communauté politique, dont on avait nié le droit à la souveraineté. Et ils ont fait cela tout à fait contre la volonté de la France et contre une furieuse répression.
Le rapport Stora et les perspectives d’« actes symboliques » de Paris envers Alger questionnent le sens à donner à cette mémoire dite conflictuelle. Qu’en est-il dans l’intimité des parcours de part et d’autre de la mer et de la guerre ?
Quelle est ma mémoire de la guerre de libération ? Comment, en tant qu’Algérien né en 1975, soit treize ans après l’indépendance de mon pays, perçois-je cette histoire entre l’Algérie et la France ? Où est cette histoire dans mon vécu, ma construction en tant qu’individu, citoyen, écrivain, journaliste, père, fils… ? Comment conçois-je cette « réconciliation » des mémoires dont on nous parle aujourd’hui, à l’orée du 60e anniversaire de l’indépendance ?
J’avais déjà convoqué cette question dans mon dernier roman noir, 1994, en explorant l’archéologie de la violence et ses légitimations lors de la guerre d’indépendance et lors de la guerre intérieure des années 1990, une manière de questionner notre héritage en tant que jeune génération de l’après-indépendance, confrontée à la violence des années 1990.
L’idée était de neutraliser le grand récit historique et officiel, faire un pas de côté et s’intéresser aux parcours de ceux qui ont fait la guerre, pas celle habitée de héros, mais celle qui laisse partout des victimes, des blessures et de lourds silences.
France-Algérie : le rapport Stora « en deçà de ce qu’on aurait pu attendre »
Que fait la guerre aux hommes ? C’était – et cela reste – une interrogation centrale dans mon travail sur la violence, politique ou non. Il est toujours hasardeux d’en parler avec de grands mots désincarnés ; seules les personnes qui l’ont vécue en parlent le plus justement quand le silence cède devant la question intime, la sollicitation insistante de l’interrogation sincère.
Souvent, les réponses ne sont pas aussi tranchantes que le laisse croire le grand récit. Il y a souvent des hésitations, des contournements et des silences têtus : celui qui ôte l’âme sait mieux que quiconque la valeur de la vie humaine. Et sait ce qu’on y laisse, chacun. Victime et tueur y laissent justement leurs âmes, définitivement pour l’un, progressivement, insidieusement, pour l’autre.
La guerre, donc, est d’abord une question de personnes, d’individualité, de vécu personnel, intime et complexe.
Mes premières perceptions remontent bien sûr à l’enfance et à un souvenir fondateur : de retour de l’école, vers 11 ou 12 ans, après un cours sur l’histoire de la guerre, j’avais solennellement déclaré la France, les Français et la langue française comme « entités ennemies ». Mes parents m’avaient de suite recadré : non, l’ennemi, c’était l’injustice, la hogra, les gifles des grands colons et de la police coloniale. L’ennemi, c’est le système colonial.
Ni « justifier » ni euphémiser
Depuis, les aléas de la vie, les rencontres et les voyages, mais aussi les lectures, m’ont imposé un nouveau récit ou, plutôt, de nouveaux récits, aussi pluriels que les protagonistes de cette histoire ou leurs descendants, en Algérie ou en France.
Je reviens ici sur des lectures qui, selon moi, devraient intégrer les programmes scolaires dans les deux pays afin de toucher la complexité humaine de la période coloniale, non pas pour « justifier » ou euphémiser les injustices et le crime, mais pour sortir des hystéries populistes des deux côtés de la Méditerranée. Il fallait « lire » la guerre à hauteur d’hommes et de femmes qui l’avaient vécue, qui l’avaient faite.
« N’ayons pas peur de nous confronter aux faits historiques dans toute leur complexité. D’autant que les protagonistes de novembre 1954 [date de déclenchement de la guerre de libération] n’ont pas vocation à être sanctifiés ni démonisés. Ils doivent d’abord être compris selon leurs itinéraires, leurs actes et leurs intentions ; à savoir débloquer une situation de crise en tenant compte de la conjoncture internationale, afin de renverser un ordre injuste », écrivaient récemment les historiens Mohammed Harbi et Nedjib Sidi Moussa.
« Cela revient à évaluer les contributions des vivants, des survivants, qui ont pesé sur les destinées du pays depuis l’indépendance, à rebours d’une lecture par trop morbide et focalisée sur les martyrs tombés au champ d’honneur ou sous la torture coloniale. En effet, nous parviendrons à contrer la ‘’fuite en arrière’’ en renouant avec un humanisme qui était déjà en gestation chez les pionniers de l’indépendance, tout en dépassant leurs limites propres. »
Il est d’ailleurs douloureusement paradoxal que la révolution algérienne, humaniste et égalitaire, qui a inspiré tellement de mouvements d’émancipation à travers le monde, n’ait pu garder dans notre dispositif mémoriel et politique cette aura, maltraitée qu’elle est par le récit apparatchik, folklorisée et desséchée
Je reviens donc à des lectures, fondamentales à mon avis. D’abord, le premier roman de l’écrivain et poète Malek Haddad, La Dernière Impression, paru en 1958, quatre ans après le déclenchement de la révolution du 1er novembre.
Dans ce texte que j’ai rencontré à la fac – interdit en Algérie à sa parution par le général Massu, patron des paras –, l’auteur nous raconte l’histoire de Saïd, ingénieur de Constantine, amoureux d’une Française, et qui doit faire sauter, à la demande des maquisards algériens, un pont. Son pont. Car c’est lui qui l’avait construit.
Le roman est traversé par cette tension qui déchire Saïd, qui ne veut plus être vu par ses amis « progressistes » européens de la belle société de Constantine comme un « bon Arabe ». « Tu n’es pas comme ‘’eux’’. » Mais lui insiste : « Je SUIS eux. »
Comment dire la guerre, aussi juste soit-elle, qui s’incruste dans les intimités des vies, de l’amour qu’il porte à sa compagne ? Le roman tient ce pari fou de le dire.
Car c’est une question de ponts. Les détruire ? Les laisser ? Rebâtir d’autres ? Triptyque piégeant de la relation France-Algérie, celle aussi avec nos mémoires, de part et d’autre de la mer. Avec l’Autre, finalement, tant nous sommes aux prisesavec notre crise d’altérité.
Il est d’ailleurs douloureusement paradoxal que la révolution algérienne, humaniste et égalitaire, qui a inspiré tellement de mouvements d’émancipation à travers le monde, n’ait pu garder dans notre dispositif mémoriel et politique cette aura, maltraitée qu’elle est par le récit apparatchik, folklorisée et desséchée.
La lucidité face à la douleur
La révolution algérienne a été un moment « monde », un renversement des paradigmes : on aurait pu s’en inspirer aujourd’hui en Algérie pour nous éviter ces crises face à l’Autre : l’autre, ce migrant subsaharien, ce juif de chez nous, ce voisin chrétien, cet ami athée…
L’idéal de la révolution n’est pas sous verre dans le musée, mais là dehors, avec nous dans l’épicerie du quartier, à l’école face aux élèves et au perchoir de la mosquée pour dire la fraternité entre les humains qui luttent contre l’injustice, le racisme et les inégalités multiformes.
Interrogeons-nous, par exemple, sur l’effacement, dans nos manuels scolaires et nos discours officiels, des noms de ces Européens, juifs, étrangers qui ont embrassé la cause des Algériens contre le colonialisme.
Un autre texte de Malek Haddad, un des plus poignants, à mon avis, de la littérature des années 1950-1960, m’avait aussi bouleversé : Le Quai aux fleurs ne répond plus, paru en 1961.
L’écrivain et journaliste en exil en France, Khaled Ben Tobal, doit retrouver son ami d’enfance, natif de Constantine comme lui, Simon Guejd, qui s’est installé à Paris comme avocat à la cour. La rencontre entre les deux vieux amis et les échos de la guerre qui se déchaîne au pays se traduisent vite par des drames et des chocs. Mais l’écrivain garde sa lucidité face à la douleur qu’infligent la guerre, l’exil et la perte de l’être cher.
Kamel Daoud : « Que faire de l’ex-colonisateur ? »
Extrait du Quai aux fleurs ne répond plus : « Je ne préjuge pas de cet instant où la France pourrait devenir la sœur de ma mère. Une sœur ni aînée, ni cadette, ni plus riche, ni plus pauvre, ni plus bête, ni plus intelligente. Je ne préjuge pas, moi Khaled Ben Tobal, homme de cœur et de petite dimension, que ma mère puisse écrire à sa sœur de ses cartes postales dont la simplicité m’émerveille, avec des mots qui se disent en arabe et en français : bons baisers, tout va bien… Entre ta mère et la mienne, il n’y a pas de sang commun, mais du sang en commun.
À mon sens, elles ne devraient pas être que de simples belles-sœurs.
Mais je veux, moi Khaled Ben Tobal, homme de cœur et de petite dimension, que ma mère sente les fleurs d’orange, comme la tienne la lavande, souveraine, totalement souveraine dans sa cuisine. Mais je veux que ta mère dise qu’elle a beaucoup de choses à apprendre de la mienne et que ma mère a plus souffert de la tienne que la tienne de la mienne… »
Je citerai un dernier ouvrage, qu’un ami cinéaste m’a mis entre les mains, offusqué par le fait que je ne l’avais pas lu encore. « C’est pas possible ! Comment comprendre le passé, le présent et l’avenir de la relation France-Algérie si tu ne l’as pas lu ?! », s’étranglait-il.
Et ce fut un choc.
Car malgré mon vécu, entre l’Algérie et la France, mes amitiés et ma famille désormais qui est aussi bien là-bas qu’ici, je n’avais pas encore touché du doigt la violence et le déchirement qu’a été cette guerre, à hauteur d’homme.
« Un siècle durant, on s’est coudoyé sans curiosité »
L’homme en question est aussi un écrivain, Mouloud Feraoun, assassiné par l’Organisation de l’armée secrète (OAS, pro-Algérie française) le 15 mars 1962, quatre jours avant le cessez-le feu. Instituteur très Troisième République, directeur d’école, ami de grands écrivains comme Emmanuel Roblès, Feraoun osa s’affranchir de sa pudeur montagnarde pour coucher sur le papier son émouvant Journal, 1955-1962, interrompu la veille même de son assassinat sur les hauteurs d’Alger.
Dans ce journal intime, qu’il cachait au milieu des cahiers d’écoliers, le grand écrivain racontait dans le détail son quotidien d’enseignant au fond de la guerre, les violences et le racisme grandissant, les mésententes et les appréhensions entre Algériens et Français, les viols et les villages rasés, les écoles brûlées, les hommes torturés et ensevelis anonymement…
« La vérité, c’est qu’il n’y a pas eu mariage... Les Français sont restés étrangers. Ils croyaient que l’Algérie, c’était eux. Maintenant que nous nous estimons assez forts ou que nous les croyons un peu faibles, nous leur disons : non, Messieurs, l’Algérie c’est nous... Le mal vient de là. Inutile de chercher ailleurs. Un siècle durant, on s’est coudoyé sans curiosité, il ne reste plus qu’à récolter cette indifférence réfléchie qui est le contraire de l’amour », écrit-il en décembre 1955.
Mouloud Feraoun était déchiré entre la France de la culture et de la langue, celle des petits enseignants dans les villages, des libéraux qui refusaient les injustices comme Albert Camus, et sa conscience d’Algérien, écrasé par plus d’un siècle de présence coloniale
Mouloud Feraoun était déchiré entre la France de la culture et de la langue, celle des petits enseignants dans les villages, des libéraux qui refusaient les injustices comme Albert Camus, et sa conscience d’Algérien, écrasé par plus d’un siècle de présence coloniale qui refusa dignité et égalité pour « l’indigène », cette conscience du petit peuple affamé, en lambeaux face à la machine de la guerre, face à ces « hommes qui ont tout » et qui « viennent détruire des hommes qui n’ont rien ». Il finira aussi par résumer brutalement l’équation du moment : « Vivre français ou mourir arabe » !
La force de ce journal est ce témoignage direct, sans filtre idéologique, exposant l’horreur et les moments de trêve humaine, osant la critique des justes, la défense des plus faibles et la projection dans cette Algérie de l’après.
Extrait du Journal, avril 1957 : « Il arrivera un moment où l’armée et le maquis rivaliseront de brutalité et de cruauté les uns au nom d’une liberté difficile à conquérir, l’autre au nom d’un système périmé qu’elle s’acharne à défendre. Ceux qui font les fruits de ces colères implacables les subissent sans étonnement et sans panique, ayant enfin conscience de se trouver engagés dans un circuit infernal d’où toute tentative d’évasion est devenue une utopie. »
Le courage et le martyr de l’écrivain
Le courage de Feraoun est, à mon sens, un des plus remarquables de notre littérature.
« Il est peut-être des circonstances où la victime et le bourreau perdent soudainement leurs attributs, se rapprochent, se confondent et ressentent fraternellement la même douleur, la même impuissance », écrivait-il encore.
Ou encore, cet extrait d’avril 1957 : « Il y avait quelque chose de très difficile à définir mais qui rendait possible la coexistence pacifique. Il y avait chez nous comme l’espoir farouche d’améliorer peu à peu notre situation, de nous acheminer sûrement vers une chimérique égalité. Il y avait chez eux cette condescendance quasi fraternelle qui consistait à nous tolérer, à nous céder de bon le second rôle tout en nous demandant de les comprendre et en somme de les aider à conserver la prééminence et nous aussi nous les y aidions de bon cœur tout en songeant intérieurement que ce n’était là qu’une question de patience, qu’un jour viendra où chacun sera véritablement à sa place. Puis il a fallu abattre les cartes… Et maintenant que les cartes sont abattues, pourquoi vouloir retourner à un passé révolu, puisqu’il n’y a plus de dupes ni d’un côté ni de l’autre. »
1962, le miracle de l’indépendance algérienne
Ce n’est certes pas un hasard si, dans le préambule de son rapport sur les questions mémorielles, Benjamin Stora cite, aux côtés d’Albert Camus, Feraoun : « Le pays se réveille aveuglé par la colère et plein de pressentiments ; une force confuse monte en lui doucement. Il est tout effrayé encore mais bientôt il en aura pleinement conscience. Alors, il s’en servira et demandera des comptes à ceux qui ont prolongé son sommeil. »
La quête mémorielle, l’apaisement ne peut faire l’économie de prendre conscience de la conscience de ceux qui ont vécu si près la guerre et ses horreurs, ceux qui se sont questionnés, ont douté, agi ou pas.
« Il règne en France et en Algérie une grande ignorance sur ce que fut l’histoire complexe des Algériens : leurs engagements politiques anciens, leurs croyances religieuses préservées, leurs rapports maintenus à la langue arabe, française, berbère. Mon rapport, très discuté partout, propose précisément une méthode qui privilégie l’éducation, la culture, par la connaissance de l’autre, et de tous les groupes engagés dans l’histoire algérienne », a répondu Stora à ses détracteurs la semaine dernière.
« J’ai simplement proposé dans mon rapport une méthode qui est la mienne depuis longtemps : connaître les motivations, la trajectoire de tous les groupes de mémoire frappés par cette guerre dévastatrice, patiemment, pour faire reculer les préjugés et le racisme ; avancer pas à pas, par des exemples concrets, pour comprendre la réalité terrible de la conquête de l’Algérie et du système colonial », poursuit-il.
Je suis assez d’accord avec cette démarche. Le revival mémoriel depuis les années 1990 a jeté l’histoire franco-algérienne dans le brasier des surenchères et des amalgames, et je reste abasourdi par le fait que ceux-là même qui ont vécu la guerre en subissant ses affres avaient, à l’époque, plus de lucidité et de courage, d’humanisme et de projection vers l’avenir que nos contemporains.
Une douleur enfouie
« Nous avons pris bien du retard, en France et en Algérie, dans tout ce travail d’éducation, si nécessaire, précisément pour faire comprendre la réalité du système colonial », constate Stora.
Oui, mais il faudrait plaider non seulement pour une meilleure connaissance de l’histoire dans les systèmes éducatifs français et algériens, mais surtout y intégrer le corpus des textes littéraires de cette époque qui sondent aussi bien l’inconscient que les non-dits de la guerre et de ce qu’elle fait aux humains.
Pourquoi ne pas questionner Camus au lieu de le juger, et explorer le vécu de ces millions d’âmes dans l’inimitié de la déchirure et de l’engagement ?
Pourquoi ne pas questionner Camus au lieu de le juger, et explorer le vécu de ces millions d’âmes dans l’inimitié de la déchirure et de l’engagement ?
Cela passe donc par la redécouverte de ces récits, mais surtout, par la dynamisation des contacts humains aujourd’hui. J’ai eu la chance de rencontrer, ici dans mon pays ou en France, des acteurs volontaires (ou non) de cette période : militants algériens ou pieds-noirs, fils et filles de harkis et Européens engagés dans la lutte du peuple algérien, juifs d’ici et hommes de religion chrétiens engagés, communistes et descendants des oulémas, etc., toutes et tous racontent avec leur mots leurs vies, ces Algérie(s) qu’ils ont aimées ou rêvées, quittées ou qui les ont déçus.
J’ai surtout appris qu’au-delà des postures des uns et des autres, victimaires ou cyniques, hautaines ou haineuses, quelque chose de plus profond agite la conscience de soi et de sa propre biographie : plus que de la résilience face aux déchirements du passé, plutôt une douleur enfouie, presque honteuse. Une petite musique à peine audible dans le fracas des gros orchestres de la NostAlgérie et des nouvelles « décolonisations ».
Ces rencontres, ces amitiés, ces engueulades et autres débats, j’ai eu la chance de les vivre parce que je suis privilégié, ayant l’opportunité de circuler entre les deux pays, ce qui n’est certes pas le cas de la majorité.
Le rapport Stora préconise une plus grande souplesse pour la circulation des chercheurs qui travaillent sur l’histoire, mais je pense qu’on ne peut rien construire dans ce chantier de la connaissance réciproque si on reste dans cette politique si restrictive des visas pratiquée aussi bien par Paris que par Alger.
Le double piège des perceptions maladives
Comment jeter des ponts de part et d’autre si on maintient les murs et les fermetures ?
Algérie-France : du hirak à la question mémorielle, une relation complexe
Pourquoi ne pas lancer des échanges massifs d’écoliers, de collégiens et de lycéens, entre les deux pays afin de créer ainsi de nouveaux liens intimes et intelligents entre les jeunes générations, française et algérienne, qui pourront reconstruire leurs approches de l’histoire franco-algérienne, saisir dans la quotidienneté des deux sociétés ce qui fait sens pour se libérer des clichés et autres pesanteurs démagogiques, xénophobes et haineuses.
Cela paraît naïf, cette sorte d’appel à « l’amitié entre les peuples », mais face aux défis de la montée des populismes, des crises identitaires et des dérives des politiciens, il est plus que nécessaire de parier sur l’avenir sur la base de la connaissance empathique de l’Autre, l’Algérien, le Français, de toutes les générations.
On sortira ainsi du double piège des perceptions maladives : côté algérien, voir la France comme le pays qu’on aime tellement détester et dénigrer ; côté français, parler de l’Algérie comme ce pays qu’on connaît si bien alors qu’on en ignore quasiment tout.
C’est au milieu d’un étroit chemin entre ces deux maldonnes que j’essaie d’appréhender mon legs historique, slalomant entre les incompréhensions et tombant parfois dans les imprécations trop faciles.
Tâche encore plus complexe puisque s’en mêle l’impératif de faire hériter à mon tour de cette histoire, de ces histoires, mon enfant, elle-même Française et Algérienne.
J’ai pris le pari de lui raconter l’histoire de ses deux familles, la française et l’algérienne, par bribes, pour tenter de construire un récit intime et historique à la fois. L’histoire est faite par des femmes et des hommes, elle devrait être comprise et enseignée par ce biais humain.
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.
Adlène Meddi est un journaliste et écrivain algérien. Ex-rédacteur en chef d’El Watan Week-end à Alger, la version hebdomadaire du quotidien francophone algérien le plus influent, collaborateur pour le magazine français Le Point, il a co-écrit Jours Tranquilles à Alger (Riveneuve, 2016) avec Mélanie Matarese et signé trois thrillers politiques sur l’Algérie, dont le dernier, 1994 (Rivages, sortie le 5 septembre). Il est également spécialiste des question
En réponse aux déclarations attribuées à Emmanuel Macron, le Président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a mis en exergue le nombre de martyrs ayant sacrifié leur vie dans la lutte contre le colonisateur depuis son débarquement jusqu’à son départ en 1962. Nous vous en disons un peu plus dans la suite de notre article du 03 octobre 2021.
Les déclarations attribuées par Le Monde à Macron et non démenties par l’Elysée ont fait l’effet d’une bombe dans le monde politique. Elles furent un véritable coup de massue pour le gouvernement algérien qui les qualifie de « malencontreuses, irresponsables et inadmissibles ». Et qui, s’insurge-t-il alors, portent préjudice à la mémoire des millions de martyrs de l’Algérie sous le joug de la France coloniale.
Selon le journal français susmentionné, Emmanuel Macron estime que l’histoire d’Algérie à la période coloniale ne s’appuie pas sur des vérités. Mais plutôt autour d’« un discours qui repose sur une haine de la France ». C’est en effet ce qu’a formellement déclaré le président français. Cela au cours des échanges entretenus avec une dizaine de jeunes gens.
Les récents propos d’Emmanuel Macron suscite la colère de l’Algérie
Les relations entre la France et l’Algérie sont actuellement au plus bas. Si la volonté de réconciliation des mémoires rivales autour de la guerre d’indépendance algérienne était peu ou prou partagée par les deux parties, les choses semblent maintenant avoir changé. Dans un contexte de tension globale, Emmanuel Macron remue donc le couteau dans la plaie avec une nouvelle escalade verbale.
Il estime que l’histoire d’Algérie a été totalement réécrite, de fond en comble. Il considère en outre que l’État algérien s’est entièrement construit sur « une rente mémorielle ». Le président français évoque, dans le même sens, « un système politico-militaire » au pouvoir. Des propos qui ne passent pas pour le gouvernement algérien. Il voit dans ces déclarations une totale « irresponsabilité et une ingérence inadmissible » dans ses affaires intérieures.
Ne tolérant pas les propos non désavoués par le principal intéressé, le Président de la République algérienne a rappelé son ambassadeur à Paris, Mohamed Antar Daoud pour « consultations ». Il a fustigé une « situation particulièrement inadmissible engendrée par ces propos irresponsables ». Il s’agit là de ce qui ressort du dernier communiqué de la Présidence de la République repris par l’agence APS.
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