Les derniers jours ont été marqués par une relance des négociations en vue de l’entrée en vigueur d’un accord de cessez-le-feu et de libération des otages.
L’enlisement a cédé la place à un optimisme prudent. Mais pour combien de temps ? Ces derniers jours, les efforts diplomatiques qui étaient dans l’impasse pour obtenir un accord de cessez-le-feu et de libération des otages à Gaza entre le Hamas et Israël ont été relancés. Si certains points d’achoppement subsistent, le contexte actuel et les intérêts des acteurs impliqués dans les négociations laissent espérer une percée par rapport aux mois précédents. Plus de neuf mois après le début de la guerre dans l’enclave palestinienne, un deal pourrait bien être conclu et ouvrir la voie à la première pause dans les combats depuis novembre 2023. Quels seraient ses contours ? Pourquoi le timing semble-t-il davantage favorable que par le passé ?
Délégation israélienne au Caire et à Doha
Au cours des mois précédents, les pourparlers butaient notamment sur une exigence-clé du Hamas : obtenir la garantie selon laquelle tout accord devait impliquer la fin complète de la guerre. Alors que le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, s’était dit favorable à la suspension temporaire des combats, ce dernier avait indiqué que les hostilités ne s’arrêteraient pas tant que Tel-Aviv n’aurait pas atteint ses objectifs de guerre, à savoir la destruction du Hamas et la libération de tous les otages retenus à Gaza. Mais en fin de semaine dernière, le mouvement islamiste a indiqué à son allié du Hezbollah avoir accepté une proposition d’accord à Gaza, indiquant être revenu sur sa demande en voulant bien négocier la deuxième phase d’un deal sans l’assurance d’un cessez-le-feu permanent dans l’enclave.
« La balle est dans le camp des Israéliens, s’ils veulent parvenir à un accord, alors cela se produira très probablement », a affirmé dimanche un responsable du mouvement cité par l’AFP sous couvert d’anonymat, ajoutant que les discussions pourraient prendre « de deux à trois semaines » en cas de non-blocage israélien. Au cours de cette semaine, la délégation israélienne doit ainsi retourner au Caire et à Doha, après un passage éclair du chef du Mossad au Qatar vendredi, afin de poursuivre les discussions avec les médiateurs américain, égyptien et qatari. Le nouveau texte approuvé par le Hamas prévoit que la première phase de l’accord – qui devrait notamment s’articuler sur le retrait israélien des zones densément peuplées ainsi que la libération d’une partie des otages civils, des femmes et des personnes âgées, blessées ou malades, en échange de celle de centaines de prisonniers palestiniens – s’étale sur six semaines et que les pourparlers concernant la libération des hommes et des soldats israéliens détenus dans le réduit palestinien débutent au plus tard 16 jours après le début de la mise en œuvre de la première étape. Cité par CNN samedi, un responsable du mouvement islamiste membre de l’équipe de négociation a précisé que les médiateurs garantiraient une trêve temporaire, l’acheminement de l’aide humanitaire à Gaza et le repli des troupes israéliennes tant que les négociations indirectes se poursuivent sur la mise en œuvre de la deuxième phase.
Compliquant la possibilité d’un deal, le Hamas exige pour sa part d’obtenir des engagements écrits de la part des médiateurs américain, égyptien et qatari afin qu’ils garantissent la poursuite des négociations dans les conditions précitées, selon Axios. Dimanche soir, le bureau de Benjamin Netanyahu a publié un communiqué indiquant que le Premier ministre restait « fermement engagé » à respecter les principes déjà acceptés par Israël et approuvés par le président américain Joe Biden, notamment le fait que tout accord doit accorder à l’État hébreu la possibilité de reprendre les combats jusqu’à ce qu’il ait atteint « tous les objectifs de la guerre ».
Pression iranienne sur le Hamas
Bien que certains obstacles persistent, la pression mise par les alliés respectifs des deux belligérants pourrait influer positivement sur la conclusion d’un accord. D’un côté, le Hamas aurait sans doute été pressé par son soutien financier et militaire iranien d’avancer vers cette voie. Selon une source diplomatique arabe interrogée par L’OLJ, « Washington a contacté Téhéran pour faire pression sur le Hamas, et spécifiquement sur Yahya Sinouar (chef du mouvement palestinien à Gaza), pour parvenir à une trêve ». Le 4 juin dernier, en marge de sa visite en Syrie, le ministre iranien des Affaires étrangères par intérim, Ali Bagheri-Kani, s’est notamment entretenu avec des représentants de factions palestiniennes, sans que la présence du Hamas ait été confirmée.
Alors qu’Israël menace de lancer une guerre ouverte sur le Liban contre le Hezbollah – qui constitue pour Téhéran le dernier rempart dans le cas où la survie de la République islamique serait directement menacée –, l’Iran a sans doute intérêt à obtenir la fin de la guerre qui devrait également se répercuter sur le pays du Cèdre. Tandis que Téhéran se prépare en outre à la victoire de Donald Trump à la présidentielle américaine de novembre prochain, il aurait un intérêt à calmer le jeu pour éviter une potentielle confrontation avec l’ancien président républicain. Une accalmie qui pourrait être facilitée par l’élection, vendredi, du candidat réformiste Massoud Pezeshkian à la présidence de l’Iran.
Échéance présidentielle américaine
Côté israélien, la pression interne contre le gouvernement couplée à la volonté de Joe Biden d’arracher un deal avant l’échéance électorale dans quatre mois pourrait produire des effets significatifs. À l’heure où le locataire de la Maison-Blanche essuie des critiques d’une partie de son camp l’exhortant à se retirer en faveur d’une autre figure démocrate, ce dernier multiplie les efforts pour espérer obtenir rapidement une victoire considérable. Mis en cause depuis des mois par une partie de sa population pour son soutien jugé indéfectible à l’État hébreu, le dirigeant des États-Unis s’attache urgemment à faire cesser la guerre et à éviter un embrasement général dans la région. Au cours d’un appel téléphonique avec Benjamin Netanyahu il y a une semaine, Joe biden a affirmé au Premier ministre qu’« il est temps de conclure » un deal, alors que la Maison-Blanche a par ailleurs indiqué que ce dernier rencontrera probablement le président démocrate en marge de sa visite au Congrès américain le 24 juillet.
Un intérêt partagé par de nombreux Israéliens, qui sont à nouveau descendus par milliers dans les rues du pays dimanche pour réclamer un accord de cessez-le-feu à Gaza qui serait accompagné d’une libération des otages, ainsi que des élections anticipées dans l’espoir que Benjamin Netanyahu soit exclu du pouvoir. Selon une enquête d’opinion récemment conduite par la chaîne d’information israélienne Channel 12, 54 % des personnes interrogées estiment que le Premier ministre continue à mener la guerre parce qu’elle sert ses intérêts politiques.
Lundi, le chef de l’exécutif israélien a de nouveau vu ses alliés de coalition ultranationalistes et d’extrême droite menacer de démissionner dans le cas où un tel accord venait à être conclu. « Le Hamas s’effondre et supplie pour un cessez-le-feu. C’est le moment de lui serrer le cou jusqu’à ce que nous l’écrasions et le brisions, a notamment déclaré sur son compte X le ministre des Finances, Bezalel Smotrich. S’arrêter maintenant, juste avant la fin, et le laisser se ressaisir pour nous combattre à nouveau est une folie insensée. » Le Premier ministre israélien se cachera-t-il derrière le refus de ses partenaires en vue de repousser l’heure des comptes et d’assurer sa survie à la tête du pays ? Cette stratégie pourrait toutefois comporter des limites, au moment où l’armée semble à bout de souffle. Selon des entretiens réalisés par le New York Times (NYT) avec six anciens ou actuels responsables des services de sécurité israéliens, le leadership militaire souhaiterait également la conclusion d’un cessez-le-feu. Le quotidien américain rapporte que le haut commandement militaire aurait fait le constat selon lequel les objectifs de vaincre le Hamas et libérer les otages à Gaza ne pouvaient être atteints simultanément, contrairement à ce que continue d’affirmer officiellement Benjamin Netanyahu. Face à la perspective qu’une guerre plus importante éclate au Liban, nécessitant le redéploiement de troupes vers la frontière nord d’Israël, au manque de munitions pour combattre et de motivation des soldats, les responsables de l’armée estiment qu’un deal est la moins pire des solutions. « (Les hauts responsables de l’armée) pensent qu’ils peuvent toujours retourner (dans l’enclave) et engager le Hamas militairement à l’avenir, a déclaré au NYT Eyal Hulata, ancien conseiller à la sécurité nationale d’Israël. Ils comprennent qu’une pause à Gaza rend la désescalade plus probable au Liban. »
OLJ / Par Noura DOUKHI, le 09 juillet 2024 à 00h00
https://www.lorientlejour.com/article/1419676/pourquoi-une-treve-a-gaza-apparait-aujourdhui-plus-probable.html
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