Le Phénicien l’a baptisée « Passage ».
Camus, grand prêtre du lieu, insurpassé, l’a célébrée à la grecque:
« Ce n’est pas si facile de devenir ce qu’on est, de retrouver sa mesure profonde...
J’apprenais à respirer, je m’intégrais et je m’accomplissais... ».
Tipaza n’a pas changé, c’est pourquoi chacun qui vient ici
Peut y humer l’effluve de sa vie, trouver sa place sous le soleil
Et se mettre en demeure de devenir enfin!
Car ici chacun taille sa mesure profonde
Et passe de l’instant au cœur de l’immuable.
Sur ces dentelles de rochers et de maquis,
L’homme et l’histoire ont marié leurs génies :
Et grâce aux dieux le site est demeuré sauvage
Dans une mémoire ourlée par la vague éternelle
Qui lèche à ses pieds le sable rouge des énergies premières,
Et les dégorgements de l’ardente lumière
Nimbant de majesté la masse du Chenoua !
De Carthage à Gibraltar Tipaza est la clé,
Non seulement pour les naves lourdes de toutes les richesses,
Mais encore et surtout d’un certain Jésus Christ
Qu’Alexandre et Salsa, entre histoire et légende, vont établir ici,
Dans la plus vaste basilique africaine à neuf nefs : la foi dans l’homme mort et ressuscité.
Naves et nefs rivalisaient ainsi de succès et de gloire !
Les Vandales ariens finirent par la réduire,
Les Byzantins s’essayèrent vainement à la réanimer :
Tipaza s’endormit comme carrière de pierres
Au service d’Icosium, d’El Djézaïr, d’Alger...
Amphithéâtre, Temples, Forum et Capitole,
Thermes et Curie, Villas et Basiliques,
Mausolées, Hypogées, Théâtres et Nymphées :
Le soleil et les lézards ont récupéré leur du
Parmi les asphodèles et les rhododendrons :
Cette parcelle d’éternité, tombée un jour du temps entre les mains des hommes.
On y respire encore les effluves tenaces d’aventures fabuleuses,
Courues par les enfants d’une Mère Méditerranée toujours partagée
Entre un passé irréductible à toutes les enquêtes,
Et la menace d’un avenir toujours recommencé !
Tipaza est le martyr de la mémoire douloureuse
Des longues théories de tous les peuples
Qui ont ici un jour médité sur la mort,
Quand on savait encore
Que l’homme n’est qu’une conscience triste sous le soleil !
.
Vincent Paul Toccoli
C H E R C H E L L
Juba II, maître de Iol,
Protégé d’Octave, élève de Rome ;
Époux de Séléné-la-lune,
Fille d’Antoine et de Cléopâtre la grande ;
Favori de César Auguste,
Et fondateur enfin d’une ville à sa gloire :
Caesarea, Césarée mauritanienne, notre humble Cherchell algérienne
Où désormais l’on cherche une mémoire vaine :
Théâtre, émule du Marcellus romain,
Amphithéâtre à l’arène en quadrature,
Aqueduc et port illuminé d’un phare,
Un cirque, peut-être,
Oui, la mémoire flanche soudain,
malgré l’excellence et la longévité du roi,
- érudit, lettré, écrivain racé,
voguant avec aisance sur la mer historique
et féru tant de peinture et de théâtre, que de physiologie et de synonymie...
- oui la mémoire bascule devant l’absence ici d’une vie quI fut intense,
avec ses fonctionnaires et corps de troupe,
les tumultes du port et l’escadre africaine tapie derrière l’îlot !
Mais qu’est-elle devenue, la rivale de Carthage !
Statuaire, décors et dallage marmoréens :
Auguste Imperator, Apollon aux yeux vides !
Il reste pour notre étonnement,
Les vestiges du jour où il fut grand,
Le gros bourg dérisoire qui s’abrite aujourd’hui,
Sous les arbres étranges de son forum d’opérette,
Habité aujourd’hui par mouettes et goélands...
Vincent Paul Toccoli
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