« Non, toute la police ne souhaite pas user impunément de la violence (...) Non, toute la police n’est pas solidaire du comportement de policiers qui se rendent coupables de crimes dans l’exercice de leur fonction » : à travers un témoignage courageux, un fonctionnaire s'élève contre les dysfonctionnements systémiques de l'institution, dont se rendent coupables les responsables hiérarchiques. Dans le Club, d'autres contributions pointent la pusillanimité du chef de l'Etat face aux syndicats qui demandent une justice d'exception. Une autre police « républicaine » et respectueuse de tous les citoyens est-elle possible? »
Non, toute la police ne souhaite pas user impunément de la violence.
Non, toute la police ne revendique pas le droit d’être jugée par des juridictions d’exception. Non, toute la police ne désire pas une fuite en avant toujours plus sécuritaire servie par des intelligences artificielles, des robots, des caméras, des drones et autres “techno-gadgets” sans considération du scénario dystopique qui se dessine..
Non, toute la police n’est pas solidaire du comportement de policiers qui se rendent coupables de crimes dans l’exercice de leur fonction.
Oui, il existe une police qui se conforme aux principes constitutionnels de la République. Oui, il existe une police républicaine dont l’objectif est de protéger ses concitoyens y compris des excès et des abus dans ses propres rangs.
Oui, il existe une police qui ne considère pas une partie de la population comme « nuisible ».
Aujourd’hui, ceux qui menacent l’ordre public et nos principes ne sont pas tant ces quelques collègues qui témoignent maladroitement et illégalement de leur colère. Ce sont les quelques hauts fonctionnaires, qui répandent des idées factieuses en réponse à leur malaise.
De nombreux policiers sont fatigués, déboussolés et ne comprennent pas la violence quotidienne dont ils sont parfois l’objet. Une violence dont notre président a dit vouloir chercher les causes profondes. Cette violence dont le premier commanditaire est le gouvernement, use les policiers et les place dans une situation intenable.
Oui, les policiers vont mal et souffrent dans leur travail. Ce mal-être les pousse parfois à se retrancher derrière des positions radicales, derrière des comportements inadaptés et les conduit parfois à retourner cette violence contre eux, au point de mettre fin à leurs jours. N’oublions pas, en effet, que la Police nationale connaît le plus fort taux de suicide toutes catégories socio-professionnelles confondues en France.
Tout cela reste ignoré de nos responsables administratifs et politiques.
Votre seule réponse à ce désarroi structurel et à cette colère est de proposer à la police d'être déresponsabilisée par la création d’une juridiction d’exception, par la remise en cause de l’article 144 du CPP et par la critique de la justice.
Aucune de vos réponses ne cherche à préserver les fonctionnaires autrement qu’en proposant des solutions dérogatoires aux dispositions législatives. L’égalité de tous devant la loi est un principe fondateur de notre société. La majorité des policiers ne souhaitent pas transiger sur ce principe et s’engager sur cette voie mortifère pour la démocratie.
Aucune de vos réponses ne cherche à enrayer les causes profondes de la violence sociale qui secoue notre société et à laquelle la police doit répondre par une violence encore plus grande.
Aujourd’hui, la police nationale fait entendre son mécontentement à votre encontre, elle le fait non pas pour obtenir le droit de mutiler, torturer ou tuer mais simplement pour ne pas être la meute des chiens de garde que l’on siffle pour mettre fin aux troubles sociaux : ces mouvements qui secouent notre société depuis des mois, des années, et pour lesquels vous n’avez pour seule réponse que la violence et la répression. Au-delà de la nécessaire subordination hiérarchique, la police n’est pas aux ordres du seul pouvoir mais au service de tous. Oui, il existe une police républicaine qui désire œuvrer pour la sécurité commune de ses concitoyens, et qui refuse de servir d’outil de répression. C’est à celle-ci que je souhaite appartenir.
Etienne Préau*
Policier depuis 1996 et brigadier-chef depuis 2013
Officier de police judiciaire
*Nom d’emprunt
Un policier anonyme
BILLET DE BLOG 29 JUILLET 2023
https://blogs.mediapart.fr/un-policier-anonyme/blog/290723/une-autre-police-est-possible-lettre-ouverte-mes-collegues-et-ma-hierarchie
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