Le troisième couplet du Kassaman (hymne national algérien), jugé anti-France, a été rétabli le 21 mai dernier par un décret du président algérien. Parmi les paroles de ce couplet, on peut lire : « Ô France, le temps des palabres est révolu […] Voici venu le jour où il te faut rendre des comptes »
Le décret modifie les circonstances dans lesquelles l’hymne national du pays (écrit par Moufdi Zakaria, un poète algérien et militant indépendantiste) doit être joué en intégralité. Il le sera désormais, lors de toutes les cérémonies officielles en présence du président algérien Abdelmadjid Tebboune. Plus précisément, ce troisième couplet (sur les cinq que compte l’hymne) avait été rétabli depuis plusieurs années, mais il avait disparu de la vie publique, à l’exception des congrès du FLN ou de l’investiture du président de la République algérienne. Le nouveau décret l’inscrit donc désormais au protocole de toutes les cérémonies officielles.
Nadir Marouf, anthropologue du droit, s’adresse à une élue des Alpes Maritimes, Michèle Tabarot, vice présidente du groupe LR à l’Assemblée Nationale française, qui a dressé un véritable réquisitoire contre l’Algérie
Chère madame,
Permettez-moi de vous faire part de mon grand étonnement à l’écoute de votre intervention il y a quelques jours à l’Assemblée Nationale sur l’hymne national algérien.
Ou votre colère relève de votre méconnaissance des règles commémoratives, ou elle procède de votre haine à l’endroit de l’Algérie.
En effet, le contenu d’un hymne est lié au contexte historique de son écriture. Or l’hymne algérien remonte en 1956, en pleine guerre d’Algérie : l’avion conduisant les principaux leaders depuis Rabat vers Tunis a été arraisonné par les services de la police militaire française, un militant communiste du nom de Fernand Iveton avait été guillotiné à Alger, suite au refus de sa grâce par le très socialiste François Mitterand, alors ministre de la justice, condamnation à perpétuité d’Henri Alleg, ex-directeur du journal Alger-Républicain , emprisonné à Barberousse à Alger, tout comme Jacqueline Guerroudj, arrêtée en 1957 en même temps que Fernand Iveton, enfin assassinat du jeune mathématicien Maurice Audin l’année suivante ( 1957).
La liste peut être prorogée , en me limitant aux seules victimes de l’armée coloniale d’extraction européenne , qui étaient de confession chrétienne , voire juive ( comme Daniel Charbit, mort au maquis ), lesquels n’avaient pas renié leurs
fois respectives , fussent-ils pour certains d’entre eux d’obédience communiste.
Cette version de la guerre de libération de l’Algérie, vous ne la connaissez sans doute pas, car elle n’a jamais été divulguée par l’historiographie officielle .
Ne serait-ce qu’en me limitant à ces victimes expiatoires du colonialisme français, le contenu de l’hymne algérien ne pouvait qu’être légitime , eu égard au contexte que je viens d’évoquer .
J’ajoute que tous les hymnes nationaux sont sujets à l’inconvénient d’anachronisme, eu égard aux circonstances dans lesquelles ils ont été rédigés.
Prenez l’exemple de la Marseillaise, rédigée par Claude Joseph Rouget de Lisle en avril 1792, en pleine période Thermidorienne : le texte s’adressait au contingent
stationné à Strasbourg, prêt à en découdre avec les armées de Bohême et de Hongrie, évidemment royalistes qui, comme toutes les puissances monarchiques européennes d’alors , étaient scandalisées par cette « Révolution » incomprise et jugée contraire à la sacralité des régimes de droit divin encore en vigueur.
Baptisé La Marseillaise, suite à quelques péripéties secondaires, cet hymne campait un contexte inédit dans l’imaginaire politique de l’Europe de l’Ouest.
Napoleon Bonaparte, qui n’a pourtant pas épargné ses voisins monarchistes de l’Est comme du Nord, n’était nullement motivé par la sécularisation de l’ordre politique et sa raison de se battre relevait d’autres motivations. Napoleon Bonaparte a interdit La Marseillaise durant tout son règne imperial’ comme ce fut le cas avec la Restauratiin , la Monarchie de juillet, et même le Second Empire. La Larseillaise a réapparu en 1879, c’est-à-dire près d’une décennie après l’avènement de la Troisième République . Cet hymne a disparu pendant plus de. 80 ans, avant de refaire surface à ce jour .
Mon propos consiste à vous faire comprendre qu’un hymne national ne peut s’extraire du contexte social, politique, voire religieux dans lequel il est conçu.
Vous comprendrez aisément que l’hymne national algérien relevait d’un contexte où aucune fraternisation ne pouvait être concevable d’avec le pouvoir colonial, qui a brimé pendant plus d’un siècle les dits « indigènes » , auxquels s’ajoutaient
des militants non musulmans , ces oubliés de l’histoire .
Il semble par ailleurs que votre intervention n’est pas une surprise , sachant le rôle de votre père durant la guerre d’Algérie, qui avait officié dans l’OAS au point où il élût domicile à Alicante à la veille de l’indépendance pour se soustraire à la juridiction pénale de la 5e République .
À votre place, je me ferais plus discret sur ce délicat dossier.
https://mondafrique.com/libre-opinion/la-haine-de-la-presidente-de-lassemblee-a-legard-de-lalgerie/
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