Une équipe de chercheurs vient de découvrir que le risque de mourir d’une crise cardiaque double les jours où les fortes températures s’accompagnent de niveaux élevés de particules fines.
L’association pic de chaleur et pollution aux particules fines a un effet sur le risque de crises cardiaques. (KATERYNA KON/SCIENCE PHOTO LIBRA / SCIENCE PHOTO LIBRARY VIA AFP)
A chaque épisode de canicule, l’organisme souffre de la chaleur étouffante. Fatigue accrue, vertiges ou maux de tête, jambes lourdes font partie des symptômes classiques. Mais les organes à l’intérieur de notre corps souffrent eux aussi en silence, en particulier le cœur. S’il est déjà recommandé de faire attention aux plus fragiles lors de fortes chaleur, le risque est encore plus important lorsque les hautes températures sont couplées à un pic de pollution. Canicule et particules fines, lorsqu’elles interviennent ensemble, font doubler le risque de crise cardiaque mortelle selon les récents résultats publiés ce lundi dans « Circulation » par l’American Heart Association (AHA). C’est la première fois que cet « effet cocktail » est constaté par une équipe de chercheurs.
Pour comparer les effets sur la santé d’un pic de chaleur avec et sans pollution aux particules fines, l’équipe a consulté les registres de mortalité de la province de Jiangsu en Chine de 2015 à 2020. Elle a ainsi pu passer en revue 202 678 cas de morts par crise cardiaque, à la lumière des températures enregistrées et des niveaux de pollution (fixé à au moins 37,5 microgrammes de particules fines par mètre cube le jour ou la veille du décès). Résultat : le risque de crise cardiaque mortelle augmente d’autant plus que la température est élevée et que les épisodes de chaleur durent lors d’épisodes de pollution. Deux jours de chaleur entre 28,1 et 36,6 °C augmentent le risque de 18 %. Quatre jours entre 34,8 et 43 °C augmentent de 74 % le risque.
De façon générale, à partir de quatre jours d’épisode de chaleur, la crise cardiaque mortelle a deux fois plus de chances de survenir. « C’est donc bien la chaleur qui intervient avec les particules fines. Cet effet cumulatif, qu’on n’avait d’ailleurs jamais observé auparavant, ne se retrouve pas lorsque la pollution survient pendant une vague de froid », explique à « l’Obs » Ruijun Xu, chercheur en épidémiologie à l’université de Guangzhou, en Chine.
Le cœur fatigue et le sang s’épaissit
« Concrètement, l’exposition à des vagues de chaleur extrême peut accélérer la thermorégulation de l’organisme. Cela peut mener à une inflammation globale du corps, à du stress oxydatif [les cellules sont agressées par des radicaux libres, NDLR], à des dysfonctions endothéliales [la barrière entre les tissus et le sang ne remplit plus correctement ses fonctions] et à des effets directs cytotoxiques [des perturbations qui entraînent la mort des cellules]. Cela peut également déclencher une ischémie du myocarde », explique Ruijun Xu. Sous l’effet de la chaleur, les vaisseaux se dilatent et le sang se répartit plus vers les extrémités du corps. Le cœur doit alors pomper plus fort et plus vite pour distribuer le sang, ce qui le fatigue davantage.
Avec la déshydratation, le sang devient aussi plus épais dans les vaisseaux. C’est ce qui déclenche l’infarctus du myocarde, aussi appelé crise cardiaque : un caillot se forme et interrompt l’apport de sang, privant le cœur d’oxygène. « En parallèle du risque lié à la chaleur, la recherche a montré que l’exposition aux particules fines peut aussi causer une inflammation systémique, du stress oxydatif et des troubles du rythme cardiaque à partir d’une valeur de 2,5 PM [pour “particule matter” en anglais]. Les particules fines 2,5 PM ont un diamètre de 2,5 micromètres ou moins. La recherche a déjà montré qu’elles augmentent le risque de maladies cardiovasculaires et respiratoires, tout comme le cancer du poumon », précise le chercheur. Cette taille leur permet d’être inhalées dans les voies aériennes jusque dans les poumons, après avoir été émises par les gaz d’échappement des véhicules et des fumées de la combustion de carburants fossiles.
« Les épisodes de chaleur extrême sont de plus en plus fréquents, longs et intenses. En parallèle, la présence de particules fines dans l’air est devenue un problème à l’échelle mondiale, explique dans un document de l’AHA Yuewei Liu, professeur d’épidémiologie à l’université de Guangzhou. L’exposition à ces deux facteurs représente désormais une potentielle menace de crise cardiaque pour le monde entier. »
Les seniors sous surveillance
Si ces chiffres alarmants concernent surtout les seniors – les personnes décédées étaient âgées en moyenne de 77,6 ans – les chercheurs appellent de façon générale à être d’autant plus vigilant quand les températures montent et que l’air devient irrespirable. « Nous conseillons de bien suivre les annonces météorologiques afin de rester à la maison ou à l’ombre lorsqu’il fait très chaud. Si possible, on peut s’équiper d’un climatiseur ou d’un ventilateur, installer des volets ou des stores, voire verdir son extérieur afin de faire baisser la température dans le logement. Pour contrer les effets de la pollution, le premier geste est de surveiller les niveaux de particules fines. Les jours de pic, on peut se servir d’un purificateur d’air à la maison et porter un masque à l’extérieur afin de limiter le nombre de particules inhalées dans les poumons », étaye l’épidémiologiste Ruijun Xu.
Reste à savoir à partir de quel niveau de pollution exact le risque double. L’étude se concentre sur les journées à plus de 37,5 microgrammes de particules fines par mètre cube. En comparaison, l’Union européenne a fixé le seuil – beaucoup plus bas – de 25 microgrammes par mètre cubes pour la protection de la santé humaine. L’OMS, elle, a même abaissé la limite à 10 microgrammes par mètre cube. Des valeurs largement franchies dans les grandes villes, aussi bien en Chine qu’en France. En 2022 à Paris, « la totalité des Franciliens est concernée par un dépassement des recommandations de l’OMS », rapporte l’association Airparif. En 2019, le nombre de décès annuels attribuables à l’exposition aux particules fines 2,5 PM a été évalué à 6 220 en Ile-de-France.
·Publié le
https://www.nouvelobs.com/sciences/20230724.OBS76160/canicule-et-pollution-le-cocktail-qui-double-le-risque-de-crises-cardiaques-mortelles.html
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