VidéoDans son nouveau roman, paru aux Editions Project’îles, en avril 2023, Kebir Mustapha Ammi nous transporte d’un continent à un autre, dans une quête identitaire quasi initiatique qui prend pour point de départ Alger, «où tout commence et tout s’achève», et qui a pour destination les États-Unis. Deux pays symboles d’espoirs où se brisent avec fracas les rêves des idéalistes sur l’écueil des inégalités et des injustices.
C’est dans les pas d’un narrateur dont on ne sait que peu de choses, si ce n’est qu’il vient d’Alger et qu’il est écrivain, et qui se dévoile au gré des pages du roman pour apparaître dans toute sa vérité à la fin du livre, que nous invite à marcher, ou plutôt rouler, Kebir Mustapha Ammi. À travers les États-Unis, que ce mystérieux narrateur sillonne dans ses moindres recoins, à la recherche d’un tout aussi mystérieux Glitter Faraday, l’auteur installe les codes de la Beat Generation, ce mouvement littéraire américain incarné par Jack Kerouac.
«À la recherche de Glitter Faraday» est donc un roman qui se visualise et s’écoute. Dans une explosion de détails colorés, témoignant de l’amour de l’auteur pour la peinture, dans le vrombissement du moteur d’une vieille Buick rouge à toit ouvrant, achetée pour six cents dollars dans les faubourgs de Detroit, le roman déroule sa trame sur les routes américaines, avec pour bande-son du jazz, évidemment. Mais pas n’importe quel jazz, principalement celui du subversif génie qu’était Charlie Mingus.
Dans cette Amérique de 2017, le narrateur part en quête de Glitter Faraday, un homme qui aurait en sa possession un manuscrit que lui aurait remis, avant de mourir, un homme à Alger, quarante ans auparavant. Mais comment trouver un homme marginal, qui fait figure de légende urbaine, dans un pays si vaste? Autant chercher une aiguille dans une botte de foin! Le narrateur s’en remet aux hasards de la vie et trace le chemin qui le mènera à Glitter Faraday au gré d’une multitude de rencontres fortuites. Dans la pénombre des motels miteux et des bars glauques où il fait escale, il fait la rencontre de femmes, souvent meurtries par la vie, mais toujours animées par le rêve et l’espoir qui, tels des anges gardiens, lui indiquent la route à suivre.
Grâce à elles principalement, il retrouve enfin Glitter Faraday, mais son but n’est pas atteint pour autant et le mystère, loin de se dissiper, s’épaissit davantage. Sa rencontre avec cet homme noir, âgé de 65 ans, brisé par cette Amérique blanche et raciste qui a tôt fait d’oublier son statut de héros de la guerre du Vietnam quand il a eu le malheur d’aimer une femme blanche, ouvre un deuxième roman dans le roman, dans un autre espace-temps.
En quête du précieux manuscrit
Entre les deux hommes se dessine une connexion invisible et un point commun, Alger. Cette ville, l’ancien héros de guerre devenu SDF à San Francisco la connaît bien. C’est là où les Black Panthers et les révolutionnaires de tous bords ont trouvé un Eldorado dans les années 1960, peu de temps après l’indépendance de l’Algérie. Dans cette terre nord-africaine, qu’ils idéalisent comme étant la terre promise, les Afro-Américains en lutte contre l’oppression de l’Amérique blanche et raciste ont installé leur base arrière. Accueillis dans un premier temps à bras ouverts, ils se sont identifiés à la lutte de leurs frères algériens contre le colonisateur, y voyant leur propre lutte contre l’oppresseur impérialiste.
C’est dans cet Alger, terre des exilés venus des quatre coins du monde, que Glitter Faraday, au lendemain de la guerre du Vietnam, traîne ses guêtres de rêveur avant de fuir ce pays où le pouvoir va changer de visage pour devenir celui de l’oppresseur. Là où il pensait trouver des combattants jouissant enfin des fruits de leur lutte pour la liberté, il fait la rencontre d’âmes meurtries tout autant que lui, trahies par un pouvoir militaire qui ne supporte aucune entorse à ses diktats. Dans cette Algérie au lendemain de son indépendance si durement acquise, les héros d’hier sont devenus les parias d’aujourd’hui, à l’instar de Houria, sa logeuse, qui a vu ses mains et ses rêves brisés, et de Sellam, ce poète amoureux d’une Algérie libre, reclus dans une cave en raison de ses idéaux, qui lui remettra son précieux manuscrit avant de mourir sous les yeux de Glitter Faraday, dans une sombre ruelle, sous les coups du régime en place.
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Ce manuscrit, c’est précisément celui que recherche intensément le narrateur... Le retrouver relève d’un enjeu existentiel que le lecteur ne comprendra qu’à la toute fin du roman. Qui est ce mystérieux narrateur? Retrouvera-t-il l’objet de sa quête? Quel impact cela aura-t-il sur le cours des choses? Et enfin, pourquoi tous les chemins mènent-ils à Glitter Faraday?
«À la recherche de Glitter Faraday » est un roman sur les hommes, ce qui les divise et ce qui les unit, dans ce qu’ils ont de meilleur et malgré le pire dont ils sont capables. Des États-Unis à l’Algérie, deux pays que l’auteur maroco-algérien né à Taza connaît bien, l’histoire s’écrit sur deux lignes parallèles qui se rejoignent inexorablement. Car d’un continent à un autre, les injustices nourries de violences meurtrières ont fait couler le sang, sans pour autant parvenir à briser les rêves.
«À la recherche de Glitter Faraday», de Kebir Mustapha Ammi. Éditions Project’îles. À paraître en juin 2023 au Maroc
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