78 ans après les massacres subis, la population de Kherrata n’arrive toujours pas à exorciser son mal, ni à oublier sa tragédie.
Chaque année, les habitants de Béjaïa et les autorités se donnent rendez-vous dans cette ville historique pour se recueillir à la mémoire des milliers de victimes des massacres du 08 mai 1945 et pour certains se rappeler les douloureux évènements vécus ce jour-là. Ceux-là sont les survivants de la tragédie, dont Saïd Allik, l'un des derniers survivants de cette effroyable journée du 8 mai 1945, qui, malgré ses 91 ans, qualifie cette journée de «blessure béante, ouverte à jamais». «C'était l'horreur dans toute sa splendeur», soulignait-il inlassablement, encore incrédule à l'idée qu'il ait pu échapper à l'enfer. Il n'avait que 12 ans alors lorsqu'il assista impuissant au massacre de toute sa famille proche. Son père, sa mère, ses deux frères et sa soeur, Yamina, la dernière-née de la fratrie, âgée à peine de quatre ans ont été froidement assassinés par les balles des soldats venus prétendument rechercher des activistes ayant pris part aux manifestations survenues la matinée au centre-ville. Embusqué derrière un rocher, il a, certes, échappé à la mort, mais le traumatisme y est encore. Il en parle chaque anniversaire.
Comme sa famille, plusieurs milliers d'Algériens ont été massacrés par l'armée coloniale alors qu'ils fêtaient la fin de la Seconde Guerre mondiale, signe d'une indépendance promise par la France. Un souvenir douloureux que les autorités militaires et civiles et les citoyens ont commémoré, avec la visité du ministre des Moudjahidine et des Ayants droit Laïd Rebiga. Des expositions et conférences ont retracé les événements du 08 mai 1945 et d'autres actes honorifiques des moudjahidine. Symbole de paix pour la France, le 8 Mai 1945 fut celui de la douleur pour les Algériens. Ce jour-là, l'armée coloniale avait réprimé brutalement la population qui revendiquait sa liberté, pourtant légitime. La population de Kherrata fut massacrée. Les témoignages des personnes encore vivantes ont retracé cette journée avec toutes les séquelles du massacre colonial et de génocide dirigés par l'ex-administrateur français de cette région, le colonel Rousseau. «Des centaines de personnes ont été abattues une à une avant d'être balancées mortes ou vivantes dans les ravins profonds des gorges, sans distinction aucune» racontait un rescapé. Hanouz Arab, ce médecin à Kherrata, dont un édifice a été baptisé, il y a cinq ans en son nom, a été l'une des victimes du massacre. Il avait refusé de signer une déclaration d'allégeance. Torturé, il fut traîné dans les rues de Kherrata, sous le regard de la population rassemblée, pour être ensuite jeté dans le ravin de Chaâbet El Akhra sur le pont de ce lieu qui porte aujourd'hui son illustre nom. Aujourd'hui encore, un rocher du ravin porte l'inscription de la Légion étrangère. Juste en bas, le cimetière de 1 500 morts. 78 années après, Kherrata se souvient toujours de ces événements douloureux qu'elle rappelle chaque année aux générations futures, le prix payé pour l'indépendance de l'Algérie.
SOURCE : https://www.lexpression.dz/nationale/kherrata-n-arrive-pas-a-oublier-369011
Chaâbet L’Akhera, le pittoresqueet l’histoire
A la sortie de la ville de Kherrata (Béjaïa), en prenant l’ancienne route, on débouche sur les gorges ravinées de Chaâbet L’Akhera, paysage pittoresque et hautement symbolique. Un canyon impressionnant faisant le lit du cours impétueux de l’oued Agrioun. L’empreinte sanglante de la légion étrangère gravée en grosses majuscules sur le granit noir. Le souvenir du docteur Hanouz et des martyrs du 8-Mai 1945 immortalisé sur de petits carreaux de céramique.
Ce lieu sauvage est, en effet, le témoin de nombreux crimes coloniaux. «Dans les Gorges de Kherrata, du haut d’une falaise qui surplomb l’oued, d’un coup de pied, les justiciers font basculer dans le ravin les corps de prisonniers exécutés d’une rafale dans le dos, rangée après rangée», témoigne Henri Alleg dans son ouvrage intitulé De la guerre d’Algérie.
Révoltés par la répression sauvage de la manifestation qui eut le même jour à Sétif, les populations de Kherrata ont pris une part active aux manifestations historiques du 8 Mai 1945. Pour la petite histoire, le jeune Sâal Bouzid, premier martyr de ces événements sanglants, fusillé alors qu’il brandissait le drapeau algérien, est originaire de cette même ville.
Dans son rapport sur ces événements, le général Tubert évoque des barricades dressées sur la RN9 au niveau de la commune mixte de Takitount et des troubles dans toute la région qui vont, ensuite, s’étendre aux localités voisines comme El Ouricia, Aokas, Fedj M’Zala et Ammoucha. La répression fut immédiate et sans commune mesure. «Blindés et artillerie lourde, aidés par l’aviation, pilonnent la zone de dissidence.
Depuis la côte de Bougie, les canons du Duguay-Trouin écrasent les douars de la région d’Oued Marsa. On tire à vue. It was an open season (c’était la chasse à volonté)», écrira un journaliste américain. La route, jalonnée de minuscules tunnels creusés à même le massif rocheux et de petits ponts en maçonnerie, a aussi sa petite histoire. En 1852, lors de l’ouverture de ce passage étroit pour relier les villes de Sétif et Béjaïa, les autorités coloniales rencontrèrent une farouche résistance. Le général Maïssiat, qui protège le chantier, se déclarera vite «débordé».
Les expéditions punitives des généraux Randon (1853), Bonvalet (1864), atténuèrent momentanément l’audace des insurgés, mais sans vaincre leur détermination. C’est seulement en 1865 que les armées du général Périgot, soutenues par les goumiers des Ou Rabah et Khatri, réussirent à «nettoyer» systématiquement la région. Villages incendiés, résistants fusillés, population déportée, voilà pour le prix de cette route.
L’endroit séduit aujourd’hui plus par son panorama vertigineux que par ces considérations historiques qui restent, pour l’essentiel, méconnues. Le jet argenté de la source verte qui alimente le littoral en eau potable, les pinèdes luxuriantes surplombant des falaises abruptes et la charmante présence du singe magot qui y a aussi creusé ses grottes, rajoutent, il est vrai, une pointe exotique à la féerie des lieux. On est cependant nombreux à plaider pour l’érection d’un mémorial en hommage aux centaines de martyrs et de combattants tombés dans ces lieux chargés d’histoire.
SOURCE : https://azititou.wordpress.com/2012/09/22/chaabet-lakhera-le-pittoresque-et-lhistoire/
http://www.micheldandelot1.com/massacres-du-8-mai-1945-kherrata-n-arrive-pas-a-oublier-a214173873
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