Le maire socialiste d'Évian-les-Bains Camille Blanc) devant le Palais des Fêtes d'Evian-les-Bains, le 23 mars 1961, quelques jours avant son assassinat par l'Organisation Armée Secrète (OAS) le 31 mars 1961.
Accords d'Evian : une "mémoire discrète"
62 ans plus tard
Evian (France) - La ville d'Evian garde peu de traces des Accords du 18 mars 1962 ouvrant la voie à l'indépendance de l'Algérie, largement occultés dans les mémoires locales par l'assassinat du maire, tué dans un attentat avant même l'ouverture des négociations.
31 mars 1961, "flash" de l'AFP: "M. Camille Blanc, maire d'Evian, est mort des suites de ses blessures". Deux "puissantes charges de plastic" ont éclaté "à 02H35", "à 15 secondes d'intervalle", dans l'impasse séparant "la mairie de l'hôtel Beau Rivage, propriété et résidence de M. Blanc".
Socialiste, grand résistant, ce militant de la paix avait oeuvré pour accueillir dans sa ville les pourparlers qui déboucheront un an plus tard sur un cessez-le-feu destiné à mettre fin à la guerre d'Algérie.
L'élégante cité thermale est sous le choc. "C'était un coeur d'or", pleurent les habitants.
Aujourd'hui, que reste-t-il ? « Rien ».
Les Evianais ont décidé de tourner la page après l'assassinat", d'autant que dans cette ville d'eau proche de la Suisse, les Accords ont "été associés à deux saisons touristiques catastrophiques en 1962 et 1963", résume l'ancien adjoint municipal PS Serge Dupessey, 78 ans.
"Il n'y a pas d'endroit", pas de lieu de commémoration, car "on sent encore cette blessure" de l'assassinat et la guerre d'Algérie demeure "un épisode sensible", décrypte la maire d'Evian Josiane Lei (DVD).
L'hôtel Beau Rivage est aujourd'hui à l'abandon.
Sur sa façade décrépie, une plaque rend hommage au maire assassiné. Sans mention de l'implication de l'OAS, organisation clandestine opposée à l'indépendance algérienne.
- "Guerre civile" -
Les visites guidées de l'Office du tourisme font halte ici, ainsi qu'à l'hôtel de ville contigu, ancienne résidence d'été somptueuse des frères Lumière, les inventeurs du cinéma.
Une verrière soufflée par l'attentat n'a pas été refaite à l'identique "pour précisément rappeler ce drame", explique Frédérique Alléon, responsable de l'Office.
Les visites guidées excluent l'ex-hôtel du Parc, plus excentré, où les délégations du gouvernement français et du FLN discutèrent pendant des mois, sous haute surveillance.
L'établissement Art-déco dominant le lac Léman est devenu une résidence privée, le "salon inondé de soleil" où furent conclus les Accords, comme le racontait l'envoyé spécial de l'AFP le 18 mars 1962, a été transformé.
"On a voulu accompagner notre circuit historique jusqu'à l'entrée du parc" de l'ancien palace, mais habitants et résidents "ont eu du mal à accepter", explique la maire d'Evian.
Serge Dupessey se souvient aussi que "c'est un Evianais de l'OAS qui a assassiné, avec des complices évianais" et "que de la famille de l'assassin habite encore ici". Ce qui selon lui, a pu entretenir une "atmosphère de guerre civile".
Aussi, ses efforts pour convaincre au début des années 1990 l'ancien maire Henri Buet de "faire quelque chose" en mémoire des accords sont-ils restés vains.
Même refus en 2011 d'un autre maire, Marc Francina, de baptiser une rue du nom des Accords du 18 mars.
Et lorsque, pour le 50e anniversaire, la société d'histoire savoisienne La Salésienne réunit des universitaires au Palais des Congrès, "des anciens de l'OAS, venus avec un cercueil, manifestent devant", raconte son président Claude Mégevand.
Un autre témoignage
Camille Blanc, maire socialiste (SFIO) d'Évian-les-Bains, surnommé « l’homme des congrès », était un pacifiste convaincu qui œuvrait pour la paix en Algérie. Issu d’une famille de maraîchers, dont il avait gardé la sagesse et le bon sens paysan, il fut résistant durant la guerre 1939-1945, arrêté et torturé, il ne pouvait que comprendre ce que subissait les Algériens. Il reçu la médaille de la Résistance et la médaille de la Reconnaissance française à la libération. D'abord cafetier à l’Eden Bar, propriété de son épouse Maria-Gabrielle Pertuiset, qui fut le lieu de rencontre le plus prisé de l’époque. Il devient ensuite hôtelier au Beau-Rivage, l'hôtel qui jouxtait la mairie. Ses qualités de combattant, sa gentillesse et sa simplicité lui valurent d’être élu maire successivement en 1945, 1947, 1953 et 1959, il gagna à chaque fois avec une confortable majorité. Printemps 1961, Evian se préparait à accueillir les délégations françaises et algériennes qui négociaient en secret les conditions du cessez-le-feu d’une guerre qui ne disait pas son nom.
Dans la nuit du 30 au 31 mars 1961, vers 2h30 heures du matin, Camille Blanc entend une explosion, sa voiture vient de sauter, il s'approche de la fenêtre de sa chambre sans imaginer que la folie de l'OAS lui donne un rendez-vous macabre. Un engin explosif lui saute à la figure, une charge avait été placée sous sa fenêtre. Sa femme est légèrement blessée par les éclats de verre, son fils est indemne. L'explosion a réveillé la ville, les fenêtres s’éclairent une à une, la ville est pétrifiée. Très vite l'information circule "c’est un attentat. Le maire était visé, il est blessé".
Blessé au cou et atteint gravement à la tête, Camille Blanc est transporté à l'hôpital. Le matin du 31 mars 1962, la France apprend sa mort à 49 ans. Il voulait la paix en Algérie, il l’a payée de sa vie car les colons d'Algérie et le patronat français ne voulaient pas perdre leur poule aux œufs d'or. L'OAS se serait chargé de la basse besogne. Abrité derrière l'organisation terroriste, personne n'imagine que des hommes, et des femmes, dit respectables, finançaient des attentats et commanditaient des assassinats, directement et parfois par des voies détournées. Encore aujourd'hui, seul un murmure ose dire cette horrible vérité, parce que leur capacité de nuisances n'est plus à démontrer.
Qui a pu avoir l'idée de cet attentat, plusieurs hypothèses ont été envisagées par le commissaire Pouzol en charge de l'enquête. L'ordre venait-il de la direction de l’O.A.S. ? Le policier ne le croit pas, Lagaillarde venait de passer un accord avec Salan. Les actions O.A.S. en métropole n'auraient débuté qu'après l'arrivée de l'ex-capitaine Sergent et de l'ex-lieutenant Godot. Mais grâce à Georges Fleury, on apprendra, quelques années plus tard, que le meurtre de Camille Blanc était à mettre sur le compte des colons d'Oran qui avaient organisé la campagne contre les accords d'Evian.
Les poseurs des bombes ne sont arrêtés qu'en juin 1966. Pierre Fenoglio est un ancien d'Indochine, proche de l'extrême droite. Il reconnaît avoir placé les explosifs tout en niant l'intention de tuer le maire d'Evian. Paul Bianchi, de sa retraite allemande, écrit au juge d'instruction de la Cour de sûreté de l'Etat, après l'arrestation de Fenoglio, pour l'informer qu'il n'avait donné qu'une seule consigne : saborder deux des piliers qui soutiennent le ponton du débarcadère d'Evian sur le lac Léman, afin de signifier que les partisans de l'Algérie française n'admettraient pas qu'une délégation du G.P.R.A. soit reçue en France pour des négociations. Fenoglio sans nier la consigne initiale, affirme que Bianchi avait ajouté que si cette mission ne pouvait être accomplie, le plastic serait alors déposé à la mairie d'Evian ou sur les fenêtres de l'hôtel Beau Rivage, propriété du maire et lieu de son domicile. Pour Pierre Fenoglio, le dépôt du plastic au débarcadère a été contrarié par la présence d'une voiture qui semblait appartenir à la police. C'est pourquoi il renonça à fixer ses charges sous le ponton ainsi qu'à la mairie, car il lui aurait fallu monter sur la terrasse, d'où il pouvait être vu par les occupants de cette voiture de police. A l'hôtel Beau Rivage, il était à l'abri de tout regard, la fenêtre sur laquelle il déposa l'engin donnait sur une impasse. Toute la France et même l'Algérie savait que Camille Blanc était menacé, aucune protection n'était présente pour assurer sa sécurité. On peut s'en étonner car si Fenoglio avait repéré cette impasse, les services de sécurité ont dû aussi la remarquer.
En 1967 au procès, l'accusation, soutenue par l'avocat général Pierre Aquitton, ne croit guère aux explications de Fenoglio. Elle pense que le seul objectif était le maire d'Evian, pour cela elle se fonde sur différents éléments. Elle note que dès que fut connu le choix de la ville d'Evian pour les premiers pourparlers entre la France et le G.P.R.A., la presse d'extrême droite déclencha une violente campagne contre le maire d'Evian. L’Echo Dimanche d’Oran affirmait que celui-ci ne se contentait, pas de mettre sa ville à la disposition des organisateurs, mais encore qu'il se réjouissait d'accueillir les délégués du G.P.R.A., qu'il considérait cela " comme un festival ", qu'il avait même commandé en Hollande des milliers de tulipes, etc. Cette presse sans foi ni loi a véritablement contribué à déclencher la haine contre Camille Blanc. Né à Marseille comme Fenoglio, Pierre Lafond fut député oranais. Il créa l’Écho Dimanche Oran en 1948, il assura la présidence du syndicat des quotidiens jusqu’en 1962. Le 19 septembre 1962, deux jours après la nationalisation par le gouvernement algérien de trois journaux : la Dépêche d'Algérie, la Dépêche de Constantine et l'Écho d'Oran, Claude Estier publiait dans Libération un article intitulé : "Une mesure justifiée". On y lit : "A-t-on oublié ce que furent ces organes avant juillet 1962 ? A-t-on oublié comment ils soutinrent sans défaillance, pendant des années, tous les activistes de l'Algérie française", comment ils applaudirent aux ratonnades et aux ratissages des paras de Massu?". Pierre Lafond resta en Algérie jusqu'à la nationalisation de L'Écho d'Oran en 1963. Il travailla pour les éditions Robert Lafond de 1964 jusqu'en 1978, Robert était son frère.
Paul Bianchi, vendeur d'aspirateur dans la région d'Annecy, est désigné comme le donneur d'ordre du meurtre de Camille Blanc. Il est en Allemagne au moment du procès, il est condamné par défaut à la peine de mort. Tous les autres accusés sont frappés de peines inférieures à celles qui avaient été demandées par le réquisitoire. Pierre Fenoglio, qui déposa les charges de plastic et les fit exploser, prend vingt ans de réclusion criminelle alors que la peine perpétuelle avait été requise. Un an plus tard, en juin 1968, Fenoglio fait partie d'une liste de prisonniers graciés parmi lesquels figure aussi l'ex-général Salan. Jacques Guillaumat, employé communal à Evian, écope de huit ans, le réquisitoire avait demandé vingt ans, gracié un an plus tard lui aussi. Tous les autres ont des peines avec sursis…: Laharotte, Laureau, Felber, Montessuit, Joseph Gimenez et André Pétrier. Claude Laharotte, Marcelle Montessuit, Pierre Laureau, André Petrier et sa femme, ainsi que Guy Montessuit avaient déjà bénéficié de la liberté provisoire dès 1966.
Successivement complexe thermal puis hôpital de la Croix-Rouge américaine pendant la Grande guerre, l'Hôtel du Parc restera à jamais comme le théâtre des accords d'Évian. L'Hôtel du Parc (anciennement Hôtel du Châtelet) était pourvu d'un immense terrain avec une vue grandiose sur le lac Léman. De nos jours, l'immense terrain qui descend jusqu'aux rives du lac a été livré aux spéculateurs immobiliers, repoussant ce lieu historique au second plan. Il reste un accès privé pour accéder à la bâtisse qui a conservé son charme d'antan. Mais pour le vérifier, il faut passer des barrières qui indiquent l'aspect privé du site. La plupart des riverains ignorent totalement les événements abrités par cet hôtel. Sur les lieux : pas la moindre trace des évènements qui se sont déroulés en 1961 et 1962. L'Hôtel du Parc a été reconverti en résidence d'habitation, intégrée dans un cadre architectural appelé «Complexe du Châtelet». Pas la moindre trace des «Accords d'Evian», pas même une petite plaque. Deux plaques commémoratives y font allusion - l'une est à la mairie, l'autre à l'hôpital. Comme si les spéculateurs immobiliers, et même des édiles, avaient voulu effacer l'histoire du lieu. L'Hôtel du Parc ne figure ni dans le patrimoine historique d'Evian, ni dans ses annuaires touristiques.
L'assassinat de Camille Blanc n'a donc pas été puni, bien au contraire, il a fait l'objet d'une habile occultation comme pour la plupart des autres meurtres et attentats de l'extrême-droite. Aujourd'hui cette même extrême-droite gesticule et harangue les foules exactement comme en 1954/62, sans que les pouvoirs publics ne les stoppent. Pire, la majorité des médias leur accorde de larges tribunes comme si la presse française et le gouvernement n'avaient retenu aucune leçon du passé. Il serait sans doute temps que la France affronte ses démons plutôt que de les camoufler, tout en prétendant défendre les droits de l'homme dans d'autres pays.
Les 60 ans des accords d'Evian ravivent le passé douloureux de la guerre d'Algérie
L'ancien hôtel du Parc où les accords d'Évian ont été conclus le 18 mars 1962
C'est en France, sur les rives paisibles du lac Léman, qu'a été scellé en partie le conflit entre l'armée française et les indépendantistes algériens. Les accords d'Evian, signés le 18 mars 1962, proclamaient un cessez-le-feu et ouvraient la voie à l'indépendance de l'Algérie après 132 années de colonisation et huit années d'une guerre sanglante.
Soixante et un ans plus tard, dans cette ville plantée au pied des Alpes, il ne reste pas forcément de traces de ces accords historiques : "Dans la ville d’Evian il n’y a pas d’endroit qui rappelle la signature des accords puisque ils ont été signés dans un hôtel, l’hôtel du Parc qui est maintenant un immeuble privé", explique la maire d'Aix-les-Bains, Josiane Lei. "Le seul endroit où l’on pourrait voir cette vie de 1961, c’est derrière la mairie, l’ancien hôtel où le maire Camille Blanc a été assassiné."
A l'image de l'assassinat du maire de l'époque par l'OAS (Organisation de l'Armée Secrète), ce cessez-le-feu du 18 mars puis le référendum du 8 avril 1962 instigué par le Général De Gaulle n'ont pas suffi à apaiser les tensions. Pour l'OAS, ces accords d’Evian étaient vécus comme un véritable affront et pour l'Armée de Libération Nationale (ALN) ce n'était qu'une étape vers l'indépendance de l'Algérie.
Evian, seulement une étape
"Pour nous, soldats, officiers et commandants, le 19 mars était un jour ordinaire qui ne méritait pas d'être mentionné, car nous étions toujours dans une guerre en cours. Sauf que les accords d'Evian donnaient la date du référendum - le 3 juillet - et la date de l'indépendance - le 5 juillet 1962 ", raconte Mohamed Mokrani, ancien membre de l'ALN.
Soixante ans plus tard, les accords d'Evian continuent de faire débat car le conflit a fait encore de nombreuses victimes jusqu'à l'indépendance de l'Algérie en juillet 1962.
L’Organisation Armée Secrète (OAS) avait pratiqué la politique de la terre brûlée, nous ne l’oublierons jamais…
http://www.micheldandelot1.com/c-etait-le-31-mars-1961-le-maire-d-evian-etait-assassine-par-l-oas-alg-a115222294
.
Les commentaires récents