Soixante ans après les accords d’Evian du 18 mars 1962 et la fin de la guerre d’Algérie, Ouest-France publie un hors-série exceptionnel, France et Algérie : comprendre l’histoire, apaiser les mémoires. L’occasion de revenir sur l’histoire commune des deux pays. Ce nouvel épisode est consacré à la formation d’une équipe de football qui va populariser l’idée d’indépendance : celle du FLN.
En difficulté militaire en 1958, le FLN (Front de libération nationale) va profiter du contexte de guerre froide pour internationaliser la question algérienne. La mise en place d’une équipe de football va populariser l’idée d’une Algérie indépendante.
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« C’est une expérience rare dans le football, dans la politique, de jouer pour un pays qui n’était pas encore reconnu. C’était le top ! » Au téléphone, on entend le sourire de Rachid Mekhloufi, 85 ans et icône du football algérien, à l’évocation de ce souvenir.
C’est en effet une aventure hors norme qu’ont entamé dix footballeurs professionnels algériens au soir du 13 avril 1958. Parmi eux, certains sont internationaux français (Zitouni, Ben Tifour, Mekhloufi) alors que se profile la Coupe du monde en Suède. Un engagement individuel fort au service d’une cause collective : créer une équipe du FLN (Front de libération nationale), première formation d’une équipe d’Algérie en quête d’indépendance.
Le soir du 13 avril 1958, donc, après leur match de championnat avec leur équipe respective, chacun quitte la France pour rejoindre la base du FLN à Tunis. Un coup de tonnerre médiatisé par son initiateur Mohamed Boumezrag qui nargue ainsi le pouvoir en place à Paris.
Une tournée de quatre ans
« Quand le FLN nous a sollicités, ça a été un choc, se rappelle Rachid Mekhloufi, alors attaquant de l’AS Saint-Etienne (avec qui il venait de remporter le championnat de France), on était bien, on jouait au foot, on gagnait de l’argent… Et puis on est devenu une équipe de gladiateurs. On était conscient de jouer pour une cause. Il n’y a pas eu de pression, je faisais ça par devoir, pour aider l’Algérie. » Lui, le gamin de Sétif qui avait assisté, à l’âge de 9 ans, à la répression de 1945, se voyait embarqué dans une immense tournée au sein du bloc communiste et des pays non-alignés. En tout, 83 matches disputés en quatre ans pour la promotion d’une Algérie indépendante dans le futur concert des nations.
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« Rencontrer Hô Chi Minh (le père de l’indépendance du Viêt Nam), lui toucher la main, c’était quelque chose de sacré », se souvient Rachid Mekhloufi, à l’époque considéré comme déserteur puisqu’officiellement appelé au bataillon de Joinville. En 2014, lui et Amar Rouaï (qui jouait à l’époque au Sco d’Angers), avaient confié au journal algérien Liberté avoir « vécu là les plus belles années de (leur) vie ».
1962 : le retour à Saint-Etienne
Une aventure qui prenait fin avec la signature des accords d’Evian, le 18 mars 1962. « J’ai ressenti de la joie, de la gaîté, la fin d’une guerre tout simplement » explique Rachid Mekhloufi qui n’avait qu’une idée en tête : « Retourner à Saint-Etienne. » Un choix risqué dans le contexte des attentats de l’OAS (Organisation armée secrète). Et pourtant, dès le 9 décembre 1962, après un crochet par la Suisse, il foulait à nouveau la pelouse du stade Geoffroy-Guichard. « Pendant un an ou deux, je surveillais, je faisais attention, j’étais encore un peu’’maquisard’’. Mais au stade, les gens me connaissaient, j’étais libre, je faisais ce que je voulais. »
Le 16 avril 1958, comme la veille, la fuite des footballeurs algériens faisait la Une de Ouest-France. | OUEST-FRANCE
Et les supporters stéphanois n’ont pas eu à le regretter. Désigné meilleur joueur du championnat de France en 1964, 1966 et 1967 par France Football, il remporte trois nouveaux titres de champion de France avec Saint-Etienne (1964, 1967, 1968) et une Coupe de France (1968). Officiellement international algérien entre 1962 et 1968, il devient par la suite sélectionneur des Fennecs, le surnom de l’équipe nationale (1971-1972, 1975-1979, 1982). Il tient toujours un rôle d’ambassadeur. Avec le ballon rond comme laissez-passer.
Le hors-série d’Ouest-France, France et Algérie : comprendre l’histoire, apaiser les mémoires, est disponible dans les points de vente habituels depuis le 24 février et sur le site editions.ouest-france.fr.
Ouest-France Publié le
https://www.ouest-france.fr/culture/histoire/guerre-d-algerie-quand-les-footballeurs-du-fln-sortaient-vainqueurs-sur-le-terrain-diplomatique-4d7d9c46-9493-11ec-a7ee-106c58bd499b
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