René Vautier, résistant et cinéaste engagé, auteur du film "Avoir 20 ans dans les Aurès", est décédé dimanche matin. Il résidait à Cancale (Ille-et-Vilaine).
René Vautier | PHOTO OUEST-FRANCE / DAVID ADEMAS
René Vautier, cinéaste engagé et anticolonialiste, réalisateur du film sur la guerre d'Algérie Avoir 20 ans dans les Aurès, est mort dimanche matin à 86 ans, a-t-on appris auprès de sa famille.
Il est mort à l'hôpital, en Bretagne, a annoncé sa femme Soazig Chappedelaine Vautier. René Vautier résidait à Cancale.
Cinéaste français « le plus censuré »
Ce réalisateur à la vie mouvementée, qui a connu la fuite, la prison, la grève de la faim, les menaces et les condamnations, se revendiquait comme « le cinéaste français le plus censuré ».
Né à Camaret (Finistère), il rejoint la Résistance à 15 ans. Il sera décoré de la Croix de guerre à 16 ans.
Il était notamment l'auteur de « Afrique 50 », court-métrage réalisé à 20 ans, devenu le premier film anticolonialiste du cinéma français. L'oeuvre a été censurée pendant quarante ans et lui a valu une condamnation à un an de prison.
Son regard s'est beaucoup porté sur la guerre d'Algérie, avec notamment « une Nation l'Algérie » (1954), pour lequel il a été poursuivi pour « atteinte à la sécurité intérieure de l'Etat », « Algérie en flammes » (1958)
Prix à Cannes et grève de la faim
Il est surtout le réalisateur de « Avoir 20 ans dans les Aurès », son oeuvre la plus connue, prix de la critique internationale au festival de Cannes en 1972.
En janvier 1973, le cinéaste a mené une grève de la faim d'un mois pour protester contre « le jugement sur le contenu politique des films porté par la commission de censure », après l'interdiction du film « Octobre à Paris » de Jacques Panijel, sur la répression sanglante, le 17 octobre 1961, d'une manifestation pour l'indépendance des Algériens à Paris.
René Vautier, diplômé de l'Institut des hautes études cinématographiques en 1946, a également porté son regard sur les luttes ouvrières, s'intéressant notamment en 1973 dans « Transmission d'expérience ouvrière », aux ouvrières licenciées des forges d'Hennebont (Morbihan).
En 1997, le ministère des Affaires étrangères lui remettait officiellement la copie confisquée d'« Afrique 50 » désormais projeté à l'étranger, avait-il raconté à l'AFP. À la télévision française, le film n'a été diffusé qu'en 2008.
https://www.ouest-france.fr/europe/france/rene-vautier-le-resistant-et-cineaste-rene-vautier-est-decede-3096023
René Vautier habitait une grande maison surplombant la baie du Mont-Saint-Michel. | ARCHIVES OUEST-FRANCE/JEAN-MICHEL NIESTER.
Ce cinéaste engagé, ancien résistant, dont le premier film, Afrique 50, sur les méfaits de la colonisation lui vaudra un an de prison, utilise sa caméra pour dénoncer le capitalisme, la torture, la colonisation. Son film le plus célèbre, Avoir 20 ans dans les Aurès, montre les contradictions de la guerre d'Algérie à travers l'histoire d'un commando d'appelés bretons. Il sera primé à Cannes en 1972.
René Vautier fonde l'unité de production cinématographique de Bretagne et continue son oeuvre militante, notamment sur les essais nucléaires. Le 16 août 2010, une soirée est organisée par ses amis, le biologiste, Michel Glemarec, Jean-Paul Guyomarc'h et l'association Vigipole de Brest, au cinéma Duguesclin pour présenter son film, Marée noire, colère rouge. « C'était pour lui rendre hommage », assure Marcel Le Moal, adjoint au maire. Dans une interview en 2007, René Vautier déclarait : « Je filme ce que je vois, ce que je sais, ce qui est vrai. »
Installé à Cancale, il était d'une grande discrétion. « On disait deux ou trois mots en passant, raconte un de ses voisins, c'était un homme gentil et abordable. »
« Un visage familier »
Un autre de ses voisins témoigne, « très agréable et très ouvert à la discussion, je le savais très souffrant depuis longtemps. La rencontre annuelle des riverains du boulevard Thiers nous a permis de mieux le connaître, car René Vautier était très discret ».
Pierre-Yves Mahieu, maire de Cancale, a tenu à rendre hommage à ce grand cinéaste. « Apprenant la mort de René Vautier, j'ai d'abord revu un visage familier à Cancale, et un regard. Ce regard était une véritable expression à lui tout seul, un lien fort entre la personne intérieure et ce monde qui l'entourait. Était-il à l'origine de cet engagement total de l'homme, de son talent de cinéaste ? Je veux le penser, car savoir regarder les choses et les ressentir est la plus sûre de les faire ensuite partager et, y compris par le débat, de contribuer à faire émerger une part de vérité, de réalité. »
L'élu poursuit : « Encourager, accompagner ou écouter faisait également partie de ce rôle discret mais réel que jouait René Vautier à Cancale, auprès de ceux qui n'hésitaient pas à le solliciter. Par son oeuvre, son regard nous reste, c'est une grande chance. »
https://www.ouest-france.fr/bretagne/cancale-35260/rene-vautier-homme-discret-et-grand-cineaste-3100561
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