Antoine et Lila ont 20 ans et des poussières, et l’avenir devant eux. Quand Lila apprend qu’elle est enceinte, leur vie bascule. Nous sommes en 1960, le jeune homme est appelé en Algérie. « L’Algérie, ce n’est pas la même chose qu’une guerre », dit le médecin genevois qui examine Lila. À l’époque, on parle encore des « événements » et d’opérations de « pacification ». Antoine partira donc pour cette guerre qui ne dit pas son nom. Refusant de porter un fusil, il devient infirmier à l’hôpital de Sidi Bel Abbès, après de brèves classes à Bar-le-Duc. En Algérie, les infirmiers soignent les vivants et enterrent les morts, il en fera la douloureuse expérience.
Née à Sidi Bel Abbès, Brigitte Giraud est l’enfant qui va naître, la petite Lucie du roman. Elle a porté longtemps cette fiction sensible et juste, qui tend un fil ténu entre la mort et la vie à venir. Comment être père si jeune, alors qu’on voit tous les jours des cadavres ? Comment se réjouir d’une naissance alors que les soldats deviennent fous ou se suicident, hantés par les scènes de torture ? Construit en trois parties, le récit suit l’itinéraire d’Antoine, de son arrivée, en mars 1960, à sa démobilisation, en 1961, après le oui au référendum sur l’autodétermination de l’Algérie.
L’impossible récit de la guerre d’Algérie
Refusant l’attente passive, Lila quitte son travail à Lyon et part rejoindre son mari, malgré le danger. Alimentées par la propagande de l’armée française qui lance de vastes campagnes de vaccination pour rallier les populations algériennes, la peur et la défiance s’installent, rendant impossible la cohabitation entre les populations civiles. À la présence solaire de Lila s’oppose la douleur muette d’Oscar, un soldat amputé d’une jambe. Entre l’infirmier et le patient « psychiatrique » qu’il est chargé de sortir de son mutisme, se nouent des conversations fraternelles et secrètes qui vont accoucher d’un voyage au bout de l’horreur.
Alliant la précision des archives à une écriture des sensations, Un loup pour l’homme est un roman des origines sur l’impossible récit de la guerre d’Algérie, la fracture au sein des familles, la gangue de silence qui a entouré le retour des appelés. Héritière de cette mémoire trouée, Brigitte Giraud rend hommage au courage de ses parents, à qui la guerre a volé leurs 20 ans.
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