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Rédigé le 25/10/2022 à 01:47 dans Chansons, Québec | Lien permanent | Commentaires (0)
Agnès Levallois, maître de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique, répond aux questions de « L’Orient-Le Jour ».
Le prince héritier d’Arabie saoudite Mohammad ben Salmane et le président russe Vladimir Poutine participent à une rencontre à l’occasion du sommet du G20 à Osaka, le 28 juin 2019. Photo d'archives AFP
Depuis l’annonce de l’invasion russe en Ukraine, de nombreux pays du Moyen-Orient, traditionnellement alliés aux États-Unis, ont décidé d’adopter des positions conciliantes vis-à-vis de la Russie. La dernière décision de l’OPEP+ de réduire sa production de pétrole semble s’inscrire dans cette dynamique. Mis à part la Syrie qui soutient pleinement la politique de Vladimir Poutine, le Moyen-Orient se distingue par son jeu d’équilibrisme entre les deux camps.
En dehors des considérations d’alliances politiques et stratégiques, les pays du Golfe mettent en avant des impératifs économiques pour justifier leurs décisions. Ils cherchent ainsi à s’imposer comme des acteurs à part entière.
L’ESA Business School accueille le 25 octobre un colloque sur le sujet intitulé « Les conséquences de la guerre en Ukraine pour le Moyen-Orient ». Parmi les participants, Agnès Levallois, maître de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique et copilote de l’Observatoire sur le monde arabo-musulman et le Sahel. Elle se penche pour L’Orient-Le Jour sur ces bouleversements en cours, l’ambiguïté stratégique d’une partie du Moyen-Orient et l’autonomisation inédite des politiques étrangères.
Dans un article pour la Fondation pour la recherche stratégique, vous expliquez que le Moyen-Orient est fracturé par le conflit ukrainien. Pourriez-vous développer cette idée ? S’agit-il de nouvelles fractures ou d’une exacerbation d’une scission préexistante ?
Je pense que la guerre en Ukraine confirme des tendances qui étaient déjà à l’œuvre dans la région. On retrouve d’un côté les alliés inconditionnels de la Russie – l’Algérie et la Syrie – et de l’autre des pays cherchant surtout à préserver leurs intérêts. Il y a notamment une autonomisation des politiques extérieures de la part de pays comme l’Arabie saoudite qui n’ont pas à prendre parti pour la coalition occidentale ou les Russes. En choisissant de ne pas appliquer les sanctions demandées par les Occidentaux, ils font part d’une volonté de placer les intérêts nationaux au premier plan. Cela se traduit notamment par le choix de Riyad de ne pas augmenter la production de pétrole, contrairement à ce que souhaite Joe Biden. Cette décision a été perçue comme un soutien aux Russes qui bénéficient de cette politique. Un choix qui satisfait la majorité de la population dans ces pays où la Russie continue de profiter d’une image globalement positive.
Quelques mois après le début du conflit et les difficultés de la Russie dans cette guerre, comment les positions ont-elles évolué dans la région ?
Le support des pays du Moyen-Orient n’est pas conditionné par les résultats des affrontements. Le recul de la Russie sur le terrain n’a ainsi pas eu de réel impact dans le positionnement de ces derniers. Ils ne cherchent pas à se placer du côté des gagnants mais simplement à préserver leurs alliances. La Syrie n’a ainsi pas changé de position depuis le début du conflit, ce qui s’explique par sa dépendance envers Moscou. Elle a soutenu et continue à soutenir la Russie. Les pays du Golfe continuent quant à eux d’appliquer leur doctrine de « pragmatisme commercial », à savoir profiter, engranger des bénéfices grâce à l’augmentation des prix du pétrole ; ne surtout pas choisir entre les Russes et les pays occidentaux – et essayer de rester à distance des deux.
Les pays producteurs de pétrole sont les grands gagnants de l’invasion russe sur le court terme, mais qu’ont-ils à y gagner sur le moyen terme ?
À court terme, les pays du Golfe cherchent à engranger le plus de bénéfices possible, le but est premièrement économique. À moyen terme, l’objectif est de garder une relation avec la Russie tout en maintenant des liens avec le camp de Washington, et de diversifier les partenariats stratégiques. Ils cherchent ainsi à montrer qu’ils ne sont pas seulement dépendants des pays occidentaux. On assiste à une autonomisation des politiques étrangères des pays de la région qui entendent aujourd’hui défendre leurs intérêts avant tout, allant jusqu’à prendre une certaine distance avec les Américains.
Le choix de l’Arabie saoudite de ralentir sa production de pétrole apparaît comme un cadeau offert à Poutine. Quelles en sont les raisons ? Riyad a également récemment annoncé une aide humanitaire à Kiev, comment expliquer ce double discours ?
La relation entre Biden et le prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane (MBS) n’est pas au beau fixe. MBS tente notamment de prendre sa revanche après les déclarations de Biden suite à l’affaire Khashoggi. Malgré les excuses du président américain, il y a eu une perte de confiance entre les deux hommes. Pour l’Arabie saoudite, les récents événements sont une façon de démontrer qu’elle poursuit sa propre stratégie, qu’elle n’est plus obligée de suivre la position exigée des Américains. Il est important de retenir que pour l’Arabie saoudite comme pour ses voisins, cette guerre n’est pas la leur et ils n’ont aucun intérêt à prendre parti pour l’un ou l’autre des camps. L’aide saoudienne apportée à l’Ukraine entre tout à fait dans cette analyse, à savoir garder des relations des deux côtés : une relation avec Poutine dans le cadre de la politique pétrolière, tout en apportant une aide humanitaire à l’Ukraine. Jusqu’à quand cela sera possible, c’est une question à laquelle nous n’avons pas la réponse. Cela dépendra du temps que durera le conflit.
Peut-on aujourd’hui parler du début d’un Moyen-Orient postaméricain ?
Le Moyen-Orient est en évolution et la guerre en Ukraine fait apparaître des tendances et des évolutions géopolitiques déjà en place auparavant. Ce conflit les démontre, les confirme et les accentue. Aux États-Unis, les démocrates ont clairement montré une certaine défiance vis-à-vis des Saoudiens. Cela ne veut cependant pas dire qu’ils souhaitent se retirer de la région, ils y ont trop d’intérêts. Si on peut parler de désengagement, le retrait n’est quant à lui nullement envisagé. Pour les pays du Golfe, la même logique est en place ; on recherche une relation plus équilibrée, moins dépendante, sans couper les ponts. On assiste donc à des évolutions durables, accentuées par la guerre en Ukraine, mais dont on ne doit pas exagérer l’importance.
OLJ / Propos recueillis par Pauline VACHER, le 23 octobre 2022 à 15h00
https://www.lorientlejour.com/article/1315502/-la-guerre-en-ukraine-accentue-les-evolutions-geopolitiques-en-cours-au-moyen-orient-.html
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Rédigé le 25/10/2022 à 00:59 dans Ukraine | Lien permanent | Commentaires (0)
« Une langue différente est une vision de la vie différente. »1 « On est autant de personnes qu'on parle de langues. »2
Le monde se métamorphosant - globalisation tant multiforme que multidimensionnelle oblige ! - en un simple village planétaire sous l'influence des effets de la mondialisation, des médias et des technologies de l'information et de la communication..., l'apprentissage des langues étrangères est devenu - on ne peut plus - une exigence impérative pour ses habitants, les « villageois planétaires », afin d'en faire un bon usage dans l'établissement des relations humaines : sociales, économiques, culturelles, cultuelles et intellectuelles...
En effet, la maitrise des langues étrangères, cette condition sine qua non pour la création des passerelles interculturelles, est le sésame pour découvrir de part et d'autre la culture et la civilisation de l'Autre et pouvoir s'exprimer correctement et aisément avec ce dernier pour créer, chemin faisant, des liens socioculturels et civilisationnels voire économiques, car « une langue vous place dans un couloir de la vie. Deux langues vous ouvrent toutes les portes »3 ...
Il tout à fait clair que de nos jours, le phénomène de la mobilité des êtres humains s'est généralisé par le flux migratoire du Sud vers le Nord, le tourisme tous azimuts, le changement volontaire de lieu de vie (de pays en pays voire de continent en continent) et notamment les activités de recherche et manifestations scientifiques universitaires... La maitrise des langues étrangères s'est alors imposée comme le visa inconditionnel pour les séjours de part et d'autres des passerelles interculturelles, comme le souligne le philosophe Ludwig Wittgenstein « les limites de ma langue sont les limites de mon univers ».
Ainsi, un vent favorable est venu, récemment, propulser la vitesse du voilier de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique pour lui permettre non seulement d'atteindre les quais magnifiques de la terre promise mais surtout de s'y amarrer en précurseur ! Deux actions ont déjà ajusté le gouvernail du projet d'établissement : la maitrise de la langue de Shakespeare par le corps enseignant et la toute première mesure de l'opération « zéro papier » qui vient de concerner, dans un premier temps, les thèses de doctorat en version papier qui seront dorénavant - au grand soulagement des doctorants - exclusivement en version électronique ! Désormais, les enseignants-chercheurs sont donc appelés à perfectionner leur niveau de compétence en langue anglaise soit en ayant une licence ou en obtenant le niveau B2/C1...
Pareillement, consciente de ces défis, l'université algérienne avait intégré dans ses structures, au sein de ses services communs, les Centres d'Enseignement Intensif des Langues (CEIL), afin de permettre tant aux étudiants qu'aux corps enseignants voire les externes de l'université l'apprentissage des langues étrangères suivant le CECRL, Cadre Européen Commun des Références pour les Langues dont les niveaux de compétence sont au nombre de six (A1, A2, B1, B2, C1 et C2).
Cette structure, qui s'est même impliquée avec l'environnement social et économique de l'université, et dans le but de proposer une prestation dont la démarche qualité est sa boussole de navigation, est devenue partenaire dans un projet européen intitulé « EL@N ». L'objectif de ce projet qui se résume dans « la modernisation de l'enseignement des langues étrangères dans les centres de langues des universités algériennes », est composé par un consortium de six universités algériennes (Ouargla, Guelma, Biskra, Bejaia, UST Oran, et Tlemcen), trois universités européennes (Espagne, France et Italie) et une université turc. Ainsi et à la fin de ce projet, prévue fin 2023, une dissémination aura pour but de mettre à niveau tous les centres de langue des universités algériennes et dont la responsabilité incombera à l'Université Kasdi Merbah de Ouargla...
Si le projet de la modernisation de l'enseignement des langues étrangères au niveau des CEILs coïncide tant avec l'implication de ces derniers dans l'accompagnement du perfectionnement du corps enseignant dans la langue anglaise que la décision des pouvoirs publics d'instaurer l'enseignement de cette langue internationale par excellence à partir de la troisième année primaire, il n'en demeure pas moins que l'organisation de ces structures mérite d'être actualisée ! Aussi, dans un souci de perfectibilité et afin de leur permettre d'accomplir les missions qui leur incombent, le statut fixant les obligations tant du coordinateur pédagogique et le service pédagogique que des enseignants qui y interviennent et du comptable... qui constituent l'ossature du CEIL, a besoin - à notre humble avis - d'être revitalisé...
Parallèlement, et ayant l'outrecuidance de penser que le train de la réforme de l'université algérienne est bien en marche, je me permets - naïvement mais sincèrement - d'oser avancer qu'il serait souhaitable que les voiles du bateau aient comme vent favorable une force exprimée en nœuds suivants :
- Intégrer parmi les critères de recrutement des Maitres Assistants, la maitrise des langues étrangères
- Instituer la condition de la maitrise de l'anglais (B2 ou la licence) pour l'habilitation
- Instituer la condition de la maitrise de deux langues étrangères dont l'anglais (B2 ou licence) pour le professorat
- Intégrer dans le cycle de formation LMD un volume horaire global pour l'apprentissage de la langue anglaise de telle sorte : la licence (A2), Master (B2) et Doctorat (C2)
Trois années suffiraient pour que les collègues enseignants-chercheurs aient soit la licence d'anglais ou le niveau C2 (la formation au CEIL offrant la possibilité d'obtenir deux niveaux par an).
Enfin, et comme l'ont démontré les chercheurs Hanh Thi Nguyen et Guy Kellogg, de l'université de Hawaï, qui ont prouvé que lorsque leurs étudiants apprennent une langue, ils développent de nouvelles façons de comprendre une culture différente de la leur à travers l'analyse des stéréotypes culturels. Ils expliquent ainsi que « l'apprentissage d'une nouvelle langue implique non seulement l'acquisition d'éléments linguistiques, mais aussi l'intégration de nouvelles façons de penser et de nouveaux comportements »4.
Alors VIVEMENT les langues étrangères ! Amen...
*Docteur. Maitre des Conférences « HDR », Directeur du CEIL / Université Kasdi Merbah Ouargla
Notes :
1- Federico Fellini, réalisateur de cinéma et scénariste italien
2- Proverbe hongrois
3- Frank Smith, producteur de radio, écrivain, auteur de poésie, et vidéaste, réalisateur
4- Amy Thompson, Professeur de linguistique appliquée et titulaire de la chaire de langues, littératures et linguistique du monde, West Virginia University
par Khelfaoui Benaoumeur
Docteur. Maitre des Conférences « HDR », Directeur du CEIL / Université Kasdi Merbah Ouargla
Lundi 24 octobre 2022
http://www.lequotidien-oran.com/?news=5316177
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Rédigé le 24/10/2022 à 08:27 dans Culture, Divers | Lien permanent | Commentaires (0)
La cérémonie de clôture du XXe congrès du Parti communiste s’est ouverte sur l’image curieuse de l’ex-président de la République chinoise Hu Jintao (2003-2013) quittant sa place auprès du numéro un, M. Xi Jinping, fermement escorté vers la sortie : simple malaise, comme a fini par dire la presse chinoise, ou geste autoritaire de M. Xi pour acter la fin de toute influence de l’ex-patron ? Ce qui est sûr, c’est que l’actuel président a obtenu son troisième mandat, que la charte du Parti stipule désormais « le rôle central du camarade Xi Jinping » (gare donc à qui le critique !) et que les organes dirigeants, fortement renouvelés, ne contiennent que des fidèles.
M. Xi a changé quatre des sept membres du Comité permanent, la plus haute instance, en faisant monter l’ex-dirigeant du Parti de Shanghaï, qui a confiné avec force sa ville pendant deux mois et qui devrait être nommé premier ministre l’an prochain. Le Bureau politique, réduit à 24 (contre 25), ne comprend plus une seule femme et reflète les préoccupations du moment : la « sécurité » militaire mais aussi intérieure, alimentaire, technologique… Le mot est revenu comme un leitmotiv dans le discours d’ouverture. M. Xi a resserré les rangs. Mais s’entourer de « bons camarades » n’est pas une garantie de réussite au moment où les signes de faiblesse s’accumulent.
Vers un troisième mandat de Xi Jinping à l’issue du XXe Congrès du Parti communiste
Quand, en 2018, M. Xi Jinping introduit dans la Constitution ses « pensées sur le socialisme à la chinoise » et la possibilité d’être élu à vie, nul n’imagine que la préparation du XXe Congrès, qui se tient le 16 octobre, sera agitée. Le malaise de la classe moyenne, le sort de Taïwan, les relations avec les États-Unis et la Russie, ont mis en évidence des failles jusque-là discrètes.
«Nous devons faire de la survie notre objectif principal (1). » L’alarme du très puissant fondateur de Huawei, M. Ren Zhengfei, a fait l’effet d’une minibombe dans le landerneau communiste chinois. Ce patron peu habitué à livrer ses pensées visait son groupe, bien sûr. Mais tout le monde a compris que le diagnostic allait bien au-delà, et il est rare qu’un dirigeant connu se montre publiquement aussi pessimiste. Surtout au beau milieu du mois d’août, quand les hauts dirigeants du Parti communiste chinois (PCC) se retrouvent en conclave dans la station balnéaire de Beidaihe, en pleine préparation du XXe Congrès.
Un congrès qui s’annonce hors norme. Son chiffre rond, témoin de la longévité du parti au pouvoir, y invite. Plus fondamentalement, il va marquer une rupture avec la tradition établie depuis la mort de Mao Zedong, en 1976, en désignant pour la troisième fois le même secrétaire général, M. Xi Jinping — jusqu’ici, on ne pouvait exercer plus de deux mandats. Enfin, cette réunion se déroule alors que le pays doit relever une série de défis internes (baisse de la croissance, Covid et politique de confinement total, pollution) et externes (relations dégradées avec les États-Unis, avec les voisins en mer de Chine, guerre russe en Ukraine), sans oublier les tensions avec Taïwan.
Il a fallu attendre début septembre pour en connaître la date : le 16 octobre, cinq ans, jour pour jour, après le XIXe Congrès. Cette précision de métronome est censée montrer aux 96,7 millions d’adhérents, aux 2 300 délégués de toute la Chine convergeant alors vers Pékin, et même aux simples citoyens que la direction aborde cette échéance avec sérénité. Il est vrai que, si l’essentiel des orientations et surtout de la composition de l’équipe dirigeante n’était pas réglé, le rendez-vous aurait été retardé. Car, contrairement à ce que l’on entend souvent en Occident, il y a débat au sein du saint des saints communiste. Feutré voire secret, mais réel. Cette année, les sujets de friction ne manquent pas — plus nombreux que ne s’y attendait le « président de tout », comme on surnomme parfois M. Xi pour signifier que rien de ce qui est important ne lui échappe.
Parmi les points de tension figurent les questions économiques et sociales. Certes, le bilan de sa décennie apparaît tout à fait honorable : une moyenne de 6 % de croissance, même si le taux à deux chiffres n’est plus de mise ; une éradication de la pauvreté absolue, même si la Chine reste au soixante-douzième rang mondial en termes de richesses par habitant, selon le Fonds monétaire international (FMI) ; la construction d’infrastructures modernes (chemin de fer, autoroutes, aéroport) dans un pays immense qui en manquait cruellement ; une montée en gamme réussie des productions, à tel point que, par exemple, la valeur ajoutée chinoise dans un iPhone d’Apple, qui s’élevait à 3,6 % il y a quinze ans, atteint aujourd’hui plus de 25 % (2).
Toutefois, cet exemple même prouve que l’industrie demeure dépendante des technologies étrangères, notamment pour les semi-conducteurs de la dernière génération conçus à Taïwan et pour les logiciels. La guerre économique américaine lancée par le président Donald Trump et renforcée par son successeur Joseph Biden, avec son cortège d’interdictions d’importations et d’exportations, compromet sérieusement l’avenir. Huawei, à la pointe mondiale pour la 5G et les réseaux de télécommunication, s’est ainsi fait couper les ailes.
Pourtant, loin de l’image véhiculée par les médias, « Xi Jinping a davantage ouvert l’économie au commerce extérieur et aux investissements », note l’économiste américain David Dollar, chiffres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) à l’appui. En 2020, précise-t-il, « la Chine a dépassé les États-Unis pour l’accueil des investissements directs étrangers (IDE) : 253 milliards de dollars d’entrées, contre 211 milliards. Ils ont encore augmenté en 2021, notamment dans le secteur des services et de la haute technologie » (3). Chez les capitalistes, les profits servent de guide, plus que l’idéologie, et un marché de plus d’un milliard de consommateurs, cela ne se refuse pas. Ces capitaux étrangers se dirigent vers les branches à plus forte valeur ajoutée, tandis que les productions d’assemblage se délocalisent au Vietnam (comme Apple), en Malaisie ou au Bangladesh, qui « offrent » des salaires nettement moins élevés.
Reste que l’économie patine : au deuxième trimestre 2022, la croissance est restée atone (0,2 %) — du jamais-vu depuis trente ans. La baisse du commerce mondial et la stratégie zéro Covid, qui paralyse des métropoles et des régions entières, expliquent, pour partie, ces faiblesses. Tout comme l’arrêt brutal de la folle construction immobilière des dernières décennies conduisant à une bulle que le pouvoir veut faire éclater en douceur, sans y parvenir tout à fait.
S’y ajoutent la volonté de contrôle des géants de l’économie numérique qui avaient étendu leurs tentacules financiers, tel Alibaba (4), et les investissements devenus inefficaces dans les infrastructures publiques. Ainsi les trente-trois mesures de soutien fiscal et budgétaire (plus de 500 milliards d’euros) prises par le gouvernement en avril, puis en juin, n’arrivent pas à enrayer le ralentissement. David Dollar prend le cas significatif des chemins de fer : « Les premières lignes ferroviaires à grande vitesse desservaient des couloirs densément peuplés et étaient largement utilisées ; mais des investissements plus récents ont étendu le réseau dans des zones peu peuplées où il est peu utilisé. » Nul doute, comme il le suggère, que « davantage de services sociaux, pour les migrants [les ruraux venant travailler dans les villes], les personnes âgées et la population rurale, pourraient être financés en réduisant ces investissements inutiles dans les infrastructures » (5). La remarque ne vaut d’ailleurs pas seulement pour la Chine.
Au total, le chômage grimpe dangereusement, notamment pour les jeunes qualifiés : près d’un sur cinq (19,6 %) ne trouve pas d’emploi. Or, au pays de l’enfant unique, la situation est explosive. Si le contrat social — promesse d’avenir meilleur contre monopole du PCC — est entamé, l’avenir sera compromis (lire « La classe moyenne a besoin d’être rassurée »). On comprend que les plus hauts fonctionnaires et cadres du parti, qui jouent leur destin personnel, ne suivent pas comme un seul homme les directives du « président de tout »…
L’autre sujet de préoccupation s’appelle Taïwan. Le refus de laisser l’île déclarer son indépendance fait quasiment l’unanimité au sein du PCC et sans doute dans la société. En revanche, la façon de traiter Taipei est contestée, M. Xi n’apparaissant pas forcément comme le plus va-t-en-guerre. Certains, notamment dans les milieux militaires, estiment que Pékin devrait frapper vite et fort « avant que les États-Unis se servent de Taïwan pour faire à la Chine ce qu’ils ont fait avec l’Ukraine à la Russie, une guerre interposée », explique un cadre de l’armée de terre, aujourd’hui reconverti, qui trouve le président trop indécis. D’autres, défendant la même idée, estiment que le pays doit continuer à se préparer militairement (6). Les derniers, beaucoup plus discrets, regrettent que le président ne s’en tienne pas au « profil bas » de feu Deng Xiaoping et ne fasse pas preuve de patience. En fait, trois événements ont changé la donne taïwanaise au cours de ces dernières années.
En Chine, M. Xi a inclus l’unification du territoire dans son vaste projet de rajeunissement du pays. Taïwan est donc considéré comme la « pièce manquante (7) » à ramener dans le giron le plus rapidement possible. Selon la doctrine précédente, le temps jouait en faveur d’un rattachement jugé inéluctable, et il n’y avait aucune raison de précipiter l’affaire.
Dans l’île, les habitants ont tiré les leçons de la mise au pas de Hongkong. Ils en ont conclu que la formule « un pays, deux systèmes » prétendant assurer leur autonomie démocratique n’était qu’un slogan destiné à leur faire avaler la pilule d’une centralisation à outrance. Cela a d’ailleurs permis à Mme Tsai Ing-wen, au bilan social contesté, de se faire réélire triomphalement présidente en janvier 2020. Ce qui a encore amplifié les appréhensions de Pékin.
Aux États-Unis, la frénésie antichinoise et l’importance géostratégique de l’île poussent les dirigeants à sortir de la politique de reconnaissance d’« une seule Chine », en vigueur depuis 1979 (8). Un mois après la visite de Mme Nancy Pelosi à Taipei, l’administration Biden a annoncé une livraison d’armes d’un montant de 1,1 milliard de dollars. Le président lui-même a déclaré que « les États-Unis défendraient l’île (9) » en cas d’invasion — ce qui est perçu comme une incitation à déclarer l’indépendance. Dans la foulée, la commission des affaires étrangères du Sénat, composée d’élus démocrates et républicains, a adopté, le 14 septembre dernier, une nouvelle loi sur la politique pour Taïwan (Taiwan Policy Act). Elle comporte des mesures mettant en cause le statu quo, parmi lesquelles l’intégration de l’île en tant qu’« allié majeur non membre » de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) (10) au même titre que le Japon, l’Australie ou la Corée du Sud, et l’octroi d’une aide militaire de 4,5 milliards de dollars en quatre ans. Certes, la loi doit être adoptée en séance plénière au Sénat, puis à la Chambre des représentants, avant sa promulgation par M. Biden. Mais, sur cette question, démocrates et républicains sont sur la même longueur d’onde, et la peur sécuritaire des dirigeants chinois en est décuplée. Or la peur est rarement bonne conseillère.
Tout cela conforte M. Xi dans sa volonté de se tourner vers le monde non occidental et singulièrement l’Asie. S’il n’a pas réussi à contenir la puissance militaire et stratégique de Washington dans la région, il est parvenu à y consolider ses liens via le partenariat économique régional global (PERG), le plus grand accord de libre-échange jamais conclu, avec les pays de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Anase, plus connu sous son acronyme anglais Asean), l’Australie, la Corée du Sud, le Japon et la Nouvelle-Zélande. « En 2012, les États-Unis étaient le plus grand marché pour les produits chinois », note David Dollar ; dorénavant, ils sont supplantés par les pays du PERG. Cette interdépendance économique amène la plupart des dirigeants de l’Anase à refuser de choisir entre Washington et Pékin, malgré les pressions de chaque camp.
La Chine pousse également ses pions du côté de l’Asie centrale. Pour sa première visite à l’étranger depuis deux ans et demi, le président Xi s’est rendu au Kazakhstan puis en Ouzbékistan, dans la ville mythique de Samarkand, où se tenait, début septembre, le sommet de l’Organisation de coopération de Shanghaï (OCS). Celle-ci a pour particularité de réunir quatre des cinq républiques centrasiatiques (Kazakhstan, Kirghizstan, Ouzbékistan, Tadjikistan), la Russie, la Chine, l’Inde, le Pakistan, membres de plein droit, auxquels se joignent les observateurs : Azerbaïdjan, Arménie, Cambodge, Népal, Sri Lanka, Mongolie, Turquie (membre de l’OTAN), Égypte, Qatar, Arabie saoudite et Iran, qui a demandé son adhésion.
Les dirigeants chinois citent souvent ce groupe de Shanghaï comme modèle de leur conception d’un nouvel ordre international, sans domination occidentale, où des pays s’opposant sur certains sujets parfois vitaux (l’Inde avec le Pakistan sur le Cachemire, ou l’Iran et l’Arabie saoudite…) peuvent travailler ensemble sur d’autres, ou en tout cas dialoguer.
Le sommet de septembre a surtout été marqué par la guerre russe en Ukraine et les rencontres bilatérales entre M. Vladimir Poutine et le président chinois d’une part, le premier ministre indien d’autre part. Peu de choses ont filtré, si ce n’est que le président russe a déclaré à M. Xi : « Nous apprécions fortement la position équilibrée de nos amis chinois quant à la crise ukrainienne (…). Nous comprenons vos questions et vos inquiétudes à propos de la guerre (11). » On n’a pas de précision sur les « inquiétudes chinoises » — la presse de Pékin étant restée silencieuse. On sait, en revanche, que le premier ministre indien, M. Narendra Modi, a clairement assuré que « l’heure n’est pas à la guerre », et reçu à peu près la même réponse : « Je connais vos inquiétudes. »
En fait, l’invasion de l’Ukraine contredit l’inviolabilité de la souveraineté nationale à laquelle la Chine est attachée. M. Wang Wenbin, porte-parole du ministère des affaires étrangères, a redit, en marge de l’assemblée générale de l’Organisation des Nations unies, que Pékin « appelle les deux parties à cesser le feu et à négocier (12) ». D’autant que la guerre perturbe les projets du président Xi de valorisation d’un monde multipolaire reconnaissant la puissance de l’empire du Milieu. Pékin ne veut pas s’aliéner totalement l’Occident ni laisser les États-Unis et leurs alliés écraser économiquement et diplomatiquement la Russie, qui s’oppose à l’ordre américain. L’équilibre est difficile à tenir.
Celui-ci est en tout cas fort discuté dans les rangs du PCC, où des personnalités de premier plan ont ouvertement contesté les choix actuels (13), tel que Hu Wei, vice-président du Centre de recherche sur les politiques publiques du Bureau du Conseil d’État, Gao Yusheng, diplomate et ancien ambassadeur en Ukraine, ou encore Sun Liping, ex-professeur à l’université Tsinghua (Pékin).
Les critiques ne se limitent pas aux relations sino-russes. Elles touchent, de plus en plus ouvertement, tous les aspects de la vie sociale. La répression et la censure, qui se sont renforcées, ne suffisent pas à les étouffer, comme l’explique Sun Liping dans un texte délicieusement intitulé « Pourquoi les moutons ne veulent pas être attachés » (14) : ils « ne veulent pas nécessairement faire quelque chose de mal (…). Mais il suffit de voir à quel point un mouton est heureux quand il est délié, comment il s’enfuit, et vous comprendrez à quel point les moutons n’aiment pas être attachés ». Reste à savoir si les délégués au XXe Congrès se montreront de bons bergers !
lundi
24 octobre 2022
La cérémonie de clôture du
Rédigé le 24/10/2022 à 07:19 dans Chine | Lien permanent | Commentaires (0)
Quelle incidence sur la Cause palestinienne après le récent revirement de la position australienne, qui a décidé de ne plus reconnaître El Qods-Ouest comme la capitale d'Israël ? Si on sait l'exploiter, c'est un gain immense pour les Palestiniens, qui cherchent à renforcer leurs rangs suite à la « Déclaration d'Alger», et pour tous les amis de la Cause palestinienne. Quatre ans après la décision de l'ancien gouvernement australien de reconnaître El Qods Ouest comme capitale d'Israël, et annoncer dans ce sillage de transférer l'ambassade d'Australie de Tel-Aviv vers la ville Sainte, la ministre australienne des Affaires étrangères, Penny Wong, a rectifié la trajectoire de la politique extérieure de son pays, en déclarant, le 18 octobre dernier, que la question du statut d'El Qods devait être résolue dans le cadre de négociations de paix entre Israël et le peuple palestinien et «non dans le cadre de décisions unilatérales». Affirmant que l'Australie «ne soutiendra pas une approche qui compromet cette perspective», et que «l'ambassade d'Australie a toujours été, et reste, à Tel-Aviv». Cela explique globalement la nouvelle position de l'Australie à propos de cette reconnaissance, influencée par la même position de l'administration américaine, sous la conduite de Trump, mais qui n'a jamais fait l'unanimité au sein de la communauté australienne, et a provoqué d'énormes ennuis dans les relations avec l'Indonésie voisine, notamment sur le plan économique avec un gel temporaire des accords de libre échange entre les deux pays. Comme quoi les causes justes survivent toujours à l'arbitraire. Bien sûr, bien que la ministre australienne des Affaires étrangères a tenu à souligner que «cette décision n'est pas un signe d'hostilité à l'égard d'Israël», cela n'a pas manqué de provoquer le courroux d'Israël, qui a convoqué dans la journée même du 18 octobre l'ambassadeur australien. Alors que le ministre palestinien des Affaires civiles, Hussein al-Cheikh, de son côté, a salué la décision de l'Australie concernant El Qods et son appel en faveur de la solution à deux États et sa garantie selon laquelle la souveraineté future d'El Qods dépend d'une solution permanente basée sur la légitimité internationale. Mais, c'est sur le plan régional, arabe, surtout, où l'on s'attend à ce que cette décision australienne fasse ses effets. D'autant que le Sommet d'Alger, qui inscrit la Cause palestinienne au cœur de ses travaux, se prête parfaitement pour prendre des décisions fortes qui consacrent un soutien, sans faille, à la solution à deux Etats, avec El Qods comme capitale palestinienne. Et pourquoi pas l'inscrire comme préalable à toute «normalisation», comme c'était la devise à l'époque, et faire revenir sur leurs décisions les pays qui ont suivi cette voie ? On peut toujours rectifier des politiques qui ne cadrent pas avec les principes humains ou de la légalité internationale. L'Australie peut-elle être plus arabe dans ses positions sur ce registre que les pays arabes ?
par Abdelkrim Zerzouri
Dimanche 23 octobre 2022
http://www.lequotidien-oran.com/?news=5316216
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Rédigé le 23/10/2022 à 15:37 dans Israël, Palestine | Lien permanent | Commentaires (0)
L'agent de Salman Rushdie a déclaré qu'il avait perdu l'usage d'un œil et d'une main après la tentative d'assassinat perpétrée contre l'écrivain le 12 août 2022. AFP/Herbert Neubauer
Andrew Wylie, le puissant représentant de l'auteur des Versets sataniques a accordé un entretien à nos confrères espagnols d'El Pais dans laquelle il donne des nouvelles plus ou moins rassurantes de la santé de son client.
Poignardé le 12 août aux États-Unis, l'écrivain britannique Salman Rushdie a depuis perdu la vue d'un œil et l'usage d'une main, entre autres graves séquelles, a indiqué son agent au quotidien espagnol El Pais. «Il a perdu la vue d'un œil... Il a eu trois blessures graves au cou. Il est handicapé d'une main car les nerfs de son bras ont été sectionnés. Et il a environ 15 autres blessures à la poitrine et au torse», a déclaré Andrew Wylie à El Pais dans un entretien publié ce week-end des 22 et 23 octobre. «Ses blessures étaient très profondes (...) C'était une attaque brutale» mais «il va vivre», a-t-il ajouté, détaillant ainsi pour la première fois l'état de santé de l'écrivain depuis plusieurs semaines, sans indiquer s'il se trouve toujours à l'hôpital.
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Le 12 août, Salman Rushdie s'apprêtait à s'exprimer lors d'une conférence dans le nord de l'État de New York (nord-est) quand un homme a fait irruption sur scène et l'a poignardé à plusieurs reprises, notamment au cou et à l'abdomen. Évacué en hélicoptère vers un hôpital, l'auteur des Versets sataniques avait dû être brièvement placé sous respirateur avant que son état s'améliore.
Le principal suspect, Hadi Matar, Américain d'origine libanaise alors âgé de 24 ans, avait été arrêté immédiatement après les faits et a plaidé non-coupable lors de son procès qui s'est ouvert mi-août devant un tribunal de Mayville, dans l'État de New York.
L'attaque avait choqué en Occident mais avait été saluée par des extrémistes de pays musulmans comme l'Iran ou le Pakistan. L'écrivain est poursuivi depuis 33 ans par une fatwa du Guide suprême iranien le condamnant à mort.
Par Figaro avec AFP
Rédigé le 23/10/2022 à 13:43 dans Divers | Lien permanent | Commentaires (0)
Qui mieux que Hacène Hirèche pour écrire sur le légendaire Slimane Azem, ce poète, chanteur, visionnaire, génial, qui a marqué le vingtième siècle par sa verve poétique et son engagement artistique. Slimane Azem disait haut et fort ce que le peuple pensait tout bas, que ce soit sous le joug du colonialisme français ou sous la dictature de l’Algérie indépendante, luttant toute sa vie pour une Algérie plurielle, démocratique, dans sa dimension amazighe, dans sa diversité culturelle et linguistique. Son engagement lui valut de mourir en exil loin de la terre des ancêtres qu’il aimait tant.
Le livre s’ouvre sur une citation du philosophe français Jacques Derrida, « Ce qu’on ne peut pas dire, il faut surtout pas le taire, mais l’écrire ». Cette citation résonne et donne comme une tonalité au livre.
La préface de l’universitaire Mokrane Gacem, perspicace et incisive, nous plonge dans le génie littéraire de Hacène Hirèche et l’univers captivant, de son livre, Slimane Azem, Blessures et résiliences, et s’offre à l’esprit du lecteur comme une offrande bienfaitrice qui nous transporte dans l’univers créateur de Slimane Azem. Mokrane Gacem nous donne le ton et la cadence de ce livre touchant et poignant.
Dès les premières pages nous sommes transportés vers ce passé qui n’est pas si lointain, da Slimane c’était hier, c’est aujourd’hui, tant il continue de vivre dans nos cœurs, dans le cœur de cette Kabylie tant aimée. Slimane Azem a su transfigurer les affres de l’exil, les injustices subies, pour magnifier un élan poétique jamais égalé.
Des livres écrits sur Slimane Azem celui-ci semble le plus complet, le plus documenté, le plus dense aussi dans son analyse subtile qui élève sa portée, qui rend ce livre, attachant, qui nous émeut et nous transporte à travers la vie à la fois tragique, torturée et fascinante de Slimane Azem.
Un livre extraordinaire et passionnant, qui nous renseigne, nous éclaire, sur les interrogations, incompréhensions, incertitudes, l’arbitraire, l’injustice et la chape de plomb qui frappèrent le poète libre. Hacène Hirèche lève le voile, grâce à une recherche minutieuse sur la vie, l’itinéraire et le parcours du poète légendaire.
La société kabyle a fait sienne le verbe libre, source d’équilibre, d’harmonie avec la terre et le ciel, Slimane Azem en était le porte-parole pendant plus d’un demi-siècle. Si, Si Mohand Ou Mhand marqua la deuxième moitié du 19ème siècle, Slimane Azem marqua lui, la deuxième moitié du 20ème siècle.
Slimane Azem comme Si Mohand Ou Mhand, est entré dans la légende de son vivant, et continue de faire rêver des générations grâce à ses compositions de génie qui demeurent intemporelles. Son œuvre rayonne au-delà des frontières, plus le temps passe plus on redécouvre la portée exceptionnelle de son génie créateur.
Ce livre de Hacène Hirèche sur le légendaire Slimane Azem, finement écrit, émouvant, captivant, est un baume pour le cœur et l’intellect.
Brahim Saci
23/10/2022
https://lematindalgerie.com/slimane-azem-blessures-et-resiliences-de-hacene-hireche/
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Rédigé le 23/10/2022 à 13:14 dans Chansons | Lien permanent | Commentaires (0)
Jean Billard, le mari d’Andrée dite "Deddie", a ouvert pour La Dépêche la correspondance entretenue avec elle pendant sa période militaire à la Guerre d’Algérie de décembre 1956 à octobre 1958.
Son père a été le premier à l’appeler Deddie. Andrée Billard, née Piot, est née le 25 octobre 1932. En février 1955 elle travaille aux PTT, elle y rencontre Jean Billard lors des Amitiés Postières à Bad Aussée en Autriche. Ils ont le béguin, et peu après dans la salle obscure d’un cinéma, …, leur idylle commence. Mais le 10 mai 1956, Jean est appelé au service militaire. Le 18 décembre il embarque pour l’Algérie, là-bas c’est la guerre. Jean a voulu partager un peu de cette période, non pas vue depuis l’Algérie, mais à partir des lettres envoyées par Deddie.
Dès les premières lettres de Deddie surgissent le cafard, les larmes, l’attente des lettres de Jean. Celles-ci arrivent dans le désordre, des fois rien, des fois 3 ou 4 en même temps. L’inquiétude est permanente car les informations à la TSF sont en décalé par rapport aux nouvelles de Jean. Chrétiens tous deux, les doutes et la colère contre la guerre surgissent, "on ne fait pas un homme pour qu’il se batte". En avril et mai 1957, en réponse aux interrogations de Jean, elle lui donne raison de ne pas s’en prendre aux civils quand un des leurs est tué. En plus de Témoignage Chrétien et Le Monde qu’elle poste régulièrement, elle fait part des divergences d’opinions sur la guerre dans son entourage au travail ou avec les copains.
Deddie et Jean décident de se marier car une permission se dessine pour trois semaines en septembre. Deddie doit tout planifier et choisir, elle assure le lien entre les deux familles. Elle s’en veut de ne pas être avec Jean. De plus elle doit gérer un petit budget mais essaie de ne pas trop se plaindre vis-à-vis de ce qu’il endure. Ses rêves sont agités : départ en opération militaire, permission annulée, robe de mariée jamais prête. La permission arrive, ils se marient le 21 septembre 1957, mais dès le 7 octobre, Jean repart.
La guerre se durcit et la vie à Paris est dangereuse. Deddie est anxieuse, le 27 octobre "où es-tu maintenant ?", le 17 février 1958 "je suis polarisée sur ton retour". Au travail il est interdit de parler des évènements. Ils sont syndiqués et les questions politiques, le référendum à venir, s’invitent dans leur correspondance. Grèves, fusillades, attentats terroristes, incendies émaillent son quotidien. "Je vis comme une automate", "maintenant je ne crois plus à ton retour". Et si Deddie en a "marre jusqu’au fond de moi", sa foi et l’amour restent les plus forts. Vers août un retour est envisagé pour le 15 octobre. Cette fois c’est la bonne, Jean rentre. Le 7 octobre leur vie de couple commence vraiment, elle durera 65 ans.
Décédée il y a un peu plus d’un an, Deddie aurait eu 90 ans ce 25 octobre. Un témoignage rare et intime que Jean nous livre comme un hommage à sa femme et celles qui ont tant attendu le retour du bien aimé.
Publié le
https://www.ladepeche.fr/2022/10/23/temoignage-de-la-guerre-dalgerie-les-lettres-de-deddie-10757210.php
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Rédigé le 23/10/2022 à 13:01 dans France, Guerre d'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)
Dans son nouvel essai, l’écrivain et poète Jean-Luc Yacine, veut remettre l’église au milieu du village pour évoquer le point de vue des colonisés et des autres, dont le philosophe Jean-Paul Sartre.
Jean-Luc Yacine, écrivain, essayiste.
« Jean Paul Sartre, un homme engagé pour l’indépendance de l’Algérie et contre la torture ». Voilà pour le titre de cet essai publié aux éditions Rahma. Mais pourquoi Jean-Luc Yacine a-t-il tenu à remettre les pendules à l’heure sur un sujet si lointain ?
« Jean Paul Sartre, un homme engagé pour l’indépendance de l’Algérie et contre la torture ». Voilà pour le titre de cet essai publié aux éditions Rahma. Mais pourquoi Jean-Luc Yacine a-t-il tenu à remettre les pendules à l’heure sur un sujet si lointain ?
Un polémiste qui se fend de politique et se plaît à dire que la colonisation française aura été « une bénédiction », l’a forcément fait réagir. L’histoire n’est pas si vieille, et ravive bien des douleurs : celles des colonisés algériens, spoliés de leurs terres, mal assimilés, « pacifiés » par les militaires, comme celles des appelés du contingent, noyés malgré eux dans le maquis d’où naîtra l’idée d’une Algérie indépendante. Il faut relire Jean-Paul Sartre qui ne se sera pas trompé d’histoire en dénonçant la torture. L’histoire est cruelle et Jean-Luc Yacine, sensible à « tout ce qui peut affaiblir l’humanité », offre une piqûre de rappel sur un sujet souvent survolé voire éludé chez nous. Les harkis, les pieds-noirs mélancoliques, les anciens de l’OAS, voilà des milieux où l’Algérie suscite encore bien des clivages.
« Jean-Paul Sartre, je l’ai rencontré boulevard Saint-Michel avec mon père. J’avais onze ans. Adolescent, à Verderone chez la poètesse Anne-Marie Casalis, j’ai été invité à une soirée. J’étais un jeune poète. Il y avait Piccoli, Juliette Gréco, Sartre et Simone de Beauvoir. Leur gentillesse m’a touché », dit Yacine. « J’ai lu tout Sartre, forcément ». « Aujourd’hui les Algériens évoquent la "Vraie France", celle que leurs parents ont connue ici, pas celle que leurs pères ont connue chez eux. Pourquoi ne pas être capable d’avoir une histoire commune ? » C’est l’objet de cet essai, avec lequel Yacine nous livre une synthèse de cette vérité.
« Jean-Paul Sartre, un homme engagé pour l’indépendance de l’Algérie et contre la torture » Éd. Rahma 12,90 €, 86 pages.
Publié: 23 Octobre 2022 à 10h00
https://www.lavoixdunord.fr/1244744/article/2022-10-23/arras-la-guerre-d-algerie-selon-jean-paul-sartre-un-essai-de-jean-luc-yacine
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Rédigé le 23/10/2022 à 11:08 dans France, Guerre d'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)
Les objectifs étaient de doter le mouvement insurrectionnel d’une direction politique en phase avec le développement de la guerre anticoloniale afin d’établir et de mettre en place les institutions quasi importantes, tels que le Conseil National de la Révolution Algérienne (CNRA), et le Comité de Coordination et d’Exécution (CCE).
Sur le terrain militaire, la guérilla s’étend inexorablement tandis que les unités de l’armée de libération nationale infligent à l’armée coloniale françaises ses premières défaites. L’histoire retiendra une période de flottement entre 1954 et 1956, il n’y avait aucune direction politique. A la veille de ce congrès qui se déroulera le 20 août 1956, deux hommes formidables et géniaux que la Révolution va découvrir sont Abane et Ben Mhidi. Le premier réintégrera la lutte en février 1955 après avoir purgé cinq années de détention dans les prisons françaises de 1950 à 1955. Les antagonistes venant de tous bords n’ont malheureusement retenu que les deux principes posés dans cette plate-forme : la primauté du politique sur le militaire, et la primauté de l’intérieur sur l’extérieur. En définitif, le congrès de la Soummam fut l’acte fondateur de la République algérienne post-coloniale.
Abane naquit le 15 juin 1920 à Azouza en Kabylie. Après des études primaires dans sa région natale, il entra au lycée de Blida où il fit la connaissance de Benyoucef Benkhedda et Saâd dahlab. Il se distinguera en qualité de major de promotion et décrochera en 1943 le baccalauréat mathématiques mention ‘très bien’ au sein de cet établissement, puis accomplira son service militaire. A l’issue de sa démobilisation, il se fera recruter comme secrétaire adjoint à la mairie de Châteaudun-du-Rhumel (Chelghoum El-Aïd), non loin de Constantine. En 1946, il adhéra au PPA dont il deviendra vite un élément actif dans la région de Sétif. Lors du démantèlement de l’OS en 1950, il fut arrêté avec 28 autres prévenus au motif d’avoir ordonné à des militants de Tazmalt d’organiser et d’instruire des groupes de combat. Abane fut condamné le 15 février 1951 à 5 ans de prison dans le nord de la France en Alsace où il passera tout son temps à la lecture. Il sera libéré en février 1955 et placé en résidence surveillée dans son village natale sur le Djurdjura.
On verra en effet, comment sera mis en place du 20 au 27 août 1956, dans le maquis de Kabylie, un commandement suprême de la lutte de libération avec pour mission de mener une action unificatrice.
Dès son entrée en scène mars 1955, Abane se préoccupa au plus haut point de la constitution effective du FLN en tant que mouvement politique capable de prendre efficacement le relai des partis de l’époque prérévolutionnaire et de les supplanter. Pour lui, l’ALN s’étant constituée sur le terrain dès le 1er novembre 1954, à l’initiative du ‘comité des six’, avait poursuivi son développement progressif sous la houlette des chefs de zone.
Dès le 1er avril1955, Abane commença à s’exprimer au nom du FLN/ALN en lançant son appel dans lequel il invitait tous les Algériens à adhérer massivement au Front.
Contrairement à Ben Bella et ses compagnons qui voulaient que le FLN reste dirigé uniquement sous la houlette des artisans du 1er Novembre. Ils reprochèrent à Abane d’avoir intégré les centralistes, les Udmistes, les Ulèmas et les communistes. Abane voyait et croyait clairement que la guerre de libération était l’œuvre de tous les Algériens, même les Français d’Algérie.
Abane entreprit de faire avec un grand esprit d’initiative, à partir du 1er avril 1955 par un travail préparatoire dont les idées directrices nous sont restituées à travers deux tracts (avril et juin 1955) ainsi que neuf correspondances adressées à la délégation extérieure entre le 20 septembre 1955 et le 14 mai 1956. Six mois après son installation à Alger, en septembre 1955, il entra en contact épistolaire avec la délégation du Caire. En effet, dans une lettre datée du 20 septembre de la même année, il écrit : « Il serait souhaitable qu’à l’avenir s’établissent entre nous une correspondance suivie.
Dorénavant, vous adresserez votre courrier à l’adresse suivante : Fredy Mezidi, 8, rue d’Argent, Bruxelles. Cette personne nous fera parvenir votre correspondance. Par le ton de cette première lettre, Abane s’imposait en qualité de chef à l’intérieur en inscrivant sa démarche dans une logique de commandement en écrivant : « Nous ne comprenons pas votre silence. Je peux vous affirmez une chose, tout le monde, en l’occurrence, les chefs des groupes armés sont tous mécontents ». Ils ne cessent de nous répéter : « si ces gens-là de la délégation du Caire sont incapables d’être utiles à la cause, qu’ils rentrent au moins mourir avec nous. Depuis dix mois, vous n’avez pas été fichus d’envoyer un seul lot d’armes et de munitions ».
Le 6 janvier 1956, Abane adresse une autre lettre au Caire disant que nous sommes en train d’élaborer une plate-forme politique. La commission est composée de Med Lebjaoui, Amar Ouzegane, A. Temam et A. Chentouf qui travaillent sous notre direction.
Nous vous informons que nous sommes déjà en liaison avec les responsables du Constantinois car nous projetons de tenir quelque part en Algérie une réunion très importante des chefs militaires des Aurès, du Constantinois, de Kabylie, de l’Algérois et de l’Oranie. Par conséquent, vous devez vous préparer à rentrer afin d’assister à ce congrès. Il rappellera que le FLN était devenu un parti intégrant non seulement tous les Algériens mais surtout tous les partis politiques.
Le FLN, n’est ni le PPA, ni le MTLD et encore moins le CRUA ». Entre temps, le 6 mai 1956, Ben M’hidi est de retour d’Egypte pour ne pas dire qu’il avait claqué la porte du Caire. Il décide de rejoindre Abane à Alger, dont le duo politique allait faire de la capitale de la colonie un puissant centre de rayonnement de l’action du FLN. Ben M’hidi, l’un des six chefs du 1er novembre, s’était tout de suite entendu avec Abane. Ils se complétaient à tel point qu’ils devinrent un duo formidable qui allait impulser un élan extraordinaire au déroulement des évènements majeurs de la guerre de libération.
Ben Bella écrira: « Nous trouvons dangereux de venir en Algérie et de traverser la moitié du territoire pour assister à ce congrès ».Le 11 juin 1956, le CCE adresse sa réponse à Ben Bella en stipulant clairement ses impressions: « non seulement vous aviez été incapables d’envoyer des armes et des munitions et d’ailleurs à cause de vous, beaucoup de régions ont arrêté de combattre par manque d’arsenal mais en plus vous trouvez que c’est dangereux de rentrer en Algérie.
Il poursuit « au fait, pourquoi vous êtes allés vous réfugier si loin que ca, au Caire ? » « Je pense que si vous étiez allés juste là à côté, à Tunis, vous auriez été à l’abri… » Silence radio de la part du Caire. .Le CCE ne manquera pas de les traiter de ‘Révolutionnaires de Palaces’. Par contre, le colonel Sadek, les surnommera ‘les Mulets du Caire’.Abane portera une légère modification en souriant, « voyons mon colonel, j’écrirai plutôt ‘Les Zèbres du Caire’, c’est plus raffiné… ».
Certes, Ben M’hidi ne manquera pas d’informer Abane qu’il était rentré plusieurs fois en conflit avec Ben Bella au Caire qui croyait être le grand Zaïm de la Révolution, mais en plus, il était devenu la marionnette du président égyptien Gamal Abdennasser et de fethy Dib responsable des Moukhabaret (Services égyptiens). Cela pouvait supposer croire que tout le courrier envoyé au Caire par l’intérieur, était d’office remis aux Egyptiens qui avaient noué de très bonnes relations avec la France depuis que celle-ci avait fait une proposition alléchante en matière d’approvisionnement en armement.
Effectivement, la France avait projeté de fournir à l’Egypte un arsenal militaire en cas de conflit avec Israël où la menace devenait imminente. Par voie de conséquence, Abane avait réalisé l’importance de ne pas divulguer trop d’informations inhérentes à la tenue du congrès, ni la date, ni le lieu ne devaient être mentionnés dans la correspondance avec la délégation extérieure. C’est justement à partir de là que les trois hommes de l’intérieur (le colonel Zighout, Abane et Ben M’hidi) prirent la décision de faire diversion en lançant de fausses informations compte tenu de l’importance de cette réunion qui allait inéluctablement réunir les principaux responsables.
Il faut rappeler toutefois que les trois hommes n’étaient pas à ce point naïf. Ils savaient pertinemment que l’Etat major de l’Armée française jubilait à l’idée de connaître la date et le lieu où devait se tenir ce fameux congrès afin de réaliser un joli coup de filet. En fait, Abane et Ben M’hidi avaient sollicité le colonel Sadek de son vrai nom Slimane Dehilès de sa grande expérience militaire durant la Seconde Guerre mondiale, de réfléchir comment orchestrer une diversion.
A l’issue de cette correspondance, le 11 juin 1956, Abane va définitivement rompre les relations avec le Caire et 10 jours plus tard, le 22 juin, il quittera Alger en compagnie de Ben Mhidi pour se rendre au PC du colonel Sadek dans la grande forêt de Zbarbar. Effectivement, les conceptions et les visions affichées de part et d’autre sur les questions de fond tels que la primauté du politique sur le militaire, la primauté de l’intérieur sur l’extérieur sans oublier l’omission des termes arabité et islamité dans les statuts de ce dit congrès, rendaient tout compromis difficile à réaliser.
Finalement, la crise de confiance entre Alger (Abane, Ben Mhidi) et le Caire (Ben Bella et les autres) était arrivée à son paroxysme. A cet égard, il semble que Abane et les responsables militaires de l’intérieur aient soupçonné l’Egypte de Gamel Abdenasser de vouloir placer, par le biais de Ben Bella, la Révolution algérienne sous tutelle égyptienne. Par conséquent, il n’hésitera pas un instant à s’en prendre à Gamel Abdenasser en adressant un message haut et fort via un tract : « la Révolution algérienne ne sera inféodée ni au Caire, ni à Moscou et encore moins à Washington ».
Une année après, Abane ne manquera pas de confier à Ferhat Abbas au Caire en 1957 concernant cette délégation en Egypte mais surtout les militaires de l’extérieur qui voulaient s’accaparer du pouvoir : « Ce sont tous des futurs dictateurs à l’image de tous les dirigeants du monde arabe. Ils s’imaginent avoir droit de vie ou de mort sur les populations qu’ils gouvernent.
Ils constitueront un danger quant à l’avenir de l’Algérie. Ils mèneront une politique personnelle contraire à l’unité nationale de la future nation algérienne. L’autorité qu’ils exercent ou qu’ils exerceront les rendent arrogants et méprisants envers leurs citoyens. De ce fait, par leur attitude, ils sont la négation de la liberté d’expression et de la démocratie que nous désirons instaurer dans cette future Algérie indépendante ».
Il poursuit : « L’Algérie n’est pas cet Orient arabe où pratiquement tous les régimes exercent un pouvoir dictatorial sans partage. Nous sauverons nos libertés contre vents et marées, même si nous devons y laisser notre peau. Il faut impérativement leur barrer le chemin au Pouvoir ». Telles étaient les consignes de Abane avant qu’il ne soit assassiné le 27 décembre 1957 au Maroc par le clan de l’extérieur.
Le Colonel Sadek composa l’escorte d’une centaine d’hommes armés et quatre fusils mitrailleurs de protection. A l’aube du 13 juillet 1956, l’escorte démarra du PC de la wilaya 4 (l’Algérois) dans les monts forestiers de Zbarbar. Il prévoyait trois semaines de voyage pour gagner la région des Bibans à Tazmalt.
Des journées entières pour faire à pied les trois cent kilomètres à vol d’oiseau qui séparaient le PC de la wilaya 4 au point de rendez-vous avec les deux caravanes kabyle et constantinoise. Le ciel d’Algérie était sillonné par des avions de reconnaissance de type Piper C-109 de l’Armée de l’air française afin de repérer les moindres mouvements suspects qui pourraient dévoiler aux renseignements français le lieu de la tenue de ce congrès.
Le 13 juillet, près de Zbarbar, la caravane d’Alger qui comprenait le colonel Sadek, Abane, Ben M’Hidi, le colonel Ouamrane et Si Chérif le commandant Ali Mellah avec une escorte d’une centaine d’hommes armés jusqu’aux dents s’était fait accrocher par une garnison française.
Pour la première fois de leur vie, les deux chefs, Abane et Ben M’hidi allaient faire leur baptême de feu en assistant à une embuscade tenue par l’armée coloniale. Ils furent impressionnés par les échanges de tirs. Il n’y avait pas eu de casse. Le colonel Sadek se souviendra avoir dit en roulant les ‘R’ avec son accent kabyle : « On les a terrassés ces soldats de la garnison française avec un feu bien nourrit, a tel point qu’ils ont détalé comme des lièvres. Le calme revenu, il dira à Abane et Ben M’hidi : « à l’avenir, il serait préférable de vous mettre à l’abri si un autre accrochage devait survenir éventuellement ». Je suis responsable de votre acheminement sur le site du congrès ajoutera-t-il : « Il faut arriver entiers à la Soummam ! ».
Le 17 juillet, près de Bouïra, un nouvel accrochage. Le colonel Sadek dira : « Nous progressions normalement en file indienne, j’étais à l’arrière de celle-ci quand j’aperçus une drôle de pierre rectangulaire qui n’était qu’un transmetteur que j’avais connu pendant la Seconde guerre mondiale en tant que tirailleur algérien ayant débarqué à Monte Casino. Je demande aux soldats d’interpeler le colonel Ouamrane qui se trouvait en tête de file. Aussitôt arrivé, je lui montre la fameuse brique en lui disant c’est un poste émetteur appartenant sûrement à un poste militaire français qui ne devrait pas être très loin d’ici. Le colonel Ouamrane ne prenant pas très au sérieux cet engin qui jonchait le sol, ordonne à la file de poursuivre la marche.
Le colonel Sadek lui dira : « Ah bon, tu ne veux pas me croire ! », Il donnera un coup de pied à celle-ci en avertissant ses hommes de se préparer au combat. Quelques centaines de mètres parcourus, ils entendront la voix d’un soldat français avec l’accent marseillais ‘ Halte-là ‘…Aussitôt le colonel ordonne à ses soldats : « 90 ° sur la droite. Feu à volonté et tirs à feu croisé », Encore une fois dira-t-il : «On leur a donné une tannée ». Le colonel Ouamrane recevra une balle dans le mollet.
Le lendemain matin à l’aube, le convoi reprit sa progression après avoir partagé un café bien chaud avec de la galette. Deux jours plus tard, au douar Beni-Mélikèche, dans la région de Tazmalt, la caravane algéroise fit sa jonction avec celle des Kabyles : Krim Belkacem, le colonel Amirouche et Mohammedi Saïd.
Dans la nuit du 22 juillet, les deux caravanes comptaient maintenant deux cents hommes. Lors du passage de la ligne de chemin de fer Bouïra-Bougie, les chefs F.L.N. tombèrent sur une autre embuscade de routine tendue par des rappelés. Le mulet qui transportait quelques documents inhérents au congrès de la région s’était détaché du convoi et de panique s’était rendu à une caserne coloniale à Tazmalt, apportant à domicile aux services de renseignements français l’annonce d’une conférence dès plus importantes, la date fixée au 30 juillet (la deuxième fausse information), toute la documentation nécessaire à l’établissement d’une plate-forme politico-militaire de la plus haute importance, seul le lieu de la rencontre manquait.
Mon père s’en est souvenu de son vivant bien après l’indépendance, que les documents authentiques et confidentiels qui contenaient la plate-forme étaient au nombre de 30 pages réparties à parts égales dans les deux poches intérieures de chacun des deux hommes, Abane et Ben M’hidi. Il affirmera qu’il était le seul à le savoir, car ces deux derniers lui faisaient confiance, dès lors qu’il était devenu leur conseiller militaire, mais surtout le fidèle ami de Abane.
Le 2 août 1956, les Constantinois faisaient leur jonction avec les Algérois et les Kabyles.
C’était vraisemblablement pour eux, le plus beau jour depuis le déclenchement de la Révolution du 1er Novembre. Ils s’étaient tous enfin rencontrés…
Les travaux commencèrent le 20 août 1956 et prirent fin le 5 septembre la plate-forme de la Soummam était fin prête et adoptée à l’unanimité et son contenu sera publié dans le journal El-Moudjahid le 1er novembre de la même année.
La délégation du Caire, Ben Bella et ses pairs avaient reproché aux congressistes de ne pas avoir porté dans les textes de la plateforme les mentions arabité et islamité. La réponse de Abane fut la suivante : « La guerre que nous menons contre le colonialisme, n’est pas une guerre de religion mais plutôt une guerre de libération. Nous n’avons pas à mettre en avant le culte et encore moins l’identité raciale mais plutôt un projet de société démocratique et laïque qui drainera toutes les élites et les forces vives de la future nation. Ce sont les fondements propres d’un Etat démocratique.
L’autre argument mis en exergue par les adversaires des résolutions de la Soummam relatif à la question de la primauté du politique sur le militaire et de l’intérieur sur l’extérieur posée comme principe devant régir les rapports du futur gouvernement. La réponse apportée par l’intérieur fut la suivante : «Dans un régime démocratique et laïque comme il est constaté dans les sociétés modernes, c’est le pouvoir politique qui commande l’institution militaire et non l’inverse qui ne serait alors qu’une dictature militaire.
Comment ne pas saluer aujourd’hui en ce soixante sixième anniversaire du 20 août 1956 la mémoire de ce formidable intellectuel militant que fut Abane Ramdane avec cet autre génial militant Larbi Ben M’hidi présent sur tous les plans, qui avaient réussi à faire du FLN un puissant centre de rayonnement politique et militaire tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Notre guerre de libération nationale a été menée par des femmes et des hommes que l’élan libérateur portait le plus souvent à un haut niveau d’élévation morale.
Il aura fallu attendre la révolution du 22 février 2019, pour que le peuple algérien, allant à contre-courant d’élites aliénées ou clientélisées par le pouvoir depuis l’indépendance, se réapproprie le message solennel de la Soummam à travers des slogans qui ne souffrent d’aucune ambiguïté quant à la nature des contraintes qui bloquent la perspective démocratique en Algérie et les solutions que celle-ci appelle.
Les mots d’ordre les plus fréquents, les plus pérennes et surtout les plus répandus dans la rue à travers tout le territoire nationale, sont des concentrés de la plate-forme de la Soummam.
La foule ne cessera de scander haut et fort : Un Etat civil et non militaire, la République algérienne n’est pas une caserne, pour une Algérie démocratique et sociale. Tels étaient les slogans qui rythmaient les marches rassemblant les millions de citoyens qui s’étaient désormais accaparés de la rue chaque vendredi pendant plus d’une année.
Le Hirak, une révolution inédite dans le tiers-monde qui a réussi à mobiliser une année durant les citoyens dans une détermination et une solidarité sans faille et qui d’ailleurs impressionna non seulement tout le peuple algérien mais surtout la scène politique internationale. C’était un miracle dans un pays construit dans l’opacité et la violence depuis l’émergence du pole militaro-populiste qui s’était imposé au Caire en 1957 par la force et qui nous a menés à la situation politique actuelle.
L’insurrection citoyenne avait dévoilé des ressources insoupçonnées. Manifestations pacifiques, présence massive de jeunes; des femmes et des hommes revendiquant une Algérie libre et démocratique en portant le portrait de Abane et de Ben M’hidi.
Il est clair que le régime algérien a eu chaud, ce même régime qui ambitionne de noyer le récit du mouvement national dans l’arabo-islamo conservatisme issu du courant de Djemyat El-Oulémas, cette nouvelle mouvance Badissiya-novembaria fraîchement parachutée je ne sais d’où depuis la destitution du gouvernement du président Bouteflika, n’avait pas hésité d’actionner un de ses activistes baâthistes véreux à M’sila pour jeter l’opprobre sur le congrès de la Soummam dont les valeurs et les principes fondamentaux furent l’apanage et l’ossature de l’insurrection du mouvement citoyen du 22 février 2019.
Aussi paradoxalement que cela puisse paraître, l’histoire du mouvement nationaliste aura retenu que le cheikh Abdelhamid Ben Badis et ses Oulémas avaient été sceptiques quant à l’émergence d’un mouvement populaire insurrectionnel car à l’époque, ils affirmaient clairement que le peuple algérien était inculte et ignorant pour se libérer du colonialisme. L’ironie du sort est que ce même Abane qui les a sauvés en les encourageant en 1955 à adhérer au Front de libération, fait l’objet d’attaques véhémentes de la part de leurs militants qui continuent de le traîner dans la boue.
En d’autres termes, Il leur avait épargné une condamnation à l’unanimité dans la postérité pour ne pas avoir voulu se joindre à la lutte. On peut clairement conclure que soixante six ans après, la vision politique prônée par le congrès du 20 août 1956 est toujours d’actualité.
Le fantôme de la Soummam hante l’Algérie…
Ali Dehilès
https://lematindalgerie.com/le-fantome-de-la-soummam-hante-lalgerie/
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Rédigé le 23/10/2022 à 10:18 dans France, Guerre d'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)
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