Jean Billard, le mari d’Andrée dite "Deddie", a ouvert pour La Dépêche la correspondance entretenue avec elle pendant sa période militaire à la Guerre d’Algérie de décembre 1956 à octobre 1958.
Son père a été le premier à l’appeler Deddie. Andrée Billard, née Piot, est née le 25 octobre 1932. En février 1955 elle travaille aux PTT, elle y rencontre Jean Billard lors des Amitiés Postières à Bad Aussée en Autriche. Ils ont le béguin, et peu après dans la salle obscure d’un cinéma, …, leur idylle commence. Mais le 10 mai 1956, Jean est appelé au service militaire. Le 18 décembre il embarque pour l’Algérie, là-bas c’est la guerre. Jean a voulu partager un peu de cette période, non pas vue depuis l’Algérie, mais à partir des lettres envoyées par Deddie.
1 170 lettres échangées entre Deddie et Jean
Dès les premières lettres de Deddie surgissent le cafard, les larmes, l’attente des lettres de Jean. Celles-ci arrivent dans le désordre, des fois rien, des fois 3 ou 4 en même temps. L’inquiétude est permanente car les informations à la TSF sont en décalé par rapport aux nouvelles de Jean. Chrétiens tous deux, les doutes et la colère contre la guerre surgissent, "on ne fait pas un homme pour qu’il se batte". En avril et mai 1957, en réponse aux interrogations de Jean, elle lui donne raison de ne pas s’en prendre aux civils quand un des leurs est tué. En plus de Témoignage Chrétien et Le Monde qu’elle poste régulièrement, elle fait part des divergences d’opinions sur la guerre dans son entourage au travail ou avec les copains.
Un mariage préparé par correspondance
Deddie et Jean décident de se marier car une permission se dessine pour trois semaines en septembre. Deddie doit tout planifier et choisir, elle assure le lien entre les deux familles. Elle s’en veut de ne pas être avec Jean. De plus elle doit gérer un petit budget mais essaie de ne pas trop se plaindre vis-à-vis de ce qu’il endure. Ses rêves sont agités : départ en opération militaire, permission annulée, robe de mariée jamais prête. La permission arrive, ils se marient le 21 septembre 1957, mais dès le 7 octobre, Jean repart.
Encore une année de séparation avant le retour de Jean
La guerre se durcit et la vie à Paris est dangereuse. Deddie est anxieuse, le 27 octobre "où es-tu maintenant ?", le 17 février 1958 "je suis polarisée sur ton retour". Au travail il est interdit de parler des évènements. Ils sont syndiqués et les questions politiques, le référendum à venir, s’invitent dans leur correspondance. Grèves, fusillades, attentats terroristes, incendies émaillent son quotidien. "Je vis comme une automate", "maintenant je ne crois plus à ton retour". Et si Deddie en a "marre jusqu’au fond de moi", sa foi et l’amour restent les plus forts. Vers août un retour est envisagé pour le 15 octobre. Cette fois c’est la bonne, Jean rentre. Le 7 octobre leur vie de couple commence vraiment, elle durera 65 ans.
Décédée il y a un peu plus d’un an, Deddie aurait eu 90 ans ce 25 octobre. Un témoignage rare et intime que Jean nous livre comme un hommage à sa femme et celles qui ont tant attendu le retour du bien aimé.
Publié le
https://www.ladepeche.fr/2022/10/23/temoignage-de-la-guerre-dalgerie-les-lettres-de-deddie-10757210.php
.
Les commentaires récents