Parti début 1961 dans le sud Oranais, Stéphane Bernoud a vécu la fin de la guerre d’Algérie et ses conséquences.
« Je considère que j’y ai perdu du temps et une partie de ma jeunesse. Par contre, j’ai trouvé une ambiance avec les copains qui est restée un sentiment de camaraderie. On se serrait les coudes. Mais si je ne l’avais pas vécu, je n’en serais pas troublé », déclare Stéphane Bernoud, 60 ans après.
Quand il évoque ceux qui comme lui ont eu à vivre la guerre d’Algérie, Stéphane Bernoud ne parle ni de camarades, ni de frères d’armes, mais bien de « copains ». Tout un symbole, celui de gamins de 19 ans, appelés à prendre part à un conflit qui ne disait pas son nom. « J’avais à peine 20 ans, je n’avais pas le droit de voter mais j’avais déjà celui de mourir », lance aujourd’hui le natif de Pierreclos, parti début 1961 dans le sud Oranais, à Aïn Sefra. « Nous nous sommes retrouvés projetés devant des tas de choses, surtout qu’il s’agissait de la fin de la guerre d’Algérie. Ce n’était pas dangereux au point des opérations Jumelles, des Gorges de Palestro… Mais les haines étaient exacerbées […]. On était chauffé à blanc et le FLN chauffé à rouge », détaille le Mâconnais.
60 ans après le Cessez-le-feu, Stéphane Bernoud se remémore encore la chaleur algérienne, l’ennui qui pouvait parfois le saisir, lui et ses copains. Et surtout « ce sentiment diffus de peur presque permanente, car il n’y avait ni front, ni arrière ».
Ce conflit, le Mâconnais en aura donc vécu le tournant, des images encore gravées dans sa mémoire. Comme celle de ce réveillon 1961-1962, dans le foyer de sa caserne : « Je revois encore notre colonel, qui avait fait mettre un immense drapeau tricolore dans notre foyer, qui nous disait “l’Algérie, c’est la France. Grâce à vous, on a gagné la guerre, les Fells sont désormais derrière les barrages, on ne partira pas” ».
« Qu’était-on venu faire là ? »
« Et deux mois et demi plus tard, ce fut les accords d'Evian du 19 mars 1962. Il y a eu de la joie, du soulagement – ‘‘c’est la quille’’ – et puis aussi de l’incompréhension suite à notre conditionnement par nos chefs. En résumé, qu’était-on venu faire là ? »
« Après cela, on a nous obligés à aller ouvrir le réseau pour laisser passer les glorieux combattants de l’ALN qui étaient de l’autre côté de la frontière. Un souvenir impérissable et douloureux : les mecs rentraient en Algérie en vainqueurs et certains n’avaient jamais vu une demi-journée de combat ».
Au cœur des événements, Stéphane Bernoud revoit les fêtes de l’indépendance, trois jours et trois nuits sous les fenêtres de la caserne, le déménagent de son régiment à Nouvion, « un camp entouré de barbelés au milieu de nulle part. Malheureusement, nous avions un officier perturbé par la fin de la guerre. On nous appelait à cette époque ‘‘force de représentation’’. Il nous avait envoyés faire un tour à Mostaganem, on faisait des patrouilles en ville, en tenue de combat, assis dans des camions débâchés, le fusil entre les jambes mais sans culasse. Et on tournait. Les gens nous attendaient et nous balançaient tout ce qu’ils pouvaient trouver chez eux : tomates, œufs pourris… Et quand le camion était bien plein, on nous ramenait à la caserne en passant par le dépôt d’ordures. Ça s’est passé trois jeudis. On estimait qu’on n’avait pas mérité ça. »
Les Harkis : « Un souvenir épouvantable »
Des actes qui ne seront malheureusement pas les seules sources d’amertume, entre l’exode des pieds-noirs, et l’abandon des Harkis qui avaient combattu à ses côtés. « C’est un souvenir épouvantable qu’on ait pu abandonner des mecs qu’on avait retourné pour qu’ils luttent avec nous. » Il en sauvera un, le conduisant à la base de Mers-el-Kébir.
Mais dans sa rancœur, Stéphane Bernoud n’oublie pas ceux qui ont été à l’origine de tout cela. « J’en veux à ceux qui nous ont plongés là-dedans. C’est un homme de gauche, Guy Mollet, qui a lancé ça alors que tous les militants nous traitaient de tortionnaires. »
Sur ce chapitre, l’ancien d’AFN n’a aucun tabou. Si lui n’y a pas été confronté, il préfère préciser : « Je ne dis pas qu’il n’y a pas eu de torture, je dis simplement qu’il y a certainement beaucoup plus de victimes, des centaines de milliers d’Algériens, qui ont été liquidés pas le FLN qui voulait vraiment prendre le pouvoir. »
Il conclut : « Ce n’est pas les soldats qui ont fait des conneries, que ce soit en Algérie, au Vietnam ou ailleurs qu’il faut punir. Il faut punir les États qui les envoient faire la guerre»
Si nous avons tous les deux une nostalgie c'est de réécouter la toute première chanson d'Hugues Aufray qui date de 1958 "Y'avait Fanny qui chantait"
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