LA REGENCE D’ALGER ET LA DOMINATION TURQUE.
La pénétration arabe et les guerres intestines que se livraient les factions rivales arabo-berbères favorisèrent une instabilité politique permanente au Maghreb et un processus progressif de désintégration. Il en était ainsi du royaume des derniers Abd el-Wad, déchiré par les rivalités de palais. Entre les royaumes hafçi et abd-el-Wad les territoires se morcelaient en principautés, en tribus, en fédérations autonomes de « terres maraboutiques »1 et de ports libres, aux frontières imprécises.
Les oasis de Figuig s’unissaient entre elles, les tribus de l’Ouarsenis s’organisaient à leur tour selon leurs propres code.
La Kabylie se mettait sous la protection du roi de Kouko (des Aït Yahya) de même à Constantine avec le Cheick Falçi où il domina la région entre Collo et Annaba.
Le Zab et Hodna devinrent le fief des tribus arabes Dawawida. A Touggourt une nouvelle dynastie fut fondée et régna sur les oasis de l’Oued Ghir.
Le Magrheb qui s’étendait du Maroc à la Tripolitaine, se présentait comme une mosaïques de ces différentes tribus d’origines diverses, si désunies, qu’il était impossible de créer un véritable État tel qu’on l’entend de nos jours, c’est-à-dire, géré par une Administration organisée autour d’un Gouvernement centralisé. Pas même les Turcs ne réussirent à créer un véritable État autour de la Régence d’Alger, puisqu’ils dépendaient du Sultan de la Sublime Porte en Turquie.
L’ERE DES CORSAIRES.
De Djerba jusqu’au Maroc, les ports devinrent des petites entités organisées pour la piraterie.
Tunis, Byzerte, Alger, Oran, Byaya, Honeïn, armèrent des flottes pour parcourir la Méditerranée et s’adonner au pillage des bateaux qui croisaient en Méditerranée.
Les corsaires arabes et maures du XIVe et XVe siècles, ne « coursaient » pas uniquement pour ramener des butins par leurs razzias. Il se considéraient comme « des soldats de la guerre sainte contre les Chrétiens », qu’ils réduisaient en esclavage. Entre la piraterie maure, arabe et turque ce sont près de 1 million 250 000 chrétiens qui furent capturés et enfermés dans les fameux banos, ces prisons souterraines de sinistre réputation, lorsqu’ils n’étaient pas revendus sur les marchés aux esclaves.
« Ils songèrent moins au trafic des captifs qu’à l’emprisonnement des infidèles ».
Ils fixaient un prix pour le rachat des prisonniers, si élevé, qu’il était impossible d’être acquitté.
La « course » pour des motifs religieux nuisait à la sécurité des Chrétiens, au commerce en général, particulièrement à la fin du XVe siècle où les Maures chassés d’Espagne et passés en Afrique, donnèrent à la piraterie un regain de vitalité tel, que les Espagnols, particulièrement menacés par les menées des corsaires maures, décidèrent de réagir.
Le besoin d’éradiquer les refuges et les bases des corsaires devint un objectif pour les Espagnols qui intervinrent au Maghreb et installèrent des « presidios » sur tout le littoral du Maghreb.
Ferdinand le Catholique, (après la Reconquista en 1492), animé par des motifs religieux – la protection des Chrétiens – avait aussi comme souci majeur, la protection de la libre circulation des bateaux de commerce.
Encouragés par la désagrégation de l’Afrique du Nord, les Espagnols s’installèrent au Maghreb, mais des accords passés avec le Portugal les circonscriront à Mellila ; le reste du littoral marocain, réservé aux fronteiras portugais.
L’ENTRÉE EN ACTION DES ESPAGNOLS.
Après une attaque de pirates maures partis de Mers el Kébir contre Alicante, Elche et Malaga, en 1506, les Espagnols, à la tête d’une « armada », en un mois et demi obtinrent la reddition de Mers-el-Kebir, ville qui offrait pour les Maures, un des mouillages des plus sûrs et stratégiques de toute la côte barbaresque.
Pedro Navarro, un corsaire espagnol au service de Ferdinand le Catholique, enleva le Penon de Velez de Gomara où il fit ériger une forteresse, et braqua ses canons sur le port, éloigné seulement de 300 mètres de son armada. Il fit canonner la presqu’île qui fut détruite aux trois-quarts. Ensuite, les Espagnols contrôlèrent les zones d’Oran, Byaya (Bougie…).
La victoire de Mers el Kébir augmenta le prestige espagnol. Les ports de Dellys, Cherchel, Mostaganem, demandèrent à payer tribut, pour ne pas s’attirer les foudres du terrible Pedro Navarro.
« Alger livra à Pedro Navarro, un îlot où il fit ériger une forteresse. Pedro Navarro fit braquer ses canons sur le port d’Alger, éloigné de 300 mètres seulement de son armada.
En quelques années, les Espagnols se rendirent maîtres des principaux ports du littoral. Ils avaient la possibilité de conquérir le Maghreb central, mais ils n’en firent rien, malgré la supériorité de leur armement.
L’Espagne avait la parfaite maîtrise des mers, tenait les ports du littoral, pourtant les terres africaines n’intéressaient pas Ferdinand le Catholique, roi d’Aragon, préoccupé par d’autres projets ; « ...les yeux tournés surtout vers les Pyrénées et l’Italie ».
Après la Reconquista, il n’était pas question, pour Ferdinand le Catholique, d’interventions sans profits immédiats. Les Espagnols se contentèrent d’une occupation restreinte au Maghreb. Les ports conquis devinrent des places fortes tenues par des garnisons de soldats, les presidios , aux conditions de vie difficiles.
L’arrivée des Turcs au Maghreb signa la fin de la politique africaine espagnole.
L’ARRIVEE DES TURCS.
Sur les ruines du petit port romain d’Icosium occupé par une tribu berbère, les Beni Mezranna, le prince Ziri Bolkine (ou Bolloguin), fondait au Xe siècle une ville du nom d’El Jezaïr.
Du Xe au XIIe siècle, l’activité de son commerce fut prospère.
Au XIVe siècle, elle fut occupée par les tribus arabes, les Thaliba.
Au XVe siècle, elle fut convoitée par les Ziyani.
Le port se mit à décliner du faits des troubles incessants et des guerres intestines entre clans rivaux.
Après la Reconquista et la chute de Grenade en 1492, les Morisques ou Maures furent chassés d’Espagne. Le Maghreb vit affluer une population nouvelle qui atteignit au XVe siècle, 20 000 habitants.
Une rancune tenace animait ces Maures contre les Espagnols vainqueurs de la Reconquista. Cette vindicte se concrétisait par une recrudescence d’attaques en mer.
Pedro Navarro fit pointer ses canons sur El Jezaïr.
Les habitants sollicitèrent alors, le secours des corsaires turcs qui régnaient en maîtres depuis 1514, à Jillel.
LES FRERES BARBEROUSSE : Arouj, Khaïr-ed-Din, Elias et Ishaq.
Fils d’un potier grec converti à l’Islam, de Metelin (Métylène - ancienne Lesbos), les quatre frères furent très tôt attirés par la piraterie que les Turcs pratiquaient à grande échelle, au même titre que les Berbères, les Maures, et les Arabes.
Au cours d’une de ses attaques, Elias perdit la vie.
Arouj, Khaïr-ed-Din et Ishaq quittèrent l’Archipel grec et se transportèrent en Méditerranée occidentale. Ils jouissaient d’un grand prestige auprès des Musulmans, par leurs attaques systématiques de bateaux chrétiens – surtout Espagnols – et par les milliers de Maures et d’Arabes qu’ils transportaient jusqu’en Afrique du Nord.
Les frères Barberousse recrutèrent des centaines d’aventuriers en quête de butin qui se mirent aussitôt sous leurs ordres.
Le Sultan Hafçi, intéressé aux bénéfices, leur accordèrent la « licence de se ravitailler dans ses ports ». L’Ile de Jerba en (Ifriquiya) devint la base de la douzaine de navires composant son escadre.
Depuis des années, l’Islam au Maghreb était en péril. Les Espagnols, avec la Reconquista lui avait donné un premier coup et les guerres entre clans au Maghreb menaçaient sa pérennité. Aussi, les autorités musulmanes conscientes du danger, demandèrent l’aide des frères Barberousse, installés à Jillel.
De là, les Turcs suivaient la lutte qui opposait les « Sultans » kabyles des Beni Abbès et de Kouko. Les Beni Abbès triomphèrent, les frères Barberousse leur proposèrent leur aide.
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Cet article a pu être rédigé à partir de la thèse de Pierre Gourinard, Historien, Docteur-ès-Lettre, intitulée « Les royalistes français devant la France dans le monde », présentée à l’Université de Poitiers en 1987 et de l’ouvrage du même auteur, édité en 1992 chez Lacour-Editeur, (préface de Jacques Valette professeur de l’Université de Poitiers).
Sources bibliographiques complémentaires pour les parties 2-3 et suite :
Encyclopédies Alpha, Larousse, Quillet.
Histoire de la civilisation Will Durant.
Le destin tragique de l’Algérie française – Collection dirigée par P. Miquel.
Charles-André Julien – Histoire de l’Afrique du Nord – Éditions Payot -1952
1Terres maraboutiques : le maraboutisme venait surtout selon certains historiens, des Oulemas andalous passés en Espagne. Pour d’autres, il est à l’origine du « soufisme ».
par
dimanche 19 juin 2022
https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/origines-et-aspects-meconnus-de-la-242292#:~:text=par%20Nicole%20Cheverney%0Adimanche%2019%20juin%202022
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