n 1516, Alger se donnait un maître en la personne d’Arouj Barberousse.
Après la mort du roi d’Espagne, Ferdinand le Catholique, une vague d’agitation perturba les ports du Maghreb occupés par les Espagnols. Les Barbaresques d’Alger considéraient que leur serment d’obédience au roi d’Espagne ne les concernait plus. En état de faiblesse, ils poussèrent leur Cheikh Salim El Toumis à faire appel à Arouj Barberousse. Le pirate Turc qui occupait Cherchell fit une entrée triomphale dans Alger.
Une conspiration contre Arouj Barberousse fut ourdie par les Taaliba, les Espagnols et les Algérois, pour se débarrasser d’Arouj. Ce dernier court-circuita la conspiration en faisant étrangler le Cheikh Salim. Il fit exécuter les rebelles. Les notables se rangèrent de son côté, l’ordre fut rétabli.
Les Espagnols se détournèrent du Maghreb, occupés par des guerres en Europe.
La piraterie reprit de plus belle conduite par les flottes barbaresques et turques sur le littoral de la péninsule ibérique.
L’Espagnol Diego de Vera conduisit une première expédition contre Alger qui prit fin en 1516, par un véritable désastre. Les habitants de Tlemcen demandèrent aux frères Barberousse de les débarasser de leur roi qui en 1511, avait accepté de faire allégeance avec les Espagnols.
Arouj chassa le roi, puis s’installa en maître absolu dans le Méchouar1 « à la place du prétendant qu’il avait promis de rétablir ».
Soixante-dix Ziyanis furent noyés sur son ordre. Il soumit les Beni Shassen et engagea des pourparlers avec le Sultan Wttasi de Fès – (Maroc).
Son triomphe fut de courte durée.
« Une armée espagnole grossie d’éléments maghrébins coupa ses communications avec Alger et s’empara de son frère Ishaq qui fut massacré par les Arabes en Janvier 1518 ».
Arouj et ses troupes, installés dans le Méchouar, subirent un siège de 6 mois. Avec une poignée de Turcs, une nuit, il parvint à fuir mais ils furent rattrapés dans le Rio Salado où ils furent massacrés.
A 44 ans, avec sa mort, s’achevait sa carrière d’aventurier et de chef prestigieux.
Haëdo, un Bénédictin qui fut captif à Alger de 1577 à 1581, notait dans ses écrits qu’Arouj avait « commencé la grande puissance d’Alger et de la Berbérie ».
Arouj, doté d’un sens politique très fin, avait tout de suite évalué tout le parti à tirer des rivalités entre principautés maghrébines, pour édifier un Etat musulman puissant contre la puissance des Etats chrétiens. Dans ce but, il conquit la Mitidja, le Chélif, le Titteri, Dahra, l’Ouarsenis, Tlemcen.
Après sa mort, ce fut son frère Khaïr El Din qui lui succéda. Homme volontaire, il est considéré comme le véritable fondateur de la Régence d’Alger. Il réorganisa complètement la flotte ottomane en Berbérie.
Les chicanes entre les différentes tribus compromettant son projet, il fit rattacher la Régence d’Alger à l’Empire ottoman, et lia son destin à la Sublime Porte. Sans cette décision, il aurait été brisé sous le poids de ses trop nombreux ennemis.
En se plaçant Vassal de la Sublime Porte, il s’assura une aide militaire, navale, un appui financier pour la réalisation de ses desseins. Il rendit hommage au Sultan et reçut de lui le titre de Pacha et Emir des Emirs (beylerbey), (d’où découle le titre de Bey).
Constantinople lui envoya 2000 hommes, du matériel d’artillerie et des janissaires.
Entre-temps, les tribus autour d’Alger, organisèrent contre lui une nouvelle conspiration qu’il « noya dans le sang ».
Une nouvelle armada conduite par l’Espagnol Hugo de Moncada, fut réduite à l’échec par les troupes de Khaïr El Din.
Or, si prêt du but, la trahison « en plein combat » en Kabylie par les hommes du roi Kouko, le contraignit à quitter Alger, puis il se retira à Djillel pour reprendre ses activités de pirate.
Dès qu’il se sentit suffisamment riche de ses rapines, il reprit ses conquêtes aidé en cela par le Sultan des Beni Abbès, expulsa d’Alger les Kabyles de Kouko et occupa la Mitidja en 1525.
Khaïr El Din s’imposa comme maître incontesté et impitoyable.
Fort de ses conquêtes victorieuses, il restait tout de même la forteresse du Penon, une menace permanente sur Alger, et toujours occupée par les Espagnols sous le commandement du gobernador Martin de Vargas.
Vargas ne pouvait s’appuyer que sur une petite garnison de 25 hommes. Khaïr décida de bombarder la forteresse pour en finir une bonne fois pour toutes avec le Penon. Après un bombardement de 3 semaines, Vargas se rendit. « Il périt sous le bâton »,2 en 1527.
Khaïr El Din fit raser l’enceinte extérieure du Penon.
Comment se présentait Alger à l’époque de Khaïr El Din ?
C’était un port d’un mouillage médiocre, "cerné d’écueils, balayé par les vents". Si bien que les pirates faisaient haler leurs embarcations jusqu’à la plage de Bab El Oued à 1 mille plus à l’Ouest d’Alger.
Khaïr El Din qui disposait d’une main d’oeuvre composée de captifs chrétiens et pratiquait l’esclavage, fit construire un môle à l’aide des « débris du Penon et des ruines de Matifou ». Le môle s’étendait sur 200 mètres, haut de 4 mètres, et large de 25, il réunissait les îlots à la ville d’Alger.
Malgré la construction du môle et celle, plus tard, d’un nouveau môle plus important, Alger restait un mouillage médiocre exposé aux tempêtes, à la houle et aux vents d’Est et Nord-Est.
Si les Turcs s’intéressaient autant à ce port d’Alger, c’est en raison de la proximité du Canal de Sicile et l’entrée de la Méditerranée occidentale. On ne pouvait rêver meilleure situation pour surveiller les routes maritimes entre Gibraltar, l’Espagne, l’Italie et la Méditerranée orientale.
Les Turcs plaçaient au second rang les questions de mouillage du port d’Alger, mais ils en firent avant tout un port de guerre d’où ils pouvaient intercepter à tous moments le trafic en Méditerranée. Les Turcs ne tardèrent pas à avoir le monopole de la « course ».
La conquête de Tunis par les Turcs.
L’appétit de conquêtes de Khaïr El Din ne s’arrêtait pas à Alger et la Berbérie. Il voulait à lui seul tout le Magrheb et s’assurer de disposer pleinement du littoral oriental.
La cour du roi Hafçi connaissait de nombreuses dissensions et dans la population le mécontentement grandissait contre le Sultan Hassan. Khaïd tenta un coup de main, aidé en cela par la Sublime Porte. Accueillis en triomphateurs à Bizerte, puis à la Goulette, les Turcs entrèrent dans Tunis le 8 août 1534, après un combat de courte durée.
Khaïd décréta la déchéance des Hafçi, ainsi qu’une amnistie générale. « Il plaça une garnison à Kairouan, rallia sans efforts les villes de la côte et obtint même le concours des puissantes tribus du Sud-Constantinois ».
L’organisation de la course à Alger servit de modèle à celle de Tunis et la piraterie turque s’en prit directement aux bâtiments qui croisaient sous pavillon du Vatican et des Princes italiens. Pour les Européens, ceci constituait une grave menace.
Le roi de France François 1er avait assuré ses voisins européens de sa neutralité en cas d’attaque par les Espagnols de l’Afrique du Nord.
Son ennemi, en la personne de Charles Quint, hésitait de porter le fer sur Alger ou sur Tunis. Le Sultan détrôné, Hassan fit appel à l’Empereur d’Espagne qui vit dans le prétexte d’une aide au Sultan, l’occasion de couper Alger de Constantinople.
« Une flotte de 400 voiles, portant 30 000 hommes, aborda sans encombres Carthage. Les Espagnols s’emparèrent de la Goulette le 14 juillet 1535 et six jours plus tard, Tunis, où ils libérèrent les esclaves chrétiens ».
Cette victoire eut un retentissement à travers l’Europe occidentale. Mais Charles Quint qui n’avait aucune intention de conquérir le reste de la Berbérie, fit élever une forteresse à la Goulette et restaura Hassan. Charles Quint ne se faisait aucune illusion sur l’avenir de ce roi qu’il savait « haï de ses sujets » ; Hassan n’avait pas hésité à massacrer la population pour marquer son retour au pouvoir.
Asseoir le pouvoir d’un roi détesté demandait des effectifs considérables, dans le but de créer un Etat souverain. Charles Quint n’envoya que quelques troupes à la Goulette et laissa le roi à son destin.
Khaïr El Din de son côté se replia à Annaba. Il fit appareiller sa flotte et enleva dans une expédition, 6000 captifs chrétiens accompagnés d’un énorme butin.
Ce fut son dernier exploit.
Le Sultan Soliman le nomma Capitan Pacha et l’appela auprès de lui à Constantinople où il devint homme de confiance du Sultan et ami des ambassadeurs français. « Il garda jusqu’à sa mort, le 4 juillet 1546, une situation prépondérante à Contantinople ».
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Cet article a pu être rédigé à partir de la thèse de Pierre Gourinard, Historien, Docteur-ès-Lettre, intitulée « Les royalistes français devant la France dans le monde », présentée à l’Université de Poitiers en 1987 et de l’ouvrage du même auteur, édité en 1992 chez Lacour-Editeur, (préface de Jacques Valette professeur de l’Université de Poitiers).
Sources bibliographiques complémentaires pour les parties 2-3 et suite :
Encyclopédies Alpha, Larousse, Quillet.
Histoire de la civilisation Will Durant.
Le destin tragique de l’Algérie française – Collection dirigée par P. Miquel.
Charles-André Julien – Histoire de l’Afrique du Nord – Éditions Payot -1952
1Mechouar : sorte de palais.
2Le bâton : méthode de torture.
mardi 28 juin 2022
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