Les Anglais qui ne se sont jamais intéressés à la Régence d’Alger, alors qu’ils considèrent le Moyen-Orient, l’Asie mineure, l’Extrême Orient, l’Océanie, l’Afrique, comme leur pré-carré. Pour eux, les « Français sont fous ! »
Wellington affirme qu’un « revers effroyable les attend ».
Au moment où la France est prête à envoyer 440 bâtiments, 47000 hommes, une flotte de guerre équipée de 18000 canons, la France sait qu’elle ne pourra compter que sur elle seule.
Polignac remarque que « si la disparition de l’Empire turc n’est pas souhaitable, sa décadence est passée dans les faits... »
Pour appuyer les troupes françaises et que cette expédition voit un dénouement heureux pour la France, le gouvernement français envisage de « confier au Pacha d’Egypte le Commandement d’une expédition franco-égyptienne destinée à réduire la Régence d’Alger. »
Dans ce but, Polignac s’appuie sur Drovetti, Consul général à Alexandrie. Le Consul général est un grand connaisseur de l’Islam, mais une personnalité « peu apte à évaluer le réel ».
Polignac veut, conjointement, « étendre une influence sur celle de Tunis et de Tripoli ». Projet ambitieux mais qui, pour autant, ne verrait pas la fin de la souveraineté du Sultan de Constantinople.
Dans son plan, il intègre le facteur psychologique « persuadé que l’armée d’Egypte doit venger l’Europe des « outrages commis par les Barbaresques », (piraterie et esclavage). Le Vice-roi d’Egypte serait assuré de la reconnaissance de la France, en le nommant « lieutenant du roi de France », la France s’assurerait d’Etablissements militaires sur la côte d’Afrique pour y rétablir la sécurité du trafic maritime.
Le Général de Bourmont, ministre de la guerre émet des réserves, ainsi que le Baron d’Haussez, ministre de la Marine. Tout cela ne doit se concevoir que par la subtilité des jeux diplomatiques.
« L’opposition britannique est implacable et à Londres, les Anglais sont très bien renseignés de l’avancée des préparatifs de l’expédition ».
Les Anglais mis au courant du projet d’une armée franco-égyptienne informent le Sultan de Constantinople qui aussitôt fait jouer son « droit de suzeraineté » sur les régences barbaresques. Il met en demeure le Pacha d’Egypte, d’abandonner ses projets. N’osant rompre avec le Sultan, le Pacha se soumet.
Malgré la déception de la France après la défection du vice-roi d’Egypte, la France ne change rien à ses objectifs, bien au contraire.
Ordre est donné par Charles X de « détruire l’esclavage et la piraterie sur la côte africaine, et de rétablir la liberté de navigation en Méditerranée ».
La Régence d’Alger :
Vassale de la Turquie, elle est administrée par le Dey Hussein et son armée composée de Janissaires,. Le territoire est très peu peuplé. Les populations sont disséminées. Les Tribus sont reléguées dans les montagnes de la Kabylie, de l’Aurès. Seules, quelques tribus se trouvent dans l’entourage immédiat du Dey.
Les Janissaires (ou Jenitcheri).
Le sultan turc, mais également partout dans les Régences sous vassalité turque, souverains et maître sabsolus s'entourent de toute une armée rapprochée de gardes du corps, spahis, archers, mercenaires, et particulièrement un redoutable corps militaire d'infanterie : les Janissaires.
Les Janissaires ne sont pas Turcs. "Ces troupes sont recrutées parmi les jeunes garçons enlevés de force dans les pays chrétiens, en Grèce, surtout. Triés sur le volet pour leur grande taille et leur robustesse, ils sont élevés dans la "loi musulmane" et dans une stricte discipline au métier des armes.
Sans famille, sans patrie, ils forment une armée permanente de 5000 archeru à pieds. 10 janissaires équivalent à 1 peloton, possédant en commun 1 cheval de bât et une marmite "symbole d'une vie nomade". Ils vouent à leur chef et au sultan en particulier "une obéissance sans murmure". S'il est puni ou battu, le Janissaire embrasse la main qui l'a frappé. Très résistants, rapides, légers, dans les attaques ils sont capables d'élever avec célérité des fortifications de campagne.
En 1396, à Nicopolis, ils vainquirent Sigismond de Hongrie et les croisés venus de toute l'Europe prêter main-forte à la Hongrie menacée par les Turcs. Le costume du Janissaire est impressionnant. Ils portent une calotte sur la tête surmontée d'un panache et prolongée par une longue plume d'oiseau indiquant leur degré de bravoure. Comme armes, ils portent le carquois, l'arc, le sabre,le "yatagan" dont le tranchant se situe à l'intérieur de la courbure de la lame, le poignard droit et le poignard recourbé : le kandjar.
La Régence d’Alger a été créée en 1515.
A cette époque, la France entretient de bonnes relations avec les Barbaresques, et surtout avec leurs Chefs, les célèbres frères Arug et Dhair-al-Din Barberousse. François 1er y voyait un intérêt car les pirates de Barberousse lui rendaient de signalés services, dans sa lutte contre la flotte espagnole et génoise. La flotte espagnole de Charles Quint subit une défaite mémorable, en 1540, au large des côtes de la Régence d’Alger.
Cependant, les relations entre la France et la Régence fluctuent suivant les périodes, en raison de l’attitude des pirates barbaresques. Tout au long du XIVe siècle jusqu’au XIXe, ils vont réussir à imposer leur loi en écumant la Méditteranée. Le Sultan turc profite pleinement des ressources drainées par la Régence d’Alger par ses pirates audacieux et entreprenants. La Régence, du fait des pillages successifs suite à ses attaques de navires commerciaux européens qui essaiment, dispose de biens conséquents. La colère des Européens contre les pirates barbaresques ne fait qu'augmenter au cours des décennies.
La créance française, le Dey et les frères Bacri.
La Régence d’Alger dispose d’une véritable fortune en or, en argent, et autres matières précieuses, et d’une belle trésorerie. C’est la raison pour laquelle elle va jusqu’à prêter de l’argent à « ses interlocuteurs français », comme elle le fera pendant la Convention, le Directoire, et le Consulat. Ces petites fortunes sont le fruit de ses razzia. Le Consulat sollicite le Dey pour l’achat de blé pour les troupes de Bonaparte pendant la campagne d’Italie.
Selon les usages commerciaux en vigueur, ce genre de tractations commerciales est facilité par des intermédiaires, généralement des négociants rompus à cet exercice. C’est ainsi que le prêt octroyé par la Régence au Consulat fut facilité par les frères Bacri, négociants à Livourne ayant implanté des succursales à Alger.
Mais le trésor français amoindri par les dépenses de guerre, le Consulat traîne les pieds pour rembourser le prêt qui se monte à 20 millions de Francs. La dette est très lourde, pour que le « contentieux soit apuré dans des conditions satisfaisantes pour les deux parties ». Les frères Bacri réclament leur créance et sont bien décidés à la récupérer.
Or, si les Bacri sont créanciers des Français, ils sont aussi les débiteurs du Dey d’Alger. Position plus qu’inconfortable.
Les frères Bacri sont des négociants Juifs livournais. Talleyrand, qui s’intéresse au plus haut point aux négociants Juifs établis sur les Echelles du Levant ou en Algérie, consent, malgré l’importance de la somme à rembourser, que la dette soit apurée, dans des conditions satisfaisantes pour les deux parties.
Mais le Dey, soit par malice, soit par calcul, prend le relais de la créance sur Paris. L’affaire se corse, puisque les Français, sur l’insistance de Talleyrand ont pris la décision d’honorer leur dette en remboursant les frères Bacri.
Louis XVIII, lors de la première restauration remboursera la moitié de la dette. Le reste, à l’avenant.
En 1818, Hussein accède au deylicat et l’affaire n’ayant toujours pas aboutie, n’ayant aucunement l’intention « de se faire rouler dans la farine, ni par les Français, ni par les négociants, par mesure de rétorsion, fait emprisonner tout à fait arbitrairement, les frère Bacri.
Il lance ses pirates contre les navires de commerce français croisant au large de la Barbarie, et s’en prend également aux navires pontificaux qui croisent en Méditerranée.
L’on assiste alors à une dégradation des relations entre la Régence d’Alger et la France qui déplore l’attitude du Dey. Les relations diplomatiques entre la Régence et la France vont d’un extrême à l’autre. C’est le Consul Général de France, Pierre Deval qui fera les frais de l’entêtement du Dey, qui, décidément très ombrageux ne décolère pas.
Le 30 avril 1827, une explication orageuse éclate entre le Dey et le Consul, et se solde par le légendaire coup d’éventail donné par Hussein sur la joue de Deval.
En représailles, la France envoie une escadre le long des côtes barbaresques avec « mission à son commandant de se rendre à Alger pour exiger satisfaction ou venger l’honneur et la dignité de la France... »
Le Dey, furieux, n’accorde rien, complètement hermétique aux jeux diplomatiques des Français.
Hussein fait ouvrir le feu sur le vaisseau-amiral « La Provence », battant pavillon parlementaire.
Bien que Charles X soit préoccupé par les affaires intérieures de la France, il ordonne « pour l’honneur », après le bombardement du « Provence », un blocus sur les côtes barbaresques. Une flotte est mobilisée, tandis que le reste de la flotte française mouille en Mer Egée – la Grèce vient d’acquérir son indépendance.
.../...
Cet article a pu être rédigé à partir de la thèse de Pierre Gourinard, Historien, Docteur-ès-Lettre, intitulée « Les royalistes français devant la France dans le monde », présentée à l’Université de Poitiers en 1987 et de l’ouvrage du même auteur, édité en 1992 chez Lacour-Editeur, (préface de Jacques Valette professeur de l’Université de Poitiers).
Sources bibliographiques complémentaires pour les parties 2-3 et suite :
Encyclopédies Alpha, Larousse, Quillet.
Histoire de la civilisation Will Durant.
Le destin tragique de l’Algérie française – Collection dirigée par P. Miquel.
par
vendredi 10 juin 2022
https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/origines-et-aspects-meconnus-de-la-242132
.
Les commentaires récents