Ce n’est pas pour me vanter, mais je peux dire (avec immodestie) que j’ai quelque chose en commun avec Albert Einstein, le Dr Schweitzer, Albert Camus, Jean-Paul Sartre, André Gide, François Mauriac, André Breton, Raymond Queneau, Marcel Marceau, Yehudi Menuhin, Peter Ustinov, l’abbé Pierre, Eleanor Roosevelt, Isaac Asimov, etc. La liste des célébrités qui se sont déclarées (comme moi !) « citoyens du monde » est interminable.
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, nous avons été nombreux à proclamer « plus jamais ça ! ». Aujourd’hui, avec la guerre qui se déroule en Ukraine, l’éternel problème de la suppression des frontières – auquel Garry Davis a consacré sa vie – refait soudainement surface.
Le premier citoyen du monde
Durant la Seconde Guerre mondiale, Garry Davis, un pilote américain, a largué des bombes sur des villes allemandes. Après avoir constaté les destructions qu’elles ont perpétrées parmi les populations civiles, il a trouvé la situation insupportable. « Combien d’hommes, de femmes et d’enfants ai-je assassinés ? N’y avait-il pas une autre voie ? », s’est-il demandé. Et c’est ainsi que, rongé par les remords, il est retourné en Allemagne pour demander pardon. De ce fait, l’aviateur est devenu l’incarnation d’une utopie visionnaire, celle de l’effacement des nations et de l’unification sous l’égide d’un gouvernement mondial. Son rêve : un univers sans frontières !
Son raisonnement était simple, son objectif immense : s’il n’y avait pas d’États-nations, pensait-il, il n’y aurait pas de guerres !
Trois ans après la fin de la guerre s’est tenue à Paris la première Assemblée générale des Nations unies. Davis a profité de l’occasion pour installer une petite tente sur le terrain déclaré « international » pour la durée de la réunion historique. Il a aussi remis son passeport à l’ambassade des États-Unis en clamant qu’il était désormais un « citoyen du monde ».
À cette époque, ma famille et moi (fraîchement libérés d’Allemagne) avions trouvé asile à Paris. Je venais d’avoir 13 ans. Nous ne pouvions pas retourner dans notre pays d’origine, la Lituanie, qui était toujours occupée par les Russes (oui, toujours les mêmes !). Lorsque mon père, qui partageait le rêve de Garry Davis, a appris que celui-ci avait érigé un campement au palais de Chaillot, il m’y a emmené pour applaudir son idole. Je me rappelle – et comment l’oublierais-je – que la foule, rassemblée sur les lieux pour voir le « phénomène », dont le monde entier parlait, était absolument hystérique.
Trente ans après ma brève rencontre avec lui à Paris, j’ai revu Davis à Montréal. C’était au Salon du livre. Il cherchait un éditeur français pour son livre.
Garry a fondé le World Government of World Citizens (toujours en fonction à Washington), qui se spécialise dans l’émission de cartes d’identité, d’actes de naissance, de mariage et d’un passeport mondial convoité particulièrement par les réfugiés et les apatrides. Aujourd’hui, 800 000 personnes détiennent ce passeport.
Au moment où la guerre fait rage en Ukraine, plus que jamais, les idées de Davis refont surface dans ma tête.
« Où que nous soyons, disait-il, nous sommes sous le soleil à la même distance des étoiles. Les astronautes emportent-ils un passeport avec eux quand ils vont dans l’espace ? S’il leur arrivait de tomber dans un coin non prévu de la planète, je parie qu’il se trouverait encore un imbécile pour leur demander leur passeport. Il n’y a pas de frontières pour les ondes de radio, le téléphone, l’internet. L’écologie ne connaît pas de frontières.
« Croyez-vous que les pluies acides ou le trou dans la couche d’ozone se préoccupent des frontières ? Comment peut-on songer à préserver le climat et les forêts du monde si un gouvernement mondial ne se charge pas d’évaluer les dommages et d’appliquer les sanctions à l’échelle mondiale ? Une même autorité à l’échelle de la planète est nécessaire pour régler la pollution, les pluies acides, les gaz toxiques, le gaspillage éhonté des ressources de la Terre, la pauvreté, la famine, les manipulations génétiques et la drogue. »
Faut-il rappeler que Davis a été l’un des tout premiers pacifistes focalisés sur l’opposition à la prolifération nucléaire.
Il a toujours affirmé que, de tout temps, les régimes politiques n’avaient qu’un point entre eux : la guerre ! Selon lui, pour précipiter une prise de conscience ici-bas, ce qu’il faudrait, c’est une invasion de l’espace. Lorsque les dirigeants des pays apprendront que des extraterrestres menacent de débarquer sur la Terre, ils décideront de s’unir pour la survie de la civilisation. Devant l’imminence du danger, ils oublieront enfin leurs nationalités et redécouvriront peut-être soudainement la solidarité humaine.
Garry le visionnaire est décédé il y a 10 ans. Il avait 91 ans. Jusqu’à son dernier souffle, il est resté fidèle à l’idéal qui était le sien et qu’il a su partager avec tant d’êtres humains qui rêvent de vivre en paix.
Vivement la venue d’un nouvel apôtre qui arrivera à faire de nous de vrais citoyens du monde opposés aux frontières et… aux maudites guerres.
https://www.lapresse.ca/debats/opinions/2022-06-18/mon-pays-s-appelle-la-terre.php#
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