Par Henri POUILLOT 24 avril 2018
J’ai adressé cette lettre ouverte à E. Macron :
Quelle Honte, Monsieur le Président
Objet : Quelle honte ces « frappes » en Syrie
Monsieur le Président
Témoin de la Guerre de Libération de l’Algérie, comme appelé (de juin 1961 à mars 1962), affecté à la Villa Susini, j’ai eu l’occasion de constater de très nombreuses exactions commises dans cette période par l’Armée Française (en particulier la torture), des crimes contre l’Humanité, des crimes de guerre commis au nom de la France. Depuis j’ai eu l’occasion de recueillir d’autres témoignages, de constater concrètement d’autres types de crimes.
Bien évidemment, je ne peux soutenir ou « excuser » l’utilisation d’armes chimiques, comme cela semble s’être produit en Syrie il y a quelques jours.
Mais je suis scandalisé par votre décision d’avoir décidé de ces frappes pour 2 raisons :
Que la France (par votre décision) décide sans mandat de l’ONU une telle action, c’est « légitimer », demain, qu’un autre pays, en concertation ou non avec un autre état décide et s’arroge ainsi, lui aussi, d’en « punir » l’auteur, parce qu’il estime qu’un forfait a été commis.
Mais peut-être plus grave encore, c’est que la France se permet de donner des leçons de droits de l’homme dans ce domaine. En effet, vous semblez « oublier » que, pendant la Guerre de Libération de l’Algérie, le gaz (Vx et Sarin) a été utilisé (références des témoignages concrets publiés sur mon site personnel : http://henri-pouillot.fr/spip.php?article375). L’Armée a aussi utilisé le napalm : entre 600 et 800 villages détruits. En novembre 2004, j’ai eu l’occasion de visiter les ruines du village de Zaatcha, près de Constantine, du moins ce qu’il en reste : c’était un village de 800 habitants (hommes, femmes, enfants…) qui ont été brulés vivants. Il est possible de voir sur mon site : http://henri-pouillot.fr/spip.php?article381 les images que j’en ai ramenées. C’est terrifiant, et le musée souvenir, ainsi constitué, en montre l’horreur. Ce sont donc 600 à 800 Oradour-sur-Glane dont la France porte la responsabilité.
La France a donc commis des crimes de Guerre, qu’elle n’a toujours pas reconnus, ni condamnés.
Quel étonnement quand on entend votre ministre Jean-Yves Le DRIAN s’exprimant le 16 avril 2018 à la tribune du Sénat pour expliquer la justification de votre décision en déclarant : « La France est à la pointe du combat contre les armes chimiques depuis la bataille d’Ypres de 1915 ». Comment doit-on interpréter une telle affirmation, une telle falsification de l’histoire ? Un odieux mensonge ? Pire : Une imposture ?
Quelle crédibilité la France peut-elle avoir après cette intervention en Syrie ? Donner de telles leçons de droits de l’homme quand elle conserve une telle responsabilité ? C’est insensé.
Pourtant, le 5 mai 2017, devant la rédaction de Médiapart, vous aviez déclaré : « De fait, je prendrai des actes forts sur cette période de notre histoire… ». Cela va faire presqu’un an, mais le silence, dans ce domaine, reste assourdissant.
Au second tour de la présidentielle, j’avais voté pour vous, aujourd’hui, je me sens totalement trahi. J’ai honte, en tant que Français, que le Président de mon pays, dans de telles conditions, puisse prendre une telle décision.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, mes salutations indignées.
Henri POUILLOT
Utilisation du Gaz sarin pendant la Guerre d’Algérie
Cet usage est très peu connu. Un article du journal "Le Bien Public" du 8 septembre 2013 publie un témoignage terrible, repris dans "ledauphine.com", sous la signature de Alexandre OLLIVIERI.
Article mis en ligne le 10 septembre 2013
par Henri POUILLOT
Le retraité Auguste Cuzin, d’Arandon entend reparler du gaz sarin lors de l’attentat du métro de Tokio en 1995, puis récemment avec les évènements en Syrie. De vieux souvenirs datant de 1959 surgissent alors.
Le gaz sarin. Ce nom fait frémir la communauté internationale depuis plusieurs semaines. Depuis que Barack Obama, le président américain, envisage une intervention en Syrie, persuadé que le régime totalitaire de Bachar el-Assad en a fait l’usage contre sa population civile.
Lorsqu’il entend parler du puissant neurotoxique aux informations, Auguste Cuzin, retraité vivant à Arandon, voit resurgir de vieux souvenirs. Ceux d’une autre époque, où il a expérimenté ce gaz de combat sur ordre de sa hiérarchie. Il était alors sergent dans l’armée française. En pleine guerre d’Algérie.
Auguste Cusin, en 1959, lors de tests au gaz sarin.
"J’étais chef de pièce dans l’artillerie, de février 1958 à avril 1960, en Algérie, détaille Auguste Cuzin. Durant le deuxième semestre de l’année 1959, j’ai été appelé à la base secrète de Beni-Ounif". Là-bas, dans le nord du Sahara, à quelques kilomètres de Colomb-Béchar, il va réaliser des tirs d’expérimentation avec des obus chargés de gaz sarin.
"Chaque matin, les officiers nous donnaient l’ordre de tirer à 6 ou 8 kilomètres, au canon, durant deux heures. Nous avons expérimenté le gaz sarin". La cible ? Des caisses, disposées dans le désert, dans lesquelles étaient emprisonnés des animaux. "Uniquement des petits animaux, se souvient l’ancien soldat. Des rats, des lapins…" Chaque obus contenait un demi-litre de gaz, qui se répandait dès l’impact au sol. "Nous allions dans le désert 48 heures plus tard, équipés de masques à gaz, pour aider les techniciens à ramasser les animaux morts, qu’ils emmenaient au laboratoire pour des analyses." Aucun tir sur l’homme, selon les historiens. Dans quel but ? Des tirs sur l’homme ont-ils existé ? Auguste Cuzin n’en sait pas plus. Benjamin Stora, éminent historien, spécialiste de l’Algérie, juge "probable" l’idée d’expérimentations au gaz sarin durant le conflit algérien. Frédéric Médard, auteur d’une thèse sur la présence militaire française en Algérie, croit lui aussi à ce témoignage. "La base de Béni-Ounif servait de centre d’essais et était surnommée ’le site des armes spéciales’. Mais ces tests ont été réalisés en marge des opérations de maintien de l’ordre en Algérie. À ma connaissance, aucun humain n’a été victime du gaz sarin durant ce conflit."
Pour l’historien, l’armée française cherchait avant tout à développer des modes de combat à opposer aux forces du Pacte de Varsovie. "La menace soviétique était très présente à l’époque, rappelle Frédéric Médard (1). Il s’agissait avant tout de contrer la tactique russe, qui s’appuyait beaucoup sur les gaz".
Appliquant scrupuleusement les ordres, Auguste Cuzin a poursuivi le rituel des exercices de tir durant un mois. Lui et ses camarades ont été confrontés de très près à ce gaz hautement mortel. "Un jour, un collègue incommodé par la chaleur a soulevé furtivement son masque pour cracher. Quelques secondes après, sa peau commençait à le brûler. Il a fallu lui administrer une piqûre d’atropine de toute urgence. Il a survécu."
L’ancien sergent se souvient aussi avec précision des centaines de mouches mortes qui reposaient sur les caisses contenant les obus. "On n’a pas été mis en condition pour manipuler ce gaz. On secouait les obus, sans se rendre compte du danger. Ce n’était vraiment pas notre heure…"
(1) “Technique et logistique en guerre d’Algérie”, ouvrage de Frédéric Médard, 2002.
P.S. :
Comme pour les essais nucléaires de Reggane, la France a "testé" ces armes horribles, sans s’inquiéter des victimes civiles qui ont pu être touchées simplement parce qu’elles se sont trouvées au mauvais moment, au mauvais endroit. Après l’utilisation de cet "agent orange" (la dioxine) au Vietnam, le napalm pour détruire (des Oradour sur Glane à la Française) entre 600 et 800 villages algériens, la France est vraiment mal placée pour donner des leçons sur les armes interdites par d’autres pays.
http://www.micheldandelot1.com/
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