Indispensable instrument de travail, cet atlas aux 135 cartes commentées et accompagnées d’illustrations, commis par Karim Chaïbi, un chercheur spécialiste de la Sétif romaine et de la guerre d’indépendance. Un article du journal « le Matin » à Alger
Isoler l’Algérie dans une approche exclusivement nationaliste serait négliger les ensembles maghrébin, méditerranéen, saharien, africain, mais aussi les apports orientaux et occidentaux contenus dans ce guide.
Dans une lumineuse préface Jacques Frémeaux rappelle combien l’espace et le temps, c’est-à-dire l’histoire et la géographie, permettent de situer les événements marquants de l’histoire et du devenir de la nation algérienne. Et ce, du paléolithique aux conséquences du Hirak et de la pandémie. Et de poser, évidemment, la question de l’unité de cette longue histoire. C’est dire l’actualité de cette recherche essentielle à partir d’une interrogation sur l’unification du Maghreb central avant l’occupation ottomane. En fait, souligne Jacques Frémeaux, l’histoire algérienne progresse par ruptures, sur le substrat d’un vieux fond ethnique et religieux.
L’étude de Karim Chaïbi débouche aussi, à travers toutes les couches de l’histoire algérienne, sur le rapprochement des mémoires. En bref, sur l’humus à nul autre pareil de l’Algérie, cet ouvrage synthétique, si bien écrit, enrichit l’avenir par la richesse d’un passé à nul autre pareil.
En tenant compte de tous les Atlas disponibles, depuis celui de Ptolémée ou ceux des cartographes arabes et ottomans, cette cartographie historique s’articule en onze chapitres. La genèse du territoire fait notamment référence à l’apport phénicien plaqué sur le substrat berbère, dont Utique et un port environ tous les 40 kms de côte, témoins des liens des souverains massyles avec Carthage. Le riche chapitre consacré à la civilisation romano-africaine n’oublie ni Massinissa, ni Jugurtha en montrant comment l’Afrique devient une terre d’enjeux, autant politiques qu’économiques, pour le pouvoir romain. On suit César face à Pompée, puis la vassalisation des derniers souverains locaux, dont le savant Juba II.
L’Africanova, grenier à blé de Rome, produit aussi vin et huile et attire des colons romains qui sont souvent des vétérans des légions, dont la célèbre IIIe Legio Augusta qui, depuis Lambèse, ceinture l’Aurès (fondation de Timgad sous Trajan) et contrôle les pistes caravanières. C’est l’âge d’or de l’Algérie sous la Pax romana, malgré la révolte des Bavares matée par Hadrien dans le centre et l’Est.
Les empereurs multiplient les fondations de cités comme Sétif ou Djamila (en tout 500 cités de 5 000 à 10 000 habitants, administrées par des magistrats élus, symboles de « l’intégration » par la naturalisation des Maures et des Numides).
Les cartes sont d’une grande utilité pour comprendre, après l’apogée au début du IIIe siècle, les soubresauts de l’Algérie romaine au temps de la christianisation et des révoltes berbères.
A juste titre, l’auteur rappelle l’antériorité de la diaspora juive en Algérie et la richesse de l’église que Dioclétien n’arrive pas à contrôler. Les donatistes finissent d’ailleurs par s’armer et, au IVe siècle, coupent l’approvisionnement de Rome en blé. Saint Augustin n’est pas oublié, jusqu’à sa mort en 430 dans Hippone assiégée par les Vandales.
Ces derniers ne contrôlent qu’une partie Nord et Est de l’Afrique romaine, laissant subsister des royaumes romano-berbères qui résistent, sous Justinien et le général Solomon, à une tentative de reconquête byzantine.
Mieux connue, la deuxième partie consacrée à la civilisation arabo-musulmane est tout aussi bien illustrée. Il est toutefois dommage que la grande figure de la Kahina n’ait pas été évoquée car, de 670 à 698, la résistance des royaumes berbères à l’invasion arabo-syro-libyenne fut acharnée. Parmi les rubriques originales, les chemins du prédicateur chiite Abu Abdullah originaire de Syrie (fin IXe siècle), la révolte d’Abu Yazid liée à la doctrine kharidjite finalement vaincue par une armée fatimide vers 960, tandis que, neuf ans plus tard, une armée « algérienne » (les Kotama et des Ziride de l’Ouest) fonde Le Caire.
Des photos complètent cartes et commentaires, dont celle de la page 77 d’un des plus vieux minarets d’Algérie. A noter l’itinéraire algérien du grand Ibn Khaldoun qui eut le courage de rencontrer Tamerlan.
La troisième partie concerne l’Empire ottoman et le pachalik d’Alger. Un souffle braudélien anime les rubriques consacrées à la Méditerranée en 1492, les conquêtes des Espagnols et des Ottomans de 1509 à Barberousse en 1534, et Alger et la Méditerranée au XVIe siècle (1541 et non 1571, bataille d’Alger contre Charles-Quint). La description de l’Algérie ottomane du XVIIe au début du XIXe siècle tient compte des relations internationales et de la pression européenne cherchant à annihiler les forces « barbaresques » par le blocus maritime. L’auteur rappelle le nombre des révoltes tribales en Kabylie entre 1810 et 1824, ce qui remet en cause l’idée d’une unité algérienne sous l’égide de la Sublime Porte et relance l’interminable débat sur l’antériorité de la nation algérienne.
La quatrième partie reprend en les illustrant nombre de travaux fondamentaux sur la conquête française, la colonisation et l’acculturation. La difficile conquête est bien soulignée (dont les expéditions contre la Constantine d’Ahmed Bey et la Kabylie). Une des cartes les plus novatrices évoque les campagnes de 1871 à la suite de la Grande révolte, régions de Miliana et Ouargla entre autres. Un texte précieux concerne la diaspora des prisonniers algériens dans le monde (Guyane, Nouvelle-Calédonie et Obock entre 1852 et 1953).
Les quatre parties suivantes tiennent compte des travaux les plus récents pour illustrer fort à propos la période allant de 1914 à 1962, de la montée du nationalisme algérien à l’exil des Français d’Algérie et des harkis.
A retenir : l’offensive des troupes algériennes en Alsace et Allemagne en mars-avril 1945, la carte et le texte sur les « exécutions sommaires préventives à Guelma » en mai-juin 1945, l’ALN à son apogée en 1957, le texte relatif à tous les centres de rétention, y compris les sinistres 47 DOP, mais aussi la clarté de la carte du plan Challe, les sites français du Sahara et le plan de Paris lors de la « ratonnade » du 17 octobre 1961.
L’auteur fait preuve d’une courageuse sérénité dans les deux dernières parties consacrées aux trente ans de reconstruction autoritaire suivant la liesse de l’indépendance algérienne, puis les années de sang de 1991 à 1999 avant l’ère Bouteflika précédant le Hirak.
Les cartes des années Ben Bella comportent les attaques de l’ALN contre les groupes politiques dissidents et la « guerre des sables » de 1963. La carte des années Boumediene contient les phases du projet de « barrage vert » (Nord Sahara, hauts plateaux) illustrée par des timbres d’époque. Le précis des années Chadli évoque la montée du FIS et les premiers maquis islamistes depuis 1985 (dont la région de Larbaâ et le MIA ou Mouvement islamique armée).
La carte « guerre civile et massacres (1996-2001) » rappelle que pour la seconde fois de son histoire au XXe siècle l’Algérie a connu des flux migratoires à l’intérieur de ses frontières et vers la Tunisie.
L’analyse du l’ère du clan Bouteflika contient les principales opérations militaires de 2001 à 2006 (Ouest, Kabylie et Sud-Est du pays), des divers trafics (drogues et cigarettes), des flux migratoires transsahariens et des ressources en hydrocarbures et minerais.
En bref, ce guide précieux est un des plus importants ouvrages jamais consacrés à l’Algérie.
Karim Chaïbi¸ Atlas historique de l’Algérie, préface de Jacques Frémeaux, Nouveau Monde Editions, février 2022, 414 p., 27,90 euros.
Fondateur de la section des Anciens combattants de Bourghelles à la fin des années 1970, Gérard Marcel, ancien de la guerre d’Algérie, sera mis à l’honneur ce dimanche 8 Mai.
Gérard Marcel évoque toujours ses 28 mois de service avec émotion. Ce qui l’a fait tenir: le portrait de sa fiancée, devenue sa femme qui se trouvait au-dessus de son lit en Algérie et dans sa salle à manger aujourd’hui.
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Il a vécu ses 20 ans comme une blessure. Le jeune bourrelier (il fabriquait des harnais pour les animaux de ferme) doit se faire inspecter par une commission de révision. Les autorités militaires, les maires des environs examinent les futurs conscrits, nus comme des vers. « La maire de Bachy de l’époque, qui était une femme, s’est fait remplacer par son premier adjoint », se souvient Gérard Marcel, en évoquant Fortunée Boucq. Il ne pèse pas 50 kg mais on l’estime apte à partir combattre en Afrique du Nord.
Gérard Marcel évoque toujours ses 28 mois de service avec émotion. Ce qui l’a fait tenir: le portrait de sa fiancée, devenue sa femme, qui se trouvait au-dessus de son lit en Algérie et dans sa salle à manger aujourd’hui. Repro la Voix
« J’ai fait quatre mois de classes à Verdun, sept en Tunisie et 17 en Algérie », se souvient le Bourghellois de 85 ans. Chez les zouaves, dont il arbore la célèbre ceinture bleue, il est chargé de surveiller un pipeline dans le Sahara. « Il fallait rester immobile dans le sable par 60º C. On devait subir », se souvient-il.
Il participe aussi à des opérations militaires : « Quand on partait, on ignorait si on allait revenir », note-il avec émotion, rappelant que « 27 000 soldats sont morts ».
Parmi ses compagnons chez les zouaves (Gérard ici au centre), tous ne sont pas revenus. Repro la Voix
Un album photos
Les larmes ne sont jamais bien loin lorsqu’il pense à ses camarades qui ont perdu la vie de l’autre côté de la Méditerranée. « Moi, je suis revenu », répète-t-il comme si, 63 ans après, il n’y croyait toujours pas. Il a bien gardé un album photo de ses années là-bas. On voit nettement la photo de sa fiancée de l’époque au-dessus de son lit, dans la tente Marabout du désert. La même photo de celle devenue sa femme, aujourd’hui en maison de retraite, qui veille sur la salle à manger.
Gérard Marcel était notamment chargé de surveiller un pipeline au Sahara. Repro la Voix
Mais Gérard Marcel ne plonge guère dans ses souvenirs, de peur d’y être aspiré. Il s’agite devant la télé quand il voit qu’en Ukraine « on mitraille des villages complets. C’est honteux. Les femmes, les enfants, on les laisse se débrouiller ». Lui préférerait qu’on ne montre pas ces images qui le renvoient à un passé collectif trop douloureux.
Gérard Marcel en uniforme, alors qu’il est âgé de 20 ans, en 1957. Repro la Voix
C’était un honneur pour moi d’être soldat à 20 ans. Sinon, on n’était pas un homme.
Alors oui, il a été sans doute traumatisé par ce qu’il a vu en Algérie mais il en est revenu. Avec le paradoxe de sa génération : « C’était un honneur pour moi d’être soldat à 20 ans. Sinon, on n’était pas un homme. »
Il a poussé son devoir jusqu’à créer une section d’anciens d’AFN à Bourghelles à la fin des années 1970, à être porte-drapeau pendant 33 ans. C’est à tous ces titres qu’il sera, comme Bernard Gomez-Fuentes de Bachy, mis à l’honneur ce 8 Mai.
Les Amis de l’Humanité et l’association Germaine-Tillion rendront hommage à la résistante et ethnologue, le samedi 21 mai. Une journée pour célébrer les 60 ans de la fin de la guerre d’Algérie.
Au plus noir de la guerre d’Algérie, il y eut des éclairs d’humanité. L’un des plus exceptionnels porte un nom : Germaine Tillion. Dont la vie, pourrait-on dire, sans abuser de l’image, est un roman : ethnologue dans les Aurès (1934-1939), résistante au nazisme et déportée à Ravensbrück (1940-1945), de retour dans l’Algérie de la misère et de la guerre (1954-1962), une voix contre la torture jusqu’en 2000 avec l’Appel des douze, publié dans l’Humanité, qui défraya la chronique et dont l’ultime soubresaut fut la reconnaissance présidentielle, le 13 septembre 2018.
Revenir au cas Germaine Tillion, pour les soixante ans de la fin de cette dernière et sale guerre coloniale, est un rendez-vous incontournable. Les Amis de l’Humanité l’ont fixé au samedi 21 mai (15 heures) dans l’endroit même où s’est tenue la rencontre précédente, sur le même sujet, à l’auditorium du carré Pleyel (5, rue Pleyel, à Saint-Denis). L’association Germaine-Tillion sera associée à l’hommage.
Mais les Amis de l’Humanité ont une raison particulière qui motive cette invitation. L’espace, qui porte leur nom à la Fête du journal, est celui-là même qui a eu pour invitées deux femmes d’une détermination inouïe : Louisette Ighilahriz, dite Lila dans l’Armée de libération nationale, dont les révélations sur la torture et les viols subis, publiées dans le Monde du 20 juin 2000, puis dans l’Humanité du 26 juin, furent suivies de sa venue à La Courneuve, le 16 septembre 2000.
Son maître Marcel Mauss, compagnon de jean jaurès
Dans ce type de croisement des destins dont l’histoire a le secret, c’est Germaine Tillion elle-même qui était accueillie, dans le même cercle, trois années plus tard, le 12 septembre 2003. Accueillie, en famille, la sienne, avec sa sœur, et accueillie en famille, celle de son maître, Marcel Mauss, compagnon de Jaurès, et dont on trouve la signature dans les colonnes du journal fondé le 18 avril 1904. On commencera, ce 21 mai, par la projection du documentaire Germaine Tillion par elle-même. Tout y est dit, en une heure et un peu plus, en termes d’information sur des événements vécus de ce terrible siècle, et plus encore dans une réflexion qui fera dire à Tzvetan Todorov qu’elle « a su traverser le mal sans se prendre pour l’incarnation du bien ».
Une amie de cœur et de parcours de Germaine Tillion sera là. Nelly Forget a fait partie du service des centres sociaux éducatifs en Algérie. Elle dialoguera avec deux témoins proches de cette entreprise unique qu’on a voulu détruire à quatre journées du cessez-le-feu de la guerre. Le 15 mars 1962, six enseignants de ces centres, dont l’écrivain Mouloud Feraoun, ont été massacrés à Alger par l’OAS qui pratiquait la politique de la terre brûlée. Jean-Philippe Ould Aoudia est le fils de l’une des victimes, et son livre l’Assassinat de Château-Royal (1) publie un poème bouleversant de Djamal Amrani, dont la signature mentionne « Oujda. 1962 (avril). État-major de l’ALN ». L’historien Alain Ruscio, qui participera à ce dialogue, avec son ouvrage sur l’OAS (2), a travaillé sur les guerres de libération nationale, en Indochine et en Algérie.
(1) L’Assassinat de Château-Royal – 15 mars 1962, de Jean-Philippe Ould Aoudia, éditions Tirésias/Michel Reynaud, 1991. (2) Nostalgérie. L’interminable histoire de l’OAS, d’Alain Ruscio, la Découverte, 2017. Les Ennemis complémentaires, de Germaine Tillion Tirésias/Michel Reynaud, 2005.
Par cette action généralisée, l'ALN avait administré la preuve que ses Moudjahidine étaient des combattants révolutionnaires, disciplinés et parfaitement organisés.
A l'occasion du deuxième anniversaire de l'offensive générale lancée le 20 août 1955 dans le Nord-Constantinois par Youcef Zighout contre les intérêts français et du premier anniversaire du congrès du Front de Libération nationale (FLN) tenu le 20 août 1956 dans la vallée de la Soummam, l'Armée de Libération nationale (ALN) avait décidé d'organiser une attaque générale contre les intérêts du colonialisme français, pour manifester sa présence à travers tout le territoire algérien. Les unités de l'ALN devaient exécuter des actions armées dans toutes les villes, les villages, attaquer les lieux de casernements des militaires français, saboter les voies de communications (routes et ponts), les poteaux téléphoniques et les postes électriques, saccager les récoltes et incendier les fermes appartenant aux colons.
Cette action unifiée devait s'étendre de la frontière tunisienne jusqu'à la frontière marocaine, et du nord jusqu'au sud, afin de démontrer à l'armée française que I'A.L.N. n'était pas un mythe, que ses soldats de la liberté existaient bel et bien et qu'ils étaient en mesure de les attaquer partout où ils se trouvaient et à n'importe quel moment. Par cette action générale, nous avons prouvé au colonialisme français, à ses soldats que nous étions là, que nous nous battions à n'importe quel prix pour la liberté et l'indépendance de ce pays qui était le nôtre: l'Algérie. Les neuf groupes formant la Katiba (compagnie) El Hamdania devaient attaquer les villes de Cherchell, Sidi Ghilès (Novi), Hadjret Enous (Fontaine-du-Génie), Gouraya, Beni Haoua (Francis-Garnier), Damous (Dupleix), Menacer (Marceau), Sidi Amar (Zurich), ainsi qu'un poste militaire de la région de Larhat.
Une mission très importante
Nous nous trouvions dans les monts du Zaccar, lorsque Si Moussa Kellouaz El Bourachdi, le chef de la Katiba, avait longuement entrepris de nous expliquer le but précis et l'extrême importance politique de la mission militaire que nous étions chargés d'accomplir. Nous allions devoir commémorer dans une ambiance de feu, de fer et de sang, ces deux grandes dates de la révolution armée qu'étaient pour le peuple algérien le 20 Août 1955 et le 20 Août 1956. Après nous avoir donné ses instructions et fait des recommandations très judicieuses pour la réussite de cette opération d'envergure, Si Moussa nous a répartis en neuf groupes pour attaquer toutes les villes de la Mitidja et du littoral que nous avons mentionnées plus haut. Nous avions laissé derrière nous, dans les monts du Zaccar, une dizaine de moudjahidine auxquels avaient été confiés les deux fusils-mitrailleurs FM Bar et la mitrailleuse 30 américaine. Car les armes lourdes n'étaient pas du tout recommandées dans des actions comme celles que nous allions exécuter et qui exigeaient de nous une rapidité dans le déplacement, d'un point à l'autre de notre vaste périmètre d'action, sachant, pour ne citer qu'un seul exemple, qu'entre la ville de Dupleix et celle de Zurich, il n' y avait pas moins de soixante kilomètres! Tous les groupes devaient attaquer les objectifs qui leur avaient été désignés le 20 août 1957, exactement à la même heure - 20 heures. Il fallait ensuite être au rassemblement général des effectifs de la compagnie prévu pour le lendemain 21 août, entre 4 heures et 5 heures du matin, dans les monts du Zaccar où nos compagnons nous attendraient en veillant aux armes lourdes. Je me trouvais dans le groupe qui devait attaquer l'Ecole des officiers de la ville de Cherchell. Commandé par Si Ahmed Kellassi, l'adjoint de Si Moussa, notre groupe comptait onze moudjahidine, en majorité enfants de la ville de Cherchell: Hamid Hakan, Saïdji, Mohamed Lahbouchi et son frère Ahmed, etc. Le 19 août 1957, veille du jour «J», nous nous sommes empressés de nous mettre en marche, dès la nuit tombée, afin d'arriver selon l'horaire fixé à proximité de nos objectifs. Nous devions éviter de nous déplacer le jour pour ne pas risquer d'attirer l'attention des mouchards de l'ennemi qui pullulaient dans la région ou celle des nombreux avions de chasse qui survolaient la région. Nous sommes arrivés, vers 5 heures du matin, à un kilomètre de la ville de Cherchell. Notre agent de liaison, Mohamed, l'aîné des frères Lahbouchi, nous avait conduits jusqu'à une cachette discrète - une grande et large buse en béton armé qui se trouvait sous un pont de la route -, et après nous y avoir installés, il partit se renseigner et nous apporter de quoi manger. À 7 heures du matin, nous avions commencé à entendre l'assourdissant vacarme provoqué par les moteurs des transports de troupes qui passaient sur le pont au-dessus de nous, quittant les casernes pour des opérations de ratissage dans la région. Plus rapprochés de nous encore, nous parvenait le bruit répété et cadencé de détonations d'armes à feu, que nous avons tout de suite identifié: les élèves officiers s'exerçaient au tir quotidien. Ces derniers étaient tellement proches de nous que nous pouvions entendre très nettement leurs voix et les cris qu'ils poussaient. La précarité de notre cachette de fortune nous apparut alors dans toute sa dimension dramatique, ce qui nous remplit d'inquiétude et d'appréhension: il suffisait d'un rien pour que nous nous retrouvions, bien coincés, cependant, Dieu veillait sur nous. Vers midi, l'agent de liaison était de retour, les bras chargés de victuailles. Nous étions très contents à la vue des mets qu'il nous rapportait, car il y avait bien longtemps que nous n'avions eu à manger des sardines en sauce et du poisson. Nous pûmes donc nous en régaler, malgré l'incessant va-et-vient des camions militaires sur le pont. Le poisson était délicieux et cela suffisait à avoir raison de nos craintes. L'agent de liaison est reparti ensuite avec ses couffins vides, après nous avoir fixé rendez-vous. Il partait s'occuper en compagnie d'autres militants civils du F.L.N. de la sécurité de notre passage. Cette journée d'août nous parut très longue, et il faisait encore jour lorsque nous avons enfin pu quitter notre cachette, à 7 heures du soir, avançant en file indienne, chaque combattant devant maintenir un écart de 10 à 15 mètres avec celui qui le précédait. Il nous fallait, avant d'arriver au niveau de l'Ecole des officiers, traverser d'abord plusieurs douars de la région. Nous avons fait tout notre possible pour éviter que les habitants ne nous voient. Mais comme il n'y avait pas d'autre chemin, nous fûmes contraints de passer au milieu du douar Sidi Yahia, qui se trouvait être le dernier avant d'arriver aux hauts quartiers de la ville et à l'Ecole des officiers. Les habitants nous virent traverser leur douar avec un mélange de stupeur, et d'admiration. Leurs salutations émues et leurs mots d'encouragement nous accompagnèrent agréablement durant ce bref et rapide parcours. «Allah yansarkoum ya el-moudjahidine» (Dieu vous accorde la victoire, ô vous les moudjahidine!) nous lançaient-ils, les yeux écarquillés d'admiration. Armé d'un lourd fusil Garant que je tenais des deux mains, je voyais ainsi des hommes, des femmes, des vieillards et des enfants qui accouraient vers nous et se mettaient à nous toucher et à palper nos vêtements, n'en croyant pas leurs yeux et désirant savoir si nous étions des être de chair et de sang ou des créatures de fer. Je ne pus plus retenir mes larmes qui coulaient discrètement devant tant de ferveur innocente et pure de la part de ces braves et honnêtes gens du peuple. Je me disais: «Nous les moudjahidine, nous allons attaquer l'ennemi, après quoi, nous nous replierons en toute vitesse, et ce seront les populations civiles qui applaudissaient à notre passage qui auront à payer de leur vie pour assouvir la vengeance de l'ennemi!» Les gens s'étaient mis à nous donner des fruits frais, du pain, de l'eau, des friandises diverses, luttant d'émulation à qui se montrerait le plus généreux envers les combattants de la liberté. Ne pouvant plus contenir mon émotion devant tant de gentillesse attentionnée, je pressais mes compagnons d'activer la marche. Combien j'ai pleuré ce jour-là! Certes, je ne pourrai jamais oublier le sacrifice et le courage des habitants du douar Sidi Yahia et de celui où vivait la famille de mes deux frères de combat Lahbouchi.
A 20h précises...
Parvenus à l'endroit d'où nous devions lancer notre offensive contre l'Ecole des officiers, nous vîmes qu'il était 19 heures 40 minutes. Il nous fallait patienter encore vingt bonnes minutes avant de passer à l'attaque. Nous nous sommes mis à genoux l'un à côté de l'autre, les mains serrées sur nos fusils Garant ou Mas 56, les doigts prêts à appuyer sur la gâchette. Nous savions bien que tous nos autres groupes compagnons de la Katiba El Hamdania se trouvaient à cet instant à peu près dans la même situation d'expectative que nous, prêts à ouvrir les hostilités à 20 heures pile. À 20 heures précises, pas une minute de plus ni moins, nous avons commencé à tirer à la même seconde et comme un seul homme sur les soldats de l'école. C'était la panique dans la caserne, on entendait les cris de douleurs des soldats surpris par notre attaque, les sirènes hurlaient, c'était le branle-bas pendant quinze à vingt minutes, après quoi, nous nous sommes rapidement repliés en repassant par les mêmes douars que nous avions traversés à notre arrivée. Les habitants s'étaient mis à nous applaudir. «Dieu est de votre côté!» nous criaient-ils, tandis que des gosiers des femmes fusaient de longs youyous. Les enfants, qui refusaient de demeurer en reste, sautaient sur nous pour nous embrasser et s'accrocher à nous. Un spectacle grandiose et inoubliable! Nous ne devions pas nous arrêter de courir, car les tirs des canons, des mortiers et des mitrailleuses faisaient déjà rage en ville. Toutes les casernes étaient en alerte, car l'ennemi semblait croire que nous allions faire l'assaut sur toutes ses positions, alors que nous étions déjà très loin, marchant et courant sans arrêt pour pouvoir atteindre à l'heure prévue notre point de rendez-vous dans les monts du Zaccar. Nous sommes finalement parvenus à temps sur le lieu de rassemblement, où personne ne manquait à l'appel. Extenués et les membres fourbus par l'effort fourni, nous ne tenions plus sur nos pieds et ainsi étions-nous contraints de rendre compte de l'action exécutée agenouillés sur le sol pierreux du djebel... La matinée du 21 août, aucun camion militaire français n'avait pu quitter les villes ou les casernements, de même qu'aucun avion n'avait survolé la région. Les vaillants soldats de la glorieuse et invincible armée française avaient peur de sortir, pensant que nous les attendions à la sortie des villes ou des postes militaires pour leur tendre des embuscades. Le 22 août 1957, tôt le matin, l'aviation, accompagnée d'un grand mouvement de camions et de chars, avait commencé à survoler tous les endroits suspects aux alentours des villes et des postes militaires. Tous les pauvres habitants des douars où nous étions passés - hommes, femmes et enfants, sans distinction aucune - furent atrocement torturés, parce qu'ils s'étaient refusés à fournir le moindre renseignement valable sur les auteurs des attaques, prétendant n'avoir rien vu, rien entendu, même si, question de simple logique, l'ennemi savait pertinemment que nous étions forcément passés par ces douars... Mais, en dépit des peines et des vexations de toutes sortes que les tortionnaires leur avaient fait subir, ces braves et héroïques compatriotes n'ont desserré les dents que pour répéter une seule phrase qui mettait l'ennemi hors de lui et le rendait encore plus féroce: «Nous n'avons rien vu!» Devant le silence fier et obstiné de ces pauvres gens sans défense, les officiers de l'armée coloniale ont rageusement décidé d'incendier leurs maisons et de saccager tous leurs biens. Mais on sait fort bien que ce genre d'exactions ignobles qu'avaient coutume de commettre sans vergogne les autorités coloniales en Algérie ne purent jamais avoir raison de la détermination du peuple algérien. Nous, les moudjahidine, nous souffrions cruellement devant le spectacle désolant de tous ces douars que nous voyions brûler à quelques kilomètres dans le lointain. Notre peuple a payé très cher le prix de la liberté et de l'indépendance. Et, en vérité, il en allait toujours ainsi: nous attaquions l'ennemi et nous lui tuons des soldats et lui prenions leurs armes, mais c'était toujours les populations civiles désarmées que l'on faisait payer. Les militaires français ne laissaient passer aucune occasion de prouver leur lâcheté et leur injustice. Et là était en fait toute l'ampleur de leur déroute morale.
À l'exemple de ce que dit ce célèbre proverbe populaire bien de chez nous: «Mâ qdarch `aala el hmâr, râh yachtâr `cala el bardaa» (Comme [le lâche] n'a pas pu avoir raison de l'âne, il s'en est pris alors à la selle). Je devais rester à jamais marqué par cette grande opération d'envergure nationale que nous avions lancée pour commémorer à notre façon très particulièrement explosive l'anniversaire des deux dates historiques mémorables du 20 août 1955 et 1956. Pour mémoire, le 20 août 1955 est une date inoubliable dans l'histoire de la lutte armée algérienne, à laquelle s'attache le nom du chahid Youcef Zighout (alors chef de la Zone II historique - Nord-Constantinois, qui, après le nouveau découpage adopté un an, plus tard, lors Congrès de la Soummam, deviendra la Wilaya II). La vaste offensive armée qu'il avait lancée contre les intérêts français à travers l'ensemble de son territoire de commandement et la ville de Skikda en particulier, avait profondément bouleversé l'adversaire.
Par cette action généralisée qui couvrira tout le territoire national, l'ALN, avait administré la preuve que ses Moudjahidine étaient des combattants révolutionnaires disciplinés et parfaitement organisés, omniprésents au sein du peuple algérien, dont ils étaient les seuls défenseurs et les authentiques porte-parole et représentants, tout le reste n'étant que mensonge et intoxication. Les services psychologiques (SAS), avaient beau soutenir que les combattants algériens dans les maquis relevaient du mythe, avec des actions comme celle que nous venions de mener, l'opinion publique intérieure et extérieure aura ainsi eu tout le loisir de se faire une assez juste idée de la question... Et c'était certes tout à l'honneur de la Katiba El Hamdania d'avoir si brillamment contribué à infliger cette mortification supplémentaire aux sinistres petits Docteurs Goebbels du colonialisme français, dont - comble du ridicule! - les derniers quarts d'heure fatidiques prédits n'avaient pas arrêté de croître et de multiplier.
Avant la Polynésie, l'Algérie a été le théâtre des essais nucléaires français, qui ont continué après l'indépendance du pays. Ces tests ont connu des épisodes parfois dramatiques. Ainsi, le 1er mai 1962, le tir Béryl ne s'est pas déroulé comme prévu, sous les yeux effrayés de ministres venus constater à In Ekker la grandeur nucléaire de la France. Karim Yahiaoui et Georges Yazbeck ont retrouvé un témoin de cet essai raté dont les effets dévastateurs sur les hommes et l'environnement perdurent.
Né à Alger le 21 janvier 1928, exécuté par des soldats français le 5 juin 1956 lors de la dislocation du maquis communiste des Combattants de la libération dans le massif de l’Ouarsenis ; membre du bureau de l’Union des Jeunesses démocratiques ; employé à Alger Républicain ; aspirant rappelé opérant le détournement du camion d’armes dans une opération montée par le PCA, le 4 avril 1956.
Entre ses sœurs, auprès de sa mère, Henri Maillot est ce garçon renfermé qui grandit à la petite maison de la rue des Roses au quartier périphérique du Clos Salembier achetée par le chauffeur éboueur André Maillot syndicaliste et communiste. Bon élève en calcul à l’école du quartier, il passe, en 1940, en classe de 6e à une école du Centre-ville, rue Horace Vernet. Il fera après la 3e, trois années d’études commerciales pour avoir, en 1947, un diplôme de comptabilité.
Depuis 1943, les Jeunesses communistes, comme on dit le plus souvent, se reconstituent sous l’impulsion de Duval, pseudonyme du futur Henri Alleg, d’Ahmed Kellef* ou encore d’Alfred Strich*. Se voulant plus ouvertes, dans l’esprit de la Résistance française, elles prennent le nom de Jeunesses démocratiques. Les jeunes du Clos Salembier se retrouve au local du quartier de La Redoute (El Mouradia), mis à disposition par le commerçant de jouets et vaisselle Henri Benhaïm dont les enfants, Pierre d’abord, puis la toute jeune Marlyse Benhaïm, se font les animateurs. Leur héros est Guy Moquet, jeune communiste français de dix-sept ans, otage fusillé par les Allemands. Présent en Algérie pour y avoir été détenu, le père Prosper Moquet n’a-t-il pas été reçu à la maison Benhaïm ?
Ces jeunes diffusent L’Avant-Garde, font de la propagande auprès des soldats français nombreux en stationnement, organisent des sorties randonnées, donnent quelques soirées et des bals, s’employant à mêler les origines des garçons dits musulmans, comme Noureddine Rebbah, Hamou Kraba, Ahmed Akkache, quelques rares filles de familles juives ou « européennes » communistes, toutes et tous se disant la jeunesse algérienne.
En février 1946, les délégués de quatre-vingt cercles de Jeunesses, constituent l’Union de la jeunesse démocratique d’Algérie, partie prenante de l’Union démocratique mondiale dans l’orbite soviétique. En 1949, avec une importante délégation d’Algérie, Henri Maillot va au Festival mondial de la Jeunesse à Budapest. À la mode des scouts ou des Routiers récupérés après l’époque Pétain, la direction communiste rassemble de grands camps de vacances, ainsi dans l’été 1947 au sommet de l’Atlas de Blida, à Chréa, ce regroupement de cinq cent jeunes pendant une semaine nommé la République des jeunes ; République algérienne s’entend, avec ses chants et ses oriflammes. Le communisme est l’avenir du monde et déjà l’avenir de l’Algérie. Henri Maillot prend la relève de Marlyse Benhaïm comme secrétaire du cercle Clos-Salembier-Redoute.
Il doit d’abord faire son service militaire. Après avoir travaillé quelques mois à l’entreprise Jeumont au Champ de manœuvre à Alger, il est appelé en février 1948 au camp franco-anglais de Maison-Carrée, à l’entrée d’Alger. À la différence d’Hamid Gherrab qui a reçu, du Parti, instruction de faire les EOR, le peloton pour être officier, recommandation habituelle aux jeunes les plus aptes, il semble que c’est de lui-même en parfait jeune communiste qui se doit d’être prêt pour se dévouer à la cause, que le jeune homme qui se conforme sans rien dire, va suivre à l’École d’Officiers de Cherchel, la section des élèves sous-officiers ouverte depuis 1945, et qui vous fait aspirant réserviste à la sortie.
En octobre 1948, il part à l’École du Train à Tours, en métropole donc. Face aux grèves des mineurs, des cheminots, de la sidérurgie, le ministre de l’intérieur, le socialiste SFIO Jules Moch, fait appel à la troupe. Henri Maillot, dans l’obéissance silencieuse, se retrouve dans le Pas-de-Calais, l’arme au pied aux puits de mines de Barlin près de Béthune (la main-d’œuvre est déjà largement nord-africaine). En décembre, une permission lui vaut de faire un peu connaissance avec Paris ; en février 1949, il passe son examen de fin de stage qui va le faire aspirant du Train, regagnant les casernes de Beni-Messous près d’Alger pour être démobilisé sur place.
Une femme algérienne, connue à l’Union des femmes et dirigeante communiste, entre dans sa vie, accompagnatrice dans l’ombre ; Henri Maillot continue à vivre chez ses parents, très attentionné pour sa mère et ses sœurs. Cette femme est alors connue sous le nom de Baya Allaouchiche, nom de son mari (voir à son nom de naissance : Baya Bouhoune). Mariée plus tard à Jacques Jurquet, Baya a souhaité que, jusqu’à sa mort intervenue à Marseille le 7 juillet 2007, il ne soit pas fait état de cette liaison. Voici citation de la lettre de Jacques Jurquet à René Gallissot datée du 27 mai 2008, donnant son accord pour parler de cette relation : « Désormais je pense que l’on peut ouvertement évoquer cette relation comme l’a fait publiquement Jean-Luc Einaudi dans une soirée d’hommage à Baya qui a été organisée à Marseille par ses anciennes amies algériennes. Baya et moi-même sommes toujours restés très concernés par la mémoire d’Henri Maillot en sa qualité de militant communiste authentique. De fait, elle n’avait jamais vécu avec lui, étant mariée et habitant avec son cousin qui avait une seconde femme en dehors d’elle. De 1949 à sa mort, elle est restée son amie (d’H.M.) la plus discrète possible. La direction du PCA s’opposait d’ailleurs à cette liaison ».
En 1949, Henri Maillot retrouve les Jeunesses et entre au Bureau national de l’Union démocratique d’Algérie. Il est employé comme comptable à la société Mobil Oil qui a ses bureaux dans le nouvel immeuble tour au bas d’Alger, le Mauritania, tout en vitrages. Il monte en grade ; cependant après plus d’un an, il est renvoyé, un peu comme son père. À son arrivée, le personnel n’était pas syndiqué, aussi avait-il organisé un syndicat CGT. Jean Maillet*, l’administrateur communiste, l’appelle à venir travailler aux services de l’imprimerie d’Alger Républicain à Bab-el-Oued, rue Koechlin ; il y demeure comme comptable auprès du nouveau directeur administratif, Jules Molina*, lui aussi un communiste victime de licenciement. En 1953, H. Maillot devient responsable des ventes aux côtés de Jacques Salort, administrateur du journal, à son siège dans les locaux près de la Grande Poste. Tout silencieux qu’il soit, il a le contact avec tout le réseau communiste de distribution. À la suite du tremblement de terre d’Orléansville, il est avec les journalistes d’Alger Républicain dans cette vallée du Chelif, se retrouvant à l’automne 1954, avec les communistes locaux en compagnie de Marlyse Benhaïm qui est institutrice à Oued Fodda.
Au congrès du PCA de mars-avril 1952, il fait sa dernière intervention au nom du Bureau de l’Union des jeunesses. Il est connu comme un communiste rigoureux faisant valoir l’autonomie du PCA dans les relations avec les Scouts musulmans ou l’Association de la jeunesse algérienne pour l’action sociale (AJAAS) autour du professeur Mandouze et des enfants Chaulet ; il rencontre Salah Louanchi qui appartient à ce milieu et milite au MTLD, mais ne prend pas part aux rencontres du groupe à Sidi-Feruch. Il est, avec le PCA qui s’algérianise en faisant monter des jeunes, un partisan pour l’avenir d’une République démocratique algérienne, et pour l’heure de la formation entre les différentes composantes politiques nationales et à gauche, d’un Front démocratique algérien. Au sortir de la crise du MTLD par le passage à l’insurrection en novembre 1954, il fait partie de ceux que l’on nomme l’équipe d’Alger Républicain, sensible à la lutte nationale armée, mais à la différence d’un Yahia Briki, dans la pleine obéissance et même en attente des ordres de la direction du PCA.
Pour le journal, Henri Maillot se rend dans le Constantinois après l’offensive de l’ALN et les massacres de la répression de la fin août 1955 ; de retour à Alger, dans des rencontres avec Bachir Hadj-Ali et les dirigeants clandestins du PCA, on évoque en a parte, l’intention de constituer des groupes armés communistes ; l’idée est retenue depuis une réunion clandestine du Comité central du 20 juin 1955. Par ailleurs, ou parallèlement, avec André Moine et Lucien Hanoun, le PCA assiste l’envoyé du PCF, appelé Alfred Gerson, arrivé en septembre, pour sortir une feuille à l’adresse du contingent français La Voix du soldat.
Un 2e passage à Constantine révolte d’horreur plus particulièrement Henri Maillot en voyant un militaire français tuer un bébé dans les bras de sa mère, en lui mettant un revolver dans la bouche. Ses camarades l’entendent au retour tenir des propos définitifs sur l’urgence de l’action armée et la nécessité d’éliminer les colons massacreurs et les militaires assassins. Or, voici que l’aspirant de réserve Henri Maillot est rappelé en service actif en octobre 1955, en principe pour trois mois.
À la caserne de Miliana, il est chargé de gérer le magasin d’armes. Comme il suit l’orientation du PCA qui veut constituer à son compte les groupes armés des Combattants de la libération, il s’est ouvert à William Sportisse qui en témoigne, de la possibilité d’avoir des armes par un détournement de chargement ; celui-ci transmet à Bachir Hadj-Ali. Il y a préméditation puisqu’à la fin janvier, Henri Maillot a fait prolonger de 6 mois son rappel au service. La direction clandestine du PCA approuve et met le projet en préparation avec le concours de communistes sûrs notamment Jean Farrugia*, Joseph Grau, Jean Clément (un pseudonyme).
Pour un convoyage d’armes, Henri Maillot se rend à Alger le 4 avril 1956 ; à midi il invite le soldat chauffeur du camion encore largement chargé à déjeuner ; en forêt de Baïnem au-dessus d’Alger, le chauffeur est laissé chloroformé et attaché à un arbre tandis que les armes sont mises en dépôt en réserve dans des futs ; quelque 126 mitraillettes, 26 fusils, 54 revolvers et des milliers de cartouches.
Le deuxième temps qui commence est lié aux négociations entre la direction du PCA (Bachir Hadj-Ali et Sadek Hadjerès) et celle du FLN à Alger (Ramdane Abane et Benyoussef Ben Khedda) ; le partage des armes joue sur la balance à l’avantage du PCA d’abord qui veut avoir une place autonome dans l’ALN et exister comme parti. Pour ouvrir la discussion, un premier petit lot est livré ; vers la mi-mai, la plus grande part des armes est remise au FLN ; la petite part doit aller aux groupes des Combattants de la libération et au maquis proprement communiste dont la mise en place s’effectue au-dessus d’Oued Fodda dans le massif qui domine le Chéliff.
La dislocation du maquis rouge dispense ensuite le FLN d’accorder quelque reconnaissance au PCA ; les ralliements à l’ALN seront individuels par fusion. Le PCF qui vient de faire voter par ses députés les pouvoirs spéciaux pour l’Algérie au gouvernement (12 mars 1956) met quelque temps avant de citer l’action du communiste algérien Henri Maillot, dénoncé par la grande presse comme l’aspirant félon ou le traître au service de Moscou. Le PCA donne sa justification dans le texte diffusé en tract à la fin mai 1956, signé Henri Maillot pour « expliquer son action ». Il s’adresse principalement aux « Algériens européens » ; « Il est dans leur possibilité d’éviter à notre pays des ruines et des deuils, en œuvrant avec les Démocrates et les progressistes européens pour la construction d’une Algérie nouvelle où le racisme sera banni. » L’acte d’Henri Maillot prouve que l’Algérie est faite des Algériens de toutes origines.
Sur ces entre-faits, après avoir été tenu à l’abri chez l’abbé Scotto et des vicaires d’Alger, Henri Maillot arrive dans la première semaine de mai 1956 au maquis, dont la responsabilité militaire est attribuée à l’autre déserteur sur commande Hamid Guerrab monté depuis Blida et la responsabilité politique au dirigeant communiste Mustapha Saâdoun qui a mené les luttes paysannes de la Mitidja aux massifs du Cheliff ; ils seront huit quand Maurice Laban aura rejoint, criant casse-cou, ainsi que Mohamed Boualem syndicaliste des dockers d’Oran qui se demande ce qu’il vient faire là, le jeune distributeur de journaux de dix-neuf ans qui vient d’Oued Fodda, Belkacem Hannoun*, et deux paysans communistes des Beni Rached, Djillali Moussaoui* et Abdelkader Zelmat*, le ravitailleur avec mule.
Leur seule action est l’exécution, le 3 juin 1956, de quatre collaborateurs de l’armée française au café maure au fond de la vallée. Le lendemain, le groupe remonté sur la colline des Beni-Ouidane est encerclé et assailli par les troupes françaises escortées par des auxiliaires du caïd Boualem bientôt bachaga, peut-être guidées. A. Zelmat à la mule insolite avait été capturé et sera ensuite exécuté. Selon la première version donnée par Hamid Guerrab, quand il en réchappe et se réfugie auprès du Docteur Martini* ; les sept hommes sont surpris au campement ; Maurice Laban, qui a le temps de prendre son arme et de tirer, est abattu ; Henri Maillot est capturé et passé ensuite par les armes par un ou des soldats français ; ceux–ci subiront les reproches de leurs chefs pour n’avoir pas pensé, comme eux en mal de publicité, à conserver le prisonnier pour l’exhiber. À partir de là, Henri Maillot est célébré pour la plus grande gloire du PCA, oubliant de citer Maurice Laban et leurs compagnons dans cette opération quasi suicidaire et, après 1962, pour la gloire de l’Algérie indépendante. Des tombes sous un petit tumulus au village de Lamartine, seul le cercueil d’Henri Maillot a été transféré au Carré des martyrs au grand cimetière d’El Alia à Alger ; le petit carré des martyrs du cimetière d’El Karimia (ex-Lamartine) a cependant accueilli les autres dépouilles ; une seule inscription sur les tombes : 1956, mais pas de noms.
Emue jusqu’aux larmes, Yvette Maillot, préférant ne pas être médiatisée, estime avant tout qu’elle est une Algérienne digne et fière qui ne demande rien à qui que ce soit. Elle parle ici de son frère, l’aspirant Henri Maillot, tombé au champ d’honneur le 5 juin 1956 près d’Orléansville, aujourd’hui Chlef.
Que constitue, pour vous, ce jour de recueillement sur la tombe de votre frère ?
Je suis très émue, car c’est la première fois que je vois autant de monde assister à la cérémonie de recueillement à la mémoire de mon frère. Je tiens à remercier tout le monde, plus particulièrement ses compagnons d’armes. Henri est mort, certes, le 5 juin 1956, mais j’ai voulu organiser cette journée afin de permettre à ceux qui ne l’ont pas oublié de se rencontrer ici et partager ce moment historique.
Quelle image vous revient à propos de celui qui donna sa vie à l’Algérie ?
Henri est mort à l’âge de 28 ans au champ de combat. C’est un âge où il pouvait faire autre chose, mais il a tenu à se sacrifier pour une Algérie libre et fraternelle. Il ne pouvait pas rester insensible à la misère qu’il voyait, à l’époque, du côté des gens de Salembier et d’ailleurs.
En plus des amis, des marques de reconnaissance de la part des autorités officielles se sont jointes, cette fois-ci, à cette commémoration. Quelle est votre impression à ce sujet ?
Ce sont là des marques de sympathie qui me touchent vraiment. Cela démontre d’un sens de responsabilité envers ceux qui se sont sacrifiés pour que vive l’Algérie indépendante. Je tiens à remercier surtout la mairie d’El Madania qui a fait un grand effort pour organiser ce jour de recueillement. Non, rien. Je suis une Algérienne digne et fière comme toutes mes compatriotes, notamment celles qui ont vécu la guerre de Libération nationale. Aujourd’hui, je ne demande rien d’autre qu’à continuer à vivre dans ma maison à El Madania dans le respect et la dignité.
Il y a 60 ans, en mars 1962, les représentants français et ceux du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) se réunissaient à Evian pour conclure les accords qui allaient mettre fin à la guerre d’Algérie.
Les négociations entre Français et Algériens à Evian (centre-est de la France) ont été émaillées de moments de tension et d’incompréhensions avant d’aboutir aux accords ayant mis fin à la guerre d’Algérie il y a 60 ans, selon des témoignages confiées à l’AFP. A l’issue de ces négociations, les représentants français et du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) avaient signé, le 18 mars 1962, les accords dits d’Evian, ouvrant la voie à l’indépendance de l’Algérie après plus de sept ans de guerre et 132 ans de colonisation. Dès sa déclaration lançant la « Guerre de libération » le 1er novembre 1954, le Front de libération nationale (FLN) s’était dit prêt à négocier avec les autorités françaises mais il faudra attendre janvier 1961 pour que des négociations directes débutent entre la France et le GPRA. Elles dureront 18 mois, la plupart du temps en secret.
Elles commencent notamment grâce au représentant du GPRA en Italie, Tayeb Boulahrouf, qui demande au président italien de l’époque, Giovanni Gronchi, au Premier ministre, Giorgio La Pira, et à l’influent patron du groupe pétrolier Eni, Enrico Mattei, de sonder le président français sur ses intentions.
Au travers des Italiens, M. Boulahrouf obtient « la confirmation que le général De Gaulle est dans l’état d’esprit de négocier avec ‘la rébellion' », a raconté son fils Jalil à l’AFP.
« Cigarette au bec »
L’atmosphère très tendue au début des négociations se relâche au fur et à mesure que les négociateurs apprennent à se connaître.
Selon une anecdote racontée par Tayeb Boulahrouf à son fils, lors des discussions de Lucerne qui précèdent en 1961 celles d’Evian, Georges Pompidou, homme de confiance de De Gaulle, est entré « cigarette au bec » alors que c’était le ramadan. « Il a éteint sa cigarette par respect mais mon père lui a signifié qu’il pouvait fumer à son aise, car l’islam étant une religion extrêmement tolérante, cela ne posait aucun problème ».
Amar Mohand-Amer, historien algérien et résident à l’Institut d’Etudes avancées de Nantes, souligne à l’AFP que « dans les derniers mois, le GPRA et le gouvernement français étaient dans une logique positive, celle d’aboutir rapidement à un compromis ». Même s’il fallait parfois dissiper des incompréhensions.
Ainsi, à un moment, Lakhdar Bentobal, l’un des négociateurs algériens, a dû rappeler à l’ordre le chef de la délégation française qui s’adressait au GPRA en leur disant « vous de l’autre côté de la table », au motif que la France ne reconnaissait ni le GPRA ni le FLN.
Pour l’inciter à plus de respect, Bentobal a dressé un parallèle avec « certains hommes algériens qui ne citent jamais le nom de leur épouse, même quand ils s’adressent directement à elle ». Pendant la phase préparatoire et les négociations, la délégation algérienne a pu compter sur le soutien de la Suisse.
« Décontraction » Une partie des accords ont été négociés dans une première phase près de Genève et la délégation algérienne logeait dans une villa à Bois D’Avault, du côté suisse de la frontière. Grâce au Dr Djillali Bentami, représentant du Croissant rouge algérien (CRA) en Suisse qui l’avait mis en contact avec Redha Malek, un autre négociateur algérien, le photographe André Gazut a pu y entrer et réaliser des clichés.
Les négociateurs étaient « venus en Suisse depuis Tunis par un vol spécial de Swissair qui avait pour consigne de ne pas survoler la France », a raconté le photographe à l’AFP. La propriété autour de la villa était surveillée par l’armée suisse « de crainte d’une opération de l’OAS (organisation terroriste française opposée à l’indépendance, ndlr) contre les négociateurs ».
« Il y avait même des canons de DCA (défense anti-aérienne) en cas d’apparition d’un petit avion près de la propriété », selon M. Gazut. Le célèbre photographe Raymond Depardon a raconté en décembre au quotidien algérien Liberté comment la délégation algérienne qu’il avait suivie « impressionnait par sa décontraction et le port vestimentaire très élégant de ses membres » qui étaient « des jeunes de 30-40 ans ».
« Cela tranchait avec l’image qu’on se faisait du FLN dans le maquis, en tenue militaire », a-t-il dit.
Une photographie le montre souriant et brandissant son nouveau passeport. Pierre Audin a obtenu la nationalité algérienne. FiIs de Josette et Maurice Audin, mathématicien communiste arrêté le 11 juin 1957 par l’armée française, torturé puis exécuté pour son engagement indépendantiste, il a milité pour la reconnaissance de ce crime par l’État.
Pourtant fils du célèbre résistant algérien Maurice Audin, ce n’est que récemment que Pierre Audin a obtenu son passeport algérien.
Comme il le raconte ce samedi à TSA, il n’a entamé les démarches pour obtenir ses papiers algériens qu’en 2018, après la déclaration faite à sa mère Josette Audin, décédée depuis, par Emmanuel Macron.
Cette année-là, le président français a demandé pardon à la veuve du militant indépendantiste mort en 1957, et lui a remis une déclaration reconnaissant que Maurice Audin est mort sous la torture du fait d’un « système légalement institué » par l’armée française pendant la guerre d’Algérie.
« Après que le président de la République française a remis à ma mère, le 13 septembre 2018, une déclaration concernant mon père et surtout l’utilisation de la torture pour terroriser la population, j’ai discuté avec des amis algériens qui m’ont fait remarquer que selon la loi algérienne, j’étais Algérien, ma mère étant Algérienne par décret du 4 juillet 1963 », indique Pierre Audin dans une déclaration à TSA ce samedi 30 avril.
« Je suis Algérien depuis près de 59 ans »
« Début novembre 2018, j’ai donc fait part à l’ambassade de mon souhait d’avoir mes papiers algériens. On m’a expliqué que ça allait être très rapide, et peu à peu, que c’était Alger qui allait le faire », poursuit-il.
Le 25 août 2020, Pierre Audin est naturalisé Algérien par un décret du président de la République publié au Journal officiel. « J’ai trouvé bizarre qu’on naturalise Algérien un Algérien, mais je me suis dit que peut-être que cela allait me permettre d’avoir rapidement mes papiers. Pas du tout », assure le fils de Maurice Audin.
En décembre 2021, il recommence les démarches en ligne d’abord, puis en se déplaçant au consulat. Cette fois les choses vont aller un peu plus vite et il obtiendra ses papiers un à un.
« Grâce au décret du 25 août et aux vieux papiers que j’avais concernant mon père, j’ai d’abord obtenu ma carte consulaire et, enfin, le 14 avril, mon passeport », fait-il savoir.
« En résumé, je suis Algérien depuis près de 59 ans, j’ai demandé mes papiers il y a trois ans et demi et je viens de les obtenir, ce qui me permettra de participer prochainement à une délégation de l’AJMA (Association Josette et Maurice Audin, NDLR) en Algérie », annonce Pierre Audin.
Pourquoi, après la chute du mur de Berlin et l’effondrement de l’URSS, l’Union européenne se dépêcha d’intégrer les anciens pays de l’Est, de la Pologne à la Hongrie en passant par la République tchèque?
En grande partie pour éviter la guerre entre ces anciens pays de l’Est qui avaient nombre de litiges entre eux particulièrement au niveau des frontières et des minorités qui pouvaient vivre sur leur territoire comme les Hongrois de Roumanie.
Il s’agissait de faire de l’UE un espace de paix comme le rappelait celui qui fut alors premier ministre de la France et conduisit les premières négociations, Michel Rocard.
Et, il faut l’avouer, ce fut un succès puisqu’aucun conflit n’éclata entre ces pays malgré des revendications parfois exacerbées.
Mais cela n’empêcha pas la guerre d’être une réalité sur le contient européen qu’elle fut faussement «civile» en ex-Yougoslavie où il s’agissait de défaire une union factice imposée lors du traité de Versailles entre peuples qui avaient nombre de récriminations les uns envers les autres pour ne pas dire plus depuis des lustres ou entre deux pays entre la Russie et la Géorgie, voire entre cette même Russie et la Tchétchénie.
Alors c’est vrai qu’en France comme en Allemagne ou au Royaume-Uni, par exemple, la guerre n’est plus présente sur leur territoire européen depuis 1945 même si l’on doit ne pas oublier tous les guerres de la décolonisation comme celles d’Indochine et d’Algérie pour les Français et cette guerre larvée en Irlande du Nord pour les Britanniques.
Néanmoins, qu’est-ce que 77 ans de «paix» pour un continent qui entretien un dramatique et inqualifiable compagnonnage avec la guerre.
Oh! bien sûr, les autres régions du monde ne sont guère mieux placées que nous, ce qui n’est qu’une consolation pour le moins par défaut…
Avec l’invasion brutale, barbare, de Poutine de l’Ukraine, retour donc à la «normalité» d’une Europe berceau des deux guerres les plus meurtrières que l’Humanité ait connu jusqu’à présent et qui multiplia les conflits au cours des siècles dont la plus longue, la Guerre de Cent ans entre la France et l’Angleterre (si l’on excepte une autre qui opposa les Pays-Bas aux îles Scilly au large des Cornouailles qui a duré de 1651 à 1986, soit 335 ans, parce qu’on oublia de signer un traité de paix, il faut dire qu’elle ne donna lieu à aucune bataille, à aucun mort et ne put avoir lieu faute de combattant qui se rendirent à l’Angleterre, alliée des Hollandais, dès la déclaration de guerre!).
«La paix est l'intervalle entre deux guerres» selon le bon mot de Giraudoux mais tellement vrai.
Nous avons donc réussi à gérer cet intervalle pour une durée d’une longueur inhabituelle qui fait que plusieurs générations qui sont nées en France n’ont pas connu physiquement une guerre.
Mais l’agression de l’Ukraine, pays qui n’est pas si éloignée de chez nous et frontalier de l’Union européenne, nous a réveillés d’une fausse félicité qui ferait que nous aurions vaincu l’innommable et que nous n’aurions plus qu’à nous protéger des terroristes illuminés et assassins qui ensanglantent nos villes à périodes répétées mais qui n’ont pas réussi jusqu’à présent à nous déstabiliser.
Ils nous ont, bien sûr, obligés à nous battre de l’Afghanistan à la Syrie en passant par le Mali et à engager nos soldats mais dans des conflits qui n’ont jamais débordé jusqu’en Europe.
Nous revoilà donc, grâce à la scélératesse d’un mégalomane paranoïaque, revenu aux temps guerriers mais qui pouvaient malheureusement douter que de leur retour tellement l’Histoire nous enseigne le contraire ainsi que la réalité quotidienne aux quatre coins de la planète?
La guerre fait partie de ce tragique de l’Histoire dont nous ne sortirons jamais mais dont nous pouvons faire en sorte d’éloigner le plus possible la survenance tout en nous préparant à son inévitable retour.
Et, en l’espèce, nous, les Européens, plus particulièrement des pays comme le Danemark, l’Allemagne, les Pays-Bas, avons failli dans la mise en place d’une vraie défense commune avec les moyens nécessaires en voulant croire que si nous étions «gentils» personne ne viendrait nous embêter...
Cette niaiserie nous a mis dans une incapacité à dire à un personnage comme Poutine – qui croient dur comme fer au déclin moral des Européens – qu’il ne pouvait agir à sa guise.
Il l’a donc fait en Géorgie et en Ukraine, pour ce qui est de l’Europe et nous n’avons pas réagi à la hauteur de son défi.
Discuter aujourd’hui d’une défense européenne à la hauteur est une avancée mais l’époque n’est plus à se poser la question mais à agir parce que ce n’est plus d’une faillite dont on devra parler mais d’un renoncement irresponsable face à la réalité qui est là même si on ne l’aime pas.
Fermer les yeux pour inventer un monde qui n’existe pas, voilà le pire qui nous est arrivé.
Les laisser fermer serait une forfaiture et une indignité, une trahison pour les générations futures.
"Nous ne savons plus regarder la Terre Mère. Nos ancêtres avaient sanctuarisé cette terre réellement mère et sacrée. C’est fini : aujourd’hui, cette terre n’est plus qu’un sol, elle est réduite à une opportunité d’argent pour ceux qui l’exploitent. (...) La perversité du système forme une boucle, une folie dont on ne parvient pas à se défaire.
Le problème de l’être humain, c’est qu’il s’est autoproclamé le meilleur, le patron de l’humanité et de la planète. Or, faut-il rappeler d’une part qu’il n’est qu’une des centaines de millions d’espèces, et que la durée de son existence, rapportée à celle de la Terre, ne dépasse pas les deux minutes ? La vie a préexisté avant l’humain, sous des formes absolument incroyables, et voilà qu’il s’érige en Roi de droit divin. Inouï. Insupportable. Et suicidaire.
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