Les Amis de l’Humanité et l’association Germaine-Tillion rendront hommage à la résistante et ethnologue, le samedi 21 mai. Une journée pour célébrer les 60 ans de la fin de la guerre d’Algérie.
«Germaine Tillion a su traverser le mal sans se prendre pour l’incarnation du bien», disait Tzvetan Todorov. © Manoocher Degathi/AFP
Au plus noir de la guerre d’Algérie, il y eut des éclairs d’humanité. L’un des plus exceptionnels porte un nom : Germaine Tillion. Dont la vie, pourrait-on dire, sans abuser de l’image, est un roman : ethnologue dans les Aurès (1934-1939), résistante au nazisme et déportée à Ravensbrück (1940-1945), de retour dans l’Algérie de la misère et de la guerre (1954-1962), une voix contre la torture jusqu’en 2000 avec l’Appel des douze, publié dans l’Humanité, qui défraya la chronique et dont l’ultime soubresaut fut la reconnaissance présidentielle, le 13 septembre 2018.
Revenir au cas Germaine Tillion, pour les soixante ans de la fin de cette dernière et sale guerre coloniale, est un rendez-vous incontournable. Les Amis de l’Humanité l’ont fixé au samedi 21 mai (15 heures) dans l’endroit même où s’est tenue la rencontre précédente, sur le même sujet, à l’auditorium du carré Pleyel (5, rue Pleyel, à Saint-Denis). L’association Germaine-Tillion sera associée à l’hommage.
Mais les Amis de l’Humanité ont une raison particulière qui motive cette invitation. L’espace, qui porte leur nom à la Fête du journal, est celui-là même qui a eu pour invitées deux femmes d’une détermination inouïe : Louisette Ighilahriz, dite Lila dans l’Armée de libération nationale, dont les révélations sur la torture et les viols subis, publiées dans le Monde du 20 juin 2000, puis dans l’Humanité du 26 juin, furent suivies de sa venue à La Courneuve, le 16 septembre 2000.
Son maître Marcel Mauss, compagnon de jean jaurès
Dans ce type de croisement des destins dont l’histoire a le secret, c’est Germaine Tillion elle-même qui était accueillie, dans le même cercle, trois années plus tard, le 12 septembre 2003. Accueillie, en famille, la sienne, avec sa sœur, et accueillie en famille, celle de son maître, Marcel Mauss, compagnon de Jaurès, et dont on trouve la signature dans les colonnes du journal fondé le 18 avril 1904. On commencera, ce 21 mai, par la projection du documentaire Germaine Tillion par elle-même. Tout y est dit, en une heure et un peu plus, en termes d’information sur des événements vécus de ce terrible siècle, et plus encore dans une réflexion qui fera dire à Tzvetan Todorov qu’elle « a su traverser le mal sans se prendre pour l’incarnation du bien ».
Une amie de cœur et de parcours de Germaine Tillion sera là. Nelly Forget a fait partie du service des centres sociaux éducatifs en Algérie. Elle dialoguera avec deux témoins proches de cette entreprise unique qu’on a voulu détruire à quatre journées du cessez-le-feu de la guerre. Le 15 mars 1962, six enseignants de ces centres, dont l’écrivain Mouloud Feraoun, ont été massacrés à Alger par l’OAS qui pratiquait la politique de la terre brûlée. Jean-Philippe Ould Aoudia est le fils de l’une des victimes, et son livre l’Assassinat de Château-Royal (1) publie un poème bouleversant de Djamal Amrani, dont la signature mentionne « Oujda. 1962 (avril). État-major de l’ALN ». L’historien Alain Ruscio, qui participera à ce dialogue, avec son ouvrage sur l’OAS (2), a travaillé sur les guerres de libération nationale, en Indochine et en Algérie.
(1) L’Assassinat de Château-Royal – 15 mars 1962, de Jean-Philippe Ould Aoudia, éditions Tirésias/Michel Reynaud, 1991. (2) Nostalgérie. L’interminable histoire de l’OAS, d’Alain Ruscio, la Découverte, 2017. Les Ennemis complémentaires, de Germaine Tillion Tirésias/Michel Reynaud, 2005.
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