Cette semaine, notre chroniqueur prend son courage à deux mains et interpelle vivement le président russe au sujet de la crise en Ukraine.
OK, je vais pas y aller par quatre chemins : Poutine, tu vas t’asseoir bien gentiment, et écouter ce que j’ai à te dire. D’ailleurs tu sais quoi ? Moi aussi je vais m’asseoir bien gentiment, et écouter ce que tu as à me dire. On va s’écouter, tour à tour, sans s’énerver. C’est ça, une conversation constructive. Surtout, pas d’escalade.
J’ai comme l’impression que tu veux qu’on durcisse le ton, Poutine. Pas de problème. On peut le durcir. Si en revanche tu ne veux pas qu’on le durcisse, dis-le nous : on peut aussi ne pas le durcir. Ça nous arrangerait, même.
Alors comme ça tu déploies tes troupes aux portes de l’Europe occidentale ? Tu utilises la force militaire pour pressuriser l’Otan ? Et tu crois qu’on va se laisser faire ? Tu nous prends pour des faibles, Poutine ? (Je précise que ce ne sont pas des questions rhétoriques destinées à t’intimider : ce sont de vraies questions que nous nous posons. N’hésite pas à y répondre, si tu le veux bien. Mais pas d’obligation. Et si tu as des questions à nous poser, pose-les nous : on se fera un plaisir d’y répondre.)
Ne cherche pas à tester nos limites
Je crois que tu n’as pas bien compris à qui tu as affaire, Poutine. Tu as affaire à la France. Une puissance nucléaire, membre du commandement intégré de la plus redoutable des alliances militaires. On préfère le rappeler, parce que souvent les gens ont l’air de ne pas en avoir conscience. Le problème vient sans doute de nous : nous communiquons mal sur notre force. Nous manquons de confiance en nous. Nous le savons et nous sommes en train de travailler là-dessus.
As-tu la moindre idée, Poutine, de ce que pourrait être notre réponse si tu décidais d’envahir l’Ukraine ? Comment crois-tu qu’on va réagir si tu mets en péril la stabilité européenne ? Si tu as des suggestions, on aimerait vraiment que tu les partages avec nous, parce que de notre côté on est à court d’idées
Quoi qu’il en soit, Poutine, une chose est sûre : fais très attention à ce que tu fais. Ne cherche pas à tester nos limites. On t’en supplie. Ça ne nous arrange pas du tout en ce moment. Nous sommes en pleine campagne électorale. L’Union européenne est très divisée. Et si tu as en tête de profiter de ces divisions pour nous dominer, sois sûr d’une chose : tu le regretteras. Certes tu nous écraseras sans difficulté tant nous sommes faibles et timorés, mais une fois que tu domineras la planète, que feras-tu ? Ne te sentiras-tu pas seul au sommet du monde ? Il est probable qu’alors tu fasses une dépression et que tu te rendes compte, finalement, qu’avoir un adversaire donnait un sens à ta vie.
Comme personne ne veut en arriver à de telles extrémités, en tout cas chez nous, voilà ce qu’il va se passer, Poutine : on va négocier. Et on va le faire à notre façon. C’est-à-dire qu’on va céder sur toutes tes demandes sans obtenir de contrepartie. La France est une démocratie, et ses valeurs sont claires : jamais, au grand jamais, elle ne cédera devant une dictature totalitaire. Ce qui tombe bien, puisqu’on ne considère pas la Russie comme une dictature totalitaire. On vous voit plutôt comme une sorte de système politique hybride, difficile à définir, quelque part entre le régime électoral et le régime autoritaire. Car nous avons le sens de la nuance.
Pour finir, Poutine, passe un message à ton grand pote Xi Jinping : dis-lui qu’une fois qu’on en aura terminé avec toi, on aura aussi deux mots à lui dire. Et ces deux mots sont : merci beaucoup.
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