Ce 3 novembre, la présidence algérienne a non seulement confirmé la mort de ses ressortissants, mais elle a aussi accusé directement le Maroc.
usqu’où ira l’escalade des tensions entre l’Algérie et le Maroc ? La question mérite d’être posée alors que la crise entre les deux pays connaît un nouvel épisode ces derniers jours. En effet, l’Algérie a annoncé ce mercredi 3 novembre la mort de trois de ses ressortissants dans un bombardement qu’elle attribue au Maroc, au Sahara occidental, un territoire au centre de vives tensions entre les deux frères ennemis du Maghreb.
La question du Sahara occidental, ex-colonie espagnole considérée comme un « territoire non autonome » par l’ONU en l’absence d’un règlement définitif, oppose depuis des décennies Rabat, qui contrôle près de 80 % de ce vaste territoire désertique, au Front Polisario, réclamant, lui, un référendum d’autodétermination et soutenu par l’Algérie. « Trois ressortissants algériens ont été lâchement assassinés par un bombardement barbare de leurs camions alors qu’ils faisaient la liaison Nouakchott-Ouargla », entre la Mauritanie et l’Algérie, a affirmé la présidence algérienne dans un communiqué, précisant que l’attaque avait eu lieu lundi.
Selon la même source, « plusieurs facteurs désignent les forces d’occupation marocaines au Sahara occidental comme ayant commis, avec un armement sophistiqué, ce lâche assassinat ».
Longue d’environ 3 500 kilomètres, la route reliant Nouakchott à Ouargla, dans le Sud algérien, longe le Sahara occidental.
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Un communiqué et des questions
Le communiqué algérien ne précise pas l’endroit exact où le bombardement a eu lieu mais Akram Kharief, patron du site spécialisé Mena défense, a indiqué à l’AFP que les camionneurs algériens avaient été « tués à Bir Lahlou au Sahara occidental ».
La présidence algérienne n’a pas non plus donné plus de précisions sur « l’armement sophistiqué » que le Maroc est accusé d’avoir utilisé dans l’attaque, mais Rabat avait pris livraison à la mi-septembre d’une première commande de drones de combat turcs, selon la presse.
« Leur assassinat ne restera pas impuni », a affirmé la présidence algérienne dans son communiqué en rendant hommage aux « trois victimes innocentes de cet acte de terrorisme d’État. »
Aucun commentaire des autorités marocaines n’a pu être obtenu dans l’immédiat.
Après de premières informations sur cet incident publiées mardi sur les réseaux sociaux, l’armée mauritanienne a démenti dans un communiqué qu’une telle attaque se soit produite en territoire mauritanien.
Pourquoi l’Algérie rompt ses relations diplomatiques avec le Maroc
Pas de trêve
Les tensions se sont accrues récemment entre l’Algérie et le Maroc, culminant avec la rupture par Alger de ses relations diplomatiques avec son voisin, fin août.
La crise a éclaté peu après la normalisation des relations diplomatiques entre le Maroc et Israël, en échange de la reconnaissance par les États-Unis de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental.
Rabat contrôle près de 80 % de ce vaste territoire au riche sous-sol minier et bordant des eaux poissonneuses alors qu’Alger soutient les indépendantistes sahraouis.
Le Polisario réclame un référendum d’autodétermination sous l’égide de l’ONU, qui avait été prévu lors de la signature d’un cessez-le-feu en 1991.
Les indépendantistes sahraouis ont rompu le 13 novembre 2020 la trêve avec le Maroc, après le déploiement de forces marocaines dans une zone tampon au Sahara occidental.
Le conseil de sécurité de l’ONU a appelé la semaine passée les « parties » au conflit du Sahara à reprendre les négociations « sans pré-conditions et de bonne foi », en votant une résolution prolongeant d’un an la mission Minurso dans la région.
Mais l’Algérie, opposée à une reprise de négociations sous forme de tables rondes organisées en Suisse, a dénoncé cette résolution comme « partiale ».
Autre conséquence de la montée des tensions entre Alger et Rabat, l’Algérie a décidé de ne pas reconduire fin octobre le contrat du gazoduc passant par le Maroc et alimentant l’Espagne en gaz algérien, invoquant « des pratiques à caractère hostile du royaume » voisin. Depuis 1996, l’Algérie expédiait vers l’Espagne et le Portugal environ 10 milliards de mètres cubes de gaz naturel par an via le gazoduc Gaz Maghreb Europe (GME).
En contrepartie du transit du gazoduc, Rabat recevait annuellement près d’un milliard de m3 de gaz naturel. La moitié était des droits de passage payés en nature, l’autre du gaz acheté à un prix avantageux, selon des experts du secteur. Les livraisons de gaz algérien à l’Espagne se feront désormais exclusivement via un autre pipeline, le gazoduc sous-marin Medgaz et sous forme de gaz naturel liquéfié livré par la voie maritime.
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Par Le Point Afrique (avec AFP)
Publié le
https://www.lepoint.fr/afrique/sahara-occidental-trois-algeriens-tues-dans-un-bombardement-03-11-2021-2450538_3826.php
La dérive de trop
Lâche assassinat des trois civils algériens par des drones marocains au Sahara occidental
Pour ceux qui, de par le monde, nourrissant encore des doutes sur les intentions franchement bellicistes du royaume du Maroc, ils venaient d'avoir la preuve par le sang. Des drones marocains ont pris pour cibles des camions civils qui faisaient la liaison Nouakchott-Ouargla et circulaient dans les territoires libérés du Sahara occidental. Le bilan a été lourd: trois innocents Algériens ont été lâchement assassinés dans ce bombardement barbare. L'Algérie prend le monde à témoin de cette dérive de trop. Et si les autorités algériennes ont formellement accusé l'armée marocaine d'avoir commis cette atrocité, c'est qu'elles détiennent des preuves irréfutables qu'il ne s'agissait pas d'une simple bavure militaire. Que cherche le Maroc à travers cette escalade? L'incident est d'autant plus grave qu'il a été commis le 1er novembre, une date très importante pour le peuple algérien symbolisant le déclenchement d'une glorieuse Révolution contre la France coloniale. Cette agression contre des civils prend des proportions plus que jamais dangereuses. Elle signifie que le Makhzen est passé à une étape supplémentaire dans l'escalade inaugurée au début de l'été dernier par une série d'actes hostiles à l'égard de l'Algérie. Après les innombrables provocations, il s'adonne maintenant au harcèlement d'un pays voisin et souverain. Des agissements irresponsables de la part des dirigeants marocains dont la folie n'a apparemment plus de limites. Ces mêmes dirigeants ignorent-ils que l'Algérie a sacrifié près de 15% de sa population pour se libérer du joug colonial? Toute guerre n'est pas souhaitable, mais si elle venait à être imposée aux Algériens, ils savent se battre. Et ils l'ont prouvé contre la quatrième puissance militaire mondiale qu'était l'armée coloniale et contre les hordes terroristes armées et soutenues par des pétrodollars. Le Makhzen n'ignore pas l'Histoire? Mais il a décidément pris goût aux agressions contre son voisin de l'Est un 1er novembre, un jour sacré pour l'Algérie. C'est à cette même date, en 2013 que des manifestants se sont attaqués au consulat d'Algérie à Casablanca, pénétrant dans la résidence diplomatique et arrachant le drapeau algérien, sous le regard amusé des services de sécurité marocains. Les dirigeants marocains, leurs soutiens et le monde ne doivent pas ignorer qu'une éventuelle guerre entre les deux pays aura des conséquences inimaginables sur la planète entière. Elle débordera très largement le cadre maghrébin. A ce titre, il ne faut pas s'étonner que l'Hexagone devienne le champ clos des rivalités algéro-marocaines, ce qui sera dramatique pour une France moteur économique de l'Europe et Mecque du tourisme mondial. Un danger en cache un autre, une guerre entre l'Algérie et le Maroc, c'est comme si on ouvrait la boîte de Pandore. Tout le Sahel où pullulent des milliers de terroristes et des organisations criminelles qui seront revivifiés pour aller atteindre la sécurité de l'Europe et de l'Amérique.
Habitué à l'indulgence du peuple et de l'État algériens qui ont une haute considération pour le peuple marocain, le Makhzen croyait fermement que l'Algérie allait éternellement ignorer ses agressions. Au vu et au su de la communauté internationale, le royaume du Maroc a fait de son territoire une tête de pont pour planifier, organiser et soutenir une série d'actions hostiles contre l'Algérie. Les dernières en date concernent les accusations insensées proférées par le ministre israélien des Affaires étrangères en visite officielle au Maroc et en présence de son homologue marocain. Jamais depuis 1948, un officiel israélien n'a été entendu proférer des messages contre un pays arabe à partir du territoire d'un autre pays arabe. Une inégalable performance marocaine révélatrice d'une hostilité extrême envers son voisin de l'Est. Que dire du scandale Pegasus qui a révélé au grand jour l'espionnage massif auquel ont été soumis des responsables et des citoyens algériens? Comment pardonner la dangereuse dérive du Makhzen qui invoquait un prétendu «droit à l'autodétermination du vaillant peuple kabyle»? Trop c'est trop!
Une fois ce massacre, dénudant le roi, repris en boucle par tous les médias de la planète et réseaux sociaux, le Makhzen monte au créneau et nous ressort sa rengaine préférée: le mensonge éhonté pour se dédouaner d'un acte barbare. «Le Maroc n'a jamais ciblé et ne ciblera jamais des citoyens algériens, quelles que soient les circonstances et les provocations», soutient une source marocaine anonyme ajoutant que le Maroc «ne veut pas la guerre». Le mensonge a toujours été une régle de choix chez le Makhzen, y compris le roi Mohammed VI lui-même. Dans son discours prononcé en juillet dernier, à l'occasion du 22e anniversaire de son accession au Trône, Mohammed VI a appelé à l'apaisement passant sous silence les dérapages de son ambassadeur à l'ONU, l'affaire Pegasus et les autres provocations contre l'Algérie. Hier, le Maroc nous servit le même plat sans le réchauffer. Pour nous, nous savons ce qui reste à faire.
Brahim TAKHEROUBT
04-11-2021
https://www.lexpressiondz.com/nationale/la-derive-de-trop-350163
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