VIDÉO Des archives rarement diffusées mettent en lumière une page de la guerre d’Algérie, quand des spécialistes de la guerre psychologique poussaient des femmes à rejeter leur voile pour manifester leur attachement à la France.
Sourire gêné, regard baissé. Une femme musulmane applaudit tandis que deux Européennes lui ôtent son haïk, le grand vêtement traditionnel blanc qui recouvre beaucoup de femmes au Maghreb. Le spectacle semble ravir la foule, massée au pied du Gouvernement général d’Alger, ce 18 mai 1958. Une mise en scène signée des militaires français du cinquième bureau, des spécialistes de la guerre psychologique.
Derrière cette photo, rare, il en existe une poignée d’autres et au moins un film de propagande, archivés en France mais peu connus. Des documents auxquels la série vidéo « Flashback » du Monde a pu accéder. Ils illustrent comment l’armée et les autorités coloniales françaises ont fait de l’« émancipation » des femmes musulmanes un instrument pour tenter de rester au pouvoir dans les années 1950. Un épisode vidéo réalisé avec des historiens français et américains spécialistes de la guerre d’Algérie.
Par Karim El Hadj, Marceau Bretonnier et Adrien Vande Casteele
Publié le 2021 08 08.https://www.lemonde.fr/afrique/video/2021/08/08/algerie-1958-quand-la-france-poussait-des-musulmanes-a-retirer-leur-voile-malgre-elles-flashback-4_6090882_3212.html.
Dans la " noria " qui fonctionnait à plein pour la guerre d'Afrique du Nord Il y avait la formation de cadres issus des Corps de Troupe ou de la Préparation Militaire Supérieure.Rien que pour l'Infanterie, il " sortait " chaque année, entre St Maixent et Cherchell de 2500 à 3000 sous-lieutenants, aspirants ou sergents appelés à remplir les responsabilités de chef de section. L'un de ceux-ci se rappelle les bons et mauvais souvenirs de cette formation c'est Jacques Langard. il a rédigé le texte ci-dessous, l'autre a retrouvé ses photos couvrant cette période, c'est votre serviteur Jean Morel à L'Huissier il en a fait l'illustration.
Chaque fois que vous lirez une partie du texte rédigé en bleu et en italique il s'agit d'un lien: cliquez dessus et vous verrez des photos illustrants le texte, bonne lecture.
Mon bref séjour au Dépôt des Isolés Métropolitains (D.I.M. Sainte Marthe à MARSEILLE) me plonge dans un univers invraisemblable. Dans les allées de ce camp, traînent la savate de nombreux soldats de toutes armes qui attendent le bateau pour l'Afrique du Nord. Il y a toutes sortes d'uniformes, dans le genre avachi, des guenilles presque, des cravates desserrées, les calots de travers, et d'une propreté douteuse. Presque tous ont " la clope " qui leur pend au bec, certains errent avec leur barda sur le dos pour ne pas se le faire faucher. Cela pouvait donner une idée de l'expression " armée de Bourbaki ", qui rejoignait la frontière suisse en 1870, dans l'état lamentable où les épreuves et les privations l'avaient réduite Rien moins qu'enthousiasmant !!!!Les bat-flancs sur lesquels nous dormons, sont des toiles tendues sur des cadres métalliques accrochés par des chaînes à des poteaux qui supportent 4 piles de 4 lits, soit 16 gars roupillant avec le nez à 15 cm de la toile du copain de dessus !!!
Sur le quai, des yaouleds* vendent des oranges, certains d'entre nous en achètent. Nous montons avec nos bagages dans les camions SIMCA qui nous attendent, et la colonne prend la route de la corniche, le long du massif du CHENOUA, à l'ouest d'ALGER. En civil, sans arme, avec juste un half-track devant et un derrière le convoi, je dois dire que je ne " brille " pas, et que je me sens très vulnérable !!!!En arrivant dans la plaine, c'est l'ahurissement de voir des cigognes arpenter dignement les champs. De grands platanes ou des eucalyptus bordent les chemins et les routes. Autrement, c'est assez vert.
Et c'est l'arrivée à CHERCHELL-THANN, au Quartier DUBOURDIEU, dont je mesurerai, par la suite, tout ce que ce nom représente dans la mémoire de nos Anciens, tous ces cadres formés sur ces lieux mêmes pour participer à la Libération du territoire national. Des cris nous accueillent " PMS….dans l'AURÉS… PMS…dans l'AURÉS!!! Pas de doute, c'est très chaleureux !!!! Mais il faut se mettre à la place des " Corps de Troupe " qui ont été intégrés aux E.O.R. après quatre durs mois de Formation Commune de Base, plus les stages de caporaux ou de sous-officier, souvent dans des Régiments opérationnels en AFN. Alors que notre statut est identique au leur, après deux stages de trois semaines. Notre compagnie d'Instruction, commandée par un capitaine légionnaire, occupe le deuxième étage des bâtiments anciens. Côté couloir, la cloison s'arrête à un mètre du plafond, ce qui permet d'entendre ce qu'il se passe dans la chambrée et dans le couloir Des haut-parleurs sont installés sur l'arase, et diffusent de la musique militaire. On dit que les " fells " n'attaqueront pas l'École, car il y aurait un accord secret pour livrer les locaux intacts à la future armée, avec l'engagement complémentaire de ne pas faire d'opérations dans le CHENOUA, zone de repos pour les moudjahidines. On raconte n'importe quoi !!!
Physiquement, très dur !
Nous ne sommes pas ménagés !Il nous faut acquérir très vite un niveau physique très pointu, depuis le " cross " du petit matin, en passant par le parcours du combattant, à effectuer tout équipé et armé. Placés en début de parcours, la " fosse aux ours ", et les rails verticaux " Decauville " nous coupent tout de suite la respiration par le choc et le tassement des poumons à la réception en bas. Le " pourquoi " de la chose nous est expliqué : il faut être en forme physique impeccable pour pouvoir commander au feu. " L'intelligence du fantassin commence par ses mollets… " !!! La dernière épreuve de la promo 803 sera un parcours de 40 km sous un soleil de plomb, casque lourd sur la tête, et le barda sur le dos. Des " ateliers ", placés tout le long de ce trajet, vérifient nos connaissances du métier de fantassin et nous notent selon nos réponses, vitesse au démontage-remontage d'armes, solution d'un thème de combat, secourisme, chaîne de mise à feu etc. En fin de parcours, les E.O.R. passent dans une salle dans laquelle une sono, branchée à fond, diffuse des bruits de chenilles de char, ou de la musique militaire au paroxysme. Dans ce vacarme, il nous est demandé de résoudre des problèmes simples, comme la conversion de degrés en grades, ou la restitution sur carte de coordonnées " chasse ". C'est très réaliste, car il ne faut pas croire que nous pourrons analyser et décider au combat comme si nous étions dans un salon à discuter aimablement.
L'école est unité opérationnelle, et participe aux opérations du secteur, principalement en forêt Affaïne, zone interditequi nous sépare de Blida. Nous apprendrons, de la sorte, les mécanismes des opérations de bouclage-ratissage, en y côtoyant les régiments voisins, dont un, plus particulièrement infréquentable…. et dangereux. Une indiscipline totale régnait à chaque fois sur sa base de départ : les gars jouaient au foot avec les boites de ration, hurlant, braillant, se tordant de rire, limite " pintés ". Au bout d'une heure de marche, il y avait un " trou " de 800 mètres entre notre ligne et la leur, ce qui diminuait évidemment l'efficacité du bouclage. Inutile d'ajouter que cette unité subissait de gros coups durs, ses pertes apparaissaient régulièrement dans les communiqués, à raison de 15 à 20 morts à chaque fois, tous les 3 ou 4 mois. De cette période date " la bande sonore " des fréquents accrochages, que j'ai encore dans les oreilles : D'abord, deux ou trois détonations sourdes : du fusil de chasse ou quelque vieille pétoire. Presqu'aussitôt, c'est le caquetage nerveux des pistolet-mitrailleur qui leur répond. De nouveau des détonations sourdes, les fells, de nouveau, ou des grenades. La voix puissante et grave d'un fusil-mitrailleur s'impose dans le vacarme, par rafales de deux ou trois coups. De nouveau les PM, quelques détonations, puis c'est le silence.
Notre chef de section, un lieutenant de Chasseurs plein de fougue, a tout de suite sauté sur le poste radio et trouvé le canal de l'accrochage, ce qui nous fait suivre l'événement en direct Les instructions de l'Autorité fusent, pressantes : " rendez-compte, rendez-compte…..Et nous imaginons la scène, le chef de section ou son sergent, avec ses gars autour de lui, aplatis comme des limandes sous le feu, essayant de comprendre le problème et d'y parer au plus vite, avec le harcèlement radio qui lui met les nerfs à vif. Pour arranger les choses, les postes SCR 300 ou le SCR 536 se mettent à crachouiller capricieusement, ça ne facilite pas les communications !!C'est fini, les fells sont partis, ça recommencera un peu plus tard, un peu plus loin !! Il y avait aussi la garde des fermes des alentours, RIPOLL, TRIPIER, BRINCOURT, FAISANT. Les propriétaires et les familles n'étaient plus dans les lieux, mais les travaux agricoles continuaient. C'est dans ces fermes que nous avons goûté les nèfles, et fait sans succès, quelques essais de chasse aux perdreaux, en mettant une seule cartouche dans la MAT. Soumis à rude épreuve, nos organismes flanchaient, parfois, et celui qui s'endormait pendant son tour de garde était éliminé du peloton. Somnolant à moitié dans mon mirador, j'ai sursauté un soir, en entendant du bruit, et aussitôt armé et pointé mon fusil. A la lueur du projecteur, j'ai réalisé ensuite que c'était un gosse qui farfouillait dans les barbelés ….pour récupérer sa balle !!!! Combat de nuit…..le jour !! L'axiome était le suivant : La plupart de vos actions de combat auront lieu de nuit. Il faut vous y entraîner. Mais il n'y a pas assez de nuits pour cela, du fait des contraintes, vous ferez donc du combat de nuit……le jour. Chaque fois que je dis cela, je suscite des réactions incrédules. Eh bien, si, cela s'est fait, une idée apparemment géniale, apparemment seulement !! On nous a dotés de lunettes de soudeur, deux verres fumés au lieu d'un. C'était assez épouvantable, et illusoire, en plus, car, si la nuit on distingue mieux les contours éloignés, la lunette de soudeur, elle, est faite pour voir de très près, inversion des perceptions, donc. Au cours des exercices de combat, certains marchaient comme des crabes, regardant de côté après avoir soulevé les languettes latérales d'aluminium. D'autres guettaient l'inattention de l'instructeur pour se déplacer à toute vitesse, lunettes levées sur le front. Le parcours du combattant s'effectuait aussi avec ces satanées lunettes, et je me souviens d'un E.O.R. de la promotion suivante, un prof de philo : il était si " populaire ", qu'un de ses camarades avait glissé une feuille de papier noir entre les deux verres. Au départ du parcours du combattant, le malheureux s'est plaint qu'il n'y voyait rien. " Sautez ", a dit l'instructeur : résultat, une jambe cassée au fond de la fosse aux ours !!!! Il repassera avec la promotion suivante ! Au dégagement de fin de stage, nous jouerons une saynète, avec un E.O.R., doté de ces fameuses lunettes, carrément aveugle, demandant craintivement son chemin à un fellouze armé.
Une formation complète.
Il y avait un instructeur de chaque spécialité, Génie, pour mines et pièges, Artillerie, pour la topo et les appuis, etc... Nous aimions bien le " cavalier " qui nous expliquait la liaison infanterie-chars. Nous devons réagir très vite, disait-il, il faut tout de suite donner un ordre, même si c'est une erreur. Vous comprenez, l'ennemi est surpris deux fois :-d'abord par la rapidité de la manœuvre, et ensuite…. par sa bêtise. Mais, notre préféré, c'était l'Adjudant-Chef KALFA, instructeur armement. Avec ses maquettes et ses schémas, il nous a tout dévoilé de " l'emprunt des gaz au niveau du canon " du " blocage de la culasse de la MAT 49 au départ du coup " et toutes sortes de finesses, notamment sur les armes américaines, perfectionnées, certes, mais irréparables sous le feu, au contraire des mécanismes français plus rustiques et plus fiables. C'est vrai que le 24/29, bourré de boue ou de sable jusqu'à la gueule continuait de tirer. Dans le Sud, le dessèchement du cuir de l'amortisseur faisait que l'arme avait une cadence de tir proche de celle de la MG 42….mais avec des chargeurs de 20 coups !L'adjudant-chef nous expliquera l'AA52….en projet de dotation, que connaissaient déjà nos camarades " corps de troupe " car ils en avaient pris aux fells sur les frontières. En arrivant une fois dans un poste, j ai trouvé un mortier lourd avec ses munitions. Une merveille, un 120 m/m, expédiant onze kilos d'obus à 6 km !!! J'aurais su m'en servir, mais il n'y avait hélas pas l'effectif disponible. L'ARME, c'était sacré, et les " pains " pleuvaient si on l'oubliait ou l'entretenait mal. Une fois, ce fut un drame : en traversant l'oued el Hachem en crue, au pied des abruptes et rudes " échelles de Jacob ", l'un de nous lâcha son fusil dans les eaux boueuses ! Pendant de longues minutes nous avons pataugé dans l'eau froide, sale, et plongé pour chercher ce fichu flingue, finalement retrouvé. La formation " combat " était aussi très concrète, puisqu'appliquée tous les jours, et nous avons même eu droit à un exercice d'assaut à balles réelles. Le parcours était très bien balisé, mais nous avons mesuré les risques de sortir de sa trajectoire pour tomber sous le feu de ses voisins. Et, bien sûr, répété jusqu'à plus soif, 15, 20 fois, l'exercice de " la boule de feu ", seule issue valable en tombant dans une embuscade : Lorsque le " bouchon " de l'embuscade entre en action, les camions stoppent brutalement, il faut sauter des véhicules, et partir droit devant soi en tirant. Cette réaction réglementaire a été établie à la suite des analyses de cas, et cet assaut est la seule solution qui ait quelque chance de réussir. Si on s'aplatit en statique, l'assaillant pourra " dégommer " les gars méthodiquement. Ce drilling intensif inscrira ce réflexe dans nos réactions, l'entraînement prenant le dessus sur la panique, souvent synonyme de paralysie.
L'insécurité.
Elles sont une dizaine de " fatmas " à gesticuler et crier dans la cour DUBOURDIEU pour attirer notre attention. Ce sont les lavandières qui, pour quelques francs, lavent et redonnent des plis à nos treillis rugueux. Elles ont un système astucieux de fils colorés qu'elles passent dans un coin du linge et qui permettent de regrouper les effets de l'un ou de l'autre. La plus impressionnante, c'est " numéro sept ! la vieille ! " cri qu'elle hurle à tue tête. Une forte femme, les cheveux rouges de henné, plus grande et plus âgée que les autres. Va pour " numéro sept la vieille "…J'ai un treillis, un peu de linge, une dizaine de pièces.
Bon, ça va, pour quand tu le veux ? Eh bien, mercredi ? Mercredi, tu peux pas, t'es pas là ! Comment ça, mercredi t'es pas là ? Je te dis, mercredi, t'es pas là ! Ah bon, et ben, jeudi, ça va ? Ça va !!
Vous me croirez si vous voudrez, nous avons été réveillés le mercredi de bon matin à grands coups de sifflet et force " gueulantes ".Les bahuts faisaient déjà tourner leurs moteurs dans la cour. Nous partions en opération !! Bien vu, " numéro sept la vieille " !!! Un autre jour, c'est la fathma du commandant de compagnie qui a été arrêtée à la porte de Ténès : Elle transportait un pistolet automatique au fond de son bidon de lait.
Un soir, ça s'est mis à pétarader, des coups de fusil, et nous avons tout de suite éteint les lumières. Le mirador sud de l'école avait été criblé de plombs, et des balles s'écrasaient sur la façade. Ça n'a pas duré longtemps, une dizaine de minutes, mais la curiosité, c'était à l'étage du dessous où logeait la promo 805.Des balles avaient fracassé les fenêtres. En entrant dans la piaule, j'ai vu Claude C. un copain de la " bazoche* " de Nancy, assis sur son lit avec un projectile dans les doigts : la balle avait frappé le poteau en bois juste devant son lit, l'avait traversé, en tournant pratiquement à angle droit selon les fibres du tronc, pour finir sa course, amortie, toute chaude, sur la couverture de cet ami. Après, on n'a plus prétendu qu'il y avait des accords secrets entre l'École et le FLN pour garder les bâtiments intacts!!! En ville, lorsque nous avons fini par avoir des permissions de sortie, tout sentait la guerre : fenêtres grillagées des estaminets pour éviter les grenades possibles, attention permanente sur tout ce qui pouvait sortir de la normale, colis ou individus pas clairs etc… cela aussi faisait partie de notre mise en condition. Aucune théorie, à CHERCHELL ; nous vivions directement l'insécurité et les dispositions de combat réglementaires, avec des formules intégrées jusqu'à plus soif, et qui m'ont souvent aidées, comme par exemple " ON NE CHANGE JAMAIS D'IDÉE DE MANŒUVRE SOUS LE FEU " ou " QUI TIENT LES HAUTS, TIENT LES BAS " !!
Jacques LANGARD Groupement 140 Fédération Nationale André Maginot Ancien chef de section et commandant de compagnie au II/8ème RIMa
NB : Le Drapeau de l'ECOLE s'est vu reconnaître le droit d'inscrire " AFRIQUE du NORD " dans ses plis. La cérémonie a eu lieu le 27 mars 2008 à Montpellier devant des Anciens instructeurs, des Anciens élèves et de nombreuses personnalités.
CHERCHELL L'école.(deuxième partie)
La chambrée
La section entière était logée dans une pièce haute de plafond, avec 4 piliers en bois. Teintes ocres avec soubassement brun, tout cela assez vétuste. Il fallait tout de suite se choisir un lit, sur les douze à deux étages, en haut, en bas, près de la fenêtre, il fallait être rapide pour réaliser son objectif. J'étais " en haut, à gauche, en entrant ", une bonne adresse ! L'ambiance était bonne malgré le fait que nous étions tous rivaux et concurrents.Parce que, du rang de chacun à la sortie de la promo, dépendait le choix des meilleures affectations proposées à " l'amphi-corps ", les " culots de promo " devant se contenter des places restantes, à priori vraiment pas recherchées, mais vraiment pas !! Mais, jeunes comme nous étions, 20/21 ans pour les incorporés, 23/24 ans pour les sursitaires, la camaraderie régnait, et je n'ai jamais constaté de " coups de pied en vache ".Je me souviens de tous, je crois. Surtout de Jean, repéré à Ste Marthe où il se baladait avec un tourne-disque TEPPAZ attaché par une chaîne sur le dessus de son sac à dos. Je connais par cœur tous les disques de Brassens qu'il nous passait, et je chante encore : " au pied de mon arbre, je vivais heureux… " sans une faute. A côté de moi, c'était " Marcel " un para, ancien enfant de troupe, dont tous les frères étaient d'active : le dimanche, après être " allé voir les dames ", les pattes à la retourne, il s'inspectait avec un miroir pour voir " s'il n'y avait pas de petites bêtes " en souvenir. Les trois " pieds noirs " étaient sympas, l'avocat stagiaire moins : assez grande gueule, sa grande taille maladroite le desservait sur le parcours du combattant. A part la planchette irlandaise, qu'il faut accrocher du bout des doigts à deux mètres du sol pour se rétablir, et le mur, les " petits " sont les champions, se jouant des obstacles où il faut se faufiler, le tuyau, les chicanes, les barbelés etc En diagonale, en haut, c'était Jean, qui a payé très cher ses idées, il est allé jusqu'au bout. Il n'y a jamais eu d'accrochages violents entre nous, ce qui ne retirait rien à nos convictions. Il fut, bien sûr, question de la torture, comme d'un fait; l'attitude générale c'était de vouloir se comporter correctement, en respectant l'adversaire. L'un de nous, séminariste de je ne sais plus quel ordre religieux, avait reçu de son Père Supérieur, l'ordre de se tenir à l'écart de tout çà. D'un niveau égal au nôtre, il " loupait " systématiquement toutes les épreuves à fort coefficient, ce dont tout le monde s'était aperçu. Mais il n'a pas dévié de sa conduite. Pour ma part, j'avais lu " La Question " d'Henri ALLEG, et je lisais les éditoriaux de François MAURIAC ou de Jean-Jacques SERVAN-SCHREIBER. J'étais d'accord pour l'honneur du soldat, dans le cadre de " la voie étroite " censée cheminer entre l'humanisme d'un côté, le danger fasciste et le communiste de l'autre. J'étais d'accord pour que le rebelle ne soit pas " comme un poisson dans l'eau ", et que notre bon vouloir conquière le cœur des populations.On verrait bien !! Quelles étaient nos motivations ? Très diverses, entre le souci d'accomplir un service militaire plus confortable, et…payé, avec une petite (toute petite) parcelle de décision, jusqu'à celui de participer à la mission civilisatrice de notre pays, ou celui de faire son " régiment " près de chez soi. En passant, je me rappelle la mémorable colère de mon père lorsque j'avais fait mon dossier pour les E.O.R. : " Comment, a-t-il hurlé, pour payer mes impôts on ne m'a jamais fait d'histoires, mais pour envoyer mon fils à la guerre, il faut mon certificat de réintégration !!!!"* Pour l'instant, j'y étais, et il fallait travailler durement, remplir tous les postes de nos futurs " administrés " : sergent, caporal de semaine, tour de garde etc. Les moments de vraie détente étaient rares, il fallait " piocher " les manuels à fond. Je n'aimais pas la garde, qu'il fallait assurer pendant 24 h 00 quand c'était le tour de la section. Les sentinelles se relayaient toutes les deux heures, et j'ai plusieurs fois été désigné à la protection du transformateur de l'Ecole. Ce cube de 3 mètres de côté était éclairé par un lampadaire puissant, qui laissait évidemment un demi périmètre dans l'ombre. Le métier de toute honnête sentinelle, c'est de se faire égorger par un commando tapi dans les buissons, le couteau entre les dents. On voit ça dans tous les films, c'est pareil à tous les coups ! Inutile de dire que, pas spécialement peureux de nature, j'abordais les coins sombres l'arme haute, et la culasse à l'arrière, le doigt sur la détente ! Je ne devais pas être le seul à le faire, et on nous a cité nombre de cas de cadres zélés qui voulaient imprudemment tester la vigilance des plantons, en s'approchant en rampant et qui s'étaient fait descendre …avec, ou sans…. sommations !
Nos Chefs
Les cadres de l'Armée, bien que cela n'apparaisse que très peu dans les comportements, étaient partagés en plusieurs courants. Les officiers de carrière, quelques rares légitimistes passés au travers des purges, mais surtout les jeunes capitaines et lieutenants, passés par St Cyr ou les Corps de Troupe, acquis aux théories de la guerre psychologique et révolutionnaire selon les enseignements tirés de la guerre d'Indochine. Et il y avait les officiers issus de la Résistance, qui avaient continué leur carrière dans l'Armée. Je garde un souvenir intense du commandant de l'École, le Colonel MAREY* Héros de l'Armée secrète de la Loire, il venait de contribuer puissamment au succès de la Bataille d'Alger à la tête de ses Zouaves. Il s'inscrivait en faux contre les théories du " 5ème Bureau de Contre-Guérilla et d'Action Psychologique " ; celles-ci partaient du principe d'une coalition communiste internationale visant à anéantir l'Occident Chrétien. " Le chemin de Paris passe par PEKIN et ALGER " aurait dit Mao Tsé Toung. La Preuve, par conséquent, puisque que PEKIN est déjà " rouge " et que c'est en plein déroulement pour ALGER !! Au cours de deux amphis plutôt houleux, où les cadres d'active avaient du mal à se contenir, le Colonel nous affirma qu'il s'agissait d'une guerre nationaliste, et non d'idéologie. Il avait rencontré dans leurs cellules presque tous les dirigeants du FLN, dont BEN BELLA, tous anciens sous-off de l'armée française. qui, à l'issue des combats de la Libération, d'Afrique du Nord, Italie, France, Allemagne, rentraient d'Indochine et s'étaient rebellés face à la situation. Nos commandants de compagnie étaient des hommes sages et pondérés, nos lieutenants chefs de section avaient un dynamisme remarquable, ils venaient tous des unités combattantes. Quant à l'adjudant de compagnie, un Corse débonnaire, il suffisait qu'il dise " attention, petit château, petit château* " pour que tout rentre dans l'ordre !! J'insiste pour dire qu'à part les divergences sur l'hégémonie de Moscou et de Pékin, l'ambiance était assez libérale. Chaque compagnie avait son chant, entonné dans tous les défilés. Le nôtre, c'était " le Chant des Maréchaux " tiré du film que j'ai trouvé superbe, de Sacha GUITRY. " Il faudra bien que la guerre finisse un beau matin. Quand finira la guerre, la guerre, J'irai revoir ma mère si l'bon dieu le veut bien ! Quand finira la guerre, lorsque les Autrichiens, les Russes et les Prussiens iront couchés sous la terre, avec les Parisiens…… "etc. Ce n'était absolument pas " militariste " à tout crin!!! A la soirée officielle de fin de stage, et sous la direction d'un des nôtres, élève de l'École des Hautes Études Cinématographiques, nous avons présenté un sketch où, sur la musique de " carrousel valse " avec un jeu de miroirs, nous avions présenté un truc invraisemblable, réalisé avec des cartons collés et peints en noir. La forme rappelait très vaguement celle d'une mitrailleuse de 12.7. C'était " l'arme psychologique ", et il fallait " la braquer dans le sens de l'Histoire " !!!! Pour moi, on nous aurait dit " vous vous battez pour la vigne et pour le blé (on ne parlait pas encore de pétrole), cela aurait été un objectif valable, et pourquoi pas ?
Les unités voisines
Souvent, la nuit, le mortier tonnait vers Gouraya. Mais, hormis les grosses opérations, l'École déroulait seule son programme. Une fois, nous avons été bloqués toute une journée pour faire tirer des E.O.R. des Transmissions avec toutes les armes d'infanterie, depuis le canon de 75 sans recul, en passant par le fusil, et toutes les armes automatiques. J'étais à l'atelier du lancer de grenades, des " offensives " heureusement. Les gars du dernier peloton à passer chez nous étaient fatigués, groggys, sonnés par toutes ces déflagrations encaissées pendant toute la journée. Beaucoup avaient la grande barre rouge en travers du front, signe qu'ils avaient mal positionné le caoutchouc mousse du lance-roquettes. Au départ du coup, leur casque avait basculé vers l'avant, d'où la balafre. D'autres avaient le coude gauche percé de trous de cordite : il ne faut rien laisser dépasser du bouclier, parce que la flamme du départ projette des particules enflammées qui trouent le treillis. J'ai un transmetteur en charge : " En position…-Quoi ? me fait-il. " Visiblement ses oreilles en ont pris un coup. Il faut lui expliquer, et il met un genou en terre, derrière le muret du pas de tir. " Dégoupillez… -Hein ? " Il réalise, dégoupille l'OF….et la laisse choir en même temps. L'engin fusant, juste à mes pieds, je le lance le plus loin possible, pile dans un trou où allaient sauter deux gars. Je n'ai jamais vu enclencher aussi vite la marche arrière, et leur regard, plus tard ne contenait vraiment aucune chaleur à mon égard !! Un accident d'armes, ça arrive très vite.
En nomadisation, le commandant de compagnie va entrer, pour l'inspecter, dans un de ces marabouts à toile épaisse de l'armée américaine, où loge une section. Plusieurs détonations claquent, la toile au dessus de l'entrée est percée de 6 trous qui font comme une auréole à notre capitaine, qui ne bronche pratiquement pas, juste un peu surpris. Il entre sous la guitoune, toujours la pipe au bec, et il a l'explication : un E.O.R. a commencé à nettoyer le fusil-mitrailleur en laissant le chargeur dessus. 15 " pains " ! Il s'en est fallu d'un rien ! A l'armurerie, une autre fois. Un capitaine rend son arme, et, après avoir enlevé le chargeur, donne le coup de sécurité, le canon dirigé vers le plafond. PAN ! la balle va se loger dans les solives ! Il n'y a pas de sécurité de chargeur sur le Colt 45.
Les " pieds noirs "
Nous n'avons pratiquement jamais eu de contact avec les Cherchellois, hormis nos promenades en ville, les rares dîners au restaurant, ou les pots dans des bars. Le " prêt " était de 35 francs par mois, pas de quoi mener la vie des grands ducs !!. Nos 3 " coturnes " voulaient défendre l'Algérie, mais n'étaient pas des fanatiques. Par contre, je me souviens bien de " la veuve ", une superbe quadragénaire aux formes voluptueuses, patronne d'un estaminet dans la grand-rue de CHERCHELL. Campée sur le trottoir, le poing sur la hanche, elle nous regardait fièrement défiler. Beaucoup plus tard, j'ai su qu'un soir, elle aurait exagéré sur les prix avec des légionnaires qui rentraient d'opération et qui s'étaient mis en colère.Son bar aurait été mis à sac et entièrement ravagé. Evidemment, nous avons fait connaissance avec " le couscous ". Il nous était servi presque toutes les semaines, et, il dégageait un arôme épouvantable. Les connaisseurs prétendaient que c'était à cause de la viande, du mouton non castré. Effectivement ça se rapprochait du suint. D'autres disaient que c'était du chameau !Le reste du temps, ce devait être copieux et bon….puisque je ne m'en souviens pas !
Le treize mai
La semaine auparavant, mon copain Jean et moi avions eu une perme pour aller à ALGER. Nous avions déplacé les chevaux de frise en haut de la Casbah, et nous descendions tranquillement les ruelles étroites et sombres, les mains dans les poches, une caricature de " bidasses en goguette ". A un moment arrive en courant une patrouille de zouaves surexcités; je vois encore le chef avec la crosse du colt dégagée de l'étui : " Mais vous êtes fous, qu'est-ce que vous foutez là ? Vous voulez vous faire égorger ? " Ils nous entraînent vite fait avec eux, et nous voilà en train de descendre les ruelles, au pas de gymnastique, en vitesse accélérée, jusqu'aux barbelés du bas. Le treize mai, nous avons cru au rapprochement des deux communautés. Un mois après, nous avons bien vu que c'était uniquement sentimental, l'espace d'un instant !Cela ne semblait pas bien parti du tout.
Epilogue
A la mi-juin, nous sortions de l'Ecole, nommés sous-lieutenants, aspirants ou sergents pour les derniers ou les mal vus, à la " côte d'amour " déficiente. Je voulais les SAS, mais il n'y avait que 5 postes proposés, inaccessibles pour moi, même si j'étais bien classé. Alors j'ai demandé le Centre d'Instruction n° 7 des Troupes de Marine à Constance, où j'ai été instructeur du peloton d'élèves caporaux. Par la suite, j'ai chèrement " payé " ces 8 mois tranquilles, dans l'Ouarsenis et sur la frontière marocaine, secteur d'Aïn Sefra. Jean a choisi " les éducateurs de la jeunesse algérienne " sorte de préparation à des CAP. A son arrivée au Corps on lui a dit qu'il fallait d'abord aller en unité combattante, et là, les choses se sont gâtées. Je n'ai pas revu beaucoup d'anciens E.O.R. de cette époque. Mais CHERCHELL, " l'École ", reste pour moi un modèle d'efficacité et de réalisme.
Jacques LANGARD Groupement 140 de la Fédération Nationale André Maginot Ancien chef de section et commandant de compagnie au II/8ème Rima
*Certificat de réintégration : pièce d'état-civil qu'il fallait demander au tribunal du lieu pour faire établir que le demandeur était de nationalité française.Cela concernait tous ceux nés entre 1870 et 1918, comme mon père, né en 1902 à Bionville sur Nied, ou comme ma mère, née en 1914 à Saverne.*Merci à l'Association des Anciens Zouaves qui m'a communiqué la biographie du Colonel MAREY, ainsi qu'à Jean MOUROT, camarade de promo 803 (Sous les Drapeaux de deux Républiques) qui m'a signalé mon erreur à ce sujet. Le colonel MAREY a été tué dans une embuscade le 28 mars 1959 à El MILIA
* " Petit Château " : la prison
Voulez-vous en savoir plus sur l'école de cherchell ?
Pendant une première phase, et selon un programme approprié, l’E.O.R. perfectionnait son instruction individuelle au cours d’une série d’exercices de combat menés jusqu’à l’échelon du groupe, acquerrait ou découvrait la valeur de la discipline, le goût de l’action et de l’effort, s’initiait à l’entraînement physique militaire (parcours du combattant, combat rapproché) en un mot devenait un exécutant parfait. Des cours de Topographie, Armement, Transmissions et Génie complétaient cette formation sur le plan théorique.Chaque semaine étaient effectués de nombreux tirs aux armes individuelles ou collectives de la Section.Des exercices exigeant des efforts prolongés étaient faits de jour et de nuit dans des conditions de difficulté croissante.Cette première phase était sanctionnée par un examen éliminatoire.
Les rallyes, de chef de groupe et de chef de section, épreuves individuelles destinées à tester, outre les connaissances acquises, les qualités de résistance et de volonté, étaient redoutés par les E.O.R.Voici deux expériences de rallyes de chef de groupe vécues, la première par Jean Mourot, promo 803 (1958) et la seconde par Arnaud de Vial, promo 102(1960-61)
Rallye individuel
Nous étions partis un matin de la fin février, l’arme à la bretelle, pour notre premier “rallye" ; nous devions en connaître deux autres. C’était encore une innovation de notre colonel. Dans le passé, certains de nos prédécesseurs en avaient bien connu un, mais un seul,et en fin de stage. Pour notre compte, nous devions subir le rallye individuel du combattant, celui du chef de groupe et, pour couronner le tout, celui du chef de section qui devait fortement compter pour le classement final. Sur un itinéraire tracé à dessein de façon à multiplier les accidents de terrain, nous devions alternativement passer de l’altitude 1 ou 2 à l’altitude 100, 150, 200, en évitant le plus possible les routes et les pistes. Des ateliers, tenus par des instructeurs galonnés, jalonnaient l’itinéraire. Nous devions y répondre à des questions le plus souvent d’ordre pratique, effectuer quelques exercices (lire une carte, mettre en œuvre un poste de radio, faire exploser un pétard de dynamite), exécuter un tir (au fusil, au P.M.), en utilisant une arme présentée entièrement démontée, se hisser en haut d’une corde, franchir les obstacles les plus divers... épreuves bien entendu notées pour enrichir notre dossier personnel. Pour ce premier rallye, nous devions décrire, à partir de l’École, le contour d’un vaste cœur sur une trentaine de kilomètres. Le circuit était chronométré et les départs donnés toutes les cinq minutes. J’avais attendu mon coéquipier à l’atelier précédent. J’avais cru, bien naïvement, à la solidarité dans l’équipe et la réciprocité des bons procédés. Je n’avais pas compté avec l’esprit de compétition qui commençait à faire ses ravages parmi nous. Je me résignai à continuer seul. Ce n’était pas pour me déplaire: n’ayant plus de responsabilités qu’à l’égard de moi seul, j’allais pouvoir adopter l’allure raisonnable qui me convenait. Je m'éloignai tranquillement de la ferme abandonnée où je venais de lancer quelques grenades...
Au Plateau Sud j’avais exécuté quelques acrobaties dans les bâtiments délabrés de la ferme Brincourt, longé des vignes à l’abandon, parcouru des champs d’artichauts quand se présenta le premier obstacle sérieux: un oued abondant, d’une dizaine de mètres de large. Pas question de traverser à pied sec: il aurait fallu monter sur un bourricot et aucun ne pointait le bout de ses oreilles dans les parages. Restait à me déchausser. Ce que je fis tranquillement. Le bas du pantalon retroussé, j’entrai avec précaution dans l’eau froide jusqu'à mi-jambe... Arrivé sur l’autre berge, je pris le temps de me faire sécher. Après quoi je me rechaussai et j’entrepris posément l’ascension d’une colline boisée en haut de laquelle une poignée d’examinateurs devaient attendre le client, d’après les coordonnées qui m’avaient été communiquées au précédent atelier. J’arrivai juste pour recevoir les premières gouttes d’un orage qui menaçait depuis quelque temps. Je n’avais encore parcouru que le tiers de l’itinéraire.De gros nuages noirs avaient envahi le ciel, bousculés par d’autres, aussi peu rassurants.
Après quelques minutes passées à l’abri, je dus me rendre à l’évidence: il n'y aurait pas d’accalmie avant longtemps. Il fallait y aller résolument et se résigner à la douche glacée... Je ne tardai pas à être complètement trempé, les vêtements traversés jusqu’à la peau. Je me réchauffais en grignotant de temps en temps des morceaux de sucre dont la provision commençait à se dissoudre au fond de mes poches. L’heure d’une collation plus substantielle me semblant arrivée, je m’arrêtai sous un arbre et j’ouvris une boîte de pâté. Des concurrents zélés me dépassaient à la hâte, avalant quelques bouchées sans s’arrêter. Une telle soumission aux règles du jeu me consternait, sans pour autant me couper l’appétit. Je mastiquai avec application le contenu de ma boîte avec un morceau de pain humide.Transformé en éponge des pieds à la tête, je n’avais plus de sec que mes pieds dans leurs rangers et un espace intime au bas du ventre. La pluie n'avait pas cessé de tomber, et le ciel était toujours aussi noir. Devant moi l’oued El Hachem non loin de son embouchure, large et froid. Je n’avais plus le courage de m’arrêter pour me déchausser. D’ailleurs, à quoi bon! Mon treillis trempé me glaçait la peau: il me fallait du mouvement. Tant pis pour ce qui était encore sec! Je choisis dans une courbe un passage apparemment praticable, l’onde limpide laissant voir le sable du fond, tout près de la surface que criblaient les gouttes de pluie, et je m’y engageai résolument. L’eau de l’oued me parut chaude, tant était glaciale celle qui tombait du ciel. J’en avais jusqu’à la cheville. Je pouvais y aller, il me resterait encore un endroit préservé entre les jambes! Je devais cependant m’attendre à ce que ce fût un peu plus profond en face, au pied de la rive concave. Les jambes de mon pantalon étant déjà bonnes à tordre, je ne risquais plus rien. Encore quelques pas et.... “Merde! ” Je m’étais brutalement affaissé jusqu’à la ceinture, basculant en avant, le canon de mon fusil s’enfonçant dans la boue du rivage. L’eau tiède avait atteint mes derniers retranchements.Un rétablissement et je me retrouvai sur la terre molle, dégoûtant et dégoûté. Je rinçai mon fusil dans l’oued après l’avoir tant bien que mal débouché à l’aide d'une brindille(3) et je me lançai à l’assaut de cette fameuse cote 181 (4) à laquelle on accédait par les non-moins fameuses “Échelles de Jacob”, un long et abrupt sentier en lacets que les trombes d’eau avaient rendu ce jour-là extrêmement glissant.Redescendu de 181, j’avais traversé l’Oued Bellah accroché par les pieds et les mains à une corde reliant les deux rives à quelques mètres au-dessus de l’eau et j’avais atteint la route nationale Alger-Ténès. Je m’étonnais de patauger dans mes rangers sans être le moins du monde incommodé: aucun échauffement, aucune ampoule, aucune écorchure, comme si l’eau se comportait en élément protecteur. Des champions de marathon me dépassaient parfois, se déhanchant frénétiquement pour gagner quelques minutes dont je me demandais ce qu’ils en feraient et disparaissaient bientôt derrière le rideau liquide qui reculait sans cesse. Je traversai Cherchell accompagné par le regard ahuri et vaguement apitoyé des habitants qui nous suivaient des yeux, bien à l’abri dans l’embrasure de leur porte.Dans le fond de mes poches, le sucre était devenu sirop et je ne pus allumer la dernière cigarette que la pluie avait épargnée, mes allumettes étant désormais impropres à leur usage habituel.À Rocher Rouge, on tirait au fusil: tir instinctif, en déplacement.On courait de cible en cible, s’immobilisant devant chacune pour lâcher une balle au jugé... Mes résultats ne furent guère brillants. Mais le canon de mon arme termina l’épreuve orné d’une étonnante enflure vers l’une de ses extrémités. En terminant le nettoyage entrepris à l’oued El Hachem, les balles avaient dilaté leur guide d’acier au passage... Il me restait à remonter vers la Tour Espagnole qui dominait de sa masse géométrique et crénelée la petite ville coincée entre ses remparts et la mer, en pataugeant dans la boue rouge et visqueuse des champs qu’il fallait traverser en évitant les chutes, particulièrement désagréables sur ce genre de terrain...Enfin, ce fut l’École, le Quartier Dubourdieu... Un dernier contrôle... Je me réjouissais à l’avance de pouvoir bientôt me déshabiller et me sécher... Eh bien non! Il fallait encore subir une ultime épreuve. Dans une salle que quelques haut-parleurs remplissaient d’un vacarme assourdissant fait de cris, de ronflements de moteurs, d’explosions, de coups de feu, il fallut répondre à un questionnaire désarmant de simplicité et bourré de tautologies ou de contradictions qu’il nous fallait confirmer ou infirmer. Exemple: “Population actuelle de l'Algérie? ” J’eus envie de répondre n’importe quoi. C’eût été faire le jeu des organisateurs.On voulait manifestement juger de notre état de fraîcheur intellectuelle à l’arrivée et de notre résistance à l’abrutissement.Je répondis au mieux et rapidement puis je rejoignis la chambre 91 que j’avais quittée neuf heures auparavant.Le Plateau Sud dérivait dans la grisaille. La pluie continuait de tomber... 3/ Plus malchanceux que moi, un camarade perdit son arme au cours de cette traversée. ll fallut sonder l’oued sur plusieurs dizaines de mètres pour la retrouver. 4 /...de l’altitude zéro à l'altitude 181.
Jean Mourot SOUS LES DRAPEAUX DE DEUX REPUBLIQUES (Extrait de A CHERCHELL avec ceux de la 803)
Les bleus au rallye
Nous nous apercevons bientôt que nous n’avons encore fait qu’effleurer de nos lèvres la coupe amère des épreuves longuement distillées par le brain-trust de l’école. Un bruit lancé par le téléphone arabe fait rapidement le tour de la compagnie : le « Rallye des chefs de groupe » doit avoir lieu très rapidement.La nouvelle est exacte et nous nous retrouvons au petit matin à la ferme tenue par les G.M.S. (Groupes Mobiles de Sécurité).Nous démarrons par l’atelier transmission. Il faut caler l’émission des différents postes, convertir des fréquences en « channel » avant de passer par l’instructeur « Arabe » où les traditionnels « tebni el mechta grib essas : tu construiras ta mechta près de la S.A.S. (Organisation chargée des Affaires Sociales) et « Ouin sebt hâdi el moukh’arla » (où as-tu trouvé le fusil ?) sont de rigueur.
L’oued Bellah est franchi à gué, l’atelier de Brincourt nous questionne sur la manière de réduire une fracture. Dans la foulée, nous abordons le « Neurkache » où nous avons à réduire une résistance ennemie en manœuvrant avec l’appui d’un fusil mitrailleur.Par les lignes de crête, nous rejoignons le pied du Tbaïent ( cote 348).Là nous vidons un chargeur de pistolet mitrailleur sur une silhouette d’homme debout. Il nous faut gagner l’atelier topo en dévalant à la course les longues pentes de l’oued el Kantara. ( Le rallye est noté sur le temps qu’il nous aura fallu pour boucler le circuit et sur la moyenne des notes obtenues aux ateliers)De l’autre coté c’est l’ascension du versant est du talweg, extrêmement raide. La fatigue habituelle s’insinue lentement dans nos équipes. Le soleil se rappelle à notre bon souvenir et les oranges font rapidement concurrence au vitascorbol et aux cachets de sel.Bientôt, c’est la marche à la boussole, chacun pour soi. Une fiche nous indique le cap à tenir.Maintenant seul, je grimpe sur la ligne de crête et de là, je prends mon angle de marche en effectuant une visée lointaine sur les mamelons dominant l’oued Rassous.Après avoir empoché ma boussole je cours à perdre haleine en zigzaguant à travers les touffes de genêts et les arbres rabougris de la montagne ; passage à gué de l’oued presque à sec. J’atterris tout près du contrôle, je récupère Givone et nous planchons ensemble à l’atelier topo- estimation des distances à la réglette.
Dans la foulée nous continuons sur Pointe Rouge où nous expédions d’un tir au Mas 49-56 une silhouette d’homme couché dans l’autre monde. C’est ensuite la marche forcée sur la route de Cherchell, nous retraversons l’oued el Kantara vers deux heures de l’après-midi et sans prendre le temps de regarder la Méditerranée, nous grimpons péniblement à Sidi-Yaya, où nous arrivons complètement hébétés de fatigue.Il faut maintenant organiser un combat de nuit, avec un groupe qui doit reconnaître un groupe de mechtas au pied de l’oued Faïfer. J’en profite pour ouvrir mon sachet de ravitaillement et je mange en marche, comme les tirailleurs tout en me dirigeant vers la ferme Tripier où m’attend l’atelier « explosifs ».J’ai un tronc d’arbre à faire sauter !C’est encore au pas de course que nous gagnons la cote 211 et face à la mer, nous repérons sur notre carte des points remarquables que nous signale un dessin panoramique.L’oued Bellah, en contrebas, est franchi sur un énorme tuyau d’irrigation de 3 mètres de diamètre et c’est le lancer de grenades, avant d’effectuer de périlleux rétablissements dans les poutres d’une gare démolie.Je pars en courant vers le dernier atelier, situé à plus de 35 km du départ. Mais je suis trahi par une crampe ; Martinez de Hoz me double et je ne réussis à le rejoindre qu’au « bordj Ghobrini », devant la « salade d’armes » mélange de pièces de toutes les armes d’instruction disponibles : fusils, pistolets-mitrailleurs, F.M…. qu’il faut bien sûr trier et réassembler le plus rapidement possible.Il ne me reste qu’à rejoindre notre ligne d’arrivée, et à me faire pointer au contrôle, avant de m’écrouler dans l’herbe haute, avec quelques camarades.Nous rentrons à Brincourt hagards, mais nous sommes heureux d’avoir réussi sans craquer cette épreuve qui fait de nous de jeunes anciens (les bleus au rallye !) Arnaud de Vial «CEUX de CHERCHELL»2° édition, 2009,EDITIONS FONSCOUVERTE
" Messieurs, je ne vous salue pas car un militaire ne salue jamais des criminels."
Colonel Jacques Amiot
Besançon le 28 juillet 2021
.
Monsieur le Président de la République,
Monsieur le Premier Ministre,
Monsieur le Ministre de la santé,
Quoi qu’il puisse m’en coûter je n’hésite pas à affirmer que vous êtes des criminels et j’associe à cette accusation tous ceux qui vous soutiennent dans votre funeste besogne : certains élus, journalistes, (je ne généralise pas).
Vos premiers crimes remontent au début de 2020 quand, par décret, vous avez refusé aux médecins généralistes la possibilité de soigner leurs patients sous des prétextes fallacieux. Depuis cette époque vous avez des dizaines de milliers de morts sur la conscience car beaucoup de nos concitoyens auraient pu être traités et sauvés.
Je vous défie de me prouver le contraire, car, partout dans le monde, des médicaments ont prouvé leur efficacité. Début 2020 on a aussi découvert que la Chloroquine, largement utilisée depuis plus de 70 ans notamment en Afrique, était mystérieusement devenue un produit dangereux.
Le seul but de cette décision totalement illogique et condamnable a été de pouvoir imposer un « vaccin » en tentant de justifier qu’il n’y avait pas d’autres solutions.
La vérité finira par éclater ; vous ne pourrez pas encore la cacher bien longtemps.
Depuis plus d’un an le général Delawarde fait des recherches minutieuses et publie des analyses approfondies par lesquelles il a démontré que les pays qui pratiquent les traitements précoces ont proportionnellement beaucoup moins de décès que la France ; bien tardivement l’Institut Pasteur vient d’ailleurs de confirmer l’intérêt de l’Ivermectine. Le général a également démontré que la « pandémie » était très largement surfaite et qu’elle pouvait être gérée de manière beaucoup moins destructrice. D’autres maladies sont beaucoup plus meurtrières mais on en parle très peu.
Vous êtes des criminels car, toujours en raison de ce refus de soins, les hôpitaux ont été engorgés, des opérations et des soins urgents ont été repoussés avec pour conséquences de nombreux décès ; sans parler de « l’assassinat » de personnes âgées par le Rivotril par manque de moyens en raison de votre incurie.
Vous êtes des criminels car, toujours pour cette raison, vous avez provoqué l’effondrement de l’économie avec pour conséquence un chômage de masse, des suicides…
Messieurs de l’exécutif je ne suis pas anti vaccin ; depuis des années, avec mon épouse, nous nous faisons vacciner contre la grippe et je ne critique pas ceux qui se font « vacciner » car c’est leur choix qui, souvent, a été largement provoqué par la propagande de médias aux ordres.
Il ne faut pas s’étonner de cette attitude de nombreux médias car beaucoup sont la propriété de ceux qui vous ont propulsé au pouvoir par effraction, avec l’aide efficace de la justice, qui a bien opportunément disqualifié monsieur Fillon.
Il est par contre monstrueux de vouloir injecter de force aux Français des produits, toujours en cours d’expérimentation et dont on ne connait absolument pas les effets notamment à moyen-long terme. Les Français, à vos yeux, ne sont rien d’autres que des cobayes soumis au bon vouloir de puissants laboratoires pharmaceutiques.
Manifestement vous accomplissez scrupuleusement la feuille de route prévue depuis longtemps par les mondialistes dont le seul souci est d’imposer un «vaccin » afin d’engranger des milliards de dollars.
Pour imposer cette feuille de route vous avez constamment menti aux français et gouverné par la peur, des cas, des hospitalisions, des décès largement surévalués.
Les mesures que vous avez décidées le 12 juillet sont le fruit de l’imagination de psychopathes tyranniques. Nous faisons partie des cinq pays du monde à être rentré dans une tyrannie plus que draconienne. Qu’est devenue la patrie des droits de l’homme ?
Par plusieurs lectures j’ai compris que pour imposer une gouvernance mondiale les mondialistes devaient préalablement éliminer les nations souveraines ; j’avais encore un léger doute mais je n’en ai plus.
Messieurs Klaus Schwab, Jacques Attali, Georges Soros, Bill Gates, Anthony Faucy, et beaucoup d’autres ne s’en cachent pas ; pour s’en convaincre il suffit de retrouver les déclarations et écrits de ces oligarques qui se prennent déjà pour les maitres du monde.
Avec eux vous participez donc activement à la destruction de la France, et actuellement vous nous préparez le coup du variant Delta, certainement pas plus létal que les précédents, de manière à soumettre encore un peu plus le peuple.
Le Conseil Constitutionnel et le Conseil d’Etat démontrent que l’on ne peut rien attendre d’eux ; ils sont complices.
Nous avons bien compris que vous voulez culpabiliser les non « vaccinés » et, surtout, que votre principal but est de dresser les Français les uns contre les autres. J’espère qu’ils auront l’intelligence de ne pas tomber dans ce piège maléfique ; sans quoi tout peut arriver.
Pour moi il ne s’agit pas uniquement de liberté de choix mais, surtout, de préserver mon intégrité physique et celle de mes proches. Affirmer que les « vaccins » ne présentent pas de risques graves relève de la « voyance » et non de la science.
A vos places je ne serais pas tranquille car l’histoire a montré que les tyrans et leurs collaborateurs finissent en général très mal. Je comprends que des Français, peut- être naïfs et crédules pour certains, veuillent devenir députés (c’est une bonne place) ; je comprends que des journalistes veuillent préserver leur emploi, mais beaucoup devraient se méfier de ne pas trop collaborer avec un pouvoir devenu tyrannique car ils risquent d’en payer le prix fort. On surveille, on note.
Je ne vous salue pas car un militaire ne salue pas des criminels.
On parle de complot sans trop savoir de quoi on parle.
On prend l’info pour de l’intox et l’intox pour de l’info.
On devient paranos !
C’est le prisme du complotisme qu’il va nous falloir bien examiner au tableau rien que pour savoir si nous pêchons par excès ou par défaut.
Et s’il nous faut dramatiser ou dédramatiser avec les mots, comme on le fait tous les jours sur les réseaux sociaux…
La question qui sort du lot est celle de savoir si on nous vaccine pour des raisons de santé ou si on nous vaccine contre la liberté d’agir et de penser ?
Pour ne pas déroger à ma façon d’agir et de penser, je vais m’interroger, façon de manifester moi aussi mon mécontentement ou plutôt mon étonnement… parce que je suis comme vous, ce que je redoute le plus, c’est d’être rongée par le doute.
Qu’est-ce qu’un complot ?
On va dire que c’est un coup monté pour avoir plus de pouvoir politique, idéologique ou financier.
Disons pour avoir plus de gens, d’agents et d’argent. C’est tout bénéfice pour ceux qui s’accomplissent en pratiquant ce genre de vice qui consiste à se servir en faisant semblant de nous servir.
Pour les complotistes la prise ne suffit pas, pour que leur coup aboutisse ou réussisse, il leur faut une emprise sur ce qui nous sert de matière grise. C’est pour cette raison qu’on parle de lavage et d’essorage des cerveaux.
Les anti-vaccins manifestent tous les samedis notamment pour prévenir que le pouvoir qui nous vaccine, nous vaccine pour avoir sur nous plus de pouvoir, certains diront qu’il nous endoctrine, d’autres qu’il nous assassine.
Et cette exagération fait désormais partie de notre narration quotidienne : à quel saint va t-on se vouer quand on prétend savoir qu’aucun d’entre eux n’est dévoué. Il n’y a que la gangrène et les gangrénés, même au sein de l’église, il y a la crise des consciences et des innocences. On en sera bientôt à notre quatrième vaccin et on ne saura toujours rien sur ceux qui font sonner le tocsin à coups de flashs répétés et de manière prolongée pour faire tâche… pour que l’alarme nous désarme.
Et la question reste entière :
Qu’est-ce qu’un complot ?
C’est selon toute vraisemblance : UN PROJET concerté secrètement afin de nuire à quelqu’un ou afin de détruire quelque chose : un état, une institution, une nation.
Tout dépend de l’échelle de nuisance : de la plus petite à la plus grande, il n’y a pas les mêmes mains, ni les mêmes tours de manivelle, je veux dire le même degré de manipulation.
Question quasiment enfantine, pour ne pas dire infantile : Qu’est-ce qui se trame derrière ce virus, ce versus, ce vaccin ?
Quelle puissance financière ?
Quel laboratoire, quel marché noir, quelle machination banquière ?
S’il y en a une, on finira par le savoir, tôt ou tard, il y aura des fuites et on saura à qui ces crimes profitent.
Mais il y a sans doute autre chose derrière, une autre base arrière que l’on peut appeler « le pouvoir discrétionnaire », celui qui s’octroie tous les droits pour s’étendre et se consolider. Les États dits de droit n’hésitent pas à en user et en abuser pour légitimer leurs faits et leurs forfaits…
Mais de là à pré-fabriquer un poison et à réinventer un remède, il y a un pas que je ne franchirai pas même si l’appât du gain et la volonté de puissance sont capables de tout, y compris de faire passer le mal pour un bien.
Mais il y a sans doute, plus fin encore qui ne peut éclore que si on songe au plus fort… à la force totale et totalitaire, despote et autoritaire… et qu’on appelle l’autorité absolue. Celle que Hobbes surnomme : le Léviathan et Hegel : le monstre froid.
Là où les coups d’essais sont des coups de maîtres… là où on se ne casse pas la tête, on coupe celle qui dépasse… Les dissidents comme les plus fervents des opposants sont tous exterminés sur le champ. Pas d’exception à la règle. On règle le compte de toutes les exceptions.
Je n’incrimine pas la Chine, mais je m’incline devant son pouvoir de faire valoir toujours secrètement son pouvoir… elle a commencé depuis Mao à avoir un ascendant absolu sur les siens… et maintenant avec Xi Jinping elle a fini par le vouloir sur les autres… états-nations en perdition ou en quête d’absolution…
Oui les autorités chinoises ont pu monter ce coup foireux par erreur ou par fausseté… je ne dis pas qu’ils l’ont fait mais qu’ils auraient pu le faire… ils en avaient les capacités et les intérêts de nous réduire en poussière avec un dilemme à la clé : santé ou liberté ?
Salud o libertad ?
Je pourrais citer d’autres pays que la Chine capables de tout pour faire courber l’échine tout autant à leurs frères qu’à leurs adversaires.
Mais je ne le ferais pas pour ne pas vous priver de l’honneur de le faire… faire le lien entre l’autoritaire et le totalitaire.
Silence. Les secteurs du tourisme, de la culture et même les autorités locales ne veulent pas promouvoir leurs activités dans la partie Ouest de la wilaya de Tipasa. En effet ; à la sortie Ouest de Messelmoune précisément ; une zone rurale dans laquelle avait été érigée une ferme au bord de la mer, que cet évènement planétaire occulté par nos responsables avait eu lieu.
Pourtant l’exploitation intelligente de la journée du 22 octobre peut donner une autre image positive de notre pays d’une part et d’autre part rendre service aux jeunes de cette région pour révéler leurs talents. La création de richesses, des emplois et la consolidation des liens avec les touristes américains et européens. Cette maison avait abrité dans le secret absolu sous l’ère de Vichy, une réunion secrète américano-anglaise, en présence des résistants français. Cette rencontre présidée par l’Adjoint du Général Eisenhower avait abouti à la libération de l’Afrique, de l’Europe et du monde du nazisme. Un fait marquant.
Tout avait été préparé en Algérie pour libérer le monde du joug nazi. Pourquoi n’a-t-on pas choisi un autre lieu dans un autre pays ? Or ; 71 années après, cet évènement est totalement ignoré par nos décideurs. Des algériens avaient aussi préparé les repas durant cette mission des officiers militaires américains et anglais dans cette ferme.
A présent, cet abri historique est à l’abandon en dépit de son classement. Les passagers ignares ne se gênent pas pour le transformer en un dépotoir, un lieu de débauche hélas, même les excréments humains sont exposés. Ce monument chargé d’histoire devra être enseigné aux jeunes algériens, afin qu’ils sachent que des hommes avaient décidé de se rendre en Algérie pour se retrouver dans ce lieu, afin de décider de l’avenir du monde et de réfléchir sur l’anéantissement des troupes nazies.
Bref ; le 19 octobre 1942 dans le détroit de Gibraltar ; le lieutenant anglais, Norman Limbury Auchinleck Jewell (29 ans), Commandant du petit sous-marin « Seraph », avait été convoqué par le major Général américain Mark Wayne Clark par le biais du capitaine anglais Fawkes. Une importante conférence anglo-américaine allait se tenir à la Résidence du Gouverneur à Gibraltar. La préparation d’une mission secrète qui doit avoir lieu dans une ferme située au bord de la plage de Messelmoune (Algérie), à l’Ouest d’Alger (110 kms environ), tel est l’objet de cette réunion.
Le capitaine anglais Fawkes a immédiatement répondu, « le projet est parfaitement réalisable » dit-il au Général américain. Le Général Clarck était l’adjoint du Général Dwight Eisenhower, Commandant en Chef des forces terrestres, navales et aériennes de la coalition contre les armées nazies. « Nous sommes le 19, pouvez-vous me mettre à terre pour le 21 ou le 22 ? », demande le Général américain Clarck. « Si nous pouvions partir ce soir répond le lieutenant Jewell, nous pourrions arriver le 22 », dira le Commandant du sous-marin. Robert Murphy, le chargé des intérêts américains auprès de l’Algérie colonisée est prévenu immédiatement de cet arrangement.
Après un dîner, la conférence historique de la Résidence s’achève donc au foyer Depot-Ship à Gibraltar. Un groupe de commandos anglais monte à bord du Seraph. Sa mission consiste à accompagner et assurer la protection des responsables militaires américains dirigés par le Général Clark, afin de les amener du sous- marin « Seraph » vers la plage de Messelmoune et assurer leur retour vers le sous-marin, après la réunion secrète.
« Nous sommes le 19, pouvez-vous me mettre à terre pour le 21 ou le 22 ? », demande le Général américain Clarck. « Si nous pouvions partir ce soir répond le lieutenant Jewell, nous pourrions arriver le 22 », dira le Commandant du sous-marin. Robert Murphy, le chargé des intérêts américains auprès de l’Algérie colonisée est prévenu immédiatement de cet arrangement.
Après un dîner, la conférence historique de la Résidence s’achève donc au foyer Depot-Ship à Gibraltar. Un groupe de commandos anglais monte à bord du Seraph. Sa mission consiste à accompagner et assurer la protection des responsables militaires américains dirigés par le Général Clark, afin de les amener du sous- marin « Seraph » vers la plage de Messelmoune et assurer leur retour vers le sous-marin, après la réunion secrète.
Même à bord, l’objet de la réunion était jalousement gardé. « Nous reconnaîtrons la maison en Algérie, car à sa gauche quand nous la regardons de la mer, on va apercevoir une grande colline en pain de sucre (colline de Hadjret-Ennous, ndlr) et un petit oued se jette dans la mer, exactement au-dessous explique le Général Clarck. Les habitants de cette maison auront une puissante lumière blanche qu’ils dirigeront uniquement du côté de la mer. Certains d’entres eux se retrouveront sur la plage pour nous accueillir », précise le longiligne Général américain.
Il y avait 5 américains et 3 commandos anglais à répartir sur les 4 embarcations démontables. Les militaires enmission avaient prévu toutes les solutions pour échapper aux éventuelles situations catastrophiques qui peuvent les surprendre au cours de cette périlleuses mission secrète.
A l’aide de ses jumelles, le Général Clarck déclare, « vous êtes tombé tout droit dessus, c’est bien travaillé », dira-t-il au lieutenant Jewell. Celui-ci est décédé à l’âge de 90 ans en 2004, faut-il le préciser. Le général américain Clarck décide de quitter le sous-marin en tenue militaire. « Nous irons à terre en tant qu’officiers américains pas autrement dit-il, cela aidera les gens que nous devons rencontrer à se souvenir de ce que nous sommes et de ce que nous représentons. Il ne faut pas qu’ils oublient un seul instant que nous sommes américains et que derrière nous, il y a des milliers d’autres américains », précisera le Général américain, avec son calme, en dépit de la complexité de la mission.
A 02h00 environ, dans la nuit du 20 au 21 octobre 1942, les américains, malgré leurs fortes corpulences, s’enfoncent dans leurs kayaks respectifs, selon le plan d’action établi, afin de rejoindre le rivage et pouvoir enfin tenir la réunion secrète avec le groupe de résistants français. En plus de la présence des anglais, des américains, des français, il y avait quelques ouvriers algériens qui travaillaient dans cette ferme. « Les arabes étaient aimables et souriants » selon les témoignages des commandos anglais. Jacques Tessier est le propriétaire de la ferme.
Le 22 octobre 1942, vers 04h00 du matin, les américains escortés par les commandos anglais regagnent le « Seraph », malgré une mer houleuse. La mission est accomplie. Sur la plaque commémorative à l’entrée de cette ferme, il est écrit : « Ici commence la route de la libération de la France, de l’Europe et du monde du joug nazi ». Le résultat de cette réunion secrète ne s’est pas fait attendre. Le débarquement des troupes alliées en Afrique du nord avait commencé dans la nuit du samedi 7 novembre au dimanche 08 novembre 1942 à Alger, à travers l’opération « Torch ».
Cette opération minutieusement préparée donc par les américains et les anglais dans la ferme de Messelmoune (Tipasa) marque le 1er succès des alliés durant la 2ème guerre mondiale. L’Afrique du Nord entière passe ensuite aux mains des forces militaires américano-anglaises avec le soutien de la résistance française. L’opération « Torch » selon les historiens, avait permis aux alliés d’ouvrir la voie pour les futurs débarquements en Sicile (Italie) et en France d’une part mais d’autre part, elle aura été à l’origine de l’éviction et la défaite des troupes nazies qui se trouvaient dans le continent africain. La wilaya de Tipasa à travers son chef de l’exécutif commençait à s’intéresser à ce lieu historique à partir du mois d’octobre 2004.
Des légers travaux d’aménagement avaient été engagés à partir de 2005. Le recasement des 55 familles qui occupaient illicitement dans l’exiguïté la vieille bâtisse délabrée avait eu lieu le 15 février 2007. Khalida Toumi, Ministre de la Culture s’était rendue sur les lieux en 2008. Son département ministériel a classé le ferme « Stigès » sur la liste des monuments historiques nationaux. Une importante enveloppe financière avait été allouée par les pouvoirs publics pour entamer les travaux de réhabilitation et de confortement de cet endroit qui avait regroupé la réunion secrète américano anglo-française le 22 octobre 1942. Hélas ; les choses ne semblent pas bouger depuis des années. Le 05 décembre 1999, l’ex. Ambassadeur U.S, Cameron Hume se rend jusqu’à la ferme pour effectuer une visite touristique. En septembre 2012 au musée de Cherchell, l’actuel ambassadeur U.S. son excellence Henry Ensher affirme, « nous travaillons en étroite collaboration avec les autorités algériennes pour intervenir dans le secteur culturel dit-il, d’ailleurs nous considérons que cette ferme historique qui avait abrité la réunion secrète présidée par notre compatriote, le Général Clarck au mois d’octobre 1942, comme étant un lieu qui renferme une partie de notre passé historique », conclut-il. Cette vieille bâtisse n’est plus fréquentée.
Cet ancien refuge historique n’arrive plus à résister aux agressions de la nature (érosion, ndlr) et des hommes incultes. Nous avons du mal à penser que nos voisins, marocains et tunisiens, auraient agi de la même façon que nos décideurs. Le développement culturel et touristique ne concerne pas uniquement les grandes villes en Algérie. Il concerne l’ensemble du pays.
Samia Arhab « …la sœur du journaliste Rachid Arhab qu’on ne voit plus » Va bientôt interviewer Jacques cros dans le documentaire « MON ALGérie à moi »
Mais il y a 7 ans en 2014 Jacques Cros nous commentait quelques souvenirs concernant "sa" guerre d'Algérie et de son retour en France, en passant par le "putsch d'Alger" et le 19 mars 1962... En attendant le documentaire de Samia Arhab voici donc ses souvenirs en 2014 :
Départ pour l'Algérie, arrivée à Oran
Le Ville d'Alger
C’était à la fin février 1960 peut-être le 26, c'est-à-dire le jour de mes 20 ans. C’était l’après-midi. J’étais dans ma classe de CM1 à l’école de La Plaine à Bédarieux. Envoyé par Monsieur Espitalier, le directeur du cours complémentaire, qui était aussi le directeur de l’école primaire, un élève est venu m’apporter un courrier. Il s’agissait de ce que dans la région on appelait «la billette». C’était l’avis de mon affectation pour effectuer mon service militaire. Il m’était ordonné de me rendre au Camp Sainte Marthe le 1er mars à Marseille afin de prendre le bateau pour Oran où je devais faire mes classes au 1/66ème Régiment d’Artillerie, un régiment disciplinaire était-il précisé. J’ai accusé le coup. J’espérais en effet que mes classes se feraient en France et que cela me permettrait d’avoir un délai avant de partir en Algérie. Avec les déclarations de de Gaulle sur le droit à l’autodétermination je pensais même que ce serait bientôt la fin de la guerre. Eh non ! Je ne sais plus si je suis allé en classe le lendemain. En tout cas le 29 je ne me suis pas rendu à mon travail. Le dimanche j’étais allé m’entraîner à La Prades. Oui, à cette époque là je faisais du cross-country l’hiver et du demi-fond l’été. Je me revois en train de faire ce qu’on appelait du fractionné. Je ne savais pas encore que c’était déjà la fin de ma carrière sportive ! J’avais écouté la chanson de Berthe Sylva « On n’a pas tous les jours 20 ans » en compagnie... elle s’appelait Jacqueline et nous avions l’un et l’autre perdu notre vertu il y avait quelques jours ! Il fallait s’organiser pour aller prendre un train assez tôt à Béziers le 1er mars. Jeannot Escudier un Cessenonais de ma classe qui était appelé à Alger avait trouvé une solution. Lucien Taillades qui était épicier allait se ravitailler à Béziers le matin de bonne heure avec sa camionnette. C’est ce moyen de transport que nous avons emprunté. Nous avions beaucoup de temps devant nous avant le départ de notre train. Nous l’avons passé chez un boulanger, il s’appelait Charles Orus, un parent de Jeannot Escudier, et la boutique se trouvait pas très loin des Allées rue Solferino. En gare de Béziers d’autres conscrits prenaient également le même train que nous. Je leur ai demandé si eux aussi allaient défendre nos puits de pétrole afin de pouvoir approvisionner nos briquets en essence ! A Marseille nous n’avons pas eu à flâner. Des camions militaires nous ont emmenés illico au Camp Sainte Marthe. C’était Mardi Gras et c’est ce jour-là que j’ai été déguisé en troufion. Nous avons fait un paquet de nos vêtements civils et l’armée s’est chargée de les expédier à l’adresse que nous avons indiquée. Il me semble qu’il y a avait un self installé sous une tente et que c’est là que nous avons mangé. Je revois le soir sous la lumière des réverbères du camp mon ombre portée avec un calot sur la tête ! Je découvre aussi que la bière pouvait être conditionnée autrement que dans des bouteilles puisqu’on la trouvait en boîte ! La veille il y avait eu un tremblement de terre à Agadir. Dans ma naïveté j’imaginais que nous pouvions être envoyés au Maroc pour apporter notre aide aux sinistrés. Mais la guerre se fout des serments d’amour… elle n’aime que le son du tambour ! A l’armée on ne fait rien mais on le fait de bonne heure. Nous avons dû nous lever vers les 3 h du matin pour embarquer au milieu de la matinée sur Le Ville d’Alger. Le navire appartenait à la Compagnie Générale Transatlantique. Les vêtements de l’équipage portaient le sigle CGT ! Il y avait de quoi rêver ! La société propriétaire du bateau Le Ville d’Alger (et de quelques autres à n’en pas douter) a dû faire de bonnes affaires pendant toute la durée de la guerre. Dommage pour elle que celle-ci se soit terminée. Le Ville d’Alger a été démoli en 1969. Sur le pont les postes radio à transistors donnaient la chanson de Bourvil « Salade de fruits, jolie, jolie… » Pour moi la nuit s’est passée sur un transat. Les membres de l’équipage louaient leurs cabines à ceux qui pouvaient payer. Nous avons dû arriver en vue des côtes d’Afrique au petit matin. La silhouette bleue des montagnes que nous avions aperçues m’avait impressionné. Nous sommes entrés dans le port d’Oran sans doute en début d’après-midi. Dans tous les cas on nous avait servi un repas dans un plateau métallique à alvéoles. A l’entrée du port, sur le quai apparaissait l’inscription en lettres énormes « ICI LA FRANCE ». De rage j’ai envoyé mon plateau par-dessus bord ! C’était haut, il a mis du temps à atteindre la mer !
"ICI LA FRANCE"
C’est l’inscription qui figurait sur la jetée du port d’Oran quand j’y suis arrivé sur le Ville d’Alger en mars 1960. Je l’ai raconté par ailleurs, cela m’avait mis hors de moi et de rage j’avais jeté par-dessus bord le plateau métallique dans lequel on nous avait servi notre repas.
Un ancien d’Algérie, avec lequel j’ai pris contact via Internet, m’a envoyé la photo de cette jetée et de cette inscription. De six mois mon aîné, lui n’avait découvert l’inscription qu’après moi car il avait effectué 14 mois en métropole avant de rejoindre le théâtre des opérations de « maintien de l’ordre ». Oui c’est ainsi qu’on désignait ce que plus tard on a avoué être une guerre, la guerre d’Algérie.
Avec le recul on mesure combien les autorités civiles et militaires n’avaient pas préparé les Européens d’Algérie à l’issue pourtant prévisible. Deux ans avant le cessez-le-feu, prélude à l’indépendance du pays, on entretenait encore la fiction d’une Algérie française.
Fiction lourde de conséquences pour la suite. On a conditionné les Pieds Noirs à l’idée qu’il n’y avait d’autre avenir pour eux que dans la perpétuation du colonialisme lequel avait débuté en 1830 avec le débarquement à Sidi-Ferruch et s’était maintenu par la force, y compris militaire, jusque là.
Que ce colonialisme ait été par nature source d’injustices et de révolte n’était pas reconnu. Les rapports entre les communautés, entachés au mieux de condescendance, mais le plus souvent de racisme, faisaient des autochtones des gens que la logique des choses maintenait dans une manière d’apartheid.
En France aussi on avait entretenu l’illusion que nous apportions là-bas « la civilisation ». L’Ecole laïque elle-même avait joué sa partition dans ce concert même si des voix s’étaient élevées pour réclamer l’égalité entre les citoyens d’Algérie, qu’ils soient d’origine européenne ou maghrébine.
A Oran nous étions donc en France affirmait l’inscription sur la jetée du port ! Pourtant dès 1959 De Gaulle avait déjà lâché le mot « d’autodétermination » pour la plus grande colère d’ailleurs des Européens d’Algérie. Oui, on ne leur avait vraiment offert aucune alternative, en tout cas pas celle de rester dans un pays, qui était celui où ils vivaient, si celui-ci devait accéder à l’indépendance.
A partir de là s’est déroulé un enchaînement d’actes désespérés parmi lesquels, outre la semaine des barricades à Alger, s’inscrit la tentative de putsch des généraux félons en avril 1961 puis le déchaînement de violences qui a caractérisé l’action de l’OAS.
On connaît la suite, particulièrement ce qu’ont été les événements du 5 juillet 1962 à Oran.
ICI LA FRANCE disait l’inscription sur la jetée ! Il eut à coup sûr été préférable d’engager le dialogue sur d’autres bases. Mais le colonialisme n’est que le fruit du capitalisme et à vrai dire ceux qui le justifient encore aujourd’hui sont cohérents avec leur acceptation d’un tel système dans lequel « la raison du plus fort est toujours la meilleure ». Sauf que… l’histoire a tranché !
Sur le putsch d’avril 1961
Je ne suis pas exactement sûr de la chronologie dans le récit que je vais faire de ces événements que j’ai vécus en tant qu’appelé du contingent.
Le samedi 22 avril, en fin d’après-midi en revenant de la piscine du Kreider qui se trouve à une dizaine de kilomètres au nord de Bou-Ktoub où était cantonnée la moitié de la 4ème batterie du 1/66ème régiment d’artillerie, j’ai appris la nouvelle de la tentative de putsch qui venait d’avoir lieu à Alger.
Ce soir-là nous n’avons pas bougé. Le lendemain les langues allaient bon train dans le bordj de Bou-Ktoub où était une garnison d’une cinquantaine de soldats, essentiellement des appelés du contingent. Le capitaine était un certain Giscard d’Estaing et était je crois un oncle du futur président de la république. Ceux qui servaient au mess des officiers nous avaient signalé qu’il avait fait enlever la photo du général de Gaulle aux murs de celui-ci.
Le dimanche après-midi nous avons décidé de rédiger une déclaration exprimant notre volonté de rester fidèle au gouvernement légal. J’ai été chargé de la rédaction du texte et Bernard Donjon, l’autre maître-chien de l’unité, s’est occupé de le recopier.
Nous avons présenté cette déclaration à la signature de tous. Nous avons recueilli me semble-t-il 47 signatures. Parmi le contingent il n’y a pratiquement pas eu de refus, sauf celui du chauffeur du capitaine, lequel, selon le mot de Donjon pratiquait de manière constante l’alliance du volant et du goupillon. Oui il ne manquait pas la messe le dimanche !
N’avait pas non plus signé un maréchal des logis d’origine bretonne, dont le nom était peut-être Hascouet ou quelque chose d’approchant et qui avait paraît-il le projet de s’engager dans les CRS.
Par contre un autre maréchal des logis, un certain Lucien Dugardin, originaire de Roubaix et communiste, de « semaine » selon l’expression en usage dans l’armée, nous avait fait distribuer la totalité de nos munitions. Oui, pour des raisons de sécurité, on ne nous en laissait qu’une partie.
Dans l’après-midi du dimanche des camions de la Légion Etrangère sont passés, montant sans doute vers Oran. Il y en avait un grand nombre, peut-être un régiment complet, et nous n’aurions pas été en mesure de nous opposer à quoi que ce soit.
Je pense que c’est le dimanche en fin d’après-midi qu’un train rempli de libérables parti de Méchéria qui est à quelques dizaines de kilomètres au sud de Bou-Ktoub avait été renvoyé depuis Saïda ou Perrégaux vers son lieu de départ et avait stationné quelque temps dans la gare de notre localité. Nous étions allés essayer de convaincre ces libérables de protester mais ils étaient trop accablés pour réagir.
Le dimanche soir j’étais de garde. Pendant cette période les postes à transistors ont joué un rôle important pour faire passer les informations. Nous avions entendu, sur je ne sais plus quelle station, que le lieutenant colonel Singer qui commandait le 1/66ème R.A. avait rallié les putschistes. Nous n’avons jamais pu le vérifier.
Au milieu de la nuit il y a eu l’appel de Michel Debré précédé de La Marseillaise. Comme j’étais à ce moment là au poste de police je me suis mis ostensiblement au garde-à-vous ! On sentait de l’angoisse dans la voix du Premier Ministre !
Le lundi nous avons fait partir notre pétition à notre lieutenant colonel qui se trouvait à la Batterie de Commandement et de Services située près de Saïda. Nous avons également envoyé un double dans les batteries où nous avions des contacts.
Nous avons également avisé les deux sous-lieutenants, des appelés, qui étaient en poste l’un à Bou-Ktoub l’autre au Kreider que nous leur confierions le commandement s’il s’avérait que notre capitaine prenait partie contre le gouvernement légal. Quoiqu’en désaccord avec les putschistes ils étaient dans l’expectative ! L’aspirant responsable du service de santé avait lui par contre signé notre déclaration de principe, fustigeant avec insistance et détermination les généraux félons !
Le lundi ou le mardi soir je ne sais plus, nous avons tenu une réunion dans une pièce qui servait de salle de classe. Oui l’armée faisait du social à bon compte avec les appelés du contingent qui étaient instituteurs dans le civil et même avec ceux qui n’avaient pas de formation particulière en la matière.
Nous étions un groupe assez décidé. Le responsable du magasin d’entretien, peintre dans le civil, était d’accord pour nous fournir de la peinture afin d’aller badigeonner les murs de la ville d’inscriptions donnant notre position sur le putsch. Comme j’étais surveillé il fut convenu que l’opération se ferait le mercredi où je devais être de garde à nouveau. Mais le mercredi c’était la reddition des putschistes !
Il y avait deux bistrots à Bou-Ktoub, l’un très exactement devant l’entrée du bordj, l’autre guère plus loin, en face du chenil. Les propriétaires avaient pavoisé et mis un drapeau tricolore sur la devanture de leurs établissements. Le maréchal des logis qui n’avait pas signé notre pétition voulut se rattraper. Il subtilisa le drapeau qui était le plus éloigné de l’entrée du bordj… et me le remit !
Qu’en faire ? Je l’ai finalement planqué dans une espèce de galetas qui était au-dessus de la chambre des deux maîtres-chiens. J’étais un peu inquiet car il y était pendant que s’effectuait une revue de munitions étalées sur nos lits. Oui, comme il y en avait qui étaient subtilisées et qu’elles arrivaient sans doute dans les mains des combattants de l’ALN ces contrôles étaient fréquents. Au passage je dois dire que ce n’était pas très exaltant d’enlever les 8 fois 25 cartouches de nos chargeurs de mitraillette et de les remettre après la revue. Aussi Donjon les laissait dans un chapeau d’où il les sortait à la demande ! Pour un peu il serait parti en opération avec des bouteilles de bière dans ses sacoches à la place de ses chargeurs, arguant qu’en cas d’accrochage il se contenterait de les décapsuler !
Quelques jours après la fin du putsch le chef d’escadron Guyot qui commandait en second fit une visite dans notre cantonnement. Nous étions tous rassemblés dans la cour du bordj quand l’adjudant Chassagne me fit sortir des rangs afin que je sois présenté à l’autorité en visite. Je n’en menais pas large ! Il y eut simplement un discours au terme duquel on nous assura que nous n’aurions en aucun cas été entraîné dans une aventure ! Après coup c’était facile de le dire !
Après ces événements nous ne revîmes plus notre capitaine Giscard d’Estaing. Sans doute fut-il muté de manière disciplinaire. Nous reçûmes en remplacement un capitaine que j’avais connu à la BCS avant de la quitter pour devenir maître-chien. Le bruit courait qu’il était chargé de la sécurité militaire et qu’il enquêtait pour savoir qui était à l’origine de la pétition.
Ce n’était pas mon écriture qui figurait sur celle-ci j’étais donc un peu à l’abri. Donjon était tellement farfelu qu’on ne pensait pas à lui. Il était pourtant communiste ! Les soupçons s’étaient portés sur un certain José Bianco, originaire de Marseille lui aussi aux jeunesses communistes et fils de républicain espagnol. Là c’est un maréchal des logis, un engagé, qui avait tenté de trouver le responsable, faisant venir les choses de loin dans le style : « Vous, Bianco si vos parents sont partis d’Espagne c’est à cause du régime ? » A quoi Donjon, qui assistait à l’interrogatoire, avait répondu ! « Mais non, c’est à cause du climat et de la nourriture ! »
Ah non, nous n’étions pas encore au bout de nos peines, j’ai dû subir l’absurdité de cette guerre pendant encore un an !
Le 19 mars 1962 à Géryville
A cette date j’étais encore « sous les drapeaux » et mon unité se trouvait à Géryville, une sous-préfecture au sud de Saïda, située sur les hauts plateaux à l’est du Chott Ech-Chergui, qui porte aujourd’hui le nom de El Bayadh. Culminant à 1376 m la ville est la capitale de l’alfa.
Dans les dernières semaines qui avaient précédé le 19 mars nous avions été déplacés à plusieurs reprises. Venus de Bou-Ktoub nous étions arrivés une première fois à Géryville, en étions repartis pour l’oasis « Les Arbaouet » et nous étions à nouveau à Géryville. Après le cessez-le-feu nous avons encore quitté la ville pour l’oasis de Ghassoul située plus au sud. C’est d’ailleurs à partir de Ghassoul qu’a commencé vers la fin avril mon long rapatriement en France.
Personne ni chez les gradés ni parmi la population européenne ne donnait l’impression d’une prise de conscience de ce qui se passait avant le 19 mars.
Le cessez-le-feu entrait en vigueur à midi. Dans la cour du cantonnement Kadri Benkadour, que les circonstances avaient amené à être dans l’armée française, m’avait invité à boire une bière pour célébrer la fin de la guerre. L’espoir changeait de camp, le combat changeait d’âme !
Déjà, je l’ai su par la suite, des militaires de carrière d’origine arabe ou kabyle, négociaient leur pardon auprès des Algériens en détournant des munitions qu’ils faisaient passer au FLN.
Dans l’après-midi de ce 19 mars 1962 ma section a été appelée à une opération de maintien de l’ordre dans un quartier périphérique de Géryville. Il y avait là des mechtas, c'est-à-dire des maisons basses avec un toit en terrasse. Leurs occupants avaient mis de petits drapeaux verts, ceux du FLN, sur ces toits.
Un groupe de soldats de mon unité, normalement affectés au garage, constitué de pieds-noirs qui avaient participé aux barricades de janvier 1960 à Alger et qui à ce titre et sous peine de sanctions pénales s’étaient vus contraints de s’engager, a fait irruption dans le quartier. Apparemment ils n’avaient pas reçu d’ordre mais agissaient de leur propre chef. Leur action consistait à se faire ouvrir les portes et à faire enlever les drapeaux. Les gens n’ayant pas le choix ils obtempéraient. Malgré les coups frappés une porte ne s’ouvrit pas. Tout simplement parce que l’habitant était chez ses voisins. Les coups contre la porte ont redoublé au point de risquer de l’enfoncer. Le propriétaire des lieux est sorti et a été molesté par le groupe.
Je n’ai pas pu m’empêcher de crier mon indignation d’un : « Chapeau l’armée française ! » qui a pu été entendu par tous et notamment par le lieutenant qui commandait notre section, un « deux barrettes », un certain Baguet. Ne sachant comment réagir il appela le capitaine par radio. Celui-ci ne tarda pas à venir sur les lieux et me demanda ce que j’avais dit. J’amputais un peu mon propos en reconnaissant que j’avais crié « Chapeau ! » et je complétais en déclarant que je trouvais indigne que l’armée ne respecte pas les engagements de notre gouvernement qui venait de signer les Accords d’Evian, lesquels se traduisaient par le cessez-le-feu.
A vrai dire le capitaine était embarrassé. Il savait que j’étais communiste mais me rendait justice, je ne lui avais jamais posé de problème particulier. Il ajouta qu’il m’avait même proposé pour être Premier canonnier ! Il faut vous préciser que j’étais pratiquement le plus ancien dans le grade le moins élevé ! En fait sa proposition n’était pas vraiment franche puisque, je l’ai appris par la suite, j’avais bien été inscrit sur une liste mais à la fin, de façon à ne pas être promu. J’ai donc fini mon service militaire comme Deuxième canonnier ce qui au demeurant n’avait aucune espèce d’importance!
Mais ce qui s’était passé dans les faubourgs de Géryville était sans commune mesure avec ce qui s’est déroulé au centre. Des fusillades ont éclaté pendant une partie de l’après-midi. Le bruit a couru que le commando Cobra, normalement basé à Saïda, avait ouvert le feu sur la population qui avait été appelée par le FLN à manifester. Il y avait une trentaine de morts a-t-il été dit. Je n’ai jamais pu établir la réalité ce qui a eu lieu. Je pense que le couvre-feu a été décrété par l’autorité militaire.
Il y a eu dans le secteur où opérait ma section un autre fait que je vais relater. Un officier, un lieutenant me semble-t-il, qui n’appartenait pas à notre unité, m’a apostrophé. Il tenait une MAT (mitraillette) à la main et était complètement paniqué, m’expliquant que pendant que nous regardions en face nous risquions d’être attaqués par l’arrière. Décidément encore un qui n’avait absolument rien compris. Je n’ai pas pu dialoguer vraiment avec lui tellement nous étions à des années lumière l’un de l’autre mais mon visage a dû être suffisamment expressif pour qu’il mesure le fossé qui nous séparait.
Le lendemain ma section était encore de service de maintien de l’ordre mais cette fois j’en ai été dispensé par le capitaine qui m’a affecté à la fonction de garde chambre. Chaque jour l’un d’entre nous restait en effet au cantonnement pour ce faire. Toutefois l’état d’esprit n’était plus à la soumission parmi le contingent et Jean-Pierre Valade, originaire de la Corrèze, avait déclaré : « S’il y a encore des choses qui ne vont pas il y en aura d’autres pour le dire ! »
Plus de 51 ans après le 19 mars 1962
Je suis en contact avec le webmestre du site Géryville Nostalgie qui avait mis en ligne il y a quelque temps le récit que j’avais rédigé des événements que j’avais vécus le 19 mars 1962 à Géryville.
Pour accéder à Géryville Nostalgie : cliquez sur ce lien :
Mon récit a donné lieu de la part d’internautes à quelques compléments ou correctifs. Ils me permettent d’ajouter divers éléments supplémentaires à mon histoire.
Des photos m’ont conduit à situer le quartier où ma section était en « maintien de l’ordre ». Selon toute vraisemblance il s’agit du quartier Legraba encore appelé « Village Nègre ». Oui, en Algérie des quartiers de maisons basses avec des toits en terrasse avaient été créés à la périphérie des villes au moment de l’expansion du colonialisme. Ils étaient occupés par les indigènes.
Sur ces photos on voit des personnes, hommes, femmes, enfants, qui quittent le quartier avec des drapeaux. Sans doute s’agit-il de gens qui vont manifester au centre ville pour exprimer leur joie du cessez-le-feu qui est entré en vigueur à midi et qui ouvre la voie à l’indépendance de l’Algérie.
J’avais fait état de la fusillade que nous avions entendue dans l’après-midi et des morts qu’elle avait à coup sûr engendrés, sans avoir de précision ni sur leur nombre ni sur qui a tiré.
Il m’a été rapporté que ce seraient les hommes du commando Cobra ou du commando Georges (basés à Saïda), qui sont les responsables du drame. Je n’ai pas le moyen de vérifier. Si c’est exact on comprend la volonté de représailles de la population envers ceux de leurs compatriotes qui s’étaient mis au service de l’occupant.
Grâce au site que gère Monsieur Toumi Noureddine j’ai eu un échange avec Mme Fatima Esstitnia, une fille d’une victime. Celle-ci s’appelait Belaouni Mebarka et devait être… nous dirions aujourd’hui une militante de la cause algérienne. Fatima avait alors 17 ans et était restée à la maison, tandis que sa mère était partie manifester, drapeau en main, avec sa jeune sœur.
Hélas la mère n’est pas revenue ! On l’a retrouvée le lendemain, morte près du pont de Legraba nous a dit sa fille, en cherchant sans doute à entrer dans le bain maure dont la porte est restée désespérément fermée. Peut-être a-t-elle été tuée après le couvre-feu qui avait été décrété ?
Dans un café de Géryville
C’était quelques jours après le cessez-le-feu du 19 mars 1962 et je me trouvais dans un bistrot de Géryville, sans doute avec Jacques Flotté, comme moi à l’époque instituteur dans le civil.
Nous avons d’ailleurs deux souvenirs différents de ce qui s’est passé ce soir là dans ce café.
Pour ce qui me concerne je revois au comptoir un Maghrébin satisfait de la situation et déclarant que du Maroc à l’Egypte « ils » étaient chez eux à présent. Je revois aussi un Pied Noir particulièrement mécontent des propos qu’il venait d’entendre et qui s’était montré agressif à l’encontre du Maghrébin. Oui il devait y avoir dans la tête de la majorité des Européens cette idée que l’indépendance de l’Algérie n’était pas acceptable et qu’elle ne serait pas !
Je ne garantis pas que ce soit ce soir là et dans ce café qu’a eu lieu la scène que se rappelle Jacques Flotté. Nous avions été interpellés par un client maghrébin, le même peut-être que celui dont je viens de parler. Il avait déclaré être le responsable du FLN à Bou-Ktoub où nous avions étés cantonnés pendant de longs mois et que nous les appelés du contingent ne risquions rien. Il avait ajouté être chauffeur de poids lourd et précisé qu’il arrêtait son camion pour boire un coup dans un des deux cafés du village.
A Bou-Ktoub je ne suis jamais allé au café mais je me souviens d’un camion souvent stationné au petit matin, le moteur en marche, devant le bâtiment où l’autre maître-chien et moi logions, en face du bistrot que tenait un Européen qui s’appelait peut-être Martinez.
N’en sachant pas davantage je n’en dirai pas plus !
La quille
Je me trouvais à Ghassoul, une manière d’oasis située au sud est de Géryville quand a commencé mon long rapatriement vers la France.
Ghassoul ? Qu’en dire ? Il y avait je crois un oued avec dans la vallée quelques cultures. Nous étions en avril et le printemps était là.
A côté du casernement, un village, aujourd’hui une commune de la Wilaya de El Bayadh, ex Géryville.
Je me rappelle avoir proposé d’aller déposer un chargement de poutres résultant d’une démolition non pas à la décharge comme prévu mais sur la place de ce village. J’avais obtenu satisfaction !
Il me semble que bien que le cessez-le-feu soit intervenu le 19 mars nous avons encore effectué des « opérations » dans le secteur. Le mot « opération » me semble d’ailleurs usurpé car une opération donne un résultat et des résultats…
Dans l’armée c’est colossal finesse. Il y avait un code, par exemple on pouvait entendre dans le poste radio « De roulettes… à ventilateur ». Là c’était un message envoyé depuis un camion à un hélicoptère.
Des fois ça compliquait la vie de celui à qui il était adressé. Ainsi à l’interrogation « Carmen-bolivien 43 ? » qui signifiait que le récepteur devait être le chef de la troisième section de la quatrième batterie du 1/66ème Régiment d’Artillerie il avait été répondu « Non, ici le maréchal des logis Ziouane » !
Notre cantonnement était en aplomb d’une espèce de ravin. Naturellement je comptais le nombre de « jours au jus. » J’étais là quand est arrivé le moment du départ.
J’avais glissé une cartouche dans une enveloppe, mis comme adresse celle de notre adjudant et déposé le tout dans la boîte à lettres. Heureusement que le vaguemestre n’a pas dû donner suite, j’aurais pu avoir des ennuis !
Nous sommes partis pour Géryville où nous avons dû rendre nos armes. Nous avons dû y passer une nuit. J’ai d’ailleurs oublié là la plaque qui nous avait été remise au moment de notre incorporation. Elle était perforée par le milieu et en cas de décès l’autorité militaire en envoyait une moitié à notre famille, l’autre moitié étant clouée sur le cercueil !
Nous avons rejoint Oran en camions, faisant me semble-t-il étape à la base arrière près d’Aïn el Hadjar où nous avons dû remettre l’essentiel de notre paquetage. Je revois des Maghrébins, incorporés dans l’armée comme appelés du contingent, cuisinant des tripes de mouton dans une poêle. J’ai su qu’ils avaient pu déserter peu de temps après. La France avait réussi ce tour de force de faire se battre les Algériens entre eux !
A Oran nous avons été hébergés au District de Transit où j’étais arrivé 26 mois plus tôt ! Ben oui, c’était long !
Nous entendions des fusillades dans la ville et en écho cela était reproduit par les postes à transistors. L’OAS tentait désespérément de remettre en cause les accords d’Evian ! L’état d’esprit qui régnait parmi les libérables était que nous n’avions pas à nous en mêler. J’aurais volontiers accepté d’en découdre !
Le lendemain matin une colonne de camions, précédée et suivie d’un half-track, survolée par un hélicoptère, a emmené les 800 hommes qui allaient embarquer dans le port militaire de Mers el-Kebir. C’est que la ville et le port d’Oran n’étaient pas sûrs. Nous avons donc traversé le Murdjajo et… ouf, nous nous sommes trouvés en sécurité dans l’enceinte de Mers El-Kebir.
Vue du port de Mers-El-Kebir
C’était le 23 avril 1962 et je suis monté une nouvelle fois sur le « Ville d’Alger », direction Marseille où j’ai débarqué le 24.
Ah, il fallait changer la monnaie algérienne contre la monnaie française. Oui, l’Algérie c’était la France mais il y avait quand même une monnaie différente. A la descente du bateau il fallait donc faire la queue mais on n’avait droit qu’à changer 100 ou 200 f. Eh bien j’ai fait deux fois la queue et j’ai pu ainsi changer les deux billets algériens dont je disposais.
J’avais le projet de rendre visite aux parents de José Bianco qui habitaient le quartier des Crottes à Marseille. Comme je disposais d’un peu de temps avant le départ de mon train je m’y suis rendu. J’avais même offert une paire de babouches achetées à bon prix je ne sais plus où à la jeune sœur de José.
J’ai pris mon train et je suis arrivé dans la nuit à la gare de Béziers. Evidemment il n’y avait plus de car à cette heure là ! Je me suis arrêté à l’Agence de La Marseillaise et devant l’affiche : « Le fascisme ne passera pas ! » j’avais exprimé mon scepticisme. Il était déjà bien passé dans l’armée !
Comme je demandais à deux messieurs où on pouvait trouver un taxi, ils ont été super sympathiques et m’ont emmené à Cessenon avec leur voiture. C’est que j’avais hâte de renter chez moi.
Il était tard et la maison était naturellement fermée. J’étais jeune et j’ai escaladé la façade pour atteindre le premier étage où la fenêtre de la cuisine avait été laissée entrebâillée. J’ai donc pu rejoindre mon lit et la personne qui l’occupait !
Quelques jours plus tard les gendarmes de Saint-Chinian sont venus récupérer les affaires militaires que j’avais encore avec moi : un pantalon, un blouson, une chemise, une cravate et des chaussures. Il n’y a pas eu de problème avec le fait que je n’avais pas ma plaque matricule.
La vie est ainsi faite que j’ai fini par évacuer de mon esprit cette période de ma jeunesse. A l’occasion du récit que j’en fais les souvenirs reviennent !
Sur le camp de harkis du Plô de Mailhac
A la rentrée qui a suivi mon retour d’Algérie en 1962 (une guerre que nous n’avions pas gagnée tant je manquais d’enthousiasme !) j’ai pris mon poste d’instituteur à Saint-Pons de Thomières. J’avais la classe de Cours Moyen première année.
Au cours du troisième trimestre de l’année scolaire 1962 / 1963 l’école a organisé une sortie de la journée au Plô de Mailhac où avait été installé un camp de harkis. Trois classes y avaient participé : la Fin d’Etudes dans laquelle exerçait Marcel Collot le directeur, le Cours Moyen deuxième année que René Gleizes avait en charge, et le Cours Moyen première année.
Nous avions pris le pique-nique et avions atteint notre objectif par Teussine où se trouve une maison forestière.
Il n’y eut guère de contacts entre nos élèves et ceux de l’école du Plô de Mailhac. Il me semble qu’il y avait trois classes dans cette dernière école.
On avait reconduit avec les harkis rapatriés les mêmes mentalités qu’en Algérie : outre les conditions d’hébergement à coup sûr déplorables, c’étaient le même racisme, les mêmes structures qui avaient déjà cours à l’époque coloniale qui étaient toujours la règle.
J’ai une anecdote à ce sujet qui m’a été rapportée par un camarade qui a enseigné quelques jours dans cette école. Il faisait chaud et un des instituteurs avait mis ses pieds dans une bassine d’eau fraîche et avait demandé à un de ses élèves de changer l’eau quand il jugeait qu’elle devenait chaude !
Bien sûr je n’avais pas approuvé le choix des Algériens qui avaient pris les armes contre leur peuple dans la lutte courageuse que celui-ci avait engagée pour l’indépendance de l’Algérie.
Mais ce qui l’emportait alors c’est la pitié que j’avais pour ces gens que l’on continuait à mépriser. Comme quoi il vaut mieux ne pas pactiser avec l’ennemi, que ce soit la puissance coloniale ou le patronat, on n’y gagne rien !
La photo qui illustre le présent article fait état de la prise de conscience de descendants de harkis qui en mai 2010 ont campé place Edouard Herriot près de l'Assemblée nationale.
Plus tard en 1968, aidé par un Maghrébin nous avions exhorté les harkis qui travaillaient comme forestiers à participer à la grève qui s’était développée en France. Je n’ai aucun souvenir du résultat de notre démarche.
La suite dans le documentaire de Samia Arhab...
Houtaud : à 18 ans, il fait avec les souvenirs de son grand-père
Thibaut Garcia, jeune réalisateur et Gaby, son grand-père : une tendre complicité sur fond de guerre d’Algérie. Photo ER
Thibaut Garcia, 18 ans, écrit et réalise un film de 52 minutes d’après les souvenirs de son grand-père, Gabriel, un jeune agriculteur du Haut-Doubs. Le documentaire se nomme « Mémoire d’appelé ».
Ces deux hommes ont sensiblement le même âge à quelque soixante-dix ans d’écart. 18 ans pour Thibaut Garcia en 2021 et 21 ans pour Gabriel quand ce dernier, tout jeune homme, part pour l’Algérie en décembre 1956. Petit-fils et grand-père se rejoignent sur ces huit années d’affrontements et de cruautés encore largement ignorées par les manuels scolaires.
Gabriel raconte alors son quotidien dans le désert saharien à Aïn-Sefra et Thibaut construit un documentaire, intime et historique. Un film de qualité qui confirme la vocation du lycéen pour le cinéma, surtout pour la direction de la photo puisque tel est son objectif : le cadre et la lumière.
Un an et demi de travail
Thibaut a consacré toutes ses « petites » vacances scolaires et ses week-ends à l’élaboration du film au cours de sa Première et de sa Terminale à Pontarlier. Le classement des lettres, des photos, de mots annotés, la recherche des faits de l’histoire officielle, tout un long travail de préparation a précédé l’écriture du scénario. Ont suivi les six interviews de son grand-père puis la laborieuse période de montage. Sur fond de musique originale et de narrations, une multitude de photos et de documents appuient le témoignage de Gabriel et retracent chronologiquement la guerre d’Algérie et le vécu d’un jeune agriculteur du Haut-Doubs parachuté dans le conflit.
« Sur fond de musique originale et de narrations, une multitude de photos et de documents appuient le témoignage de Gabriel et retracent chronologiquement la guerre d’Algérie et le vécu d’un jeune agriculteur du Haut-Doubs parachuté dans le conflit. »
« Je n’avais rien vu d’autre que mon chez-moi »
« J’avais pris le train une fois pour aller aux trois jours à Mâcon mais n’avais jamais vu la mer ». Il connaîtra le train, les convois, la traversée de la Méditerranée, le désert à l’infini, la faim, la soif, l’ennui des siens, les embuscades, la solitude, les gardes de jour et de nuit, la peur de sauter sur une mine, les 48° à l’ombre sans ombre, l’amitié. Il verra la torture. Il perdra des copains. Il jugera de l’absurdité de la guerre comme bon nombre des trois millions d’hommes qui ont été mobilisés de 1954 à 1962. Il entendra De Gaulle clamer à la foule « Je vous ai compris ». En 21 mois, une seule perm. Dur, dur. Et le 5 octobre 1958, à l’aube de fêter son 23e anniversaire, il montera à bord de l’Athos 2 et quittera Oran pour Marseille et rejoindra les siens à Houtaud.
« On est même retourné là-bas en 1990 »
Pendant 30 ans, il s’ensuivra les retrouvailles avec les copains. « Ça, c’était formidable ! On est même retourné là-bas en 1990. Peu de choses avaient changé. On a retrouvé d’anciens fellagas qui nous ont dit qu’ils avaient ordre de nous laisser tranquilles. Ils visaient les légionnaires et les pieds noirs. Et c’était vrai ».
« Tala radieuse assise au bord des vagues joyeuses de l’univers sauvage… Une odeur de bois mêlé au pain chaud… et sa montagne tout là-haut l’attendait » dans cette demeure chaleureuse d’où vient de s’éclipser, discrètement et pour l’éternité, feue la doyenne Aïcha à laquelle est dédié ce recueil de poésie. C’est dans cette ambiance poétique, peuplée de mots exquis et d’émotion que Saleha Imekraz, poétesse et artiste-peintre de la wilaya de Tipasa, a bercé les invités du complexe culturel du Chenoua, le temps d’une après-midi poétique, avec comme autres invités Rachid Zahali et Yacine Bouhira, adeptes de poésie populaire. Tala, la source en berbère, est un recueil de poèmes écrit par Saleha Imekraz en hommage à la région dont elle s’abreuve pour son inspiration artistique, une région qu’elle a aimée et adoptée dès son mariage avec un enfant du cru. Saleha exprima, d’emblée, son émotion de lire Tala (publié en 1997 aux éditions du Panthéon) au pied du mont Chenoua, dans le complexe culturel Abdelwahab-Salim (le compositeur dont elle était l’élève), dans une salle qui l’a écoutée religieusement murmurer son amour de cette région et du mont qui la surplombe. Saleha Imekraz, née Bourahla, a charmé l’assistance par une lecture suave de quelques pages de Tala et de son second livre (un quatuor) Les arbres bleus : fantasmes naufragés, écrit dans la douleur qui a suivi l’assassinat de Tahar Djaout. Sa lecture, ponctuée par des interventions des deux autres poètes qui ont déclamé de la poésie populaire en arabe, en français et en tamazight, a été un pur moment de délectation spirituelle dans une salle pleine d’amateurs de belles lettres et de rencontres littéraires et culturelles. Saleha n’hésitera pas, en saluant les invités, de les qualifier de compagnons culturels, pour ne pas dire de militants du renouveau culturel, vu que ce sont toujours les mêmes qui répondent à l’invitation, en l’absence des premiers concernés, en l’occurrence les responsables locaux de la culture. La lecture du recueil Tala a été un moment de bonheur pour les amateurs de belles lettres dans une ambiance ponctuée par le bruit des vagues de la plage du Chenoua, située en contrebas du complexe, et la grisaille de cet après-midi pluvieux, qui a ajouté au charme d’une écoute presque sous la couette. Les poèmes, lus avec un amour des mots et de la ponctuation, nous ont tirés de notre torpeur, nous ont entraînés là-haut, le long du parcours de cette source d’eau (tala), qui se fraye un chemin à travers le mont Chenoua pour aller se jeter dans l’immensité de la mer, symbole de tous les rêves. Tipasa, et en particulier la région du Chenoua, est partout présente dans le recueil de Saleha, qui raconte la légende de Sainte Salsa (Salsa s’envole avec l’encens de l’absinthe…), à laquelle est dédiée une basilique et une colline à l’entrée est du parc archéologique. La légende dit que cette jeune femme berbère, de son vrai nom « Malha », a été jetée à la mer pour avoir combattu l’idolâtrie et son corps a été récupéré par un pêcheur qui en reçut le message dans un rêve d’une nuit tourmentée. Le Chenoua est, pour Saleha Imekraz, plus qu’un lieu où elle réside depuis qu’elle a uni sa vie à un homme du cru, un Chenoui, mais une source d’inspiration pour écrire et réaliser des tableaux qui portent l’empreinte de cette belle région si accueillante, selon elle. Installée au cœur du Chenoua dans les entrailles de la forêt, non loin de ses cimes, dans un havre de paix qui surplombe la corniche de Tipasa, Saleha Imekraz dit qu’elle doit son talent et sa sensibilité à ces lieux féeriques où les couleurs contrastées du jour et de la nuit, du bleu du ciel et de la mer, du vert de la nature environnante forment une kyrielle d’idées aussi bien pour ses poèmes que pour sa peinture. Son amour pour l’écriture et la peinture sont là, omniprésents, dans ses œuvres que Saleha Imekraz exprime à travers des tableaux à thèmes très originaux, intitulés L’arbre à écriture, utilisant l’écriture et les mots qui donnent des œuvres en noir et blanc de toute beauté, ainsi que d’autres en couleurs où les mots sont toujours présents, comme pour « sacraliser l’écrit». Son inspiration vient aussi de la vie quotidienne en Algérie et une sensibilité à fleur de peau, traitant de sujets aussi divers que celui des inondations de Bab El Oued (el hamla), de la décennie noire (charnier), du sacré et du profane et de la contemplation, pour ne citer que quelques-unes. Invitée pour la première fois par la wilaya de Tipasa en 2009, le responsable de la culture de l’époque disait que cette rencontre était « destinée à donner la parole à des créateurs de mots», et que c’était « une initiative pour lancer le projet de coin du livre qui sera consacré dans la villa Angelvy afin de recréer le lien entre Tipasa et ses poètes, ses écrivains, en un mot ses artistes ». Depuis cette date, plus rien… remplacé par le vide sidéral culturel. La rencontre avec Saleha Imekraz a pris fin sur cette remarque de Paul Faizant, un citoyen de Sidi Ghiles, fidèle des rendez-vous artistiques, qui dit à Saleha : « Votre voix vient s’ajouter à celles des femmes du mont Chenoua, racontées par Assia Djebar, puisque le Chenoua a été votre source d’inspiration. »
Son père, Jacques Chevallier, maire libéral d’Alger dans les années de feu, était viscéralement attaché à cette terre d’Algérie, au point où il y vécut après l’indépendance et où il repose aux côtés des siens, selon ses vœux. Jacques est décédé en 1971 des suites d’une longue maladie. C’est dans l’avion privé de Chaban-Delmas, alors Premier ministre français, que sa dépouille a été rapatriée. Avec son regard clair, son sourire désarmant et ses silences parlants, Corinne est plus que la fille de son père auquel, au demeurant, elle voue une immense admiration. Historienne, romancière et profondément algérienne, elle avoue qu’elle ne peut vivre ailleurs qu’ici. Dans sa demeure au style mauresque sur les hauteurs d’Alger, on hume déjà un parfum d’histoire. On y décèle aussi l’empreinte du célèbre architecte Pouillon, qui en a tracé les contours et qui a souvent fréquenté ces lieux en sa qualité d’ami de la famille. Avec une infatigable passion, elle s’est mise à écrire il y a trois décennies. On voit bien que derrière une apparence réservée, Corinne cache un personnage opiniâtre qui, quoi qu’on dise, est en train de se faire un prénom ! Née le 5 juillet 1935, ici même, elle y a toujours vécu. « J’ai la chance de vivre à l’endroit même où je suis née », confie-t-elle en précisant que sa famille vit depuis des siècles à Alger et ses ancêtres reposent au cimetière Bru. Six générations se sont ainsi succédé. De son enfance, elle ne garde que quelques souvenirs épars. « Je me rappelle vaguement du débarquement des Américains qui ont largué leurs bombes sur Alger en 1942. Mon père, alors jeune maire d’El Biar, partait au boulot sous les bombardements. Il prenait des risques certains, mais il n’a jamais reculé. Jeune, j’ai fait mes études à Sainte Geneviève, près de l’hôtel Saint Georges. Plus tard, bien plus tard, ma dernière fille a fréquenté la même école. On a considéré que l’école algérienne était suffisamment rodée pour y mettre notre enfant qui a appris l’arabe avant le français. Elle se prénomme Wassila-Eloïse et est actuellement professeur d’art islamique à la Sorbonne. En 1943, mon père est parti faire la guerre à Monté Cassino en Italie. Puis, il a été envoyé en Amérique pour le contre-espionnage du fait que sa mère, dont je porte le prénom, était Américaine. » Corinne avoue qu’elle avait de l’admiration pour ce père qu’elle adorait.
Devoir de mémoire
« J’étais très proche de lui. On partageait les mêmes idées pour ce pays, notre pays. Les livres, c’est un peu pour lui que je les ai écrits », confie-t-elle l’émotion à fleur de peau. Puis, notre écrivaine nous fera savoir qu’elle et sa famille étaient les rares personnes d’origine française à déambuler dans la Casbah. « Notre père nous racontait l’histoire tourmentée de cette citadelle. Il nous emmenait sur les remparts occupés par la soldatesque française, nous montrait la baie et nous racontait l’histoire de Charles Quint dans sa lutte contre les Ottomans, qui l’entraîne en Afrique du Nord. Les événements d’Europe l’obligent à renoncer définitivement à sa politique musulmane et méditerranéenne. Toutes ces péripéties m’ont marquée. Cela m’a travaillée et j’étais fascinée par l’histoire de cette ville. Quand j’ai voulu raconter cette histoire bien plus tard, après des recherches, j’ai trouvé beaucoup de choses inédites. Je me suis alors juré d’écrire le livre que je n’ai pas trouvé... J’ai appris que le contexte colonial a largement défiguré l’histoire de ce pays. Je me suis aperçue que les Algériens ne connaissaient pas leur passé. Je me suis appesantie sur le XVIe siècle en cherchant à savoir ce qui s’est réellement passé. J’ai procédé à des recherches, une thèse que j’ai faite toute seule. J’avais assez d’éléments pour écrire une histoire romancée de cette époque. C’est comme ça qu’est né Les Trente premières années de l’Etat d’Alger (1510-1541) qui dément la thèse selon laquelle l’occupant français n’a pas trouvé d’Etat algérien en 1830. » Lorsqu’on décortique le parcours personnel de Corinne, il nous suggère un lien généreux et humaniste à la société algérienne. Cet attachement, lui avons-nous demandé, ne s’explique-t-il pas par la conjonction de l’histoire familiale et son tempérament personnel forgé sans doute dès la petite enfance ? La réponse est immédiate. « C’est certain, car j’ai été élevée dans un milieu familial très ouvert. On ne m’a jamais appris que les ancêtres des Algériens étaient les Gaulois. On m’a toujours expliqué que l’Algérie était mon pays. Je l’aime et la réciproque est vraie. En 1962, quand il y a eu les accords d’Evian, invitant les Français d’ici à opter, je n’ai pas hésité à prendre la nationalité algérienne. Je ne voulais pas être étrangère dans mon pays. Sincèrement, je ne me voyais pas vivre ailleurs. L’Algérie, c’est le pays de mes ancêtres. Je ne peux nier la France, mais je n’ai aucune attache là-bas ! »
Un père attentionné
La référence à son père est sans doute un devoir de mémoire mais aussi une preuve d’amour. « Mon père était profondément persuadé de la nécessité d’indépendance et aimait la France. Il espérait une indépendance dans un cadre d’amitié. Les ultras le surnommèrent ‘‘le maire des Arabes’’. Ce qui n’a pas empêché l’autorité qu’il représentait de l’humilier. Lorsque de Gaulle après son discours au Forum d’Alger a invité les officiels au Palais du peuple, il a omis mon père, pourtant maire d’Alger. Mon père en a été profondément touché. Un seul homme a osé. C’est Mgr Duval qui est sorti de la réception et est venu réconforter mon père abattu après un tel affront. Quant à ses amis, ils se sont bizarrement éclipsés. » L’œuvre littéraire de Corinne, plus particulièrement l’incursion qu’elle fait dans l’histoire algérienne des XVe et XVIe siècles, souligne chez elle une jonction entre passé et présent qui peut être comprise comme une appropriation identitaire. Peut être est-ce là une réflexion sur la problématique des racines ? Cette vision des choses semble la surprendre, sinon la déconcerter. « Mon livre est vraiment dans le passé. C’est une démarche historienne de réappropriation, de redécouverte du passé et du souci de le faire partager. C’est un peu grandiloquent de ma part mais je veux rendre à mon pays, l’Algérie, ce que la France m’a enlevée. La France a laissé croire que les troupes françaises, lors de leur débarquement en 1830, n’ont pas trouvé de nation algérienne. C’est le début de la falsification de l’histoire. Avant 1830, il y avait des moments de gloire, trois siècles auparavant que j’évoque dans mon livre. C’est dire qu’il y avait une histoire avant l’histoire. Je vais vous raconter une anecdote : une de mes amies après avoir lu mon livre m’a appelée pour me dire : ‘‘Après lecture, j’ai l’impression que j’ai, enfin, un mur sur lequel je peux m’adosser.’’ Faire ainsi œuvre utile est une indicible satisfaction morale », résume-t-elle. Comme on a pu le constater, son travail d’écrivaine se distingue par une double insertion dans l’espace d’Alger et de la Méditerranée. Nous lui avons demandé en quoi ces sphères appartiennent-elles à un imaginaire universel. « La Méditerranée ? N’est-ce pas le centre culturel et civilisationnel du monde ? C’est le berceau de l’humanité, des religions. C’est le cœur du monde qui nous appartient à tous. Quant à Alger, El Djazaïr, c’est ma ville natale. C’est une ville magnifique qui, malheureusement, se détériore de jour en jour. Mais je pense qu’elle a été tellement gâtée par la nature qu’il est difficile de l’abîmer au plan esthétique. Elle reste une ville merveilleuse même si je déplore la façon dont elle est traitée. La Casbah, hélas, m’inspire une immense tristesse. Certes, elles a été défigurée par les Français en 1830 mais elle s’est encore dégradée depuis l’indépendance. J’en suis malade. Les maisons ne sont pas restaurées dans les normes requises. On a l’impression qu’on attend qu’elles partent à la mer. C’est inacceptable car il s’agit du cœur d’Alger, de son histoire, de sa mémoire. »
Alger, source d’inspiration
De son point de vue d’écrivaine, d’historienne, nous l’avons interpellée sur le rôle de l’intellectuel et comment celui-ci aide-t-il à l’éveil citoyen et à la complexité du rapport à l’histoire. A-t-elle le sentiment que ses romans ont permis à ses lecteurs de savoir d’où ils viennent et au public étranger de porter un autre regard sur l’Algérie ? Elle rebondit tout de suite : « Je le souhaite ardemment. Je serais heureuse et gagnerais beaucoup si mes livres aident à éclairer les enfants de ce pays. Les impressions que j’ai sont favorables et cela me conforte dans mes convictions. Je veux dire que dans un pays dont on a obstrué l’histoire, c’est une petite fenêtre dans laquelle il faut s’engouffrer. Mais attention, il ne faut pas leurrer les gens. Il faut que l’histoire soit établie sur des faits, des documents, des dates et des preuves, et basée sur une étude rationnelle et scientifique. » Son dernier livre La nuit du corsaire suscite chez elle un sentiment de fierté lorsqu’elle évoque les péripéties qui ont amené à la confection de cet ouvrage, on distingue une éclatante lueur dans ses yeux. Il est vrai que ce travail a nécessité d’énormes sacrifices auxquels sa famille, heureusement, a consenti. Elle s’en explique. « Les recherches m’ont pris 15 ans de ma vie. Ce roman est l’aboutissement d’un rêve. L’histoire d’Alger au XVIe siècle me passionnait et je voulais la conter d’une autre manière moins conventionnelle, moins rébarbative. » De quoi s’agit-il en fait ? Corinne a inventé le personnage principal de son roman, Djabber et sa famille algéroise. Djabber est un corsaire qui le devient malgré lui. Il s’est laissé entraîner par Barberousse qui lui communiqua l’amour de la mer et celui d’être corsaire. « J’ai voulu montrer qu’il y avait des corsaires algérois qui ont participé à la construction et à la défense de l’Etat algérien, sans être commandités par les Turcs. Barberousse, quant à lui, a eu le mérite de transformer la petite ville de pêcheurs et de commerçants qu’était Alger en un véritable Etat ! » Lorsqu’on demande à Corinne pourquoi elle n’a pas mis autant de cœur à écrire aussi sur l’histoire contemporaine, elle nous arrête net. « Je n’aime pas beaucoup le temps où l’on vit, c’est pourquoi, peut-être, je me réfugie dans le passé. C’est personnel. Et puis, les années passées n’ont pas été des années agréables avec leur lot de guerre, de terrorisme. Nous les avons en nous. Il se pourrait qu’un jour je me mette à écrire sur ce sujet pour témoigner et laisser une empreinte à mes enfants... »
Parcours
Corinne Chevallier est née en 1935 à Alger où elle vit depuis. Toutes ses études, elle les a effectuées dans la capitale algérienne. Elle commence par écrire un premier livre pour les jeunes, Des ruines, des chèvres, des bateaux. En 1986, elle publie à l’OPU Les Trente premières années de l’Etat d’Alger 1510-1541 et collabore en 1992 à la collection Histoires de l’Histoire de la maison Hatier, avec Prisonnier de Barberousse qui obtient le prix du roman historique pour la jeunesse de la ville de Nancy. En 2001, elle publie un roman La petite fille du Tassili chez Casbah Editions. Passionnée par l’histoire d’Alger, elle a effectué plusieurs voyages en France et ailleurs pour ses recherches notamment concernant la période du XVIe siècle. La nuit du Corsaire est son dernier roman qui relate la période du XVIe à Alger. Ce livre lui a pris 15 ans de sa vie. « C’est l’aboutissement d’un rêve », fait-elle savoir. Elle apporte un démenti à ceux qui prétendaient qu’il n’y avait pas de nation algérienne avant 1830. « Il y a l’histoire avant l’histoire », formule-t-elle subtilement. Mme Corinne est mère de 6 enfants.
Posté Le : 04/11/2014 Posté par : Slash Source : http://www.algeriepyrenees.com
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